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dimanche, 08 juin 2014

De la permanence insurectionnaire de l'Etre de l'homme contre la civilisation de l'Avoir

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De la croisade communeuse des Pastoureaux, de la Commune de Paris, de ce qu'elles disent de leur temps et de ce qu'elles signalent de la permanence insurectionnaire de l'Etre de l'homme contre la civilisation de l'Avoir

par Gustave Lefrançais

Pâques d’avril 1251; à l’heure où Louis IX de France se retrouve prisonnier en Égypte, se lèvent en tout lieu des terres du royaume, des bandes de paysans extrémistes qui font ainsi naître la croisade communière des Pastoureaux…

Le 28 mai 1871, au dernier jour de la Semaine sanglante, Eugène Varlin, ouvrier communard, est arrêté et amené à Montmartre où il est lynché par la foule de la dernière heure puis finalement fusillé par la troupe versaillaise

 

« Tous les mouvements de masse au Moyen Âge portèrent nécessairement une figure religieuse et ils apparaissaient toujours comme des restaurations radicales du christianisme primitif à la suite d’une corruption envahissante… »

Engels, Contributions à l’Histoire du Christianisme primitif

 

« La Commune ne fut donc pas une révolution contre telle ou telle forme de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale… Ce ne fut pas une révolution faite pour transférer ce pouvoir d’une fraction des classes dominantes à une autre, mais une révolution pour anéantir cet horrible appareil même de la domination de classe. »

Marx, La Guerre civile en France, 1871

 

Le corps unitaire et invariant de la tendance générique à retrouver la communauté de l’Être, à compter du moment où les sociétés de l’Avoir ont, à partir de la révolution néolithique des stocks échangés et des échanges stockés, disloqué les ancestrales organicités primordiales, se résume parfaitement dans le fil du temps insurrectionnaire de cette vérité immuable universellement confirmée par la totalité de l’arc historique humain : depuis que la séparation généralisée de l’homme et de sa production a abouti à la perte de tout point de vue unitaire sur l’activité accomplie, l’homme ne cesse cependant de vouloir révolutionnairement re-trouver l’acte d’une ex-istence non séparée de la vraie vie.

 

Sur ce terrain, les espaces vivants de la turbulence européenne ont fait surgir un continent spécifiquement in-subordonné, aboutissement dé- chaîné et dé-chaînant comme l’explicitèrent Marx et Engels, de la collision historique entre la décadence civilisationnelle romaine et l’archaïque propriété communiste germanique revivifiée par les invasions barbares. De la sorte, l’Europe fut bien toujours cet espace-temps permanent si particulier d’une propagation radicaliste qui généra partout la reviviscence ancestrale des communaux de la terre laquelle deviendrait ultérieurement par l’exaspération du déracinement capitaliste le mouvement théorico-pratique contemporain de l’insoumission communiste de l’internement urbain dénoncé…

 

C’est d’ailleurs pourquoi le Livre I du Capital a si bien pré-vu et détaillé à la source les mécanismes du grand remplacement démographique contemporain assis sur l’armée de réserve immigrée puisque la substitution d’un nouveau peuplement à histoire immobile et de conscience duplicative à l’ancien d’histoire remuante et de conscience déferlante, se présente aujourd’hui comme le cœur stratégique des manèges capitalistes destinés à éviter le retour des grandes grèves sauvages du type des larges réveils communards qu’a pu connaître l’Europe autour des années 1968.

 

La temporalité médiévale fut là un mouvement historique rythmé cardinalement par la dialectique des cheminements contradictoires où se posaient et s’opposaient de manière croissante la structure féodale de la propriété foncière rurale et la propriété corporative urbaine du métier. La division entre le commerce et l’industrie qui existait déjà dans des villes anciennes se développa plus tard dans des formes de plus en plus élaborées et ravageuses lorsqu’à partir de la révolution capitalistemédiévale des villes neuves italiennes émergea un premier marché d’importance. Alors quand les Cités entrèrent ainsi en rapport les unes avec les autres dans des extensions et des termes tels que la vieille rente foncière de l’avant dut finalement se plier toujours davantage aux exigences de présentation de la rente commerciale et fiscale, il se prépara peu à peu l’émergence de l’État royal moderne comme antichambre financière du devenir des lumières marchandes qui conduiraient inévitablement à la révolution mercantile de 1789.

 

Par-delà la perte éminemment symbolique du Saint-Sépulcre par les chrétiens pourtant alors encore prédominants en terre d’Orient, les forces productives de la géo-politique particulière qui vont faire apparaître les croisades viennent indiquer très symptomatiquement que se formalise alors dorénavant une nouvelle donne considérable de l’économie et de la politique puisque la puissance de domestication des hommes qui était encore jusque là l’expression d’une domination essentiellement terrienne, tenue par la noblesse, laisse désormais indiquer qu’une domination nouvelle, expression d’une domestication essentiellement de nature commerciale, tenue par les marchands et les représentants des républiques italiennes, est en train de survenir et qu’elle va se répandre en un nouvel ordonnancement du monde.

 

Concomitamment au progrès déterministe du travail civilisationnel de la servitude qui allait faire passer l’assujettissement d’un stade essentiellement stable et auto-reproductif à une phase de bouleversement systémique constamment élargi, le devenir des marchés qui s’agrandissaient sans cesse allait faire peu à peu de chaque réalité humaine une simple valeur d’échange. C’est pourquoi à côté mais à l’envers des croisades étatiques réalisées avec la bénédiction du christianisme institutionnel papiste ou byzantin, se sont toujours levées des croisades sauvages et spontanées qui, au nom d’un regard christique révolutionnaire, n’entendaient point se perdre dans les réaménagements trans-continentaux générés par l’histoire des bourses de valeurs qui avait fait surgir les cités marchandes italiennes comme plate-forme centrale du bénéfice des pèlerinages armés.

 

Ainsi, de croisades des gueux en croisades des vagabonds, des paysans, des enfants ou des marginaux, tout l’espace-temps officiel de la machinerie étatique des croisades du pouvoir des aristocraties foncières et financières fut doublé en négatif radical par un espace-temps prohibé et parallèle continûment en récusation de toutes les machineries financières et foncières du pouvoir de l’État.

 

Alors que l’on embrigadait ainsi massivement les populations pour la défense économique et militaire des frontières physiques d’un Royaume de Jérusalem immobilier et mobilier où les républiques maritimes italiennes du Capital en expansion, à l’ombre des couronnes d’Europe, entendaient toujours investir davantage pour l’élargissement continu des rendements de leurs routes commerciales, il y avait toujours quelque part en contre-point factieux, un emplacement de parole frondeuse qui appelait ici et maintenant à la Jérusalem céleste de la communauté de vie contre toutes les puissances d’argent et en négation absolue du Temple de la marchandise.

 

Conséquemment, la croisade dite des Pastoureaux renvoie, à ce moment là, à deux insurrections paysannes de masse dont l’histoire se mêle originellement à celle des croisades populaires qui virent le jour non seulement hors des sphères des puissances politiques et religieuses d’alors mais même souvent et d’abord à leur encontre. Ces croisades eurent lieu en 1251 et 1320.

