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mercredi, 13 janvier 2021

Sun Tzu et Clausewitz - Guerre et politique

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Sun Tzu et Clausewitz

 

Guerre et politique

 

Irnerio Seminatore

 

Sun Tzu est une figure à la fois historique et légendaire, qui appartient à la Chine des royaumes combattants, celle du IVe siècle avant Jésus-Christ. Son identité est incertaine, sa biographie vide et la véracité de son œuvre contestée. Qui est donc Sun Tzu et pourquoi son actualité ? Mérite-t-il de figurer sur les frontons de gloires militaires et par là de nos maîtres à penser ? L’identité de Sun Tzu, quoiqu’incertaine, tire sa raison d’être de l’enseignement d’un grand texte, L’Art de la Guerre, qui est l’expression d’une philosophie de l’existence et la référence obligée d’une pensée, résumant les concepts essentiels d’une Chine septante fois séculaire.

s-l500.jpgSon actualité tient à la géopolitique mondiale et à l’importance croissante du pays de Chung Kuò sur le plan économique et stratégique, mais aussi à l’exotisme de formulations littéraires du texte, inspirant une tradition de savoir dont l’ambiguïté, comme celle des écrits de Lao Tse, est susceptible d’interprétations multiples. Par ailleurs, l’actualité de L’Art de la Guerre découle de la somme des dilemmes et des interrogations que les hommes de pensée et d’action doivent résoudre dans les drames individuels de leur vie, ou dans les engagements collectifs de leurs peuples ou encore dans les questionnements imposés par des situations graves, de danger existentiel et de menace imminente.

Étudié dans les écoles militaires occidentales, en particulier anglo-saxonnes, depuis les guerres révolutionnaires de la Chine, de l’Indochine et du Vietnam, comme source de réflexion stratégique, les options de Sun Tzu, leur niveau d’abstraction et leur rapport au réel sont davantage tributaires de la situation historique qui les a inspirés que d’une tradition militaire codifiée et spécifique. En effet, leurs leçons fondamentales sont d’ordre métapolitique et philosophique. Elles tiennent à l’idée que la guerre est une affaire aventureuse et aléatoire dans laquelle se joue la survie ou la mort des nations et que la réflexion qui la concerne doit être traitée avec élévation d’esprit et profondeur de jugement.

L’Art de la Guerre s’inscrit parfaitement dans la phraséologie combattante de notre époque, où la guerre classique, tout en se retirant du vécu quotidien, envahit les formes de communication les plus diverses, perçant dans les domaines de la vie civile, d’où elle avait été exclue sous l’apparence trompeuse d’un devenir pacifié de la scène mondiale. L’actualité de Sun Tzu s’inscrit parfaitement dans la logique des sciences économiques contemporaines, pensées en termes de compétition « hors limite ». En effet, l’idéologie du discours économique contemporain est pénétrée d’une terminologie guerrière, due pour une part à la dépolitisation du politique et pour l’autre à une guerre totale impraticable, mais omniprésente, celle d’une rivalité poussée à des formes de compétition sans règles. Cette actualité tient également à la fausse opinion que la guerre réelle s’identifie à la guerre économique. La guerre proprement dite, dans la pensée occidentale, est l’expression d’une lutte d’anéantissement, d’une antinomie éthique et de ce fait d’un « commerce sanglant », qui ne peuvent être réduits à une compétition marchande. La guerre économique, en revanche, tient à une opposition d’intérêts entre acteurs, zones et secteurs d’activités, dont le niveau d’innovation et de maturité relève de périodisations de développement différentes. Dans le sillage de cette deuxième interprétation, L’Art de la guerre devient un manuel pour des chefs d’entreprise et une référence, de lecture et de méthode, pour une stratégie de conquête des marchés. Ainsi, la Chine est vue comme le miroir inversé de l’Occident et L’Art de la guerre comme le modèle abstrait d’une militarisation de la société internationale et d’une dévalorisation parallèle des conflits sanglants.

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Au plan historique et dans l’empire du Milieu, à partir du VIe et Ve siècle avant Jésus-Christ, la guerre change complètement de nature, de méthode et de forme. Change en particulier la structure de l’organisation militaire, le sens du combat et le rôle du guerrier. C’est à cette époque que se modifie le rapport entre guerre et politique et entre politique et société. L’art chinois de la guerre est un art de l’oblique, qui prétend vaincre « sans ensanglanter la lame » en investissant le champ tout entier du politique et en dominant totalement l’adversaire, avant même le déclenchement du combat.

En Chine, la réflexion sur l’art de la guerre, en se hissant du savoir-faire militaire et du rapport de forces pur entre belligérants, tend à dépasser la sphère de l’affrontement violent et du conflit sanglant pour parvenir à la formulation d’une théorie globale du conflit qui s’étend à l’univers céleste et à l’ensemble du corps social.

Ainsi, la transformation de l’art de la guerre autour du Ve siècle, découle de trois mutations majeures :

  • la monopolisation et hiérarchisation de la violence, autrefois sacrificielle ;

  • la militarisation de la société chinoise de l’époque et la dévalorisation parallèle du guerrier, jadis noble et désormais piétaille ;

  • la transformation de la structure de l’armée, dans les mains de guerriers, investis, à l’époque archaïque d’une fonction aristocratique, mystique et de prestige, et au Ve siècle avant Jésus-Christ d’un rôle subalterne, au sein d’une armée de fantassins, encadrée sévèrement et tenu par un seul maître, commandant en chef ou souverain.

Au VIe siècle avant Jésus-Christ, la dévaluation des qualités guerrières, soustraites au privilège d’un exercice par définition mâle, s’accompagne d’une mutation des formes de combat, qui de rituelles deviennent réelles et de « viriles » (créditées du symbole du yang et porteuses de châtiments et de morts) deviennent « féminines » (cernées par le sceau du yin, emblème de la féminité) et marquées par la faiblesse, la souplesse et l’esquive. C’est ainsi que la victoire change de sexe et l’univers des combats devient un monde de stratagèmes, inspirés par le souci d’éviter l’affrontement et l’effusion de sang.

L’art du général s’inspire désormais de l’attitude du yin dans le cadre d’un conflit où l’issue de l’épreuve est d’induire un doute sur le statut du « fort » ou sur celui de la « force », eu égard au résultat du conflit. L’habilité suprême, selon les théoriciens de l’époque des royaumes combattants consistait à dominer un conflit par l’art de l’obliquité, en remportant la victoire par le détour de la violence ou par des affrontements peu meurtriers. Ce détour est tout autant diplomatie et stratégie, art de la subtilité et cruauté sélective. Il ne pourrait réussir, s’il n’était pas dominé par un postulat, la suprématie du pouvoir civil sur le pouvoir militaire, de la ruse sur la vaillance, de la manipulation et de l’intrigue sur la manœuvre, ou encore de la gesticulation guerrière sur l’attrition des forces.

