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dimanche, 14 mai 2023

Maladie en phase terminale

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Maladie en phase terminale

par Andrea Zhok 

Source : Andrea Zhok & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-malattia-terminale 

L'exclusion du physicien Carlo Rovelli de la cérémonie d'ouverture de la Foire du livre de Francfort, à laquelle il avait été invité, fait des vagues. La faute de Rovelli est d'avoir contesté, de manière certes argumentée, les choix du gouvernement concernant le conflit entre la Russie et l'Ukraine.

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Figurant jusqu'à hier parmi les "accrédités" du système médiatique, Rovelli a même fait sourciller la bourgeoisie semi-cultivée, les lecteurs des journaux Corriere et Repubblica et la faune apparentée. Malheureusement, ce segment influent de la population ignore complètement la gravité de ce qui se produit depuis un certain temps, comme une tendance souterraine, continue et capillaire.

Il y a une ligne rouge continue qui s'effiloche dans la gestion de l'opinion publique occidentale depuis des années et qui s'est accélérée depuis 2020. C'est une ligne qui n'est parfois visible qu'en surface, comme dans la persécution d'Assange (ou de Manning, ou de Snowden, etc.) jusqu'à des censures mineures, comme celle qui fait aujourd'hui la une de l'actualité. La signification profonde de ce mouvement souterrain est très claire: la recherche de la vérité et la gestion du discours public en Occident sont désormais des options incompatibles.

Rovelli est accusé d'une chose impardonnable, à savoir d'avoir trahi son appartenance au cercle de ceux qui sont honorés par les élites du pouvoir, en les mettant dans l'embarras. Cela ne peut et ne doit pas se produire. Aujourd'hui, le discours public oscille entre deux pôles, d'un côté la polémique inoffensive et auto-extinguible sur l'ours ou le ragondin du jour, de l'autre la fourniture de munitions à la ligne dictée par le patron, c'est-à-dire par la chaîne de commandement dirigée par les Américains, derrière le char - de moins en moins triomphant - auquel nous sommes attachés.

Pour les vérités dévoilées, celles qui sont les plus lourdes et les plus dangereuses, l'ordre de détruire est en vigueur, comme le montre le cas d'Assange dont la vie a été annihilée pour servir d'exemple et d'avertissement à tout autre sujet éventuellement enclin à la paranoïa. Pour les insubordinations mineures (Rovelli, Orsini, etc.), il suffit de tomber en disgrâce auprès des courtisans, ce qui se répercute en censure, en chantage silencieux et mesquin, puis en discrédit, en blocage de carrière, etc.

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Tout cela est condensé en une leçon fondamentale, une leçon implicite que tout notre système de formatage des esprits, journaux, télévision, écoles, universités, etc. met en œuvre consciemment ou inconsciemment: "Tout ce qui est discours public est essentiellement faux."

C'est la leçon que les jeunes reçoivent très tôt et dont ils tirent toutes les conséquences en termes de désengagement et d'aboulie. Cette leçon n'échappe que partiellement à une partie de la population moins jeune, chez qui l'illusion des aspirations passées ("participation", "démocratie", etc.) est encore vivace.

La "réalité" dans laquelle nous baignons fonctionne cependant selon le syllogisme infaillible suivant :

1) Tout ce que nous avons en commun en tant que citoyens, en tant que demos, c'est le discours public alimenté par les médias ;

2) Mais ce discours public est désormais purement et simplement faux (ou carrément faux, ou composé de fragments de vérité bien choisis, fonctionnels pour créer un effet émotionnel désiré);

3) Par conséquent, il n'y a plus de démos possible, plus de discours public possible, et donc plus de levier pour une action collective visant à changer quoi que ce soit. Mettez vos cœurs en veilleuse, sauvez ce que vous pouvez.

Dans ce cadre, d'ailleurs, se détache avec intérêt l'attitude des super-diffuseurs de mensonges certifiés, des pontes-gourous de l'information et du pouvoir, très actifs dans la dénonciation de toute hétérodoxie malvenue, posée comme "fake news". Nous sommes donc confrontés à un spectacle à la fois comique et répugnant où les commandants des cuirassés de l'information appellent au naufrage péremptoire des canots sociaux qui ne bénissent pas assez l'altruisme de Big Pharma, qui ne sont pas tendres avec Poutine, qui ne respectent pas le dernier catéchisme politiquement correct, et ainsi de suite.

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Nous vivons dans un monde où le mensonge instrumental est désormais la forme dominante du reportage d'intérêt public.

Il y a ceux qui y réagissent par un simple désengagement résigné, ceux qui s'enferment anxieusement dans leur chambre comme des hikikomori, ceux qui cherchent des paradis artificiels dans les pilules, ceux qui acceptent le jeu en essayant de l'utiliser pour un gain à court terme (parce qu'il n'y a pas d'autre horizon disponible); il y a ceux qui tombent dans la dépression ; il y a ceux qui deviennent fous; il y a ceux qui, de temps en temps, cassent tout pour revenir se cogner la tête contre le mur de leur cellule; et il y a ceux qui développent cette forme particulière de folie qui consiste à se battre sans armes contre des géants en espérant qu'ils se révèlent être des moulins à vent.

Au fond coule le courant de l'histoire où notre navire occidental a pris une position inclinée et, avec une inertie irréversible, accélère vers la chute d'eau. Une fois que la parole publique a perdu sa capacité à transmettre la vérité, il est impossible de lui rendre son poids. Chaque parole supplémentaire dépensée pour corriger les faussetés du passé, si elle atteint la sphère publique, est elle-même perçue comme faible, usée, impuissante.

La société que nous avons mise en place est une société sans vérité, et retirer la vérité du monde social, c'est le condamner à une maladie mortelle.

Combien de temps dureront les grincements, combien de temps faudra-t-il encore pour que tombent les plâtres, combien de temps faudra-t-il encore pour que s'infiltrent les eaux, combien de temps dureront les espaces de vie de plus en plus réduits, cela n'est pas facile à prévoir, mais un monde sans vérité est un monde sans logos, et il ne peut aboutir qu'à cette dimension où les mots sont superflus parce que la violence et la mort ont pris leur place.

 

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