 

La première croisade des Pastoureaux surgit lors de la septième croisade lorsque Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis, se trouva enlisé dans les effets de la bataille de Mansourah et qu’il finit par s’y retrouver emprisonné avec toute son armée. Lorsque la nouvelle du désastre parvient en terre de France, elle engendra – sur le terrain d’une crise sociale généralisée de la rente foncière féodale de plus en plus déficiente – scepticisme, défiance, ébullition et émeutes. Comment un roi si pieux avait-t-il donc pu être ainsi abandonné si visiblement de Dieu ?

 

L’explication, sur le terrain des luttes de classes réellement existantes, apparu très vite dans le parler incendiaire et radical des prédicateurs communeux, en particulier celui d’un moine hongrois cistercien extrémiste. Ce moine d’enthousiasme et de passion intransigeante, nommé Maître Jacques, soutint avoir été directement avisé par la Vierge Marie que les oppresseurs du pouvoir, les aliénés de la richesse et de l’orgueil ne pourraient jamais reprendre la Jérusalem du Christ puisque seuls pouvaient y parvenir les hommes de l’Être, les cœurs purs, les pauvres, les humbles, les bergers, dont il se devait, lui, d’être l’éclaireur. L’arrogance et l’insolence de la chevalerie, ajoutait le moine hongrois, avaient considérablement mécontenté Dieu et c’est pourquoi ce dernier appelait à une totale transformation incendiaire de l’administration des choses.

 

En ce temps, le terme de pastoureaux qui désignait d’abord les bergers, donna ainsi son nom à cette croisade maximaliste. Une alarme solennelle eut lieu pour la Pâques 1251. Alors, des milliers de bergers et de paysans prirent la croix et se mirent en marche vers la capitale du royaume, armés de haches, de piques, de faux, de couteaux et de bâtons. Partis à plus de plus de 30 000 d’Amiens, ils dépassèrent rapidement les 50 000 puis approchèrent les 100 000 parvenus à Paris, où Blanche de Castille fut contrainte de les recevoir.

 

Dans un premier temps, la reine feignit de leur donner son approbation mais leur mouvement de sédition généralisée était bien trop dangereux socialement pour être toléré durablement par les puissances établis de la domestication politique et religieuse. En accusant nommément les marchands et les nobles, les abbés et les prélats, de vacuité et de cupidité, d’orgueil et de malfaisance, et en s’en prenant même frontalement à la Chevalerie, accusée de mépriser les pauvres et de tirer profit de la croisade, les pastoureaux se désignaient là eux-mêmes comme des indomptables inacceptables.

 

À mesure que se développait le mouvement de cette sédition inapprivoisable, des conflits de plus en plus violents et exacerbés ne cessaient partout de s’ensuivre en touchant aussi bien les campagnes que les villes et le mouvement qui s’étendait désormais de la Normandie à la Rhénanie jusqu’à aller toucher le nord de l’Italie, rendait hautement nécessaire que l’étouffement, l’intimidation et la répression furent alors prestement mis en mouvement pour que l’ordre des traditions de soumission fut restauré.

 

Sous la pression du tumulte en mouvement, Jacques put cependant finalement obtenir l’autorisation de prêcher en chaire à Notre Dame de Paris. À la fin mai, au cours d’une homélie enragée, il réclama l’abolissement de toutes les pauvretés et la totale communauté des biens, aujourd’hui tout de suite et non pour plus tard après la mort, incitant ainsi directement les assemblées factieuses à l’in-soumission généralisée. Le prêche terminé, les insurgés se répandirent dans toutes les rues de la capitale, où, comme à Amiens au début du mois, elles s’en prirent aux clercs, aux bourgeois, aux nobles et à tous les agents du fiscalisme étatique. Malgré l’intervention des officiers du guet à la Sorbonne et dans le quartier de l’Université, les barricadiers demeurèrent les plus forts et de nombreux représentants de l’appareil de répression furent massacrés pour avoir tenté de s’opposer à l’escalade agitatrice.

 

Ce n’est donc qu’avec très grandes difficultés et multiples tergiversations que la classe dirigeante parvint finalement et péniblement à contraindre les pastoureaux à quitter Paris. Le mouvement se scinda alors en deux colonnes : l’une fit route vers Rouen pendant que l’autre plus imposante cheminait vers Orléans. Là, en cet endroit ou se combina militairement la résistance acharnée et conjointe des milices communales de la bourgeoisie ascendante et des corps seigneuriaux de la féodalité déclinante, l’incendie put en fin de compte être contenu et ses restes continuèrent ensuite pour une partie vers Tours et pour l’autre vers Bourges. Blanche de Castille comprit alors finalement toute la gravité de ce danger impérieux que les rapports de ses intendants avaient souligné en lui rapportant les progressions inquiétantes de cette croisade d’en bas qui s’était progressivement transmuté en jacquerie fermement jusqu’au- boutiste.

 

Aussi, commanda-t-elle qu’on débarrasse le royaume de ce fléau dissident et d’abord de l’homme de Hongrie, qualifié désormais d’hérétique, d’égaré et de sorcier. Le 11 juin, à Villeneuve-sur-Cher, à la suite d’un nouvel engagement hautement violent, la troupe paysanne fut cette fois disloquée et celui que l’on dénommait Jacob capturé puis mis à mort. Leur animateur disparu, les assemblées de paysans combattants se dispersèrent d’elles-mêmes, et la grande révolte, confrontée aux massacres, exécutions, coercitions et chantages, finit insensiblement par se dissiper.

 

Néanmoins, l’on retrouve une nouvelle fois le nom et la trace de cet embrasement historique lors du grand soulèvement de 1320, connu sous le nom de seconde croisade des pastoureaux qui partie de Normandie à la Pâques de 1320 mit en branle des milliers de paysans rejoints par des masses fiévreuses de vagabonds, de bergers et de brigands. Ce flot grossissant se dirigea ensuite vers l’Aquitaine et le Périgord et ne fut finalement arrêté qu’en Aragon lorsque des milliers d’entre eux furent massacrés.

 

Il est aisé de la sorte de constater que le trouble social fort, aigu et incisif est une constante des pays d’Europe, plus notablement là d’ailleurs où la culture vivace des communaux de la terre et de l’âme revivifiée par les invasions germaniques a doté le malcontentement des hommes d’un puissant levier de résistance collective au mouvement oppressif des transformations agraires et de la fiscalité étatique.

 

Jacqueries, guerres de classe millénariste et convulsions urbaines rappelaient sans cesse que le soulèvement de l’ancien monde paysan serait le frein principal à la naissance de la paysannerie propriétarienne moderne telle qu’elle naîtrait de la révolution capitaliste de 1789 en laquelle réside la négation accomplie de l’être de la communauté de terre propre aux communautés paysannes communières d’avant la modernité des échanges.

 

À mesure que les États nationaux du futur devenir-monde de la marchandise commençaient à se formaliser sur les décombres d’un monde féodal qui avait lui-même ouvert tout grand les portes de ses châteaux à la monnaie en croyant naïvement que le despotisme de la liberté de l’argent serait domptable, la vie communautaire du jadis non monnayé se heurtait aux exigences ravageuses d’une culture de plus en plus intensive et tributaire tout à la fois des normes du rendement et des dogmes du surplus agraire puis industriel.

