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lundi, 16 mai 2016

Les incontinences de François H., le rappeur de l’Élysée

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Les incontinences de François H., le rappeur de l’Élysée

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

Ex: http://www.dedefensa.org

12 mai 2016 – En un sens, ce type, François H., est plus “performant” en fait de déconstruction qu’un Robespierre ou qu’un Lénine. Il a l’air bonasse du notaire de province rougissant et un peu moite qui va au boxon tirer son coup en douce, mais c’est désormais un habitué. Dans tout ce qu’il fait, François H. parvient à une quasi-perfection dans l’acte maléfique, et surtout dans l’auto-dissimulation de cet agir-là qu’il réalise comme on tire la chasse, en catimini et en col-cravate. Bref, c’est pas mon genre...

Tout cela pour dire qu’il a réussi à me faire signer une pétition, pour la première fois de ma vie. (Je suis le citoyen démocratique modèle tel que je le rêve : j’ai voté une fois dans ma vie, j’ai signé une pétition une fois dans ma vie, et cela à l’un et l’autre bout de ma vie.) Déjà, avant-hier, en lisant ceci sur RT-français, j’étais un peu mal à l’aise, – vous savez, comme lorsqu’on va s’indigner de quelque chose et que l’on ne va pas plus loin, – “à quoi bon ?”, se dit-on, épuisé de tant d’indignations diverses, et puis appelé à une tâche urgente que vous prépariez déjà... Tout de même me disais-je encore, choisir un rappeur pour célébrer Verdun, tout de même ... Et puis, autre chose à faire...

(RT : « Afin de commémorer le centenaire de la plus meurtrière des batailles de la Première Guerre mondiale, le gouvernement a décidé d’organiser un concert de rap le 29 mai. [...] L’Elysée souhaitait un rendez-vous populaire qui fasse la part belle à la jeunesse. Il a donc organisé un concert gratuit pour commémorer les cent ans de la terrible bataille de Verdun. Jusque-là, rien de bien clivant. Sauf que la tête d’affiche n’est pas pour plaire à tout le monde. C’est Black M, rappeur issu du groupe Sexion d’Assaut, qui a été choisi. Accompagné de Lefa et Abou Debeing, il chantera le 29 mai au Parc de Londres, à Verdun. »)

Hier matin, je reçois un message annonçant une pétition et m’invitant à la signer, et alors là, c’est vrai, la chose explose silencieusement dans mon esprit, se réalise, s’impose complètement et je n’y tiens plus ! Je signe aussitôt, et, pour faire suivre à qui le voudra, envoies la pétition ici ou là ; ce moment-là, à cet instant, était absolument opportun. Soudain, tout s’est assemblé dans mon esprit, et ce qu’est Verdun pour moi, et les voir là, qui ont trouvé cette trouvaille de “communicant” trouveur-de-trouvaille, absolument atroce, signe affreux d’un caractère complètement dissous, – même pas dissolu, non dissous, – d’une colonne vertébrale aussi ferme qu’un éclair au chocolat, d’un cœur sec comme un coup de trique, d’une âme aussi inspirée qu’une endive, d’une érection extrêmement molle jusqu’à pouvoir figurer comme “création contemporaine” dans un atelier d’exposition démocratique de l’Art Contemporain (AC).

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(Imaginez que Monsieur Bernard Arnault, Président-directeur général de LVMH, Président de la Fondation Louis Vuitton et grand mécène devant l’éternel de l’A.C., et enfin élégant cornac et pygmalion de sa Fondation, nous dise, entre flute à champagne, cravate en soie et Mercédès coupée à sa taille : « François H. a conçu un projet grandiose, pertinent et enchanteur, fruit d’un dialogue véritable avec sa propre “bite à érection extrêmement molle”. Son œuvre répond magnifiquement à l’architecture dans la continuité d’un travail, initié dès les années 1970, où se croisent couleurs, transparence et lumière. » Si vous voulez, le travail de l’artiste dit-“bite à érection extrêmement molle” comme équivalent A.C.-postmoderne de la cathédrale gothique, – voilà, c’est cela, bite-molle versus cathédrale gothique... Le marché tranchera, on sait bien dans quel sens.)

