vendredi, 15 août 2025
Archéofuturisme: Platon et la puissance des enseignements non écrits
Archéofuturisme: Platon et la puissance des enseignements non écrits
Jeroným Černý
Source: https://deliandiver.org/archeofuturismus-platon-a-sila-ne...
La philosophie n'a jamais été une description des phénomènes. Depuis ses débuts, elle a toujours été quelque chose de plus profond : une tentative de pénétrer les principes qui rendent la réalité possible. Platon, Aristote, Plotin, puis Avicenne, Thomas d'Aquin ou Heidegger : tous, à leur époque, ont dépassé la surface du monde pour s'interroger sur ce qui fonde l'être. Même si la science moderne a emprunté une autre voie méthodologique, certaines de ses avancées – en particulier la mécanique quantique – touchent à nouveau aux mêmes questions: qu'est-ce que la possibilité ? Comment la réalité naît-elle ? Et quel est le rapport entre l'indéterminé et le déterminé ?
La réflexion qui suit tente d'esquisser une analogie ontologique entre deux concepts à première vue incomparables : le duo indéfini de Platon (ἀόριστος δυάς) et la superposition quantique. Je ne cherche pas à les identifier – ce serait un anachronisme ridicule –, mais plutôt à comparer structurellement la fonction qu'ils remplissent dans leurs systèmes de pensée respectifs. L'intention est de jeter un pont herméneutique entre la métaphysique ancienne et la physique moderne, un pont entre deux langages qui, bien qu'utilisant des concepts et des signes différents, tendent peut-être vers le même non-dit.
Giovanni Reale (photo), l'un des interprètes les plus perspicaces de l'œuvre de Platon, souligne que la véritable essence de la métaphysique de Platon n'est pas explicitement formulée dans les dialogues. Il faut la reconstruire à partir des références d'Aristote et d'autres sources. Nous y trouvons le principe clé: la réalité naît de la combinaison de deux éléments ontologiques – le Un (τ’ ἕν), pure unité et intelligibilité, et le duo indéfini (ἀόριστος δυάς), principe de multiplicité, de variabilité et de potentiel indifférencié.
Alors que l'Un est une force formatrice, la dualité indéterminée représente le champ des possibilités qui, en soi, ne rend rien réel – c'est une sorte de pluralité prémétaphysique, un fond obscur dans lequel tout est possible, mais où rien n'est encore. Il est fascinant de constater que ce principe – la multiplicité ouverte – se retrouve sous une autre forme dans la physique du 20ème siècle. La superposition quantique décrit un état dans lequel un système se trouve simultanément dans plusieurs états possibles jusqu'à ce qu'une mesure soit effectuée. Ce phénomène n'est pas le résultat de l'imperfection de nos instruments, mais une propriété intrinsèque de la réalité. Un électron n'est pas « soit à gauche, soit à droite », mais dans un état diffus où les deux possibilités sont valables en même temps – jusqu'à ce qu'il soit mesuré. La fonction d'onde, appareil mathématique de cet état, résume les probabilités des différents résultats. Ce n'est que l'acte d'interaction – mesure, effondrement, contact avec un autre système – qui choisit un état et actualise ainsi le monde. Ce qui était indéterminé devient déterminé.
Cette transition a fait l'objet de débats philosophiques depuis le début. John von Neumann (illustration, ci-dessus) l'a introduit comme concept formel, Henry Stapp ou Eugene Paul Wigner l'ont ensuite associé à la conscience comme facteur possible d'actualisation. La question est la suivante: quel est cet acte qui rend le potentiel réel ? Et n'est-ce pas finalement une question métaphysique, c'est-à-dire une question sur la structure de la réalité, et non seulement sur la technique de mesure ?