 

Ce qui est essentiel ici c’est de saisir – en dépit des différences, discordances et contrastes – la continuité matricielle entre l’antériorité médiévale qui mènera à l’avènement de la grande monarchie classique telle qu’elle validera la mort du vieux rapport non mercantile à la terre et sa postériorité républicano-financière au sens où les agitations médiévales de 1251 et de 1320 qui conduisent à la grande jacquerie de 1358 puis aux embrasements de Guyenne en 1548, aboutissent aussi par la métamorphose des longues durées insurrectionnistes, aux Croquants et Nu-pieds et ce jusqu’à la Grande Peur de 1789, aux soulèvements chouans et vendéens qui annonceront la mort irrévocablement advenue au XIXe siècle de l’ancestrale communauté rurale désormais pleinement absorbée par le paysage agricole du destin capitaliste.

 

Le son multiséculaire des cloches proclamant, de paroisse en paroisse, le tocsin de la dés-obéissance a été l’écriture vivante et charnelle de dizaines et de dizaines de générations campagnardes qui s’obstinaient à ne point accepter de disparaître dans la tyrannie montante des attractions de l’abstraction capitaliste exercée par la civilisation des villes. Cette immense, abondante et constante lutte de classe qui a d’ailleurs traversé toute l’histoire européenne pour la défense de la joie du terroir contre l’anonymat et la solitude du citadisme du profit, a finalement échoué mais pour passer le flambeau à un type de soulèvement bien plus vaste, beaucoup plus corpulent et immensément plus dangereux; celui de l’irréversible colère des prolétaires, c’est-à-dire de tous les hommes d’aujourd’hui privés de toute autorité sur leur propre vie par le spectacle démocratique de la dictature salariale de l’argent omni-présent.

 

En même temps que l’exode rural de la rentabilisation inévitable a vu l’appel de la ville faire partir les hommes de l’humus de la sensation vers l’urbanisme mental et physique du froid absolutisme du nombre, les vieux villages se vidaient de leur substance ardente pendant que la pathologie individualiste du narcissisme entrepreneurial devenait le commandement collectif de tous les territoires de l’urbanisation voulue par la croissance capitaliste de l’expansionnisme du marché.

 

C’est donc dans les villes que les héritiers prolétaires contemporains de tous ces remuements et transports de fourches et de faux venus de leurs lignages paysans allaient s’attaquer aux portes citadines de l’économie politique de l’exploitation et c’est pour cela qu’après les ébauches ensanglantées de 1830 et 1832, la République du progrès capitaliste sut réprimer publiquement et très ostensiblement dans la désolation et le carnage la révolution parisienne de 1848, en continuation du robespierrisme avancé qui avait simultanément conduit le populicide vendéen et l’écrasement de la sans-culotterie parisienne ultra.

 

En prolongement, répercussion et retentissement dialectiques, la Commune de Paris est cette période insurgée de l’histoire prolétaire qui voulait ouvrir le passage vers l’abolition de la condition prolétarienne et qui dura un peu plus de deux mois, du 18 mars 1871 à la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871. Bondissement d’in-discipline et de subversion contre le gouvernement de l’argent, la Commune ébaucha alors pour un futur de véritable qualité humaine une organisation qui s’essaya à se rapprocher de la communauté anti-mercantile de la nécessaire vie générique contre les errances de la recette et du pécule. Dans cette impressionnante fermentation crisique, Louis Eugène Varlin, né le 5 octobre 1839 à Claye en Seine-et-Marne se présente bien comme un militant radical majeur de l’époque, membre en même temps de la Commune de Paris et de la Première Internationale.

 

Eugène Varlin naît dans une famille de paysans très modeste. Il est d’abord apprenti peintre avant de devenir artisan relieur à Paris. Il découvre alors, dans ses premières luttes, les œuvres de Proudhon mais ne s’arrêtera pas à la vision étroite et illusoire d’une marchandise rééquilibrée réformistement par le crédit mutuel puisqu’il en viendra assez rapidement au point de vue communiste de la nécessaire liquidation révolutionnaire de la marchandise et du salariat. En 1857, il participe à la fondation de la société de secours mutuels des relieurs. En 1864-1865, il est l’un des principaux animateurs de la grève des ouvriers relieurs parisiens. En 1864 est créée l’Association internationale des travailleurs (A.I.T.), plus connue sous l’appellation de Première Internationale. Varlin y adhère en 1865 et participe énergiquement à la première grève des relieurs, avec son frère Louis et Nathalie Lemel, militante maximaliste qui participera, sur les barricades à la Commune et qui sera déportée en Nouvelle-Calédonie avec Louise Michel. Il se retrouve ainsi délégué en 1865 et 1866 aux premiers congrès de l’A.I.T., à Londres et à Genève. À la même époque, il encourage la création de la Société de solidarité des ouvriers relieurs de Paris. Son acharnement contribue à la création, le 14 novembre 1869, de la Fédération parisienne des sociétés ouvrières. Varlin, présent sur tous les terrains de la bataille sociale, contribue à la création d’une coopérative, La Ménagère, en 1867, et à l’ouverture, en 1868, d’un restaurant coopératif, La Marmite. Ce dernier comptera jusqu’à plusieurs milliers d’adhérents et ne fermera qu’après la Commune.

 

À la fin des années 1860, Varlin est arrêté et emprisonné plusieurs fois en raison des diverses grèves impulsées ou soutenues par l’A.I.T. en France. En 1870, la section parisienne de l’A.I.T. publie un manifeste contre la guerre. Eugène Varlin constitue des sections de l’Internationale à Lyon, au Creusot et à Lille. À la chute de l’Empire, en septembre 1870, Varlin fait partie, du comité central des Vingt arrondissements de Paris et il devient alors membre du comité central de la garde nationale au titre du 193ebataillon, dont il est le commandant.

 

Pendant l’hiver et le siège de Paris par les Prussiens, il s’occupe de l’alimentation des nécessiteux en fournissant les fameuses marmites de Varlin avec l’aide, notamment, de Nathalie Lemel et il devient secrétaire du conseil de l’A.I.T. pour la France. C’est alors que va arriver le célèbre soulèvement du 18 mars 1871 qui est la riposte des Parisiens à la décision du gouvernement d’Adolphe Thiers de leur retirer leurs armes et leurs canons. C’est le début de la Commune de Paris. Lors des événements de ce 18 mars 1871, Varlin s’implique très activement dans la prise de la place Vendôme. Le 24 mars, il prend part à la rédaction du manifeste-programme des sections parisiennes de l’A.I.T. Il est élu le 26 mars au conseil de la Commune et nommé à la commission des finances. Il assure dès lors la liaison entre la Commune et les sociétés ouvrières.

 

Le 1er mai, Varlin, comme la majorité des internationalistes, s’oppose à la création du Comité de Salut public qui représente fondamentalement tous les vieux courants républicano-blanquistes qui s’imaginent que c’est la question militaire qui règlera la question sociale et il signe le manifeste de la minorité qui lui exprime a contrario l’idée que seules les mesures sociales de radicalisation auto-diffusée peuvent faire avancer le mouvement subversif. Pendant la Semaine sanglante, il tente en vain et valeureusement de s’opposer à une pitoyable exécution d’otages, rue Haxo, et participe audacieusement aux derniers combats de Belleville. La Commune est finalement vaincue durant la Semaine sanglante qui débute avec l’entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s’achever par les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le 28 mai. La répression contre les communards est implacable. De nombreuses exécutions sommaires seront ainsi commises par les troupes versaillaises qui frapperont ainsi tous ceux dont les mains portent ou semblent porter des traces de poudre qui révéleraient ainsi l’emploi récent d’armes à feu.

