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dimanche, 18 septembre 2016

Le cri d’alarme des soufis contre le wahhabisme

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Le cri d’alarme des soufis contre le wahhabisme

Par Yves Montenay

Ex: http://www.contrepoints.org

Les musulmans soufis sont très nombreux mais mal connus. Ils n’ont pas les moyens financiers des missionnaires wahhabites qui inondent les chaînes de télévision et les mosquées. Leur « islam de tolérance et d’amour laissant sa liberté à l’individu. » est raillée par les ignorants.

Pour les soufis, le wahhabisme est une dégénérescence de l’islam

Le soufisme est une variante individualiste de l’islam, répandue à ma connaissance au moins en Afrique du nord et de l’ouest ainsi qu’en Turquie, mais probablement aussi dans l’ensemble du monde musulman. Elle n’est pas recensée, étant souvent discrète s’agissant d’une opinion personnelle et non d’un culte public. Ses confréries sont toutefois visibles là où elles sont très majoritaires, par exemple au Sénégal.

Laissons les soufis se présenter via l’un d’entre eux, Zaïm Khenchelaoui (EHESS, Paris), membre du comité de rédaction de plusieurs publications scientifiques relatives au soufisme et membre fondateur de l’Union mondiale du soufisme qui vient d’être créé en Algérie. Il résume le soufisme par les fameux vers d’Ibn Arabi, dont on fête le 850e anniversaire :

« Mon cœur devient capable de toute image / Il est prairie pour les gazelles / Couvent pour les moines / Temple pour les idoles / Mecque pour les pèlerins / Tablettes de la Torah et livre du Coran / Je suis la religion de l’amour / Partout où se dirigent ses montures / L’amour est ma religion et ma foi.».

souf.jpgCette citation explique l’existence de l’affirmation, souvent entendue avec scepticisme : « l’islam est une religion de tolérance et d’amour ». Elle est surtout répandue dans le monde soufi ou son environnement dans certaines populations maghrébines ou turques.

Zaïm Khenchelaoui précise que le soufisme prône l’acceptation de l’autre dans sa différence et le devoir de miséricorde, « rahma ». La prière de tous les musulmans se fait d’ailleurs au nom d’Allah le miséricordieux. Il estime que le soufisme serait le véritable islam originel. Privilégiant la recherche en soi-même, il n’est pas un mouvement prosélyte, contrairement au wahhabisme qui appuie sa diffusion par les importants moyens financiers des pays de la péninsule arabique. Ce qui fait que la destruction militaire de l’État Islamique, bien sûr utile, ne résoudra pas le problème.

Pour Zaïm Khenchelaoui, le wahhabisme est la matrice idéologique commune à toutes les sectes exterminatrices soi-disant musulmanes. Il estime urgent de s’attaquer au discours takfiriste (« les autres musulmans sont des apostats qu’il est légitime de tuer ») diffusé par les wahhabites. Ce discours est répercuté à travers les mosquées, les chaînes de télévision et internet, « et jusqu’à nos salles de sport (en Algérie) » ; c’est la secte la plus dangereuse qu’ait connue l’histoire de l’humanité. Elle devrait être prohibée en France, comme la secte de scientologie ou celle du Temple solaire. Elle est d’ailleurs interdite en Russie.

Le géopolitologue français Jean-Michel Vernochet, auteur de Les égarés : le wahhabisme est-il un contre-islam ?, confirme cette analyse :

« Nous sommes face à une Internationale wahhabite qui échappe désormais à tout contrôle. Avec le temps, cette mouvance est devenue une forme de religion autocéphale disposant de son livre sacré qui a supplanté même le Coran : le Tawhid d’Al Wahhâb, fondateur du wahhabisme. »

Wahhabites contre Frères musulmans dans les pays du Golfe

Les émirats sont wahhabites, et à ce titre opposés aux Frères musulmans, car ces derniers sont des sunnites plus classiques, souvent nationalistes et opposés aux régimes des monarchies du Golfe. Cette vieille opposition vient de se réveiller : les officiels de ces pays estiment que leur chef, Qaradhawi, est « le mufti des attentats-suicides » et devrait être traduit en justice. Bien sûr, ces officiels pensent aux attentats qui ont eu lieu en Arabie, et non ailleurs dans le monde. Je laisse les théologiens apprécier si ceux de l’État Islamique sont d’inspiration wahhabite ou non.

Quelle liberté de conscience au Maroc ?

Le Maroc est un cas à part dans le monde musulman, le roi étant commandeur des croyants et l’influence soufie présente, bien que difficile à évaluer. Sa constitution garantit les libertés de pensée, d’opinion et d’expression. Il a signé la résolution sur la liberté de conscience et de religion du Conseil des droits de l’homme. Mais son Code pénal condamne le prosélytisme des autres religions, et la pratique policière n’est pas toujours indulgente envers certains comportements « immoraux » qui nous paraissent totalement anodins. Voir par exemple l’article de Figaro Madame sur l’immoralité du bikini largement repris sur l’Internet marocain.

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C’est dans ce contexte que l’association Bayt Al Hikma, qui reprend l’appellation des « maisons de la sagesse » de l’âge d’or de l’islam, a remis en février dernier au ministre de la Justice du gouvernement (modérément) islamiste un mémorandum en faveur de la liberté de conscience, à l’initiative de son président Fettah Bennani.

Les écoles coraniques maintenant sur Internet

Les écoles coraniques sont les lieux où l’on apprend à lire et réciter le Coran.

D’après un reportage au Pakistan de The Economist du 20 août 2016, elles multiplient les cours à distance, surtout à destination des croyants européens, mieux équipés et plus riches que les populations locales (environ 15 $ la demi-heure). Mais la concurrence s’est intensifiée et il y a des prix d’appel.