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À l’époque où Sun Tzu rédige son traité, les combats constituent des immenses boucheries et les morts se comptent par centaines de milliers auxquelles se rajoutent des centaines de milliers de vaincus, qui sont égorgés ou passés par les armées. La Chine de l’époque baigne dans le sang, mais aussi dans l’intrigue et dans un univers de suspicion. Le jeu diplomatique est stimulé par des tractations secrètes, des démarches biaisées, des pièges et des ruses retorses. Sur le front, les massacres demeurent la règle et la ruine des pays un facteur d’hésitation dans l’engagement belliqueux face aux calamités et aux tragédies collectives. Les sept royaumes combattants, qui restent de la centaine des principautés de l’époque Tchéou, nouent des manœuvres et des alliances éphémères pour isoler leurs rivaux, les vaincre et s’en partager les dépouilles. Malheurs et souffrances sont partout. Si l’expérience nous enseigne qu’un pays affaibli devient une proie pour des rivaux prédateurs, l’alliance devient alors un moyen de politique qui permet de préserver sa survie. Ainsi, la ruse diplomatique, visant à renverser une alliance, est un but indispensable du jeu de puissance. Chacun doit redouter la trahison et à tout moment. La faiblesse et la suspicion encouragent l’intoxication et l’espionnage. L’influence au sein d’une cour étrangère permettra l’achat des conseillers du roi et l’orientation d’une coterie, dont dépendra la décision du prince et la conduite militaire de ses armées. Le personnel diplomatique de la Chine ancienne est constitué de véritables professionnels de la politique qui se vendent à l’ennemi et passent de prince en prince, au service d’autres souverains et d’autres entreprises. On ne peut s’attendre à aucune fidélité, car celui qui a déjà trahi peut encore trahir, en servant un autre prince ou en restant attaché secrètement à l’ancien. Deux comportements insidieux règnent aux cours des souverains de l’époque : la manipulation et l’intrigue. L’intelligence politique est une intelligence rusée. Elle se définit par la capacité de prévoir à long terme, d’épouser les mutations, de renverser des positions, de permuter les rôles qui transforment le yin (féminin) en yang (masculin) et le yang en yin, dans une dialectique permanente et cyclique. L’intelligence politique se doit donc d’être divinatoire. Cette mutation est perceptible par l’instauration d’une « mentalité indicielle », car, dans la lecture du futur tout est signe, indice et symbole. Elle doit viser les implications d’un acte, d’une trace, d’un détail. Le chef de guerre ou le souverain sont tels, s’ils sont capables d’interpréter le temps, de saisir l’occasion, d’exploiter la circonstance, de mettre la ruse au profit de l’imprévu. L’anticipation, visible dans un détail éphémère, y joue une fonction essentielle, car le combat qu’on livre dans l’immédiat, doit être lu dans l’intention de l’ennemi, par une sorte de la prescience. La faculté d’anticiper, de décider et d’agir avant l’éclatement du conflit doit étouffer dans l’œuf toute velléité de l’adversaire d’attaquer en premier. La pensée conjecturale est à la racine de l’attaque préemptive et celle-ci fonde une stratégie d’équilibre entre adversaires déclarés, si elle est partagée et à condition qu’elle le soit. Il s’en dégage ainsi une doctrine de la parade ou de la non-guerre, autrement dit une dissuasion réciproque, fondée, comme aujourd’hui, sur la prééminence stabilisatrice d’une politique sans combat, d’une stratégie de frappe en premier, qui exorcise l’affrontement permanent. Le principe de subjuguer sans frapper fonde celui de vaincre sans recourir aux armes. Dans une situation caractérisée par la guerre permanente et par un univers de traîtrise omniprésente se forge peu à peu une doctrine qui prétend conjurer les convulsions de la guerre, la désolation ou le chaos.

LE « LIVRE DES MUTATIONS ». FRAPPER LA TRANQUILLITÉ PAR L’IMPRÉVU ET L’ÊTRE PAR LE CHAOS

9782081309890.jpgLa subtilité du coup d’œil et la rapidité d’exécution décident de la réussite immédiate et à long terme. Elles fondent dans l’instant, l’esprit et l’âme de l’action du stratège. Voir, agir et vaincre le futur se dévoilent totalement dans l’instant, dans l’occasion fugace, dans la saisie d’un acte, dans un détail divinatoire. Voir, interpréter et agir exigent de passer par des manifestations infimes, par un coup de regard et une étincelle des yeux ! Il faut saisir toutes les implications d’un acte par une décision foudroyante ! Agir sur le futur, c’est acter dans les amonts du temps, c’est penser la durée dans l’instant, c’est troubler l’ordre absolu par l’irruption du chaos, c’est former par l’informe, dans toute la profondeur des temps. La victoire, dans l’ordre absolu, est le fruit de l’ordre intérieur, brisant la législation du prévisible. C’est frapper par l’imparable, portant atteinte aux vertus du paisible. C’est là que la lame scinde la lumière de ses origines et coupe le regard de l’homme pour le faire rentrer dans les ténèbres de la nuit et dans celles du vide. Dans la domestication de la guerre et des conflits permanents, quatre écoles mènent le jeu et orientent les solutions dans la Chine ancienne :

  • l’école des diplomates, pour qui le combat doit être mené dans l’esprit même de l’adversaire et au cœur de son mental. L’arme-clé y est celle de la parole, de l’engagement, de la conviction, du sophisme ;

  • l’école des confucéens, qui prônent la rectitude et la vertu, seules capables de subjuguer la guerre ;

  • l’école des légistes, porteurs d’un ordre despotique, en mesure de remporter des victoires à la faveur d’une discipline sans pitié, inspirée par la soumission des sujets à une législation sans concessions ;

  • l’école des stratèges, à laquelle appartient Sun Tzu, qui élabore une synthèse des trois écoles, limitant l’affrontement aux issues consécutives à l’échec des trois méthodes.

SUN TZU ET CLAUSEWITZ. L'ART DE L'OBLIQUITÉ ET DE LA RUSE, OPPOSÉ AU PRINCIPE D'ANÉANTISSEMENT

Si les opérations militaires sont au cœur de la réflexion stratégique, la manière de les concevoir et de les conduire change radicalement en Occident et en Extrême-Orient. Change par ailleurs la distinction entre stratégie et tactique et la conception, directe ou indirecte de la manœuvre et de l’affrontement. En Occident, Clausewitz choisit d’allier la connaissance et l’épée et donne une définition kantienne de la guerre, comme action guerrière fondée sur une idée-maîtresse, le principe d’anéantissement. L’ambition de la pensée occidentale en général, et celle de Clausewitz en particulier, est de saisir la guerre par le raisonnement logique, par des démonstrations géométriques et par des certitudes rationnelles. Or, si une manœuvre peut se concevoir dans l’abstrait, la guerre comme action se développe dans le réel et ce réel montre à chaque fois et dans toute situation des résistances imprévisibles.

Soumettre la guerre à la catégorie de l’entendement et du libre jeu de l’esprit a pour finalité de mieux saisir le réel, afin de mieux le soumettre à la volonté et ce réel, pour Clausewitz, est politique. La guerre est donc conçue comme une activité dont la finalité est de porter préjudice à l’ennemi et pas seulement de le tromper, car tout dans une guerre repose sur le combat, sur le principe d’anéantissement de l’ennemi et sur la suprématie de l’intelligence politique sur les moyens militaires. Ainsi, il doit y avoir une connexion logique entre stratégie et tactique, une connexion qui s’atténue dans la conception de Sun Tzu. En effet, chez Clausewitz, la « tactique » est l’« enseignement qui a pour objet l’emploi des forces armées dans le combat » et la « stratégie », l’« enseignement de l’emploi des combats dans l’intérêt du but de guerre ». En ce sens, « le combat est à la stratégie ce que le paiement en espèces est au commerce par traites ». Dans l’empire du Milieu, les théories de la guerre font de l’occultation de l’affrontement, et donc de l’évitement du combat, le fondement même des discours de la guerre. La réflexion chinoise sur la guerre présente des caractéristiques incantatoires. Elle est axée sur le rejet du face à face avec l’ennemi et la valorisation des procédés indirects, les ruses stratégiques, les subterfuges, l’action oblique qui n’impliquent pas la manœuvre ou l’ampleur du mouvement stratégique et de ce fait la concentration des forces en vue de l’engagement.