 

Dans son Histoire de la Commune, Hippolyte Prosper Lissagaray, raconte ainsi la mort d’Eugène Varlin, ce dramatique 28 mai 1871, à la fin de la Semaine Sanglante : « Place Cadet, il fut reconnu par un prêtre qui courut chercher un officier. Le lieutenant Sicre saisit Varlin, lui lia les mains derrière le dos et l’achemina vers les Buttes où se tenait le général de Laveaucoupet. Par les rues escarpées de Montmartre, ce Varlin, qui avait risqué sa vie pour sauver les otages de la rue Haxo, fut traîné une grande heure. Sous la grêle des coups sa jeune tête méditative qui n’avait jamais eu que des pensées fraternelles, devint un hachis de chairs, l’œil pendant hors de l’orbite. Quand il arriva rue des Rosiers, à l’état-major, il ne marchait plus on le portait. On l’assit pour le fusiller. Les soldats crevèrent son cadavre à coup de crosse. Sicre vola sa montre et s’en fit une parure. »

 

L’Hôtel de ville et un certain nombre de grands monuments officiels ont alors été incendiés par les communards à compter du 24 mai 1871. La bibliothèque de l’Hôtel de Ville et la totalité des archives de Paris furent ainsi anéanties, ainsi qu’une grande partie de l’état civil parisien. Les communards de la ville agirent là spontanément comme les chouans et vendéens du bocage et du marais le firent auparavant quand ils pénétraient dans les agglomérations de l’archivage esclavagiste. Ils brûlèrent de rage avant de périr tous ces papiers écrits qui témoignaient administrativement de leur dépendance en tant que la paperasse officielle représentait bien avant tout le récit gouvernementaliste des formalités de la domination.

 

Toutefois, pour com-prendre, il faut prendre en soi la dimension profonde du véridique en ad-venir, ceci en négatif des apparences premières. Les dizaines de milliers de fusillés désarmés ne sont point là que de simples cadavres entassés dans des charniers sordides, ils sont des flambeaux d’énergie et de courage dont le souvenir de radicalité se trouvera transfiguré par toutes les luttes de classe extrémistes à venir, en claire conscience de leur pro-venance historique la plus lointaine. Thiers a voulu supprimer la lutte des classes par un acte de boucherie industrielle tout aussi horrible qu’inefficace. Il lui aura en fait simplement offert la possibilité de prendre par d’autres voies, des démarches et des parcours de compréhension encore plus in-disciplinables… De même que les sociaux-démocrates allemands en assassinant les spartakistes de 1919 et les lénino-trotskystes en immolant les marins et ouvriers insurgés de 1921, crurent bannir de l’histoire le danger du feu social de la conscience réfractaire, l’exécution sordide de Varlin fut certes un moment tragique qui désigne l’horreur de la démocratie capitaliste cannibale mais cet épisode nauséeux s’auto-dépasse dans le fil du temps historique qui annonce bel et bien la fin de plus en plus rapprochée du système terrible des objets rampant.

 

Ce qui est mis en perspective par la défaite pratique de la Commune c’est aussi l’acquis théorique décisoire qui signale que tant que le Capital n’est point parvenu à réaliser le procès de caducité de sa crise terminale, il continue à s’étendre en intégrant au procès de sa modernité tous les revers ouvriers qui étaient justement inévitables et qui sont là les leviers innovateurs à partir desquels il se débarrasse de ses vétustés inutiles. La Commune ne fut pas écrasée parce qu’elle ne sut pas se généraliser, elle fut balayée car elle était in-diffusable en un temps où la force encore neuve du Capital possédait, elle, toute la puissance de se généraliser jusqu’à atteindre les limites de sa dégénérescence présente. À partir de l’expérience de Varlin qui pose les jalons jusqu’auboutistes de la Première Internationale en anticipant de manière subversive le nécessaire refus tranchant de tous les remodelages mystifiants du capitalisme, social-démocratique, bolchévique ou écolo-décroissantiste, nous savons que l’émancipation humaine est le mouvement conscient vers le communisme qui se définit comme mouvement révolutionnaire de critique de l’économie politique, face à la gauche du Capital stade suprême de la mystification démocratique de la marchandise et contre le gauchisme, imposture supérieure de la liberté de l’argent pour toutes les époques.

Le mouvement communier abouti est une affirmation négative totale (contre le salariat, l’État, les syndicats…), qui ne se dégagera d’ailleurs pleinement qu’après la Commune de Paris autour de maximalistes comme Gustave Lefrançais compagnon survivant de Varlin et il n’en est qu’une conséquence logique. Si l’on veut en effet détruire définitivement les racines objectives du capitalisme et non l’organiser autrement pour mieux en répartir l’abondance des richesses chosifiantes, on doit s’attaquer fondamentalement à tout ce qui fonde les fonctionnalités de son faire et surtout tend à l’améliorer et l’optimiser. À partir de la Commune de Paris, s’ouvre le cheminement qui va mener aux Communes de Berlin, Kronstadt, Barcelone… et qui positionnera toute l’ampleur anti-étatiste rampante du mai 68 contre les polices syndicales. Le communisme n’est pas un nouveau mode de production de l’aliénation et du travail mais avant tout le mode d’existence de la communauté humaine refondée autour de l’auto-produire humain dans un monde sans argent. Le communisme est d’abord activité cosmique de l’être générique communautaire. Il ne se construit pas avec des appareils politiques ou économiques mais surgit de l’auto-mouvement anti- politique et anti-économique de la jouissance humaine véridique liquidant enfin toutes les entraves capitalistes.

 

Comme Marx et Engels à la suite de Hegel l’ont toujours expliqué, c’est la souche communeuse de l’intentionalité historique profonde du spécifique mouvement réel propre à l’éco-système social et mental né à la fin de l’Antiquité, de l’entre-choquement entre l’écroulement économique de Rome et l’avancée de la vieille marche germanique qui a fait émerger l’Europe comme berceau de tous les agir les plus subversifs et de toutes les pensées les plus extrémistes. Alors que partout ailleurs les vestiges de la communauté première sombraient peu à peu dans les endormissements immobilistes d’un simple répétitif étatique, le cœur dynamique du vieux continent ne cessait, lui, de se produire comme endroit sulfureux où les hommes intrinsèquement accordés aux communaux ontologiques des vibrations de terre, n’interrompirent jamais leur combat pour la défense dynamique et constamment poursuivie de l’usage communier contre le développement économique progressif du système de construction de l’appropriation et de la valeur d’échange.

 

De la paysannerie communeuse à l’ouvrier communard, tout se tient parfaitement dans l’arc historique évident qui mena les derniers hommes de la terre communautaire de l’Europe rétive à devoir progressivement devenir les premiers hommes de la révolution agro-industrielle de la possession et de la valorisation capitaliste. C’est pourquoi de la première jacquerie rencontrée à la dernière lutte ouvrière rencontrable demeure cette constance irréductible qui veut que derrière toute lutte réformiste même la plus limitée pour mieux sur-vivre dans l’âge du contrefait et du mutilé, se profile pourtant l’aspiration générique et transcendante à retrouver, malgré tout, l’immanence de l’humaine communauté.

