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mercredi, 25 juin 2025

L'Iran est la clé de l'équilibre multipolaire au Moyen-Orient

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L'Iran est la clé de l'équilibre multipolaire au Moyen-Orient

par Stefano Vernole

Source : Strategic Culture & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-iran-e-la-chiav...

Comme signalé il y a quelques semaines, la D.I.A. américaine avait pris l'Iran pour cible. En résumé, les raisons en étaient les suivantes: l'Iran possède une capacité de représailles directes et pas seulement par procuration via l'Axe de la Résistance au Moyen-Orient ; l'Iran développe d'importantes capacités en matière de missiles et de drones ; l'Iran a des ambitions nucléaires, même s'il est encore loin de pouvoir développer une bombe atomique. Sur ce dernier point, Donald Trump (idole des "altermondialistes malins") a sèchement contredit le chef des services secrets américains, Tulsi Gabbard, en déclarant : « Je me fiche de ce qu'elle a dit. Je pense qu'ils étaient très près d'en avoir une ».

En réalité, dans le rapport de l'agence de renseignement de Washington, ce sont les motivations géopolitiques qui semblaient prévaloir. La coopération de l'Iran avec la Russie, la Chine et la Corée du Nord méritait, du point de vue américain, un durcissement des sanctions économiques, étant donné que la mise en service du corridor ferroviaire entre Téhéran et Pékin permettait de transporter le pétrole en 15 jours au lieu de 40 et de contourner le détroit de Malacca, qui risquait d'être fermé en cas de conflit pour Taïwan.

Ce n'est pas un hasard si les analystes militaires chinois ont immédiatement porté leur attention sur l'agression d'Israël contre l'Iran et en ont tiré des conclusions peu encourageantes: une profonde infiltration des services secrets sionistes dans la chaîne de commandement iranienne suivie de lourdes pertes militaires (celles subies par les Houthis au Yémen ne sont même pas comparables) ; une défense antiaérienne iranienne inefficace ; un manque de vigilance et de préparation dû à une certaine indolence des dirigeants iraniens ; l'échec de la politique de dissuasion iranienne ; crise totale de la tentative de réforme économique lancée par Raisi, puis brisée à la fois par la mort de l'ancien président iranien (difficile aujourd'hui de penser à un accident) et par l'instabilité régionale provoquée par Israël avec la chute d'Assad, l'attaque contre le Liban et le génocide des Palestiniens [1].

Bien sûr, la Chine, la Russie, la Turquie et les pays du golfe Persique, en premier lieu l'Arabie saoudite, ont sévèrement condamné l'attaque militaire israélienne et souhaiteraient sauver le gouvernement de Téhéran du « changement de régime » évoqué par Londres, Washington et Tel-Aviv. La Grande-Bretagne a mis ses bases militaires à la disposition de l'armée de l'air israélienne, transformant ainsi le territoire britannique en une zone de préparation directe pour les opérations contre l'Iran, fournissant à Tel-Aviv non seulement des bases aériennes, mais aussi ses services de renseignement. Elon Musk a activé le système satellitaire Starlink au-dessus de l'Iran, conférant à la coalition occidentale un avantage crucial en matière de communication et de navigation des données, tandis que le porte-avions américain Nimitz, en provenance de la mer de Chine méridionale, se dirige vers le golfe Persique. L'Occident dans son ensemble, avec le communiqué du G7, a fourni une légitimation formelle et « morale » au renversement du gouvernement iranien actuel.

La modalité de l'agression militaire israélienne est identique, tant sur le plan technique (lancement de drones à l'intérieur du pays) que politique (alors que l'Iran était en pourparlers avec les États-Unis), à celle de l'attaque ukrainienne contre les sites nucléaires et les bases russes il y a quelques semaines: la main est manifestement la même.