51wRTp1v6CL._SX333_BO1,204,203,200_.jpgOr, si la stratégie à l’occidentale suppose l’organisation des combats en fonction du but de guerre (Zweck) et l’investissement des forces dans l’espace en fonction des combats, la stratégie chinoise conçoit le fondement de la stratégie dans l’action indirecte, comme pratique intelligente de la ruse. L’intelligence rusée du chef de guerre construit sa victoire sur le mouvement de l’adversaire, dans l’esprit même de l’ennemi. Or, si tel est un objectif important de la conduite des opérations militaires, de quelle manière peut-on assimiler une opération militaire, en particulier celle du stratège à un art, à une activité de l’âme. Comment par ailleurs, peut-on construire une philosophie ou une théorie de cet art ? Or, puisque toutes les guerres réunissent trois caractères essentiels, la violence originelle, la libre activité de l’âme et l’entendement politique, comment concilier violence et politique et dans quelles conditions justifier, au nom de l’entendement politique, l’abandon du principe d’anéantissement ou de victoire, sur l’ennemi ? Et encore, là où la décision est inséparablement politique et militaire, comment justifier un abandon du combat, qui est le seul conforme à l’essence de la guerre et à son concept pur ? Si la guerre n’est pas une réalité autonome du politique (d’après Carl Clausewitz, « la guerre a bien sa grammaire, mais non sa logique propre »), quel est le sens d’une action guerrière qui s’oriente délibérément vers la manœuvre et vers l’action indirecte, tournant le dos à la bataille et au combat ? Et pour terminer, la série des questionnements inhérents au débat stratégique, comment réconcilier le caractère historique, conditionné et déterminé d’une guerre, liée à des circonstances conjoncturelles et aux intentions politiques des belligérants, aux modèles abstraits, philosophiques et anhistoriques des guerres absolues, seuls conformes au concept pur de guerre ? En son temps, Sun Tzu suggère de « construire sa victoire sur les mouvements de l’ennemi » et cette recommandation opère par le renouvellement constant de deux modalités du combat : de « front » ou de « biais ». Or, la « puissance de l’action de biais » repose sur des ruses, des surprises et des procédées indirectes qui relèvent de l’action tactique, qui ne font appel ni à l’organisation des armés sur le terrain ni à leur réunion en vue de l’engagement. Elles appartiennent aux procédés des manœuvres hétérodoxes et à la tactique plus qu’à la stratégie.

DISCOURS OCCIDENTAL ET DISCOURS CHINOIS SUR LA POLITIQUE ET LA GUERRE

Les traités chinois sur la guerre et les livres militaires de Sun Tzu s’adressaient aux princes et aux gouvernants, et non pas aux officiers et aux généraux. La guerre était un prétexte pour la théorisation de la « bonne gouvernance ». Au cœur de la réflexion de ces théoriciens ne se situait pas la manœuvre militaire ou le combat, mais la toute-puissance du prince et sa maîtrise de l’univers. Politique et métaphysique étaient donc les objectifs des analystes, au lieu et à la place du stratégique et du politique. En Chine, la sphère la plus élevée de l’abstraction cesse d’être un discours sur la guerre, pour devenir une spéculation sur le devenir entre les deux entités, de l’être et du néant. Les traités sur la guerre de cet empire occultent le cœur des préoccupations occidentales, l’affrontement, le combat, la lutte (Kampf), l’anéantissement, la percée et la bataille de front. Puisque dans la conscience et dans la philosophie chinoises ce qui n’a pas de forme domine le monde des formes, la force suprême d’une armée est sa ductilité polymorphe qui, à la manière de l’eau, enveloppe et évolue, sans épuiser le modelage infini des formes. La force tient au fluide, à la souplesse, à la capacité de transformation, à l’habilité manœuvrière de la troupe et du chef de guerre, au perpétuel mouvement du devenir, la véritable anima mundi.

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L’art de la transformation et du camouflage d’une armée, tiennent à sa « forme informe » à l’insaisissable et au fuyant, à la dialectique inexorable et incessante du yin (féminin) et du yang (masculin), aux infinies combinaisons des deux forces, régulières et extraordinaires, en quoi se résume le dispositif stratégique d’une armée. L’indescriptible chaos de l’univers se rend sensible par les capacités de démiurge du grand chef de guerre, à même de déployer une armée dans une virtualité pure. L’engagement d’une armée est ainsi un accouchement du chaos, un enfantement cosmique. Dans cette projection métaphysique de la guerre se réalise une identité fusionnelle entre les figures du chef de guerre et du créateur de l’univers. Ainsi, les niveaux de l’action sont triples, politique, militaire et cosmique. La totale assimilation du général et du Tao, dilue le « sujet » de l’action en une force universelle, totalement désincarnée, où la bataille n’est plus un combat ou un moyen d’anéantissement, et l’État ou le souverain, ne sont plus des forces de violence primordiales et originelles, mais des forces cosmiques, au sein desquelles le général est doté des attributs du souverain, qui a pour le modèle le ciel. Selon cette pensée la réalité se produit à partir de l’imaginaire et de la supériorité du néant sur l’être, car si « Toutes les choses sous le ciel naissent de l’être, l’être est issu du néant.

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Sun Tzu serait philosophe et uniquement philosophe, s’il ne s’occupait pas de la morphologie des théâtres de guerre où des hommes s’affrontent en fonction des difficultés du terrain. De nombreux éléments définissent l’influence du milieu sur l’homme, dans des conditions normales et encore davantage s’il est dans l’obligation de combattre. Après la « vertu », qui influe sur la cohésion entre le peuple et ses élites et le « ciel », caractérisé par l’alternance des saisons et de cycles, lunaires et solaires, le « milieu » exerce une influence déterminante, par deux autres éléments, l’inconstance du « climat » avec la chaleur et le froid, et les difficultés du « terrain », ouvert ou resserré. Toutes ces variables, qui doivent être connues à l’avance par le chef de guerre, afin de dégager une bonne tactique, permettront aux combattants de bénéficier des meilleures dispositions du milieu physique et d’en tirer parti.

De ce constat découle toute une série d’enseignements et de préceptes, établissant un rapport entre les données instables de la nature et la psychologie craintive des combattants. Sun Tzu discerne lui-même six types de terrain dont le général doit s’occuper. Sa classification fait également place aux espaces de manœuvre et à ceux qui sont favorables aux grandes batailles, de même qu’aux territoires praticables ou impraticables. D’autres auteurs, bien successifs à Sun Tzu, ont repris, en le paraphrasant, les conceptions relatives à la stratégie et à l’espace, ainsi que les caractéristiques permanentes de la stratégie et de la tactique militaire, que Sun Tzu sut présenter et résumer subtilement dans son court traité sur « l’Art de la Guerre ».

LE « DÉSARMEMENT DE L’ENNEMI » DANS LA PENSÉE CHINOISE

614uDXVkE2L._SX260_.jpgDans la conception occidentale de la guerre est exclu tout principe de « limite » qui, dans la stratégie chinoise, trouve sa forme elliptique dans le désengagement et la « fuite ». L’expression plus fidèle de la philosophie chinoise est celle du « Livre des mutations » dont les figures divinatoires offrent une représentation symbolique de l’univers et une référence aux forces qui y sont à l’œuvre. Ces représentations de la « science des mutations », sont liées, depuis les origines, aux arts martiaux, à la dialectique du Yin et du Yang, au sein de laquelle il n’y a pas de négation, mais de simple dépassement. Grâce à l’art divinatoire, il est possible de déchiffrer et de prévoir ce qui est encore en germe, par l’identification des traces ou des signes avant-coureurs, des mutations ou des évènements qui se dessinent. L’énoncé philosophique selon lequel « l’occulte est au cœur du manifeste et non dans son contraire » est au cœur du système d’interprétation de la réalité contenu dans le « Livre des mutations ». Le réel se définit par son instabilité et ses configurations transitoires. Il faudra en déchiffrer les formes et en appréhender le sens afin d’en tirer parti.

« La dureté se cache sous la douceur ». On gagne la confiance en tranquillisant l’ennemi et on complote contre lui en préparant l’offensive.

« Créer de l’être à partir du non-être ». Tous les êtres de l’univers sont issus de l’Être, l’Être est issu du non-être.

Ainsi, dans une pensée où la ruse est essentielle, l’art du divin comme l’art du stratège constituent la science ce qu’il advient. Scruter les signes est capital, car dans la maîtrise du futur où tout est signe et indice, ceux-ci dévoilent les secrets du temps, lisibles dans les hautes combinaisons stratégiques, qui exigent à chaque fois déchiffrement et interprétation.