 

Le prolétariat est l’ensemble des hommes de la terre aspirés par l’urbanisme machinique de la ville et contraints d’y fournir salarialement le travail vivant dont la domination par les mécaniques du travail mort constitue le rapport de production réificateur appelé Capital. Notre époque en tant que synthèse effectuée de toutes les précédentes est celle où le prolétariat, luttant en tant que classe contre le Capital de la domination réalisée de la capitalisation universelle, va devoir se remettre lui-même en cause et porte le dépassement révolutionnaire de sa propre condition par la production incandescente du communisme comme l’abolition de toutes les classes, le jaillissement générique de la communauté de l’Être.

 

La lutte de classe entre le prolétariat et le Capital cesse d’être réformiste et régénératrice du Capital lorsqu’elle s’arrête de s’annoncer comme une simple réaction, une défense du prolétariat face au Capital sur le terrain du Capital et qu’elle se retourne réellement en contradiction pleine et entière entre le prolétariat et le Capital sur le terrain de l’humain.

 

Le communisme, c’est-à-dire la communauté de l’Être est évidemment une réalité à venir, mais c’est au présent qu’il convient d’en parler car la communisation est déjà préparée dans les luttes actuelles chaque fois que le prolétariat se heurte à sa propre existence aliénée comme classe majeure de l’aliénation, dans son action en tant que classe soumise, contre le Capital, à l’intérieur du rapport d’exploitation de la soumission, dans le cours même de ces luttes qui restructurent simplement la valeur. Chaque fois que l’existence même du prolétariat est produite comme quelque chose d’étranger à l’humain et d’inhérent à l’argent, ce à quoi il se heurte dans sa lutte en tant que classe qui doit liquider les classes, c’est à une contrainte objective extériorisée dans l’existence même de l’économie politique et issue de son lui-même réifié contre son lui-même de vraie vie.

 

C’est l’aggravation illimitée de la crise de la domination réalisée du fétichisme de la marchandise qui produit la révolution sociale lorsque l’action du prolétariat dans la crise réalisée du fétichisme de la domination en vient à produire le communisme comme nécessité dialectique d’un spectacle de la production qui ne peut plus re-produire son spectacle. La défense de ses intérêts immédiatistes va dès lors amener le prolétariat au point où il sera conduit à agir pour la destruction du système de la marchandise quand il y a aura saut qualitatif radical et trans-croissance critique complète des luttes, c’est à dire relation d’auto-débordement à cette défense, conjugaison d’auto- suppression dans la forme et le contenu, c’est-à-dire articulation critique avec toutes les luttes antérieures de réforme jusqu’au brisement de tous les réformismes de l’antériorité.

 

Face aux délocalisations, c’est au cours de cette défense pourtant acharnée de l’outil de travail que la production de l’existence de classe comme contrainte extériorisée dans le travail outillé peut se changer en saut commencé d’une articulation qualitative critique telle qu’elle peut déboucher en un moment novateur à proprement parler révolutionnaire où la défense auto-surpassée de ses intérêts immédiats amène le prolétariat à passer à un autre monde, celui de la fin du travail et de l’argent. Cela parce que positivement le prolétariat trouve ici en l’histoire ancestrale de son lui-même contradictoire enfin conscientisé, la capacité de se produire contre le Capital, à partir de ce qu’il est comme classe (c’est-à-dire, rapport contradictoire aux contradictions du Capital) mais alors en tant que dimension nouvelle anti-classiste pour balayer humainement le rapport–Capital.

 

Lorsque le prolétariat annihilera les moyens de production du spectacle du fétichisme démocratique de la marchandise, il le fera comme dia- lectique dont la forme et le contenu lui seront fournis par ce que la crise finale du mode production capitaliste aura rendu irrépressible l’impossibilisation pratique advenue de la valorisation, c’est à dire que l’abolition de l’échange, de la valeur, du travail et des classes deviendront la seule base objective de tout déploiement de vie.

 

La crise finale est avant tout la crise concrétisée de l’implication réciproque entre le travail et le Capital, la crise de l’auto-présupposition du Capital, intégrant tout ce qui fut l’histoire passée de l’avant-Capital qui contenait toutefois le Capital depuis le troc échangiste néolithique, en tant que la détermination future est toujours nécessairement pré- contenue dans le produire antécédent. La classe prolétarienne trouve alors, dans ce qu’elle est dans le Capital devenu infaisable, la capacité de trouver ce qu’elle est contre le Capital pour communiser le monde, au moment où, simultanément, le Capital cesse de pouvoir extérioriser la nature de classe des prolétaires comme vampirisation de leur nature humaine.

Le communisme est ce que produit le prolétariat, de par ce qu’il est dans sa contradiction avec le Capital, au moment où il abolit la capitalisation lorsque cette dernière devenue totalité du développement mondial ne parvient plus malgré l’orgie de manipulations monétaires et terroristes mises en mouvement par le gouvernement du spectacle mondial, qu’à accoucher de son auto-dissolution objective. La crise actuelle de suraccumulation et de saturation mondiale des marchés est la crise du taux de profit qui se présente comme crise mondiale permanente de la reproduction des rapports capitalistes en train de déboucher sur la crise de légitimation du spectacle de la marchandise en tant que tel.

 

Le communisme est le mouvement contradictoire terminé du mode de production capitaliste, le procès de sa caducité achevée. L’exploitation comme contradiction dialectique entre le prolétariat et le Capital se définit simultanément comme implication réciproque de ces deux termes et production de la spécificité de chacun d’eux quant à sa place historique dans le cours de la lutte des classes. Et si le développement du mode de production capitaliste porte en soi son dépassement, il ne le porte que par la situation et l’activité spécifique du prolétariat comme classe révolutionnaire d’aujourd’hui issue des paysanneries communeuses d’hier et en tant qu’il est la seule classe révolutionnaire de la crise cataclysmique du mode de production capitaliste.

 

La contradiction entre le prolétariat et le Capital est simultanément la dynamique du développement du mode de production capitaliste, de ses crises et de son dépassement lors de la crise finale de la valeur. il en résulte que la révolution sociale se définit en totalité comme ce rapport spécifique entre, d’une part le cours quotidianiste de la lutte de classe et, d’autre part, la fin de l’argent et la communisation dans leur contenu historique ontologique d’émergence de la communauté de l’être générique quand la quotidianisation chosifiante échoue justement à pouvoir continuer de chosifier le quotidien.

 

Désormais, l’exploitation comme rapport de valorisation entre le prolétariat et le Capital est une contradiction devenue explosive en ce qu’elle est un procès en contradiction de plus en plus impossible avec sa propre reproduction matérialisée par la baisse croissante du taux de profit en tant que la transformation de la plus-value en capital additionnel est bien sûr de plus en plus problématique en ce temps où le poids du travail mort machinique étouffe sans cesse la part déclinante de travail humain productif.

