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samedi, 27 février 2021

La grande stratégie de l'Allemagne en matière d'hydrogène

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La grande stratégie de l'Allemagne en matière d'hydrogène

Andrea Muratore

Ex : https://it.insideover.com

Des investissements publics et privés pour accélérer la conquête de la frontière technologique et de ses applications industrielles et productives concrètes : l'Allemagne, dans le cadre des plans de lutte contre la crise pandémique, pose les bases d'une restructuration de son appareil de production. Et si, d'une part, cela implique d'adhérer à de grands plans stratégiques d'envergure européenne sur la souveraineté numérique, le cloud et l'innovation, d'autre part, le gouvernement d'Angela Merkel, qui s'apprête à passer, après les élections de l'automne prochain, à un exécutif dans lequel la CDU pourrait s'allier aux Verts, a bien en tête les défis de la transition énergétique et la recherche de nouvelles sources propres pour alimenter le transport, l'industrie et la production d'électricité. Dans ce contexte, Berlin mise beaucoup sur les technologies centrées sur l'hydrogène.

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Dans le cadre de la stratégie nationale présentée l'été dernier, le gouvernement a jugé bon de fixer des objectifs précis, visant à ce que l'Allemagne construise une capacité d'électrolyse de 5000 mégawatts (MW) d'ici 2030 et de 10.000 MW d'ici 2040 pour produire le nouveau combustible. L'objectif est de faire de l'Allemagne le premier fournisseur mondial de cette source d'énergie propre en mettant sur la table des investissements de 9 milliards d'euros et, selon le quotidien italien Repubblica, "deux des neuf milliards alloués seront destinés à des partenariats internationaux pour l'approvisionnement. L'idée est de créer un système délocalisé dans les pays du Golfe et en Afrique du Nord en utilisant l'énergie solaire pour alimenter les centrales de production".

Quels sont les objectifs de l'Allemagne? Tout d'abord, construire une chaîne complète d'approvisionnement en hydrogène, en partant des machines d'électrolyse et en arrivant à la construction d'usines fonctionnelles capables d'alimenter des technologies de grande consommation tant en termes d'applications industrielles que dans le domaine des transports. Sur le plan de l'ingénierie des centrales, la conversion des centrales à charbon en centrales de production de cette source moins polluante et plus efficace est envisagée : Par exemple, la collectivité locale de Hambourg, ‘’Warme Hamburg’’, pense, en synergie avec la société suédoise qui la possède, ‘’Vattenfall’’, et deux partenaires industriels (Shell et Mitsubishi Heavy Industries), à proposer aux autorités de la ville et au gouvernement la reconversion de la méga centrale au charbon de Moorburg, près de Hambourg, qui ne fonctionne que depuis six ans, compte tenu du retrait total de l'Allemagne du charbon en 2038.

Dans le domaine des applications industrielles, il faut souligner la possibilité de construire une part croissante de trains, d'autobus et, à l'avenir, de véhicules privés fonctionnant à l'hydrogène, mais surtout l'utilisation du matériau le plus léger du tableau périodique en tant que matière première pour l'une des industries clés du pays, l'industrie sidérurgique, qui, à l'échelle mondiale, s'oriente vers une durabilité croissante. Thyssen Krupp étudie des projets de grande envergure en synergie avec Steag, la société énergétique allemande, pour fournir de l'hydrogène à son usine sidérurgique stratégique de Duisburg.

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Mais il peut également y avoir des effets en cascade sur l'équilibre de l'énergie européenne : il est encore difficile d'imaginer, par exemple, quelles pourraient être les futures relations politiques et économiques entre l'Allemagne et la Russie si le gaz naturel (fourni à profusion par Moscou à Berlin) était ajouté au bouquet énergétique allemand, une source générée par les chaînes d'approvisionnement internes. Il est clair que des gazoducs tels que le Nord Stream 2 ne disparaîtraient pas de la scène et pourraient même redevenir utiles grâce à une application à double usage pour transporter et acheminer l'hydrogène également.

L'Allemagne a compris que dans le contexte des changements de paradigmes technologiques, la bataille porte sur les chaînes de valeur et leur contrôle, et que par conséquent, la mise en place de normes technologiques et d'applications opérationnelles de référence au niveau européen et mondial crée un avantage concurrentiel de grande envergure. En ce sens, il ne faut pas sous-estimer le rôle stratégique de l'Institut Fraunhofer, un organisme de projection de l'intervention publique en faveur de la recherche et du développement technologique pour les petites et moyennes entreprises, qui représente légalement un organisme public à but non lucratif financé par l'État fédéral allemand, les Länder et, en partie, par des contrats de recherche.

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"En plus du travail à façon", note M. Domani, l’Institut Fraunhofer "vise également à acquérir un ensemble de brevets dans des domaines d'application industrielle future qui seront mis à la disposition des petites et moyennes entreprises allemandes", représentant en ce sens un accélérateur technologique qui, dans des secteurs tels que celui de l'hydrogène, où l'innovation se produit à un rythme rapide, est fondamental. D'autant plus si l'on considère que l’Institut Fraunhofer reste souvent propriétaire des licences acquises : récemment, sur le front de l'hydrogène, une pâte spéciale a été brevetée qui permet une conservation plus facile et un stockage plus pragmatique du carburant piégé.

Un exemple de percée technologique née d'une synergie public/privé, une vision à laquelle même des pays comme le Japon s'adaptent et où l’Italie peine à décoller. En Italie, pour rester dans le domaine de l'hydrogène, la course est menée par quelques grands acteurs consolidés (de Snam à Saipem, d'Eni à Edison) et une chaîne de petites et moyennes entreprises doit être soigneusement construite pour permettre au pays de ne pas être à la traîne dans une course à laquelle Berlin participe activement. La fondation Enea Tech, créée en novembre dernier grâce au Fonds de transfert de technologie mis en place au ministère du développement économique avec une dotation de 500 millions d'euros, peut être la clé de voûte de la planification stratégique dans les domaines frontières: et la logique du système, dans le domaine de l'hydrogène, doit être surveillée de près, étant donné que son développement combine la dynamique énergétique, les questions environnementales, la consommation privée et l'industrie. Un "laboratoire" des futures révolutions technologiques et des changements de paradigmes qui animeront un monde de plus en plus complexe.

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