vendredi, 21 juillet 2023
Spengler, Faust et Napoléon
Spengler, Faust et Napoléon
Constantin von Hoffmeister
Source: https://www.eurosiberia.net/p/spengler-faust-and-napoleon?utm_source=post-email-title&publication_id=1305515&post_id=135284357&isFreemail=true&utm_medium=email
"Napoléon avait, dans ses moments les plus graves, un sens aigu de la logique profonde du devenir du monde, et dans ces moments-là, il pouvait deviner dans quelle mesure il était, et dans quelle mesure il avait, un destin".
- Oswald Spengler, Le déclin de l'Occident, vol. I
Au crépuscule des civilisations, tel un voyageur fatigué contemplant l'éclat déclinant d'un soleil couchant, nous discernons la silhouette d'un personnage solitaire se profilant sur la pâleur du passé: Napoléon Bonaparte. Oswald Spengler, philosophe allemand de l'histoire, a postulé l'existence de tels hommes, hérauts d'une époque, qui incarnent l'esprit d'une culture à son apogée, mais qui préfigurent aussi son déclin imminent. Il a dépeint Napoléon comme l'incarnation de l'esprit faustien de l'Occident ou ce que l'on pourrait appeler à juste titre un "homme-destin".
Spengler voyait en Napoléon un homme providentiel, pas seulement un homme d'ambition ou de pouvoir. À ses yeux, le soldat corse était l'expression de la grandeur et de la fatalité de son époque - une âme culturelle incarnée. Napoléon était le rêve fiévreux d'une époque où le désir brûlant de l'infini dansait avec la mélancolie de l'inévitable, tout comme une flamme danse avec l'ombre qu'elle projette.
Dans son ouvrage phare, Le déclin de l'Occident, Spengler a décrit Napoléon comme une force historique, un acteur prédestiné sur la scène de la civilisation occidentale. Il n'est pas considéré comme un créateur, mais comme l'exécutant d'une volonté supérieure, un instrument du destin. Il s'agissait toutefois d'un destin qui ne relevait pas d'une décision divine, mais des rythmes inéluctables de la culture et de la civilisation, aussi fiables que la descente du crépuscule.
Le destin que Spengler attribue à Napoléon s'apparente à l'esprit du temps, ce qu'il appelle l'"esprit faustien". Nommé d'après le personnage légendaire qui vendit son âme pour obtenir un savoir illimité et des plaisirs mondains, l'esprit faustien dénote un effort incessant, une aspiration à l'inaccessible. Napoléon, avec son insatiable désir d'expansion, sa quête incessante du pouvoir et son affirmation de la suprématie de l'individu sur la tradition et les normes établies, était la quintessence de cet esprit.
Cependant, comme dans tous les grands drames, le récit de Spengler ne s'arrête pas au zénith. L'homme-destin, l'acteur héroïque, est en fin de compte une figure tragique, prise dans le cycle de croissance et de décadence qui définit toute culture. Ainsi, l'histoire de Napoléon n'est pas seulement le récit d'une montée en puissance, mais aussi d'une chute dans l'oubli. La fin tragique à Sainte-Hélène est plus que la chute d'un homme, c'est le début de la fin de la culture qu'il représentait.
De plus, Spengler voit en Napoléon la personnification de l'esprit technologique et mécaniste de l'époque. La façon dont Napoléon a systématisé la guerre, dont il a utilisé les progrès de son époque, non seulement en matière d'armement, mais aussi d'administration et de communication, pour exercer son contrôle et étendre son empire, est le pacte faustien de l'homme avec le démon de la technologie. Mais comme toujours, ce pacte a un prix. La mécanisation qui a permis l'ascension de Napoléon devait, selon la prophétie de Spengler, conduire la culture à une ère de matérialisme sans âme.
En fin de compte, Napoléon, tel qu'il est dépeint par Spengler, est la quintessence de la culture qu'il habite. Il était l'écho de sa grandeur et le signe avant-coureur de son déclin. Sa vie est un monument à l'ambition de l'esprit faustien et à la tragédie inévitable qu'elle entraîne. La grandeur était éphémère, la décadence terminale, et dans ce jeu d'ombres et de lumières, Spengler a présenté un portrait de Napoléon aussi obsédant et beau que sinistrement prophétique. À travers l'interprétation cyclique de l'histoire par Spengler, Napoléon n'apparaît pas seulement comme un individu mais comme un symbole, une incarnation de son époque - à la fois son éclat éblouissant et son crépuscule funèbre. Il était un acteur jouant un scénario écrit par les forces du destin, animé par les rythmes d'une culture à la fin de l'automne, annonçant l'approche d'un hiver long et froid.
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16:21 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : oswald spengler, napoléon, faust | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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