 

La crise économique du chaos spectaculaire de l’indistinction généralisée et sa débauche de crédit hallucinatoire qui n’a pas eu d’autre effet que d’intensifier ce qu’il était censé réduire est d’abord la crise du rapport social d’exploitation. Les années qui viennent vont nous montrer que la restructuration planétaire actuelle est la dernière phase de la domination réalisée du travail sous le Capital. La crise de l’économie du crédit en se convertissant en crise du crédit de l’économie va signifier universellement que par delà tous les conflits géo-politiques où s’affrontent secondairement toutes les classes capitalistes intéressées par la course aux derniers débouchés solvables, le grand affrontement primordial sera celui qui les opposera toutes, ensemble et unitairement, au mouvement d’auto-émancipation inter-national du prolétariat car comme surent si bien le démontrer tous les Thiers et les Bismarck qu’a connus l’histoire, l’ensembles des rackets économiques et politiques de la terre se retrouvent toujours solidaires face au réveil de ces Communes où l’homme clame clairement son refus d’obtempérer à l’autocratie spectaculaire de la raison marchande de tous les États.

 

Dans la filiation communeuse de la croisade des Pastoureaux et de tous les Varlin inconnus ou anonymes des Commune de Paris et d’ailleurs, tous les mouvements de la conscience des racines de l’Être de la vie s’incarnent radicalement, en sachant que pour enfin devenir lui- même, l’humain doit se produire comme acte cosmique de subversion absolue vers la constitution de la communauté universelle pour un monde sans salariat ni argent ni État.

 

Gustave Lefrançais,

pour l’inter-collectif L’Internationale (avril – mai 2014)

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mercredi, 01 décembre 2010

La "tension psychologique insurrectionnelle"

La « tension psychologique insurrectionnelle »

Par Philippe Grasset

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

(…) Dans Notes sur l’impossible “révolution” du 24 septembre 2009, sur dedefensa.org, était exprimée la conviction que les mouve

Honoré Daumier, "L'insurrection" (1860)

ments d’insurrection et de révolte auxquels nous avons l’habitude de nous référer sont définitivement dépassés parce que totalement inefficaces, voire contreproductifs.

Pour diverses raisons exposées dans l’analyse, de tels mouvements sont condamnés par avance s’ils prétendent obtenir directement un résultat décisif correspondant au but d’insurrection de ceux qui l’initient. Pour moi, c’est un fait indiscutable, même si le mouvement parvient à un résultat tangible.

 

(Résultats tangibles de telles actions, si elles pouvaient avoir lieu ? Soit changer le régime des retraites, soit, plus hypothétiquement, prendre d’assaut le Palais de l’Elysée et habiller Sarko en sans-culotte ou en scout du Secours Catholique ; soit même, pour des Irlandais colériques et qu’on sait être coriaces et courageux, des émeutes insurrectionnelles ne menant qu’au même cul de sac de la prise d’un pouvoir politique dont ils ne sauraient que faire puisque leur pays, comme les autres, n’est qu’un maillon du système et rien d’autre. Le seul cas où une action politique réelle peut donner directement un résultat décisif, par son caractère intrinsèque de psychologie insurrectionnelle réalisant effectivement une attaque contre le cœur de la psychologie du système, c’est l’éclatement de l’Amérique avec la destruction de l’American Dream qui s’ensuit, – perspective qui, soit dit en passant, ne doit pas nous paraître rocambolesque lorsqu’on lit le dernier article de Paul Krugman.)

Cette affirmation de “l’impossibilité d’une révolution” selon le sens classique ne doit certainement pas être prise comme une affirmation désespérée, désenchantée et nihiliste si vous voulez, mais simplement comme la prise en compte du fait que nous sommes dans une époque différente, où les forces en action sont complètement différentes de celles qu’on observait dans l’époque précédente (Epoque psychopolitique et plus du tout géopolitique, où il n’y a plus aucun rapport de cause à effet entre une action politique de rupture violente, même réussie, et un changement décisif du système).

Voilà mon postulat de base, qui s’applique essentiellement dans les pays du bloc occidentaliste-américaniste, – c’est-à-dire dans les seules situation où vous pouvez toucher le système au cœur ; dans ces conditions nouvelles, “toucher au cœur le système” deviendrait alors, plutôt qu’effectivement parvenir à sa destruction d’une façon directe, accélérer puissamment, voire décisivement, son mouvement de destruction interne déjà en cours, du fait de ses propres tares fondamentales.

Je vais tenter d’expliquer les caractères de cette nouvelle situation d’abord, ce qui peut être fait ensuite, comment ce qui peut être fait peut être exploité efficacement, sinon décisivement, enfin.

La psychologie, l’arme de l’insurrection

Je mets en avant bien entendu, avant toute chose, le facteur de la psychologie, qui est complètement essentiel dans mon propos. C’est par lui que tout passe, à cause de la puissance du système de la communication, instauré par le système général mais qui, à cause de ses spécificités contradictoires, joue un “double jeu”, alors que l’autre composante du système général, le système du technologisme, est dans une crise si profonde qu’elle pourrait être qualifiée de terminale, – ce qui est ma conviction.

(Sur ce dernier point, quelques mots… Je me demande chaque jour, chaque heure, chaque minute, comment on peut encore substantiver en termes de capacités politiques et militaristes également efficaces jusqu’à lui prêter un caractère de quasi invincibilité, un système dotée de cette puissante effectivement colossale, qui étouffe littéralement sous l’accumulation de centaines et de centaines de milliards de dollars annuels, qui est incapable de fabriquer un avion de combat [JSF], incapable de prendre une décision contractuelle [KC-X], incapable au bout de neuf ans de comprendre les données fondamentales absolument primaires de la guerre où elle se débat comme dans un pot de mélasse [Afghanistan], etc. Et l’on croirait, par exemple, qu’un excrément bureaucratique de plus [le “concept stratégique de l’OTAN”] irait changer quelque chose, sinon accroître encore le désordre général et la paralysie ossifiée de cette bureaucratie ? Il y a parfois l’impression qu’une telle observation du système par ceux qui professent leur immense aversion pour lui, témoigne également de la part de ces mêmes critiques d’une singulière fascination pour lui, comme une croyance paradoxale dans la magie de ce même système. C’est lui faire bien de l’honneur, et s’en informer fort mal.)

Poursuivons… Donc le système de la communication est un Janus. Il sert le système général mais, également, il le trahit joyeusement dès que les arguments auxquels il est sensible (sensationnalisme, méthodologie de l’effet, etc.) se retrouvent dans des appréciations contestataires du système, non par goût de la trahison mais par goût de l’apparat et de l’effet de ces informations, qui ont alors sa faveur puisqu’elles font marcher la machine (Vous savez, cette remarque désolée que fait parfois tel ou tel président, tel ou tel ministre, aux journalistes, même des journalistes-Pravda ses fidèles alliés : “mais pourquoi mettez-vous toujours l’accent sur les mauvaises nouvelles ?” Pardi, parce que c’est ça qui est “sensationnel”, qui fait marcher le système de la communication, et parce qu’il n’y a rien de mieux que les “mauvaises nouvelles” pour faire marcher le système, et qu’en plus il n’y a plus aujourd’hui que des “mauvaises nouvelles”).