À cet égard, l'analogie entre le duo indéfini de Platon et la superposition quantique est stimulante. Tous deux apparaissent comme un champ ontologique de possibilités – inachevées, indifférenciées, latentes. Tous deux ne deviennent réels que par une intervention – chez Platon, c'est l'Un, en physique, c'est l'observation (l'interaction avec la conscience). Je ne présente pas cette analogie comme une métaphore, mais comme un outil de réflexion – dans l'esprit de Paul Ricœur, qui ne voyait dans le langage métaphorique pas seulement une image, mais un chemin vers une nouvelle compréhension. La relation analogique nous permet de penser à travers les traditions sans réduire l'une à l'autre. La philosophie ne se substitue pas ici à la physique, mais élargit son horizon.
On peut toutefois soulever deux objections à une telle analogie, que je prends toutes deux au sérieux. La première affirme que nous mélangeons le plan physique et le plan ontologique. C'est vrai si j'affirmais l'identité des deux concepts. Mais c'est précisément la physique quantique qui a bouleversé la division classique entre ces deux plans: la question de l'être y est à nouveau présente. La deuxième objection porte sur l'inadéquation historique: Platon ne pouvait pas connaître la théorie quantique. Il ne le savait pas. Mais cela n'a pas d'importance. Tout comme Platon s'est inspiré de l'intuition pythagoricienne des nombres et des proportions, nous pouvons nous inspirer de son cadre symbolique.
Tel que le comprenait Hans-Georg Gadamer (photo) – comme un dialogue entre le présent et la tradition. Un tel dialogue n'est pas un anachronisme, mais une condition préalable à la compréhension. Cette analogie n'est donc pas une tentative de synthèse entre deux systèmes. C'est une proposition de dialogue entre eux. Elle ouvre un espace dans lequel la métaphysique et la physique peuvent être comprises comme des modes d'expression différents d'une même réalité cachée. Il ne s'agit pas d'un argument, mais d'un moyen. Il ne s'agit en aucun cas d'une prétention à la vérité, mais d'une possibilité de réflexion plus approfondie. À une époque où la science et la philosophie se fragmentent en ghettos spécialisés (et en chambres d'écho), une telle analogie peut constituer une nouvelle exigence pour le renouveau d'une unité de la pensée qui recherche à nouveau ce qui était autrefois évident : qu'il existe entre le possible et le réel un pont qui n'est pas technique, mais ontologique.
Le Un et le Deux indéterminé de Platon – tout comme la conscience quantique et la superposition – montrent que ce qui n'est pas visible peut être la condition de ce qui est. Et que la recherche de mots pour cette structure invisible qui se cache derrière tout ce qui se manifeste est peut-être la tâche la plus profonde de la philosophie. Il ne s'agit pas de construire de nouvelles théories, mais de créer un espace dans lequel la réalité pourra à nouveau s'exprimer.
19:57 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : platon, philosophie, physique | |
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La crise du capitalisme financier américain est structurelle et ne peut être retardée que par la soumission des colonies à l'Empire
La crise du capitalisme financier américain est structurelle et ne peut être retardée que par la soumission des colonies à l'Empire
par Alessandro Volpi
Source : Alessandro Volpi & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-crisi-del-capitalismo-finanziario-degli-stati-uniti-e-strutturale-e-puo-essere-ritardata-solo-dalla-piena-sottomissione-delle-colonie-all-impero
La crise du capitalisme financier aux États-Unis est structurelle et ne peut être retardée que par la soumission totale des colonies à l'Empire. Je m'explique. Les dernières déclarations de Trump à l'adresse de l'Union européenne clarifient bien le sens des difficultés américaines. Le président américain a affirmé que les droits de douane seraient ramenés à 15%, sans préciser en quoi consisterait cette réduction, à condition que les Européens transfèrent aux États-Unis une montagne d'argent : si l'on additionne tous les chiffres avancés, on arrive à un peu moins de 2.000 milliards de dollars en trois ans, entre énergie, armes et divers autres postes. Trump a demandé avec vigueur des transferts similaires, bien que moins importants, au Japon, à l'Indonésie et à la Corée du Sud, auxquels s'ajoutent les sollicitations adressées aux pétromonarchies.