Je persifle, certes, et me conduis en garnement mais c’est pour mieux dissimuler l’indignation silencieuse qui me prend et me soulève. Savent-ils ce que c’est que Verdun, ces types dans leur 4x4 aux vitres teintées et leurs Peugeot grand luxe ? Ont-ils consacré un instant de leur précieux temps-compté à tenter de saisir la nostalgie tragique du souvenir de l’immense et terrible bataille ? Savent-ils encore “tenter de saisir” ? Peuvent-ils encore entr’apercevoir l’immensité tragique de cet événement, cette horreur mélangée au sublime exactement, toutes ces choses que leurs petits phrases étriquées comme leurs petits costumes et mécaniques comme leurs psalmodies labellisées-“droit-de-l’homme”, ne peuvent jamais espérer effleurer seulement ? Devant eux, devant leur impuissance à embrasser le tragique du monde, mon indignation elle-même devient sérénité, comme stupéfaite et presque apaisée par l’immensité du vide que des êtres aussi affreusement non-signifiants et de constitutions certes fragiles peuvent arriver à produire, ou à pondre, comme les poules des œufs, comme l’on pond exactement l’immensité du vide.

Bien sûr, je suis d’une foi bien approximative sinon mauvaise, moi avec mon obsession vertueuse de Verdun ; je le reconnais, de parti-pris, sans complaisance, sans aménité pour les pleureuses du type “quelle-absurdité-la guerre”, “plus-jamais-ça” ; non qu’elles disent, les pleureuses, des choses non fondées, mais simplement parce qu’elles parlent de choses qui les dépassent et qui leur laissent du temps pour “aller jouer avec cette poussière”. (Va jouer avec cette poussière, conseillait Henry de Montherlant.) Non, il n’est pas utile d’essayer de dire une fois de plus ce que Verdun représente pour moi, cet instant apocalyptique où s’exprima absolument le “déchaînement de la Matière” et où tant de jeunes hommes surent lui résister, au prix de la vie précieuse de tant de milliers de jeunes hommes... Oui Sire, c’était aussi le temps où Alan Seeger écrivait, avec comme le défi du sacrifice dans sa plume tragique : « ...Mais j’ai rendez-vous avec la Mort / A minuit, dans quelque ville en flammes, / Quand le printemps s’en va vers le nord / Et, fidèle à la parole donnée, / Je ne manquerai pas ce rendez-vous. »

Ainsi François H. rappera-t-il, le 29 mai, au bras de Black M, achevant ainsi la déconstruction reconstructive des civilisations qui se sont fortement entrechoquées ces derniers temps. En 1984, dans le froid glacial d’une soirée de novembre de la bataille commémorée sur le champ d’elle-même, devant les croix de l’immense cimetière et de son ossuaire, François Mitterrand avait pris la main d’Helmut Kohl pour consacrer dans cet instant la solitude métaphysique d’un silence tragique ; trente ans plus tard, François H. prend le bras de Black M, et l’on rappera Folleville ! Je n’étais pas très fanatique de l’esprit qui présidait à cette rencontre Mitterrand-Kohl, qui enterrait un peu trop vite les morts sans avoir exactement identifié la cause de leur malheur, – le “déchaînement de la Matière” et nullement “le choc des nations”, – mais enfin la dignité et le sens du tragique n’étaient pas absents de ce rendez-vous digne d'Alan Seeger. Ainsi peut-on mieux mesurer le rude chemin parcouru à marche forcée, et l’on aurait tort de trop s’en exclamer, ou de trop hurler d’indignation. Je suis sûr que certains trouveront l’idée charmante, et puis, hein, électoralement fort bien ajustée.