Par conséquent, Janus est de tous les coups, il marche avec son temps (“il n’y a plus aujourd’hui que des mauvaises nouvelles”) et il est ainsi devenu, sans intention délibérée, la plus formidable machine à influencer les psychologies dans le sens de la déstructuration du système.

En répercutant les commentaires alarmistes des serviteurs du système concernant les dangers d’insurrection des populations de notre système pourtant si cajolées de mots ronflants, le système de la communication contribue grandement à créer un climat psychologique insurrectionnel. Mais ce climat n’engendre rien de décisif dans ce qu’on juge être décisif, – l’action “révolutionnaire”, – parce que nul ne sait comment s’insurger efficacement de cette façon-là.

C’est cette idée de cette situation sans précédent, qui renverse complètement les situations connues : hier, tout le monde savait ce que serait une “révolte”, c’est-à-dire par le moyen de la “violence révolutionnaire”, l’inconnue résidant dans le fait qu’on ignorait quand existerait une volonté ou une occasion de la faire ; aujourd’hui, tout le monde admet qu’il existe partout une volonté d’insurrection, l’inconnue résidant dans le fait qu’on ignore quelle forme pourrait et devrait prendre cette insurrection.

Alors, il y a partout des protestations, des manifestations, des initiatives spontanées parfois étranges, qui ne débouchent sur rien de définitif, et l’on s’en désole ; mais l’on n’a pas raison parce qu’elles ont aussi l’effet d’accroître constamment cette tension psychologique insurrectionnelle.

L’essentiel est dans ce bouillonnement psychologique. Prenez le cas d’Eric Cantona (voir le texte du 22 novembre 2010) ; type pas sérieux, Cantona, provocateur, people et ainsi de suite. Ce qui est accessoire en l’espèce – mais d’ailleurs sans préjuger des effets éventuels de cette “initiative spontanée” (retrait massif d’argent des banques), car nous ne sommes pas au bout de nos surprises –, c’est de prendre trop au sérieux la proposition de Cantona, en disant et expliquant “ça marchera”, ou bien “ridicule, ça ne marchera pas”.

Pour l’instant (cette restriction bien comprise), l’analyse de la chose n’a strictement aucun intérêt. Ce qui importe et rien d’autre, c’est la contribution involontaire de Cantona, idole people des foules, à la montée de la tension psychologique insurrectionnelle. On pourrait définir ce que je nomme “psychologie insurrectionnelle”, un exemple très précis et extrême à cet égard, dans un texte de l’écrivain et poète US Linh Dinh, sur OnLineJournal, le 15 novembre 2010.

Première phrase du texte : « Revolt is in the air » [La révolte est dans l'air]. Puis un long catalogue des révoltes qui pourraient avoir lieu aux USA, jusqu’à la sécession, jusqu’aux révoltes armées, etc., mais chaque fois avec l’observation que cela ne se fera pas, parce que la population est trop apathique, les conditions ne s’y prêtent pas, etc. Donc, constat pessimiste, sinon désespérant ?

Et puis cette conclusion, qui contredit tout le reste, – sauf la première phrase : «I have a feeling, however, that we may be nearing the end of being jerked back and forth like this, that even the most insensate and silly among us is about to explode » [J'ai le sentiment, toutefois, que nous pourrions bientôt finir d'être trimballés en avant et en arrière comme cela, que même le plus insensé et stupides d'entre nous est sur le point d'exploser].

…Tout cela conduisait, dans le même texte référencé (sur Cantona), à cette conclusion qui me paraît digne d’intérêt pour cette réflexion : «Peut-être déterminera-t-on finalement, selon l’évolution de ce “climat” de la recherche d’une nouvelle forme de révolte et de la tension psychologique que cela ne cesse de renforcer, que c’est le développement même de ce climat qui est, en soi, la nouvelle forme de la révolte…» (Encore une fois, le mot “révolte” n’aurait pas dû être employé, mais bien celui d’“insurrection”.)

Pour conclure cet aspect de l’analyse par une tentative de chronologie datée, je proposerais l’hypothèse que cette phase d’“insurrection psychologique” où nous sommes entrés est la phase suivante de l’évolution des peuples face à la grande crise de notre système et contre ceux qui servent encore ce système, après ce que je nommerais la phase de “résistance psychologique” qui s’est développée entre les années 2003-2004 et 2008-2009…

Cela correspond par ailleurs, et ceci n’est pas sans rapport avec cela, avec ce que j’estime être, dans l’année que nous terminons, l’entrée dans la phase active de la crise eschatologique du monde, cette crise qui se développe comme un volcan entre en activité vers son éruption, au travers de la pression des crises de l’environnement, des ressources, de la crise climatique, etc.

TINA pour nous aussi

Comment analyser d’une façon générale cette situation dans la perspective de ce qui devrait être fait, sinon de ce qui pourrait être fait ?

Je dirais que le but de l’“insurrection” ne doit pas être, n’est pas de “prendre le pouvoir” (c’est-à-dire le système, bien sûr), mais de “détruire” le pouvoir (le système). Il n’est même pas intéressant de l’“affaiblir” avant de le frapper, ce pouvoir, mais, au contraire, de le frapper pour le détruire alors qu’il est au faîte de sa puissance…

Car il est au faîte de sa puissance et le restera, y compris et surtout en conduisant lui-même son processus d’autodestruction, – plus il est puissant, plus sera puissant son processus d’autodestruction, – cela, à l’ombre d’une autre contradiction qui caractérise sa crise terminale : plus il est puissant, plus il est impuissant.

Mises à part les considérations humanitaires dont on connaît l’illusoire vertu et la grandiose inutilité, je dirais que le cynique qui veut la peau du système ne comprendrait pas une seconde ceux qui, se disant eux-mêmes adversaires du système, réclament à grands cris et espèrent ardemment le retrait américaniste d’Afghanistan, même pour les meilleurs motifs du monde.

Que l’OTAN et l’U.S. Army y restent, en Afghanistan, qu’elles y déploient toute leur puissance, tant il est évident qu’elles sont en train de se dévorer elles-mêmes, en aggravant chaque jour leur crise structurelle et la crise psychologique de ceux qui ordonnent et conduisent cette guerre sans but, sans motifs, sans commencement ni fin, sans rien du tout sinon la destruction de soi-même.

Et tout cela doit bien être compris pour ce qui est, au risque de me répéter, pour bien embrasser le caractère complètement inédit de cette situation…

Il n’y a là-dedans ni affrontement classique, ni une sorte de “guerre civile” au sens où nous l’entendons, ni “révolte” justement, comme j’en indiquais la définition au sens classique. Il y a une “attaque” qui est un mélange de pression psychologique et d’action désordonnée suscitées par cette pression psychologique et l’accentuant en retour, – et là, effectivement, nous abordons le champ de l’action qui est possible aujourd’hui, à la place des mouvements “révolutionnaires” classiques et totalement discrédités.

Cette attaque par la “pression psychologique insurrectionnelle” touche le système (ses représentants mais lui-même en tant qu’entité, dirait-on) dans sa propre psychologie, affaiblit cette psychologie dans le sens du déséquilibre, avec toutes les fautes qui en découlent, ce qui accélère effectivement le retournement de sa propre immense puissance contre lui-même.