Or, dans la pensée chinoise qui est mélange de religion et de sagesse, l’importance des temps fonde l’inaction taôiste, comme observation de l’immuable, et celle-ci se révèle dans la supériorité de la transcendance sur l’immanence et de la « ruse du temps » sur la « ruse de l’homme ».

Dans cette science des mutations, qui fut la matière première des lettrés, la « ruse » de guerre apparaît comme le produit d’une malice et la forme suprême de cette « ruse » est la « fuite » face à l’ennemi, les meilleurs des stratagèmes en cas de revers militaire.

Face à cette malice, le gagnant doit « laisser filer l’adversaire pour mieux le capturer », ou donner du mou à la laisse. C’est miner son potentiel offensif, émousser sa volonté de combattre et affaiblir son ardeur de réagir. C’est vaincre sans combattre, gagner sans « ensanglanter la lame », conformément à l’un des enseignements capitaux de l’« Art de la guerre ».

LE DÉSARMEMENT DE L’ADVERSAIRE DANS LA PENSÉE OCCIDENTALE

La philosophie de l’Occident, élaborée à partir de la Renaissance, partait d’un postulat capital : la certitude que derrière les formes et les phénomènes les plus divers de la vie, existent des lois qui gouvernent ces évènements. Ces lois sont à découvrir pour réduire les incertitudes et gouverner le devenir. Machiavel, en homme de la Renaissance, partageait l’idée selon laquelle l’homme pouvait dominer la « Fortuna », le hasard de la vie et de la guerre, et que, par la raison, on pouvait constater et dominer l’empire du profond inconnu.

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La vie et encore davantage la guerre, lui apparaissait comme un combat entre la raison, empreinte d’une discipline sévère, et la Fortuna, soumises aux variables caprices d’une déesse féminine. Les hommes de la Renaissance ne doutaient guère que la raison finisse par l’emporter et cette croyance dans la suprématie de la raison était la clé de leur admiration pour Rome et les institutions militaires romaines.

L’invincibilité des armées de Rome était la preuve que cette ville s’était donné la meilleure organisation que la « raison » pouvait concevoir. Ses institutions militaires étaient l’expression du principe universel qui gouvernera pendant longtemps toutes les institutions militaires du monde. À sa base, nous retrouvons le postulat selon lequel le succès d’une guerre et d’une opération militaire, dépend de la résolution d’un problème intellectuel, d’ordre rationnel.

Le terme de la stratégie ne faisant pas partie du vocabulaire de la pensée militaire de l’époque, mais la pensée stratégique venait de naître. Si la bataille demeure le facteur décisif d’une guerre, l’ordre de bataille constitue le point culminant de celle-ci. Ainsi, l’étude rationnelle du plan de bataille et de l’ensemble de la campagne, fonde les moments de préparation théorique, sur lesquels se greffent l’organisation du commandement et la formation intellectuelle du chef de guerre. On s’aperçoit, depuis cet âge d’optimisme et de rationalité, que la guerre n’est pas une science, mais un art, qui réserve une place décisive aux impondérables et à l’esprit d’initiative et d’aventure.

Or, l’importance accordée à la particularité de la guerre et de la bataille, le caractère personnel et unique de l’intuition et du commandement, associent Machiavel et Clausewitz, dont le trait commun est la conviction que la validité et la pertinence de toute analyse des problèmes stratégiques ou militaires, dépend d’une perception générale, une idée « juste » sur la nature de la guerre.

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Clausewitz rejetait l’esprit scientifique de l’époque de l’Ancien Régime qui ennoblissait le combat et refusait l’idée de la guerre comme acte de violence extrême, en attachant de l’importance à des manœuvres, dans le but d’éviter tout affrontement. Il affirmait clairement que le côté scientifique du combat est d’importance secondaire. Clausewitz, insistant sur la prééminence des facteurs immatériels et moraux, confirmait que, ce qui fait le génie est, dans la figure de l’homme d’action, une étroite symbiose de philosophie et d’expérience. À l’instar de cette traduction « continentale de l’Occident », prônant le concept de guerre absolue comme « acte de violence, poussée à ses limites extrêmes et destinée à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté », les penseurs « insulaires » (anglais) mettent l’accent sur le rétrécissement d’une stratégie « à sens unique » et, avec l’autorité d’un Liddel Hart, déclarent que « la stratégie doit réduire le combat aux proportions les plus minces possible ». L’accent mis sur le talent et la subtilité, rapprochent-ils ces théoriciens occidentaux et chinois, sur la préférence accordée à l’action indirecte, plutôt que directe ?

SUN TZU ET « L’ART DE LA GUERRE ».

LA « LUTTE MODERNE » ENTRE CLAUSEWITZ ET LIDDELL HART

Deux principes régisseurs inspirent l’« Art de la Guerre », selon deux maîtres de la stratégie, Sun Tzu (au VIe siècle avant l’ère vulgaire) et Napoléon, « Dieu de la guerre » selon Clausewitz et maître de la « brutalité extrême » et des « haines primaires » (à cheval entre le XVIIIe et le XIXe siècle en Europe) : Contraindre l’adversaire à abandonner la lutte et épargner l’ennemi en fuite pour le premier, en s’insérant dans le « dao » et en allant dans le flux, en s’adaptant aux conditions naturelles et aux circonstances. Battre l’adversaire par une méthode primitive et brutale, puis le poursuivre de manière impitoyable, et anéantir ses forces pour le deuxième. Il en ainsi pour l’école de ses héritiers occidentaux, en particulier ceux qui forgeront les conceptions et doctrines d’actions prusso-germaniques. En amont de ces deux principes, deux philosophies et deux visions de l’histoire, président à la définition sur la « nature » de la guerre, comme domaine primordial de l’existence sociale, ainsi qu’a la quête des lois des conduites belliqueuses. Une philosophie de l’inclusion et de la non-contradiction dans un cas, qui conçoit le renversement des rôles et des positions, selon une logique évolutionniste et organique, celle taôiste du yin et du yang et une dialectique de l’antagonisme et de la négation radicales, dictée par la « nature absolue » de la guerre, poussée aux extrêmes. Il s’agit de la négation radicale de l’adversaire, et d’une affaire révolutionnaire, là où la nation se réveille dans un engagement total, renversant les bornes naturelles des armées de métier et poussant à l’écrasement total des armées adverses. Utiliser la ruse et pousser l’adversaire à abandonner la lutte, laisser qu’il prenne la fuite, cela s’apparente à la « stratégie indirecte ». C’est autre chose que le détruire ou anéantir ses forces, par une stratégie de « percées centrales ». Une stratégie, qui selon le Mémorandum de 1905 de Schlieffen et ses réflexions antérieures, est conçue comme une bataille d’enveloppement contre les deux ailes de l’ennemi, afin de détruire sa liberté d’action. Dans le mode de combat de Sun Tzu., les sujets de l’ennemi sont intégrés à notre volonté et à notre autorité. Ils deviendront sujets de la cité et du pouvoir une fois la victoire assurée. Dans la stratégie occidentale, ils demeurent hostiles, car soumis à la loi nationale d’appartenance. Dans le cas de Sun Tzu il faut également s’interroger si le rapport de la guerre et de la politique est celui théorisé par Clausewitz, selon lequel les deux ont la même logique, quoiqu’elles n’utilisent pas la même grammaire, ni, forcément, la même philosophie d’action. Un autre aspect de la comparaison est de savoir si le rapport entre l’action militaire ou d’exécution, et l’action politique de décision et de direction, garde un contact étroit avec les opinions et les forces sociales, pour garantir l’unité des forces morales et le maximum d’efficacité, dans un état d’urgence, de mobilisation et de crise spirituelle. Trois autres éléments, sociologiques, philosophiques et historiques, influencent le caractère arbitraire de la comparaison entre stratégie chinoise et stratégie occidentale :

  • le premier est représenté par la notion d’ennemi, elle-même liée à celle d’incertitude ;

  • le deuxième au rapport entre offensive et défensive, influant sur la stratégie des percées centrales ;

  • le troisième, qui détermine avec la stratégie le succès des opérations militaires, est de tout temps la manœuvre tactique et il en découle que la victoire de la bataille est le produit de la mobilité ; celle-ci, dans le cas de Sun Tzu, est assurée par la tactique de la ruse et par l’esquive.

