jeudi, 26 juin 2025
Saint-Pétersbourg: le discours de Poutine à SPIEF comme miroir d’un nouvel ordre mondial
Saint-Pétersbourg: le discours de Poutine à SPIEF comme miroir d’un nouvel ordre mondial
Elena Fritz
Source: https://pi-news.net/2025/06/st-petersburg-putins-spief-re...
La politique de sanctions de l’Union européenne s’est depuis le début de la crise ukrainienne transformée en un instrument central du pouvoir eurocratique – et en une épreuve de légitimité démocratique. Autrefois justifiées comme une mesure ciblée contre les élites politiques de Moscou, les sanctions frappent aujourd’hui principalement la population elle-même: par des prix de l’énergie qui montent en flèche, des chaînes d’approvisionnement qui sont interrompues, par une désindustrialisation et une fragmentation croissante du marché intérieur européen.
Alors que les ménages allemands souffrent de coûts énergétiques explosifs, que des secteurs industriels sont délocalisés ou liquidés, et que la classe moyenne se trouve coincée entre une pression fiscale accrue et une incertitude quant à sa position prochaine, la Russie, lors du 28ème Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF), se présente comme un pôle de stabilité – non par l'effet d'une propagande, mais par des chiffres, des stratégies et des alliances (PI-NEWS en a rendu compte ici https://pi-news.net/2025/06/spief-2025-die-multipolare-re... - et ici - https://pi-news.net/2025/06/weltwoche-daily-putin-dritter-weltkrieg-ich-bin-besorgt/ ).
Discours de Poutine : résilience face aux crises et réorganisation sociétale
Vladimir Poutine a ouvert le forum plénier devant une assemblée internationale de dirigeants – dont le président indonésien Prabowo Subianto, des représentants de la Chine, de l'Afrique du Sud et de la famille royale bahreïnienne. Leur présence contredisait le récit occidental qui pose la Russie comme isolée.
Poutine a accueilli plus de 20.000 participants venus de 140 pays, insistant sur le fait que la nature du SPIEF prend de plus en plus d’importance dans un contexte de bouleversements mondiaux. Les thèmes centraux étaient les suivants: décalages tectoniques dans l’économie mondiale, bouleversements démographiques, crises régionales, changement climatique et transition technologique vers une ère de systèmes autonomes.
Il a clairement indiqué: le progrès technologique doit être accessible à tous, sinon les inégalités mondiales se creuseront. Les nouvelles plateformes, l’intelligence artificielle et l’économie numérique ne doivent pas conduire à une hiérarchisation de l’humanité, mais plutôt favoriser la prospérité, l’éducation et l’inclusion sociale.
L’économie russe: de l’exportation de matières premières à un centre d’innovation
Poutine a fourni des chiffres concrets sur l’évolution macroéconomique : malgré les sanctions, le PIB russe croît depuis deux ans de plus de 4% par an. La part de l’économie hors pétrole et gaz a augmenté de 7,2% en 2023. Même en 2024 – malgré le maintien des régimes de sanctions – une croissance de 5,9% a été enregistrée. La contribution du secteur des matières premières à la performance économique est même légèrement négative, ce qui indique que la diversification fonctionne.
Les moteurs de cette croissance sont nombreux: agriculture, construction, industrie manufacturière, logistique, services financiers et TIC. Selon Poutine, la Russie devient “non seulement plus grande, mais aussi plus complexe, intelligente et résiliente”.
L’emploi, les salaires et la justice sociale au centre
Un point central de son discours était la transformation du marché du travail: 2,4 millions d’emplois nouveaux ont été créés ces dernières années. Le taux de chômage est à un niveau historiquement bas de 2,3%. Le chômage des jeunes est également très faible, à 7,5%, comparé à 16% en France ou 11% au Royaume-Uni, selon Poutine.
Il a annoncé une “économie à hauts salaires” – non par contrainte, mais par investissements dans la productivité, la qualification et la digitalisation. Il a souligné que, à l’avenir, les salaires devront refléter l’efficacité et la création de valeur, plutôt que la pénurie de main-d’œuvre.
Lutte contre la pauvreté: chiffres à forte portée politique
En 2000, selon Poutine, 29% de la population russe vivait sous le seuil de pauvreté – 42 millions de personnes. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 10,5 millions, soit 7,2%. La tendance est à la baisse continue. La réduction de la pauvreté n’est pas un simple effet secondaire, mais un objectif explicite de la politique économique. Il a également souligné que ces succès sont visibles régionalement, notamment dans des régions traditionnellement défavorisées comme le Caucase du Nord.
Science, numérisation et réforme éducative
Poutine a annoncé qu’il allait fortement développer la commercialisation de la science. Actuellement, une seule demande de brevet sur cent est réellement exploitée sur le marché. Universités, instituts de recherche et entreprises doivent être connectés par des standards uniformes et des outils de financement communs. L’objectif est de faire de la Russie un lieu de souveraineté technologique.
Il a évoqué la rapide mise en place du rouble numérique, des plateformes de transport publiques, des marchés numériques pour la main-d’œuvre et de nouvelles formes de crédit basées sur des garanties de brevets. Un paquet législatif spécifique est en préparation pour soutenir l’identité régionale et la puissance économique locale dans la culture et l’économie créative.
Perspective mondiale: la multipolarité comme responsabilité
Poutine a présenté le groupe BRICS comme une plateforme qui ne repose pas sur l’exclusion, mais sur l’intégration. Ses membres représentent déjà 40% du PIB mondial. L’idée n’est pas de créer un contre-bloc, mais un cadre multilatéral pour favoriser la croissance, l’infrastructure et la coordination technologique – notamment par le développement de standards communs, de systèmes de paiement et de cadres juridiques.
Conclusion
Le discours de Poutine n’était pas une dénonciation, mais une esquisse stratégique détaillée. Il adressait un message clair à l’Europe: pendant que l’UE affaiblit ses citoyens par des sanctions imposées d’en haut, la Russie oriente sa stratégie économique vers la résilience, la cohésion sociale et l’indépendance technologique.
Le forum SPIEF 2025 n’était pas un lieu où l'on fit du triomphalisme. C’était une invitation géopolitique et économique à la coopération – dans un contexte changé, mais sans exclusions idéologiques. La décision d’y participer ne revient pas à Moscou. Elle appartient à Bruxelles – ou peut-être n’y appartient-elle déjà plus.
14:02 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spief, russie, vladimir poutine, brics, europe, affaires européennes | |
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