En attaquant “le pouvoir” (le système), vous attaquez le système, comme l’indiquent justement les parenthèses ; vous n’attaquez pas des hommes mais un système (anthropotechnique si vous voulez, mais aussi bien anthropotechnocratique, etc.), dont j’ai déjà dit ma conviction qu’il évolue de façon absolument autonome, hors de tout contrôle humain, mais au contraire en entretenant une servitude humaine à son avantage, dont celle des dirigeants politiques est une des formes les plus actives.

Ce dernier point indique qu’à la limite, mais une limite qui prend de plus en plus d’importance dans le contexte, l’insurrection réclamée, qui est d’abord une “insurrection psychologique” manifestée par une tension grandissante, doit aussi, et peut-être d’abord, avoir comme objectif naturel de son influence, dans ce cas définie presque comme bienveillante, la psychologie des directions et élites politiques, comme pour venir à leur secours.

Dans cette situation extraordinaire et, contrairement à tous les dogmes et théories sur l’influence, la manipulation, etc., les dernières psychologies “sous influence” de la manipulation du système sont celles des directions et élites politiques, nullement celles des populations. Ces directions et élites politiques sont beaucoup plus prisonnières par auto conditionnement (virtualisme), par aveuglement ou par dérangement psychologique, que complices conscientes et cyniques.

La pression de l’“insurrection psychologique” des peuples doit agir sur elles pour affaiblir leur “dépendance” psychologique du système, pour subvertir leur démarche de soumission et leur position d’asservissement, – en vérité, et j’ironise à peine, pour les libérer, rien de moins…

Pour cette sorte d’action, dont la composante psychologique est essentielle, il faut des mouvements confus, incompréhensibles, parce que justement ces mouvements constituent une force psychologique insurrectionnelle brute semeuse de troubles sans fin dans les psychologies prisonnières du système, qui croient encore à la bonne ordonnance du système, qui craignent le désordre par dessus tout, et ce désordre commençant par la confusion psychologique.

Le seul but, – inconscient, bien plus que conscient, sans aucun doute, – de cette sorte d’action de ces “mouvements confus” est effectivement de “détruire” le pouvoir (le système) ; ces actions ont un aspect nihiliste qui se reflète dans leur confusion, mais ce nihilisme agit comme un contre feu, contre le nihilisme institutionnalisée du système, et elles acquièrent par logique contradictoire un aspect structurant antisystème extrêmement positif… Tout cela, comme vous le constatez, se déroule toujours dans le champ de la psychologie.

Bien entendu, il y a l’exemple de Tea Party. Ne nous lamentons pas si nous ne comprenons pas vraiment le but de Tea Party, bien au contraire ; surtout, surtout, il faut éviter tout jugement idéologique, de celui qu’affectionnent les vieilles lunes de notre establishment progressiste qui se donnent encore la sensation d’exister comme dans les belles années du XXème siècle, autour de la Deuxième Guerre mondiale, en agitant l’épouvantail de l’extrême droite et du “populisme”.

Politiquement, Tea Party c’est tout et rien, et c’est n’importe quoi, – et c’est tant mieux ; c’est, par contre, l’archétype du mouvement né d’une “psychologie insurrectionnelle”, qui doit être considéré pour cette dynamique, cette pression de l’insurrection psychologique qu’il fabrique et nullement pour ses motifs confus… L’on conviendra que tout cela n’est pas sans résultats, et quels résultats quand on voit l’évolution vertigineuse de la panique du système washingtonien.

Depuis le 2 novembre, l’establishment washingtonien ne cesse de grossir Tea Party, son action, son influence, bien plus que ne le justifieraient ses résultats aux élections. On construit à partir de lui des monstres qu’on pensait impossibles à Washington, comme l’annonce d’une aile “neo-isolationniste” au sein du parti républicain, laquelle, à force d’annonces et d’avertissements répétés, finit par exister vraiment.

On envisage des réductions dans le budget de la défense et Paul Krugman nous annonce un affrontement politique de rupture à Washington pour le printemps prochain, où Tea Party ne laissera sa place à personne. C’est cela, “détruire” le pouvoir (le système), le forcer à fabriquer lui-même, dans sa toute puissance, les monstres qu’il abomine et qui vont le dévorer. Et le moteur de tout cela, c’est bien la perception d’une irrésistible tension psychologique insurrectionnelle.

Enfin, dira-t-on en pianotant nerveusement sur la table, devant son écran d’ordinateur, lisant ce texte, où tout cela va-t-il mener ? L’esprit et la raison ne peuvent se départir de leur passion pour l’organisation du monde qui soit à leur mesure, où ils tiennent une place essentielle, dont ils peuvent proclamer la gloire à leur avantage… Bien entendu, la question est hors de propos. Pour l’instant on frappe, on frappe et on frappe encore, et l’on frappe principalement par cette pression psychologique insurrectionnelle…

Et le système fait le reste devant cette pression qu’il ne comprend pas mais qui l’enserre, il transforme son immense et invincible puissance en une force contre lui-même par des réactions stupides, absurdes, des maladresses extraordinaires.

Vous dites que le système est très, peut-être trop puissant ? Qui a parlé de le vaincre sur son terrain ? Surtout pas, il faut retourner contre lui, comme un gant, sa puissance énorme, comme le recommande l’honorable Sun tzi. Il s’effondrera ; d’ailleurs, cela est en cours, l’effondrement…

Et après ? Quel monde organiser? Oh, quelle ambition est-ce là… Laissez donc la montagne de fromage pourri et les murs de Jericho s’écrouler avant d’envisager ce qu’on peut mettre à la place, – non, pardon, avant d’envisager ce qui se mettra en place, de soi-même et irrésistiblement, par la grâce de forces puissantes.

Par cette formule, je veux avancer ceci : si l’hypothèse se vérifie et si la “pression psychologique insurrectionnelle” parvient effectivement à participer, sinon décisivement du moins considérablement, à la déstabilisation et à la déstructuration du système jusqu’à son effondrement, c’est que des forces fondamentales, supérieures à nous, auront évidemment favorisé cette issue qui n’est pas de l’empire de la raison, mais plutôt suggérée par l’intuition ; ces forces resteront présentes pour l’étape d’après la Chute et joueront leur rôle, fondamental à mesure…

Pour ce qui nous concerne, pour l’immédiat, nous autres brillants sapiens de l’espèce vulgum pecus, nous n’avons, à l’image du système, que la perspective TINA (There Is No Alternative) ; mais cela, dans une position de contre force, contre le système, car il n’y a pour nous pas d’alternative à la concentration de toutes nos forces dans le but ardent de la destruction d’un tel système, cette “source de tous les maux” dont l’unique but est aujourd’hui la destruction du monde.

Les sapiens revenus sur terre, à leur place, dans le chaos qu’ils ont tant contribué à créer, sont des acteurs parmi d’autres, et pas les plus grandioses, – certainement nous sommes cela, avec une bonne cure d’humilité à suivre, considérant le monstre extraordinaire que notre “génie” pleinement exprimé dans la modernité a contribué à créer.

Qu’ils s’en tiennent, les sapiens, à ce rôle qui n’est pas sans beauté ni dignité, comme l’est l’humilité devant l’ébranlement du monde dont nous ne tenons plus les fils. Ainsi bien compris, ce rôle n’est pas inutile.

Dedefensa