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La guerre commence, s’affirme et se termine par la destruction de tout système dogmatique de pensée. Elle résulte à chaque fois d’une percée d’abord intellectuelle. Or, le système dogmatique de nous jours, en Europe, consiste à émousser par le droit, l’économie, le scientisme et l’humanitaire, l’effet brutal de l’épée, du sang, de la destruction et de la mort. En effet c’est l’élément culturel qui constitue le concept d’ennemi et avec lui tout concept de guerre.

Sun Tzu et Napoléon vivent et agissent en deux périodes historiques dissemblables, mais qui ont un caractère commun, celui de troubles et de désordres publics. Pour Sun Tzu il s’agit d’une période (475-221 avant l’ère vulgaire) de violence et de chaos, engendrés par la lutte impitoyable et sanglante entre sept états qui aboutira en 221 après la défaite de l’État de Chu par Chin en 223, à la première unification territoriale et politique de Chung Kuo.

Les campagnes militaires par les États batailleurs pendant la période (770-446 avant Jésus-Christ) étaient de natures féodale et conquérante. Ceci n’atténuait guère leur caractère politique. En ce sens s’applique à cette ambition, l’idée que ces luttes visaient l’hégémonie continentale et la prééminence d’un État sur l’autre, justifiant l’énoncé que la guerre est un conflit de grands intérêts réglé par le sang, un acte de violence poussé à ses limites extrêmes et destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté.

LES ENSEIGNEMENTS DE SUN TZU ET DE CLAUSEWITZ PEUVENT-ILS ÊTRE DES RÉFÉRENCES DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI ?

Comment traduire aujourd’hui l’enseignement si éloigné, des pensées stratégiques chinoises et occidentales, emblématisées par Sun Tzu et Clausewitz dans des lectures de la scène internationale actuelle et donc dans des conceptions et des doctrines ayant un sens politique et une application opérationnelles dignes de ces noms. Quel est par ailleurs l’aperçu de ce monde actuel ? D’après une communication sur les « Grandes Puissances au XXIe siècle, « présentée à la conférence du « Forum des Relations internationales « de Séoul du 27 février 2007 » Karl Kaiser, l’auteur de cette communication, faisant état de l’environnement mondial, souligne l’ascension de l’Asie, en particulier de la Chine et de l’Inde.

Il met au premier plan l’importance croissante : des ruptures démographiques, affectant différemment les grands ensembles politiques puis l’immigration, comme phénomène central du XXIe siècle.

Quant aux aspects politiques, il souligne : les caractéristiques de la « nouvelle nature » de la violence.

Ensuite l’érosion du système de non-prolifération des armes nucléaires et le risque d’une acquisition élargie de ces capacités, par des États menaçant la stabilité mondiale.

Puis l’expansion de l’Islam radical et la menace du djihadisme, pour la plupart des grandes puissances.

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En termes de répercussions, il attire l’attention sur la pénurie des ressources, induite ou aggravée par le réchauffement climatique, engendrant l’émergence de politiques réactives à l’échelle internationale. Quant à la logique des grandes puissances qui ont dominé jusqu’ici l’ordre international, cette étude précise que la tendance vers un monde multipolaire, est marquée par une forte influence des USA, mais que leur suprématie n’est plus si nette ou évidente. Ce monde multipolaire émergent est soumis à une sorte de « soft balancing » de la part des puissances régionales montantes, réagissant, en contre-tendance, à toute politique de primauté. Cette évolution est déjà visible, mais elle n’infirme pas la considération de fond que la solution des problèmes majeurs exigera toujours une intervention ou un soutien américains. L’avenir du multilatéralisme, dicté par la dépendance mutuelle des grandes puissances sera un multilatéralisme de groupe, qui pourra jouer un rôle croissant, à la condition qui y soient inclus les grands acteurs du système mondial.

Ainsi, les trois questions qui se posent à ce sujet peuvent être formulées de la manière suivante :

  • Comment le multilatéralisme et ses deux formes de gestion collective, la forme civile ou « gouvernance », et la forme militaire ou « défense collective » - forme régionale de l’OTAN - peuvent-elles s’adapter à un monde de conflits et de désastres humanitaires ?

  • Comment une idée, celle d’une institution mondiale réunissant toutes les démocraties, peut-elle nuire à la réforme des Nations unies, paralysées dans leurs responsabilités politiques et dans leur action pacificatrice ou d’équilibre.

  • Comment, enfin, l’Europe peut-elle trouver sa voie dans son but de s’affranchir ou de ne pas décliner en pesant sur les décisions stratégiques des USA et sur les grandes affaires mondiales ?

Hier comme aujourd’hui, la réflexion sur la guerre est à la base de toute philosophie de la paix, car elle est à la source de tout questionnement sur le destin de l’homme et sur sa capacité à maîtriser sa force et son pouvoir illimités et ultimes depuis que l’homme, comme le rappelèrent Jaspers et Sartre, a été mis avec l’atome en possession de sa propre mort.

Bruxelles, 2009

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L'UE et les États-Unis - Entretien avec Tiberio Graziani

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L'UE et les États-Unis

Entretien avec Tiberio Graziani, président de Vision & Global Trends. Institut international pour les analyses globales

Ex : https://en.interaffairs.ru/article/eu-and-usa/

Quelle est l'attitude de l'Union européenne face aux événements aux États-Unis, y compris la prise du Capitole américain par les partisans de Donald Trump ?

En ce qui concerne la récente attaque du Capitole américain par les partisans de Trump, les dirigeants européens ont publiquement exprimé leur stupéfaction et critiqué cette action.

Au niveau national, les dirigeants politiques des principaux partis, même ceux considérés comme eurosceptiques, nationalistes et/ou populistes, ont crié au scandale, affirmant que l'attaque du Capitole américain était une attaque contre la démocratie tout court.

Une telle déclaration - attaque du Capitole = attaque de la démocratie - de la part des dirigeants européens et des hommes politiques, issus des différentes nations membres de l'Union européenne, mérite au moins deux réflexions.

L'une de ces réflexions a un caractère général : les dirigeants européens sont incapables de concevoir un type de démocratie différent du modèle démocratique libéral, c'est-à-dire du modèle que les États-Unis ont répandu et exporté depuis 1945 dans une grande partie de la planète et qui constitue la superstructure - à la fois idéologique et opérationnelle - du système occidental dirigé par les États-Unis. Du point de vue de la culture politique, cette incapacité fait que les positions et les intérêts exclusifs de Washington sont automatiquement privilégiés dans les décisions prises par les classes dirigeantes européennes et par leurs hommes politiques en matière de politique économique et sociale intérieure et en politique étrangère. Tout cela se traduit par des choix politiques qui - outre la non prise en compte des diverses identités culturelles propres et des intérêts spécifiques du Vieux Continent - à moyen et long terme pourraient s'avérer très négatifs pour la mise en œuvre de l'intégration européenne elle-même et l'évolution de l'UE dans un sens unitaire.

Une autre réflexion - plus attentive aux circonstances actuelles - concerne plutôt l'intérêt pratique de l’eurocratie de Bruxelles et des classes dirigeantes européennes en général qui ne cherchent qu’à plaire à la nouvelle administration qui sera dirigée à partir du 20 janvier par le démocrate Joe Biden.

Quelles seront les conséquences de la situation politique aux États-Unis sur les relations entre l'UE et les États-Unis ?