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...C’est-à-dire qu’il faut laisser dire, laisser faire et laisser aller, car la sottise des zombies-Système est encore plus grande que celle de leur seul maître à tous, dont vous savez bien, – je répète souvent cette citation de Guénon, – qu’il ne peut jamais se dispenser de faire une sottise... (« On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s'empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature... ») Ainsi, par leur sottise assez remarquable pour qu’on la mesure abyssale, par leur absence complète de conviction et d’intuition, par leur infécondité, par leur sécheresse de vieille fille-notaire de province déguisée en jeune mac de l’esprit postmoderne, ainsi organisent-ils encore plus rapidement que sa gravité ne le promet l’effondrement de la chose informe qu’ils ont fini par nous arranger. Ils sont à peine grotesques, parce que difficile à distinguer, parce qu’on voit au travers d’eux, parce que la transparence qu’ils vous promettent dans leur politique est déjà là, effaçant leur substance informe et réduisant à rien leur essence. Ils sont invisibles à force de transparente inexistence... “Fermez le ban !” disait le sous-officier caricaturé aisément bas-de-plafond ; “Tirez la chasse !” dit le gardien du musée de la postmodernité où l’exposition du rien réduit la visite à pas grand’chose, et le dernier n’oubliera pas de fermer la porte derrière lui sur ce musée disparu en poussière lorsque l’entropisation aura achevé son œuvre.

... Ainsi est-il arrivé, ce moment où moi qui n’ai guère l’habitude de l’activisme militant, je vous dis, lecteurs, pour ceux-là qui partageraient mon indignation devenue sérénité : si vous en avez le goût, faites comme moi, signez la pétition. Advienne que pourra et qu’elles continuent à reposer en paix, Les Âmes de Verdun, tandis que le rappeur danse avec cette poussière.

Notes

J’ajoute ici quelques citations venues d’un site ou l’autre, pour rendre compte du climat d’enthousiasme qui salue l’initiative parisienne-verdunoise du 29 mai.

• De Koztoujours, le 11 mai : « Ainsi le rappeur Black M sera tête d’affiche du concert de commémoration de la bataille de Verdun le 29 mai prochain – la seule date officielle – comme l’a dévoilé le Secrétaire d’Etat aux anciens combattants hier. Pourquoi un concert ? Pourquoi une fête ? Pourquoi Black M ? Pourquoi tête d’affiche ? Un concert, cela peut s’envisager. Certes. Il peut y en avoir de magnifiques et même improvisés. Personne n’a oublié Rostropovitch au pied du Mur de Berlin. Vous me direz que Rostropovitch, c’est élitiste et que, depuis que l’on a abandonné l’idée d’élever les hommes, d’élever les âmes, par l’art et par la beauté, cela ne se fait plus. Permettez-moi de penser tout de même qu’entre Rostropovitch et Black M, il y avait de la marge. Il y a des concerts dignes, il y a des concerts festifs : tout l’enjeu est de savoir discerner les circonstances appropriées. Ce discernement élémentaire vous manque-t-il, à vous, à vos conseillers, à votre ministre ?! »

(Note personnelle pour une autre comparaison illustrant le goût exquis du temps courant : du concert de l’Orchestre Symphonique du Théâtre Marinski de Saint-Petersbourg à Palmyre le 6 mai, pour saluer les victimes de la barbarie-en-cours, le ministre britannique de la défense de Sa très Gracieuse Majesté a dit que c’était une « tentative de mauvais goût de détourner l'attention des souffrances continues de millions de Syriens ». Bach, Prokofiev et Tchedrine à Palmyre, c’est le mauvais goût ; Black M à Verdun, c’est la classe. Imparable, Votre Honneur.)

• De Maxime Tandonnet, dans FigaroVox, le 11 mai : « Le chanteur a cru bon de se justifier: “C'est la scène et c'est quelque chose que j'aime énormément […] Je les invite à venir me voir, qu'ils aiment ou pas ma musique, on va s'amuser”. Mais, justement, la pensée de Verdun, la commémoration de cet atroce martyre des jeunesses et des peuples européens, ne se prêtent pas à la scène ni à l'amusement. Imagine-t-on un concert de rap pour clôturer d'autres cérémonies solennelles, comme la panthéonisation de Jean Moulin ou de Pierre Brossolette, la célébration du 11 novembre ou du 8 mai, la journée de la Déportation ou la commémoration de l'abolition de l'esclavage?