Pour la Russie, dont l'accord de partenariat stratégique avec l'Iran a été approuvé par Vladimir Poutine lui-même le 21 avril dernier, mais par Téhéran il y a seulement quelques jours, une défaite des ayatollahs serait un désastre géopolitique bien plus grave que la chute d'Assad en Syrie. L'Iran joue un rôle essentiel dans l'équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient et est un allié indispensable dans la résistance à la domination mondiale occidentale; en particulier, l'équilibre stratégique dans la mer Caspienne serait rompu et les intérêts de Moscou dans le secteur énergétique seraient menacés au profit des États-Unis qui veulent exporter leur gaz naturel liquéfié.

De plus, un effondrement de l'Iran signifierait: l'effondrement du système d'alliances régionales de Moscou; la domination totale de l'Occident dans la région; l'isolement de la Russie et de ses principaux partenaires. La perte de l'Iran, membre des BRICS, deviendrait une catastrophe géopolitique pour le multipolarisme et confirmerait la capacité de l'Occident à résoudre par la force toutes ses contradictions géopolitiques. La vision à long terme esquissée par Brzezinski dans les années 1990 et par les néoconservateurs américains après le 11 septembre 2001 se réaliserait alors presque définitivement.

De son côté, Benjamin Netanyahu écarterait tout risque d'être remis en cause pour ses crimes évidents, devenant le symbole de la victoire atlantiste au Moyen-Orient.

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La Chine, qui a également conclu un accord de partenariat stratégique avec l'Iran et qui dépend fortement du pétrole iranien (environ 90% du pétrole transitant par le détroit d'Ormuz est destiné à Pékin), ne peut se permettre de perdre un partenaire indispensable à ses ambitions géopolitiques.

Que peut-il se passer maintenant ? Si la tentative de médiation diplomatique des pays d'Eurasie et des États voisins échoue, comme cela semble désormais évident, l'escalade devient inévitable.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël, avec le plein consentement de leurs vassaux européens, recherchent des acteurs locaux capables de remplacer Khamenei et de conduire l'Iran vers une rupture avec Moscou et Pékin. Si les dirigeants actuels de Téhéran perçoivent le danger d'un renversement qui pourrait se produire si les États-Unis entrent directement en scène avec leurs forces armées, ils n'auront d'autre solution que d'augmenter le prix du conflit en dépassant toutes les « lignes rouges ». Mobiliser l'Axe de la Résistance, fermer le détroit d'Ormuz au passage des navires (avec le consentement de Pékin, désormais résigné à une guerre totale dans la région) et changer l'inertie de la bataille par une intervention terrestre depuis le Liban, la Syrie et l'Irak, sont les seules cartes dont elle dispose, compte tenu de la domination totale du ciel par Israël.

Plusieurs inconnues subsistent. Certes, la Chine n'interviendrait pas directement (tout comme la Russie engagée en Ukraine), mais elle pourrait aider l'Iran en lui fournissant du matériel militaire et en poussant le Pakistan à entrer en scène (le ministre pakistanais de la Défense a non seulement manifesté sa solidarité immédiate avec Téhéran, mais s'est également déclaré prêt à attaquer Israël en cas d'intervention militaire américaine contre l'Iran). Islamabad, seule puissance nucléaire islamique, apporterait une aide indispensable et pourrait également inciter l'Égypte et la Turquie (dont les dirigeants restent dans le collimateur de Tel-Aviv et le seront de toute façon dans un avenir pas trop lointain) à intensifier leur pression contre Israël. Reste à savoir si cet effet domino complexe n'impliquerait pas également d'autres acteurs mondiaux, à commencer par l'Inde, en quête de revanche après l'échec subi dans la bataille aérienne qui a suivi la crise du Cachemire.

La Troisième Guerre mondiale, évoquée ces dernières heures par Steve Bannon et Tucker Carlson, est-elle peut-être plus proche que nous ne l'imaginons ?

NOTE:

[1] Wang Shichun, "L'Iran sera-t-il la deuxième Syrie d'Assad?", guancha.cn, 14 juin 2025. L'analyste militaire chinois souligne également un conflit interne à l'appareil iranien entre la position du Guide suprême Khamenei, la ligne médiane de Pezeshkian qui attribue une grande partie de la corruption du pays aux Gardiens de la révolution et celle des libéraux qui souhaiteraient privatiser totalement l'économie.

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