À long terme, il n'y aura pas de conséquences notables, à moins qu'il n'y ait des changements - actuellement non prévisibles - dans la direction actuelle de l'Union européenne. La politique de Bruxelles, par ailleurs, pourrait être influencée par le positionnement de certains gouvernements nationaux. En particulier, en ce qui concerne l'Europe centrale et occidentale, il faudra accorder une grande attention à la France, et dans une certaine mesure à l'Allemagne, pour ce qui est de la mise en œuvre des politiques étrangères individuelles de ces deux pays à l'égard de la Chine, de la Russie et de l'Iran. L'harmonie manifestée en certaines occasions entre Paris et Berlin, concernant leurs intérêts nationaux vis-à-vis de la Chine et de la Russie, pourrait aussi se refléter dans certaines décisions futures de Bruxelles à l'égard des deux puissances eurasiennes, décisions qui s’avèreront dès lors stratégiques pour son évolution : les États-Unis, évidemment, n'entraveraient pas de telles éventualités. Quant à l'Europe de l'Est, la situation semble moins claire, en raison des effets que les initiatives ambiguës et conflictuelles de Budapest et de Varsovie et leurs relations spéciales avec les États-Unis pourraient avoir sur Bruxelles. La Hongrie d'Orban, rhétoriquement critique de la vision libérale et démocratique de Bruxelles et, dans une certaine mesure, plus proche de la "doctrine de Trump", pourrait subir de lourdes "représailles" de la part de la nouvelle administration américaine, compte tenu de certaines "sympathies" existant entre Budapest et Moscou. En cas de "représailles", des processus qui pourraient conduire à une sorte de "révolution de couleur" sur le modèle de ce qui a été vécu en Ukraine, visant à éliminer Orban, ne peuvent être exclus. La Pologne, tout aussi critique de Bruxelles que de la Hongrie, reste cependant le "meilleur ami" des États-Unis en Europe : c'est pourquoi je ne pense pas qu'elle subira de "représailles" de la part de Biden. Au contraire, la fonction anti-russe et pro-ukrainienne de la Pologne sera renforcée par le nouvel occupant de la Maison Blanche.

Les relations bilatérales entre l'Union européenne et les États-Unis changeront-elles sous la présidence de Joe Biden et si oui, dans quelle mesure ?

Les États-Unis, même sous la présidence démocratique de Biden, ne changeront pas leur stratégie désormais séculaire à l'égard de l'Europe. Dans le cadre de la stratégie américaine, l'Europe est considérée comme une tête de pont jetée sur la masse eurasienne et sur le continent africain, notamment par l'intermédiaire de l'Italie : l'administration Biden restera donc fidèle à cette perspective, vitale pour la survie des États-Unis en tant que puissance mondiale. Dans cette perspective, il faut s'attendre à ce que la nouvelle administration soit encore plus affirmatrice que la précédente, qui était républicaine, à l'égard de Bruxelles et des États membres de l’UE. Il est probable que Biden prendra des mesures encore plus résolues que Trump pour contrer le projet russo-allemand North Stream 2 ou d'autres initiatives de partenariat similaires entre Moscou et Berlin mais aussi entre Moscou et Paris. Il est également réaliste de prévoir que Biden fera obstacle à tout type d'initiatives de partenariat euro-chinois, centrées, de diverses manières, sur le projet de la nouvelle route de la soie. À la lumière de cela, la contradiction entre les véritables intérêts européens et américains ne peut cesser d’exister que si l'Allemagne et la France mènent une bataille commune au nom de la refondation de l'Union européenne en tant qu'acteur indépendant dans le nouveau scénario mondial, apparemment polycentrique.

America First: 1939–1941

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America First: 1939–1941

thoseangrydays-200x300.jpgLynne Olson
Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941
New York: Random House, 2013

The idea of America First policy is back after a long hiatus. The first proponent for such a policy was none other than George Washington. He endorsed the idea in his farewell address [2], stating:

The nation which indulges towards another a habitual hatred or a habitual fondness is in some degree a slave . . . which is sufficient to lead it astray from its duty and its interest. Antipathy in one nation against another disposes each more readily to offer insult and injury, to lay hold of slight causes of umbrage…when accidental or trifling occasions of dispute occur. Hence, frequent collisions, obstinate, envenomed, and bloody contests.”

The president who took an opposing view [3] was John F. Kennedy:

“Let every nation know, whether it wishes us well or ill, that we shall pay any price, bear any burden, meet any hardship, support any friend, oppose any foe to assure the survival and the success of liberty.” (My emphasis.)

How the standard wisdom went from Washington’s concern for entangling foreign alliances to Kennedy’s declaration that he’ll bet the farm on the liberty of an ally occurred in the years between 1939 and 1941. The great issue was whether or not the United States should become involved in World War II.

How that debate occurred is documented by Lynne Olson’s [4] book Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941. The book is highly illuminating. The controversy was hot and heavy from the start of World War II in 1939 until the attack on Pearl Harbor. The quarrel split families, caused fistfights in Congress, and led to deplatforming and other forms of nastiness. When reading about the conflict, there is a raw sense of current events to it also.

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For example, how far does America go to protect an ally? If an ally is spying on one’s citizens, are they really an ally? Are “dictators” an automatic evil or are they a rational response to a nation’s foreign and domestic threats? How big should the military be in a time of peace? Are Jews full citizens or a separate people pursuing their own interests?

To Fight or Not to Fight

The two men that personified the struggle are Charles A. Lindbergh and Franklin Delano Roosevelt. Lindbergh, the first man to cross the Atlantic solo in an airplane, believed the United States should keep out of the war in Europe. Roosevelt was the chief interventionist. Or, more accurately, Roosevelt’s passionate supporters caused him to be an interventionist.

Lindbergh’s and Roosevelt’s mutual dislike went back to a controversy in 1934. Roosevelt wanted to end any appearance of impropriety involving airmail contracts to private aviation firms by using Army Air Corps aircraft to deliver the mail. Lindbergh argued that the Army’s aircraft were not suited to the role for technical reasons. After several crashes, Roosevelt went back to contracted aircraft. Lindbergh won his first round against the President.

In September 1939, the antipathy between the two men intensified when the British declared war on Germany for invading Poland. Lindbergh and the isolationists felt that the United States should stay out of the war. They were motivated by the unsavory end to the First World War.

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In brief, the United States had lent money to various Allied powers. Thus Americans were drawn into the conflict to protect their investments, then weren’t paid back anyway. World War I killed 500 Americans per day during the Meuse-Argonne Offensive, so the price for involvement was steep. The British also loaded armaments on passenger ships and flew the US Flag on these ships to deceive German U-Boats. When those passenger ships were sunk, Americans understood they were being manipulated by the British. Additionally, British propaganda about “The Hun” had been proven false before the 1920s were finished. Furthermore, there was a sense that the British were not an innocent party in the war — they were an imperialist power.

Shortly after the start of hostilities, Lindbergh argued for [5] an American policy along the following lines:

  1. An embargo on offensive weapons and munitions.
  2. The unrestricted sale of purely defensive armaments.
  3. The prohibition of American shipping from the belligerent countries of Europe and their danger zones.
  4. The refusal of credit to belligerent nations or their agents.

He further argued that the United States had an important racial connection to all of Europe that should not be forgotten in a time of increasing Japanese belligerence and other problems with non-whites.

Since Lindbergh was already a national hero, people took notice.

Meanwhile, there was a highly active pro-intervention group consisting of different factions with different backgrounds and motivations. Olson mentions Jewish pressure in Hollywood, but she doesn’t say much about Jewish influence in the Roosevelt administration. Olson also mentions “anti-Semites,” but puts them in the category of kooks rather than the serious thinkers that they were. Of that, Wilmot Robertson says,

Instead of submitting anti-Semitism to the free play of ideas, instead of making it a topic for debate in which all can join, Jews and their liberal supporters have managed to organize an inquisition in which all acts, writings, and even thoughts critical of Jewry are treated as a threat to the moral order of mankind. The pro-Semite has consequently made himself the mirror image of the anti-Semite . . . the Jewish intellectual who believes passionately in the rights of free speech and peaceful assembly for all, but rejoices when permits are refused for anti-Semitic meetings and rocks crack against the skulls of anti-Semitic speakers. [1] [6]

In addition to the organized Jewish community, several other groups supported American involvement in the conflict. Some were American Anglophiles who were prominent in New England. There was also a sub-set of men who can be called the Plattsburg graduates.