» Non, alors, pourquoi Verdun? Ce nom est aujourd'hui un symbole complexe du patriotisme absolu, jusqu'au sacrifice ultime du bonheur et de la vie, du courage et de la volonté inflexibles - «ils ne passeront pas» - de l'honneur, de l'unité des Français, de l'absurdité sanglante de la haine et enfin, de la réconciliation entre deux peuples. Désacraliser ainsi Verdun est une manière d'achever ces grands principes que les élites dirigeantes françaises jugent désormais dépassés et incompatibles avec l'idéologie dominante, fondée sur le culte du libre arbitre individuel, du narcissisme et de l'argent roi. »

Profaner Verdun

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Profaner Verdun

Victoria Issaïeva

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Nous reprenons ici un article de la journaliste russe Victoria Issaïeva, publié par Sputnik.com. Ce n'est pas la première fois que nous sommes en acord avec les propos de ce site https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201605121024958638-bataille-verdun-rappeur/ (Jean-Paul Baquiast).
 
Polémique autour des commémorations de la bataille de Verdun. Ce qui devrait être un grand moment d'unité nationale tourne vinaigre. En cause ? Le concert du rappeur Black M prévu en clôture des cérémonies le 29 mai prochain.

On n'est pas en 1916, on est en 2016. Et aujourd'hui la musique classique n'est plus à la mode. Par contre le rap, c'est plus moderne et c'est la langue que parlent les jeunes. Ça aurait pu être une belle pub pour F. Hollande dont la popularité est en chute libre y compris auprès des jeunes d'inviter un rappeur à la cérémonie commémorative du centenaire du Massacre de Verdun, si le choix de l'Elysée ne s'était pas porté sur le chanteur Black M.

Le rappeur du groupe Sexion d'Assaut est connu pour ses textes violents. Pour lui, la France est le «pays de kouffars», c'est-à-dire «mécréant», terme très péjoratif utilisé par Daesh dans sa propagande anti-occidentale. Sans oublier des phrases antisémites et homophobes utilisées également dans ses chansons. « Black M s'est illustré dans ses chansons par un grand mépris pour notre beau pays, scandant: +La France, ce pays de Kouffars+ », stipule une pétition parue sur internet il y a peu. Elle appelle François Hollande à annuler le concert du rappeur. La pétition en ligne a déjà recueilli quelque 9000 signatures. Le débat enfle sur les réseaux sociaux. Olivier, administrateur de la page FB Kouffars et Morts pour la France, nous a expliqué sa préoccupation.

blackm346945.jpg« Ce rappeur n'a pas fait un dérapage exceptionnel. On s'est aperçu qu'à de multiples reprises, il avait par ses chansons incité à la haine des Français en traitant la France de +salle conne+, d'insulter la religion de ses habitants (...) On se retrouve là avec un rappeur qui, de façon répétée, participe à la haine et à la détestation des Français en raisons de leurs orientations sexuelles, religieuses. La bataille de Verdun est un symbole fort pour chaque Français puisque toute famille française a des noms de ses ancêtres qui sont gravés sur tous les monuments aux morts qui se trouvent dans toutes les villes et villages de France. C'est un symbole fort auquel nous sommes attachés ».

Dans ses chansons, Black M ne cache pas ses sentiments: "Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent. Coupe-leur le pénis, laisse-les morts, retrouvés sur le périphérique", voici un petit extrait de "On t'a humilié" de Sexion d'Assaut. Ou encore un tiré de "Dans ma rue": « Les youpins s'éclatent et font des magasins".

La mairie de Verdun est inondée d'appels suite à une autre campagne lancée sur internet. On retrouve sur twitter ainsi que sur certains sites comme celui de Soldats de France l'annonce suivante: « Faisons barrage à Black M à Verdun! Contactez la mairie! » L'indignation est partagée par des hommes politiques. Valérie Boyer, député LR, estime que le choix de ce rappeur « déshonorera la mémoire de nos soldats », elle le qualifie d' « honteuse provocation ». Pour Marion Maréchal Le Pen, « la France est humiliée » par ce choix.