En résumé, Trump a désespérément besoin d'argent. La raison en est très claire. La dette extérieure totale des États-Unis a atteint le niveau record de 28.100 milliards de dollars au premier trimestre de cette année et continue de grimper en flèche. De pays créancier du reste du monde, les États-Unis accumulent une dette extérieure colossale qui n'est plus viable pour au moins trois raisons évidentes. La première est la perte avérée de capacité de production, qui fait que les États-Unis, sans la finance, ne sont plus la première puissance mondiale. La deuxième raison est liée à la première, car cette perte de suprématie ne permet plus à la Réserve fédérale de produire des dollars pour couvrir la dette américaine.
La troisième raison réside dans l'énorme masse de dette fédérale comprise dans le total des dépenses d'emprunt : la dette publique américaine, comme l'a déclaré candidement Jerome Powell lui-même, n'est plus viable. D'ailleurs, les chiffres sont très explicites. La dette extérieure des États-Unis équivaut à 100% du PIB américain, dans un contexte où la dette publique et privée totale des États-Unis est supérieure à 250% du même PIB et où les recettes totales (fédérales, étatiques et locales) que Trump voudrait réduire davantage n'atteignent pas 5000 milliards de dollars.
Le capitalisme financier américain est donc écrasé par sa dépendance vis-à-vis des capitaux et de l'épargne étrangers dont il a besoin, non seulement pour éviter l'insolvabilité de l'État fédéral, mais aussi pour maintenir une bulle boursière qui a atteint environ 50.000 milliards de dollars, grâce à laquelle se maintient la richesse colossale des couches les plus élevées de la population, mais aussi le système désormais très étendu des polices d'assurance, fonds de pension, d'assurances et de produits financiers disséminés dans le monde occidental comme instruments « de substitution » au retrait de l'État social.
À la lumière de tout cela, Trump utilise les droits de douane non seulement comme moyen d'encaisser, mais aussi comme arme de pression sur les colonies, « obligées » de transférer toutes leurs ressources vers la capitale de l'empire, accentuant encore davantage la situation paradoxale dans laquelle environ 60% des économies mondiales sont dirigées vers les États-Unis.
Le néolibéralisme a construit un modèle qui prévoit la soumission « libre » au capitalisme financier, avec une centralité américaine absolue, et maintenant que l'empire vacille, précisément parce qu'il a mené à bien les excès inévitables de la subordination, le néolibéralisme lui-même doit trouver des justifications pour expliquer aux populations appauvries la nécessité de continuer à accepter la soumission. Dans cette action, le discours néolibéral trouve des chantres tant à droite que dans le progressisme, prompts à soutenir qu'il n'y a pas d'alternative. En effet, pour les néolibéraux de droite comme de gauche, les riches et les pauvres doivent rester tels quels.
18:28 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : capitalisme financier, dette américaine, états-unis, tarifs douaniers | |
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La Turquie défie la Grèce et Chypre en bloquant des projets clés en Méditerranée orientale
La Turquie défie la Grèce et Chypre en bloquant des projets clés en Méditerranée orientale
Par Tasos Kokkinidis
Source: https://www.defenddemocracy.press/turkey-challenges-greec...
La Turquie intensifie ses efforts pour faire obstacle à des projets d'infrastructure clés impliquant la Grèce et Chypre en Méditerranée orientale, notamment le Great Sea Interconnector (GSI) et l'East to Med Data Corridor (EMC). Ankara tire parti de sa revendication sur le « plateau continental turc » pour créer des obstacles géopolitiques qui compromettent la viabilité des projets et entraînent des retards importants.
Les projets GSI et EMC créent un nouvel axe de connectivité reliant la Grèce, Chypre, Israël et l'Arabie saoudite à l'Europe. La Turquie considère ces initiatives comme une tentative de la contourner et de réduire son influence régionale.
La semaine dernière, Ankara a suspendu les travaux d'étude pour l'EMC. Des sources turques proches de la défense ont confirmé que le navire de recherche battant pavillon de Gibraltar, le Fugro Gauss, avait été intercepté pour avoir opéré sans autorisation dans des eaux que Ankara revendique comme faisant partie de son plateau continental. Le navire effectuait des études pour l'EMC, un projet de câble à fibre optique reliant Israël à la France via Chypre et la Grèce.