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The Plattsburg graduates were upper-class Americans who had attended military training in Plattsburg, New York in 1915. These men went on to become officers during the First World War. They were not isolationists so much as men wishing the nation be prepared for conflict should it come. Although they had some training, many of their enlisted soldiers were rushed into battle with only two days’ training. Since they were prominent men as well as veterans, people took notice of their ideas. They pushed for enlarging the armed forces in 1940.

A First Look at the Isolationists’ Problems

The isolationists’ main problem was that the German point of view was never well-received by Americans. The fact that Hitler was greeted with flowers in Austria, the Sudetenland, and other parts of German-speaking Europe just didn’t register. Instead, the public felt that Nazi Germany was an enormous threat. The German American Bund, a pro-Nazi group based in New York City, were painted as “fifth columnists” in the media. German books and publications that stated their case didn’t sell.

Fascist optics have never worked in America.

Interventionist Dirty Tricks and Metapolitics

The pro-interventionist faction had two things going for them: dirty tricks and great metapolitics. The British government focused on intelligence gathering on isolationists, German diplomats in the US, and German sympathizers. This included wiretapping as well as infiltration of spies by the British, the FBI, and private groups like the Jewish Anti-Defamation League (ADL). The ADL didn’t use Jews as spies; they found whites to do the job.

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Other than a few exceptions, most isolationists had no connection to any foreign government and they weren’t able to draw upon organizational resources or any government to do the same to their enemies.

The dirty tricks weren’t as important as metapolitics:

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One of the best metapolitical leaders for intervention was Robert E. Sherwin [9], a playwright who came to believe that America should enter the war. Many of his plays were made into influential pro-intervention movies. Some of the outstanding movies based on Sherwin’s work were:

  • Waterloo Bridge [10] (1940): This is a fallen woman/romance story that made the British look cool.
  • Abe Lincoln in Illinois [11] (1940): “The implied comparison of America’s dilemma in the 1850s to that in the late 1930s was clearly understood by the play’s audiences. Heywood Broun of the New York World called Abe Lincoln in Illinois “the finest piece of propaganda ever to come into our theater. . . . To the satisfied and the smug, it will seem subversive to its very core. And they will be right. . . . It is the very battle cry of freedom.” [2] [12]

Pastor-Hall-images-94004dff-57c6-41b4-a00a-ed9815faef8.jpgOther pro-intervention movies were:

  • Pastor Hall [13](1940): This film tells the story of a Christian minister put in a Nazi prison camp. It is probably more fiction than fact.
  • That Hamilton Woman [14] (1941): Starring Vivian Leigh, it compares Hitler to Napoleon and endorses war against dictators.
  • Mrs. Miniver [15] (1942): This film follows the life of a happy upper-middle-class English family that participates in the Dunkirk evacuation and the following Battle of Britain. It is the best of the pro-war films of the early 1940s.

No Hollywood movies were portraying the Communists in Europe during the 1920s and 30s in a poor light. There was nothing about Germans stranded in dysfunctional new Eastern European nations following the collapse of the Austro-Hungarian Empire. There was nothing about Bela Kun, Soviet atrocities, or Gulags. The pro-intervention movies were “propaganda with a very thick coating of sugar.” [3] [16]

An Incident Was Inevitable . . .

By late 1941, the Battle of Britain was over, but the Roosevelt administration had drafted many young men into the armed forces where they trained with wooden rifles or trucks labeled “tank.” Morale was low, and the economy had not shifted to producing war equipment. Meanwhile, Roosevelt also adopted the Lend-Lease Policy. This allowed the British to get American aid, and it effectively made America a British ally, albeit a non-belligerent one.

By this point, Lindbergh felt that war was inevitable. It was only a matter of time before some incident would draw the United States into the fray. On September 11, 1941, Lindbergh decided to deliver a speech [17] explaining which factions had pushed America into a corner. He identified the three factions as the British, the Roosevelt administration, and the Jews. The Des Moines speech was entirely true, and it led to an explosion in the national conversation. Any criticism of Jewish interests carries the charge of anti-Semitism. [4] [18] Olson argues that the speech caused the American public to focus on Jewish issues rather than avoiding entry into the conflict.

The incidents were already on the way, though, so it hardly mattered. The US Navy was escorting merchant ships to Britain as far as Iceland, and the USS Greer had already fired shots at a German U-Boat.

Between September and December 1941, the isolationists retained a solid grip on the public mind and confined pro-war activists a great deal. Wrinkles from the USS Greer incident could be smoothed over. Then isolationist newspaper, the Chicago Tribune, owned by the isolationist Robert R. McCormick, published a leaked War Department plan to fight Germany. Ironically, the plan was created by a pro-German American army officer, Albert Coady Wedemeyer, and it was used when war came. The leak was probably made by US Army Air Forces General “Hap” Arnold.

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Then came Pearl Harbor.

In the wake of the devastation in Hawaii, the isolationists admitted that the United States had to go to war — with Japan. And the President agreed with them. The US only declared war on Japan. It was Hitler who declared war on the United States following the attack. Had that not occurred, it is highly likely that America would have cut aid to England and Russia and focused on the Pacific. The conflict in Europe would have played out far differently.

Charles Lindbergh spent the war as an industry consultant. He ceased criticism of Roosevelt and became a test pilot and aircraft developer. The pro-German Wedemeyer helped the invasion of Normandy and became a general officer. Other prominent America First activists joined the war effort and did heroic service. One of them, Gerald Ford, eventually became president. Another isolationist who became president was John Kennedy. Indeed nearly all the isolationists turned out to be heroes later, but most had to “disavow,” to a degree, their previous activism.

The far-Right of the isolationists, William Dudley Pelley and Laura Ingalls [19] (the aviator, not the girl from Little House on the Prairie) (photo) were sent to jail for a time under trumped-up charges.

Laura_Ingalls_aviator_2a.jpgAmerica First and isolationism still matter. Indeed, the isolationists were not proved wrong. They could claim that they had kept America neutral until it was attacked by a treacherous foe. They did, however, make mistakes that can be discussed in retrospect.

Isolationist Failings 

The Second World War was not caused by Hitler, it was caused by the reaction to his rise to power. Hitler was greeted with the same hysteria by the same sorts of people that got hysterical over Trump. Hitler’s movement could have been tempered by the ordinary workings of the representative government, but an Antifa mattoid burned down the Reichstag, allowing Hitler to assume emergency powers.

Additionally, the British drew the red line against Hitler in the wrong place. It should have been drawn between Germany and France and Germany and the Low Countries. Instead, it was drawn at Poland. Once the British and French drew the line in Poland, it was only a matter of time before the United States was involved due to the many ties between the two nations. In the end, isolationism came apart when the Japanese attacked Pearl Harbor.

There was also never creative output on the part of the isolationists that matched the pro-war effort. Anne Lindbergh’s book that supported America First ideas, The Wave of the Future, was difficult to understand. Futurist books are always iffy. In addition to good movies, the interventionists had Dr. Seuss as a cartoonist who portrayed isolationists as ostriches with their heads in the sand. There were also many pro-intervention newspaper editors and reporters.

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America’s Yankee elite was terribly divided. Yankees from the Mid-West tended to support isolationism. Those in New England wanted preparedness, if not outright interventionism. Meanwhile, the hostile organized Jewish community was united in pushing for war. Therefore, criticism of Jews as war agitators could be balanced by many examples of blue-blooded Northeastern WASPs who were members of Jew-free country clubs that supported interventionism.