Mais le maire socialiste de la ville Samuel Hazard essaye maintenant de convaincre l'opinion publique que "le concert de Black M n'a rien à voir avec les commémorations du centenaire de Verdun ". C'est apparemment pour que les jeunes ne s'ennuient pas lors de 4 jours de commémorations... «Black M représente la diversité de notre pays, c'est l'artiste préféré des Français en 2016, il est adulé par les jeunes. Je ne vois pas en quoi il souille la mémoire de nos soldats», martelait-il avant. Mais l'opinion publique ne semble pas convaincue. Qui est à l'origine de ce mouvement de contestation? La presse pointe du doigt le FN. Mais le mécontentement semble en réalité avoir envahi internet tout seul sans aide, tellement les Français se sentent insultés.

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L'administrateur de la page FB Kouffars et Morts pour la France détaille ses objectifs.

« Finalement il importe peu qui soit à l'origine de cette contestation. Ce qui compte, c'est qu'un maximum de Français se mobilise. L'objectif de la page c'est de représenter les Français et les fils de ces soldats qui se sont battus à Verdun qui ont perdu la vie ou une partie de leurs camarades et de leurs familles lors de cette bataille-là. Nous ce que l'on souhaite, c'est de faire connaître au plus grand nombre les paroles de ce rappeur et aussi essayer de participer de façon virale. En France, il y a plus de 37 mille communes soit plus ou moins autant de monuments aux morts de la Grande guerre. Ce que nous proposons à ceux qui nous lisent, c'est de se retrouver devant son monument aux morts et de se prendre en photo. Nous la diffuserons sur notre page Facebook. Le but est d'essayer de défendre ce devoir de mémoire et la mémoire de nos ainés qui sont tombés sur le champ de bataille de Verdun (...) Il n'y aura pas de concert du rappeur qui crache sur la France, les Français, leur mémoire et leur identité à Verdun. Il faut continuer à faire pression en appelant la mairie de Verdun et en leur demandant les comptes sur l'invitation de ce rappeur et notamment le coût pour le contribuable. On parle d'une subvention de plus de 50 000 euros...».

163 000 morts pour une France de « kouffars »? Se moque-t-on de l'histoire? Ce sont des questions que les Français se posent à l'heure actuelle en commémorant le centenaire de la Bataille de Verdun. A-t-on raison d'être révolté? L'heure de vérité approche.

Victoria Issaïeva

Concert de rap aux cérémonies de Verdun: pourquoi cela choque

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Concert de rap aux cérémonies de Verdun: pourquoi cela choque

Par Maxime Tandonnet
 
Ex: http://www.lefigaro.fr

FIGAROVOX/TRIBUNE - Le rappeur Black M a été choisi pour chanter à la commémoration du centenaire de Verdun. Pour Maxime Tandonnet, désacraliser ainsi le souvenir de centaines de milliers de morts pour la France témoigne de la volonté des élites d'en finir avec notre Histoire.


Maxime Tandonnet décrypte chaque semaine l'exercice de l'État pour FigaroVox. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Histoire des présidents de la République, Perrin, 2013. Son dernier livre Au coeur du Volcan, carnet de l'Élysée est paru en août 2014. Découvrez également ses chroniques sur son blog.


Le chanteur de rap Black M doit clôturer par un concert la cérémonie commémorative de la bataille de Verdun, le 29 mai 2016 qui réunira le président de la République et la chancelière Merkel. Pourquoi a-t-on raison d'être choqué?

Verdun est un nom sacré dans la mémoire de la France, de l'Allemagne, de l'Europe, l'emblème de l'une des plus grandes tragédies de l'histoire contemporaine. Il symbolise trois-cent jours de souffrance épouvantable, 650000 morts, dont 350 000 Français et 300 000 Allemands, des centaines de milliers de mutilés, de veuves, d'orphelins, de parents dont la vie a été détruite par la perte d'un ou de plusieurs fils, les souffrances indescriptibles d'une génération.