La rhétorique et les tactiques de la Turquie sont calquées sur celles utilisées contre le GSI. La Turquie s'est opposée à plusieurs reprises à ce projet, des sources du ministère turc de la Défense qualifiant les activités prévues de « provocatrices » et accusant la Grèce et Chypre de les poursuivre sans le consentement de la Turquie. Ces sources ont ajouté que ces efforts, motivés par ce qu'elles ont qualifié d'« ambitions maximalistes », sont mal conçus et ne disposent pas des ressources nécessaires.
Cela démontre une stratégie cohérente visant à entraver toute infrastructure qui contourne la Turquie, qu'il s'agisse d'énergie ou de télécommunications. La participation d'un consortium dirigé par Saudi Telecom et la Public Power Corporation (PPC) grecque souligne la volonté de la Turquie de faire pression sur les pays tiers qui collaborent avec la Grèce et Chypre.
Les actions de la Turquie s'inscrivent dans le cadre d'une doctrine plus large, celle de la « patrie bleue » (Mavi Vatan), une politique maritime qui revendique de vastes zones de la Méditerranée orientale. En émettant des contre-avis NAVTEX et en déployant des forces navales et aériennes, la Turquie vise à empêcher les études des fonds marins et la construction de projets qui ne l'incluent pas ou ne lui profitent pas.
La Turquie n'est pas signataire de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui définit les modalités de délimitation des zones économiques exclusives (ZEE). Elle soutient que des îles telles que la Crète, Kasos et Karpathos n'ont pas droit à un plateau continental complet, contestant la ligne médiane entre ces îles grecques et le continent anatolien.
En créant de l'instabilité et de l'incertitude, Ankara cherche à faire pression sur ces pays et les acteurs internationaux pour qu'ils l'incluent dans leurs futurs projets ou négociations, se positionnant ainsi comme un acteur régional clé.
Le GSI : la Turquie harcèle la Grèce et Chypre
Le GSI est un projet ambitieux visant à créer un câble électrique sous-marin reliant les réseaux électriques de la Grèce (via la Crète), de Chypre et d'Israël. Il est considéré comme un projet d'intérêt commun (PIC) par l'Union européenne, qui a fourni un financement substantiel (environ 657 millions d'euros) pour mettre fin à l'isolement énergétique de Chypre et de la Crète.
La première phase du projet, qui relie la Crète et Chypre, a démarré, et la fabrication de certains câbles est en cours par la société française Nexans. Cependant, les tensions géopolitiques ont entraîné le gel des études depuis juillet 2024. Le harcèlement naval des navires de recherche par la Turquie est l'une des principales raisons du gel des études des fonds marins.
Le gouvernement chypriote et son autorité de régulation de l'énergie, la CERA, ont hésité à accorder les autorisations financières et réglementaires nécessaires, invoquant les risques géopolitiques et une charge potentielle pour les consommateurs. Cela a été une source de tension avec la Grèce et l'UE.
Le fabricant de câbles Nexans s'est déclaré prêt à réaffecter ses ressources et les câbles fabriqués à d'autres projets si le GSI continue à faire face à des retards et à des incertitudes. Cette déclaration, bien que formulée avec prudence, témoigne de la patience limitée de l'entreprise et fait pression sur les parties prenantes pour qu'elles résolvent les problèmes.
La Grèce a fermement déclaré que le projet allait se poursuivre, mais a gardé secret le calendrier de reprise des opérations de recherche sous la pression croissante de la Turquie.
Le ministre grec des Affaires étrangères, George Gerapetritis, a reconnu l'incertitude qui entoure le calendrier de reprise des recherches, déclarant lors du Forum de Delphes au début de l'année : « Les recherches et la pose des câbles reprendront au moment opportun. Il n'y a jamais eu de date fixe pour cela. Nous procéderons comme nécessaire, lorsque le moment sera venu. »
17:49 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, géopolitique, actualité, europe, grèce, chypre, turquie, méditerranée, câbles sous-marins, affaires européennes | |
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