Epilogue

The isolationists did shape policy to such a degree that the British paid a dear price for World War II. To get the Lend-Lease Act passed, Roosevelt pressured the British government to sell large British holdings in the United States. [5] [20] This action was repeated enough times that by the end of the conflict, Britain had debts and no assets to generate income to pay the debts. Additionally, the Labour Party made several poor economic decisions after they came to power at the end of the war. The British were the richest and most powerful people in the world in 1914. By the winter of 1946, the British were on food rations and they were suffering a coal shortage.

The isolationists were also not wrong about Jewish and Communist influence on American policy. In the aftermath of World War II, the political Right in Hollywood organized a blacklist and removed the worst of the lot. American cultural products flourished afterward. The music, movies, and television of the 1950s remain the gold standard. Consider that there are TV channels devoted to shows from the 50s and early 60s, but none replay the 1980s sitcom Head of the Class or the late 1970s’ Welcome Back Kotter. The America First Right also used the various tools — anti-subversion acts, anti-totalitarianism measures, et cetera that were designed for use against American “Nazis” — against Communists.

The interventionists were right about other things too. It became standard wisdom that “dictators” were always a threat, and Hitler could have been “stopped at Munich” before the war. Events in Iraq, Egypt, and Libya during the Arab Spring have proven that anarchy is far worse than “dictators.” Furthermore, stopping “aggression” at some figurative “Munich” is not always a viable option. Those who escalated the Vietnam War genuinely believed they were stopping a “Hitler” at the “Munich” of South Vietnam.

The questions raised by the America First and isolationist movements remain valid today.  How far should America go to support an ally? How can we take sides in far-off wars involving nations with vastly different cultures than our own? How big should America’s military be? When is the right time to get involved?

Notes

[1] [21] Wilmot Robertson, The Dispossessed Majority (Cape Canaveral, Florida: Howard Allen Press, 1981), p. 187.

[2] [22] Ibid., 109.

[3] [23] Ibid., 409.

[4] [24] One of Lindbergh’s supporters during this time was Kurt Vonnegut. He would go on to serve in the Battle of the Bulge and was a prisoner of war in Dresden when it was firebombed in 1945. Vonnegut would go on to write Slaughter House Five, perhaps one of the greatest anti-war works of literature.

[5] [25] For further reading on this matter, I suggest The Last Thousand Days of the British Empire (2009).

Article printed from Counter-Currents: https://counter-currents.com

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[1] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2021/01/thoseangrydays.jpeg

[2] farewell address: https://www.ourdocuments.gov/doc.php?flash=true&doc=15&page=transcript

[3] an opposing view: https://www.jfklibrary.org/archives/other-resources/john-f-kennedy-speeches/inaugural-address-19610120

[4] Lynne Olson’s: http://www.lynneolson.com/

[5] argued for: http://www.charleslindbergh.com/americanfirst/speech3.asp

[6] [1]: #_ftnref1

[7] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/10/HERES-THE-THING-scaled.jpg

[8] here.: https://counter-currents.com/2020/10/heres-the-thing-selected-interviews-vol-2/

[9] Robert E. Sherwin: https://www.imdb.com/name/nm0792845/?ref_=ttfc_fc_wr4

[10] Waterloo Bridge: https://www.imdb.com/title/tt0033238/fullcredits?ref_=tt_ov_wr#writers/

[11] Abe Lincoln in Illinois: https://www.imdb.com/title/tt0032181/

[12] [2]: #_ftnref2

[13] Pastor Hall : https://www.imdb.com/title/tt0032894/

[14] That Hamilton Woman: https://www.imdb.com/title/tt0034272/

[15] Mrs. Miniver: https://www.imdb.com/title/tt0035093/?ref_=nv_sr_srsg_0

[16] [3]: #_ftnref3

[17] deliver a speech: https://modernhistoryproject.org/mhp?Article=Lindbergh1941

[18] [4]: #_ftnref4

[19] Laura Ingalls: http://wesclark.com/burbank/ingalls.html

[20] [5]: #_ftnref5

[21] [1]: #_ftn1

[22] [2]: #_ftn2

[23] [3]: #_ftn3

[24] [4]: #_ftn4

[25] [5]: #_ftn5

Aspects de la stratégie maritime américaine

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Aspects de la stratégie maritime américaine

Par Giuseppe Gagliano

Ex : https://moderndiplomacy.eu

Partons d'une prémisse qui devrait être tout à fait évidente d'un point de vue stratégique : toute stratégie maritime, qu'elle soit anglaise - du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre mondiale - ou américaine, est nécessairement une stratégie à long terme et nécessite donc des investissements à long terme tout en cherchant où il est possible d'anticiper les défis futurs. Nous pensons à cet égard aux porte-avions nucléaires de la classe Gerald Ford dont la première série devrait être mise en place l'année prochaine. Si les États-Unis ont décidé d'investir des ressources importantes pour la projection de leur puissance maritime, cela résulte de la nécessité de consolider leur puissance navale, consolidation qui est possible à la fois grâce à la puissance économique et financière dont ils disposent au moins jusqu'à aujourd'hui et grâce à l'innovation technologique. (pensons par exemple au fait que les Etats-Unis sont le seul pays à construire des catapultes pour les porte-avions à pont plat et au fait qu'avec la nouvelle classe de porte-avions Ford, la marine va se doter de catapultes électromagnétiques qui pourront augmenter d'environ un tiers les capacités actuelles des catapultes).

Bien entendu, des investissements aussi importants pour les porte-avions ne sont certainement pas accidentels, car ceux-ci jouent un rôle fondamental dans la dissuasion traditionnelle - à la fois dans le sens où ils peuvent menacer d'une intervention armée en cas de crise - et de la dissuasion nucléaire, dans la mesure où les avions qui quittent les porte-avions sont équipés d'armes nucléaires, bien qu'à faible potentiel. Ils jouent donc un rôle dissuasif très important. En bref, le porte-avions permet de recourir à une dissuasion graduelle ou souple.

Mais pour que la puissance navale américaine soit effectivement consolidée - notamment dans le cadre de l'espace indo-pacifique donc en fonction de l'endiguement de la Chine - aujourd'hui comme hier (on fait allusion à la guerre froide), les infrastructures militaires américaines présentes dans les principaux carrefours stratégiques au niveau mondial lui permettent d'exercer efficacement sa puissance navale : le renforcement du partenariat militaire avec le Japon, la Corée du Sud, Taiwan et les Philippines doit être lu comme un intérêt renouvelé de la part des Américains pour le rôle fondamental de la puissance navale. Toutes ces raisons réunies ne peuvent que nous amener à définir les États-Unis comme une véritable thalassocratie moderne.

Ce n'est pas un hasard, en revanche, si l'administration Obama a tourné son attention vers l'Asie de l'Est et du Sud à partir du constat que l'avenir du monde se joue dans ces environnements géopolitiques.

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En effet, sur le front de la concurrence économique avec la Chine, le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) a été signé en 2016, un traité auquel ont adhéré - entre autres - Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour, le Vietnam, à l'exclusion de la Chine. Barack Obama a défini son programme de politique étrangère, appelé "La doctrine Obama", en rejetant l'isolationnisme et en soutenant le multilatéralisme. En d'autres termes, Obama a explicitement poursuivi la tradition de réalisme incarnée par Bush "senior" et par Scowcroft : les interventions militaires, trop souvent soutenues par le Département d'Etat, le Pentagone et les think tanks, ne devraient être utilisées que lorsque l'Amérique est sous une menace imminente et directe. Dans un environnement où les plus grands dangers sont désormais climatiques, financiers ou nucléaires, il appartient aux alliés des États-Unis d'assumer leur part du fardeau commun. Tout en convenant que les relations avec la Chine seront les plus critiques de toutes, son programme politique souligne que tout dépendra de la capacité de Pékin à assumer ses responsabilités internationales dans un environnement pacifique. Si elle ne le fait pas et se laisse conquérir par le nationalisme, l'Amérique devra être résolue et prendre toutes les initiatives visant à renforcer son multilatéralisme dans la fonction d'endiguement anti-chinois. Il est donc très probable que l'actuel président américain Biden mène une stratégie de cette nature.