French_soldiers_waiting_for_their_meal_verdun.jpgMichel Bernard, auteur de Visages de Verdun (Perrin) a exprimé le malheur qui a frappé tant de familles: «Il y a eu tellement de tués, mutilés et prisonniers, à Verdun et ailleurs, qu'en France comme en Allemagne, pour compléter les effectifs, il fallut avancer l'appel de la classe à mobiliser. La République et l'Empire incorporaient les fils de ceux tombés en 14. Beaucoup n'avaient pas dix-neuf ans, leurs joues étaient rondes et lisses sous le casque. Sans rien dire, ils montèrent aux créneaux du pays. Les femmes, lorsque le maire traversait la cour de la ferme, ne savaient pas pour qui, le fils ou le mari, leur cœur saisi allait se briser l'instant d'après.»

Verdun ne donne pas envie de rire, ni de danser, ni de s'enflammer sur un air de rap. La commémoration de Verdun n'est envisageable que dans le recueillement dû au calvaire de centaines de milliers de personnes qui ont sacrifié leur bonheur et leur vie à une conception de l'honneur et de la patrie. Un respect infini leur est dû, rien d'autre, et ce respect passe par le silence, la discrétion, et la dignité.

Peu importe que l'artiste invité à cette commémoration soit un chanteur de rap, de raï, de reggae, de rock, de hard rock, de variété française, de Techno, de musique yéyé, bebop ou autre. C'est le principe même de l'amusement, du divertissement musical pour célébrer Verdun qui est blessant. S'il doit y avoir une musique, ce ne peut être que celle de la solennité et de l'émotion, la sonnerie aux morts qui fige et glace le sang à la pensée des disparus, de leur souffrance et de celle de leurs proches qui ne les reverront jamais.

On voit bien ce qu'il y derrière cette annonce. Le rap est la musique à la mode, celle qui plaît à beaucoup de jeunes. Donc, l'idée est de susciter une polémique, déjà bien lancée sur les réseaux sociaux, par laquelle le pouvoir politique en place apparaîtra comme jeune et moderne, à l'écoute de la jeunesse, contre les réactionnaires morbides et populistes qui ne manqueront pas de s'en offusquer. Quant aux paroles homophobes ou anti-françaises relevées dans les chansons de Black M, elles ne feront que rajouter à la provocation et au tollé recherché, espéré, attendu. Le bruit de la polémique a l'éternel avantage de couvrir tout le reste.

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La mémoire de Verdun, qui fut pendant un siècle le symbole de l'unité nationale par-delà tous les clivages politiques et passions idéologiques, se voit ainsi instrumentalisée dans une opération de communication qui ne peut que diviser et déchirer toujours davantage une nation pourtant déjà fragilisée.

Le chanteur a cru bon de se justifier: «C'est la scène et c'est quelque chose que j'aime énormément […] Je les invite à venir me voir, qu'ils aiment ou pas ma musique, on va s'amuser». Mais, justement, la pensée de Verdun, la commémoration de cet atroce martyre des jeunesses et des peuples européens, ne se prêtent pas à la scène ni à l'amusement. Imagine-t-on un concert de rap pour clôturer d'autres cérémonies solennelles, comme la panthéonisation de Jean Moulin ou de Pierre Brossolette, la célébration du 11 novembre ou du 8 mai, la journée de la Déportation ou la commémoration de l'abolition de l'esclavage?

Non, alors, pourquoi Verdun? Ce nom est aujourd'hui un symbole complexe du patriotisme absolu, jusqu'au sacrifice ultime du bonheur et de la vie, du courage et de la volonté inflexibles - «ils ne passeront pas» - de l'honneur, de l'unité des Français, de l'absurdité sanglante de la haine et enfin, de la réconciliation entre deux peuples. Désacraliser ainsi Verdun est une manière d'achever ces grands principes que les élites dirigeantes françaises jugent désormais dépassés et incompatibles avec l'idéologie dominante, fondée sur le culte du libre arbitre individuel, du narcissisme et de l'argent roi.