À mon avis, s’agissant de Pakistanais, l’islam enseigné est celui de la variante déobandie, que l’on peut grossièrement qualifier de « wahhabisme local », bien qu’elle se soit développée indépendamment. Il faut toutefois préciser que l’arabe coranique est nettement différent de l’arabe standard d’aujourd’hui, ce qui ne permet pas aux non-arabophones d’acquérir une pratique de la langue et exclut d’autres matières, scientifiques par exemple. Ce ne sont donc pas des écoles au sens occidental du terme, ce qui entraîne des malentendus dans les statistiques de scolarisation de certains pays à certaines époques.

Fethullah Gülen, rétrospectivement

Le supposé commanditaire du coup d’État manqué en juillet dernier en Turquie écrivait en décembre 2015 dans Le Monde :

« Je suis triste et révolté face au carnage perpétré par les groupes terroristes du soi-disant État islamique. Je partage la frustration du milliard et demi de musulmans (qui les voient) draper de religion leurs idéologies perverties. Nous, musulmans, avons une responsabilité particulière ; il nous incombe non seulement de joindre nos mains à celles des autres humains pour sauver notre monde du fléau du terrorisme et de la violence extrémiste, mais encore de restaurer l’image ternie de notre foi… le véritable test pour la croyance, ce ne sont ni les slogans, ni le fait de s’habiller de telle manière… c’est de vivre en conformité avec les principes fondamentaux communs à toutes les grandes religions du monde, tels que la préservation du caractère sacré de la vie humaine et le respect de la dignité de tous les êtres humains. »


Aux Turcs de commenter…

vendredi, 30 janvier 2009

Renaissance islamique et Turquie moderne

 

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - ORIENTATIONS (Bruxelles) - Juillet 1988

 

 

Renaissance islamique et Turquie moderne

 

 

Rainer WERLE / Renate KREILE, Renaissance des Islam - Das Beispiel Türkei,  Junius, 1987, 178 S., DM 19,80.

 

 

Une enquête remarquable sur la Turquie contemporaine, déchirée entre une volonté de se faire européenne, une nostalgie de la puissance ottomane et le renouveau islamique. Le bilan du kémalisme laïc et occidentaliste, les deux auteurs le tirent avec clarté: un nationalisme étatique à la française, une laïcisation de la sphère religieuse, un système de parti unique et l'armée comme élite dirigeante. Face à cette option, qui détermine les constitutions turques depuis Mustapha Kemal, grouille un Islam populaire de facture sunnite ou alaouite ou qui s'exprime par le truchement de sectes; celles-ci peuvent être anciennes ou nouvel-les; parmi les anciennes, citons: les Bektâsî, véhiculant des reliquats de paganisme, les "Derviches tourneurs" liés au califat, les Naksbendî actifs au Kurdistan et les Ticânîlik, hostiles au parti unique kemaliste et protagonistes de la démocratie multipartite. Les nouvelles sectes sont les Nurculuk et les Süleymancilik, dont le mouvement fut fondé par Süleyman Hilmi Tunalihan, originaire d'une région actuellement roumaine.

 

Les Süleymancilik sont rigoureusement fondamentalistes, mais ont eu la particularité de présenter Hitler comme un musulman qui viendrait libérer la Turquie des idées françaises et chrétiennes! Plusieurs adeptes de la secte se sont engagés dans les unités SS albanaises ou bosniaques. Après la guerre, la secte soutient les formations démocratiques de Menderes et de Demirel. Werle et Kreile abordent ensuite l'évolution socio-économique du pays, avec l'apparition d'une bourgeoisie tournée vers l'Occident, qui a intérêt à inféoder le pays à l'OTAN et à la CEE.

 

La ré-islamisation constitue dès lors un phénomène d'essence populiste, de révolte contre les processus d'aliénation occidentaux. La révolte populaire turque ne prend pas les aspects d'une gauche marxisante classique, puisque la démarche intellectuelle du marxisme est laïque et occidentale. Très concrètement les fondamentalistes turcs parient sur un réflexe identitaire religieux (et non racial car la Turquie est une mosaïque de races, unie tant bien que mal par la turcophonie), contre les décisions du FMI visant à tourner l'économie turque vers l'exportation, ce qui n'avait jamais été sa vocation. Les capitaux que la bourgeoisie cosmopolite mobilise pour se constituer un outil industriel exportateur sont prélevés sur les salaires et/ou récupérés par une inflation galopante. Les sacrifices des travailleurs turcs risquent de surcroît d'être vains: les marchandises à ex-porter seront-elles exportables, intéresseront-elles le marché européen, saturé de fruits espagnols et obligé de tenir compte des accords spéciaux et déjà problématiques avec le Maroc et Israël?

 

La ré-islamisation anti-néo-kémaliste est parallèle à un programme de réorientation diplomatique vers le monde arabe, vers le Proche-Orient, espace traditionnel de l'expansion turque, et, surtout vers une re-dynamisation de la CRD (Coopération Régionale de Développement), signée entre le Pakistan, l'Iran et la Turquie en 1964. Cette perspective-là d'extension du rayonnement turc nous apparaît plus utile et à la Turquie et à l'Europe car elle apaiserait bon nombre de tensions dans le Vieux Monde. La Turquie pourrait effectuer un travail historique capital au Proche-Orient, travail que l'aléatoire carte occidentaliste, jouée par Özal, empêche d'amorcer. L'enquête de Werle et Kreile est remarquable de lucidité.

(Robert STEUCKERS).

 

00:05 Publié dans Islam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : turquie, religion, islam, derviches, proche orient | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook