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mercredi, 14 mars 2007

L'hommage de Ph. Randa à J. Mabire

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A jamais parmi nous

Le magnifique testament de Jean Mabire

Voilà dix ans que ses amis savaient Jean Mabire très malade, mais tous avaient fini par ne plus y penser. Jusqu’à ses dernières forces, il a poursuivi son œuvre, appelée à devenir une référence majeure. « Ecrire, dit-il, doit être un jeu dangereux. C’est la seule noblesse de l’écrivain, sa seule manière de participer aux luttes de la vie. »

« Si quelqu’un mérite bien le paradis des chrétiens, c’est assurément lui ! Il n’y croyait peut-être pas, mais il a vécu sur Terre comme un vrai chrétien, et même bien davantage que certains qui s’autoproclament comme tel sans en respecter les plus simples préceptes. »
Jean Bourdier

N é le 8 février 1927, Jean Mabire ne fêtera donc pas ses 80 ans « parmi nous ». Depuis mercredi dernier, 28 mars, il a rejoint tous les personnages historiques qu’il fit revivre dans ses cent et quelques livres publiés, tous ses amis partis avant lui, et ceux qui furent tout autant l’un que l’autre. Il rendait ainsi dernièrement un ultime hommage à Christian de La Mazière, le « rêveur casqué et blessé », dans la chronique littéraire qu’il tenait à « National Hebdo ». Souffrant de la même grave maladie, il lui demandait, voici quinze jours, de ne pas marcher trop vite car il savait qu’il n’allait pas tarder à le rejoindre. Gageons que Christian de La Mazière l’a entendu et donc attendu sur le chemin de ce royaume où l’honneur et la fidélité unissent ceux qui ont bravé, leur vie durant, le conformisme intellectuel.

Le chantre de « tous les braves »

Jean Mabire avait d’abord voulu être dessinateur et graphiste ; il avait fondé voilà un demi-siècle un atelier d’art graphique, « Les Imagiers normands ». Puis il se fit journaliste, d’abord à la normande « Presse de la Manche », puis dans des organes très engagés (« L’Esprit Public », « Europe Action », « Défense de l’Occident », « Dualpha », « Eléments ») puis très « droitiers » (« Valeurs actuelles »,  « Spectacle du Monde », « Minute », « Le Choc du Mois ») et enfin à « National Hebdo », où le convièrent voilà quinze ans Roland Gaucher et Jean Bourdier, et qu’il ne quitta plus.

Il ne faudrait pas oublier non plus ses multiples collaborations aux revues historiques (« Historia », « Enquête sur l’Histoire », « Visages de l’Histoire » et, bien sûr, « Hommes de Guerre », qu’il dirigea) ou régionalistes (« Heimdal », « Vikland », « Haro », « Hellequin »…) Une telle carrière rendrait déjà envieux bien des professionnels de la presse, mais avant tout, mais surtout, Jean aura été historien.

Le grand public le connaît pour ses récits de guerre et parmi ceux-ci, plus encore pour ses livres sur les unités de la Waffen SS européenne. Des livres qu’il ne reniait certes pas, mais dont il s’exaspérait qu’on lui parle parfois exclusivement, alors qu’ils ne représentent qu’un tiers environ de son œuvre. Un tiers seulement ? Oui, mais un tiers qui ne passa pas inaperçu dans les années soixante-dix et quatre-vingt du siècle dernier. Il n’était pas rare, alors, de voir les « casques à boulons» signés Jean Mabire en pile dans les rayons des grandes surfaces. Il y a moins de vingt-cinq ans de cela et il semble aujourd’hui que ce fut il y a un siècle…

Ce succès devait occulter celui, tout aussi réel, mais moins voyant, de ses récits consacrés aux Chasseurs alpins (lui-même étant un ancien du 12e bataillon de chasseurs alpins), aux paras américains et anglais de la Seconde Guerre mondiale, aux samouraïs (avec Yves Bréhéret) ou encore aux guerriers de la plus Grande Asie et tout particulièrement au baron Raoul Ungern von Sternberg. La postérité lui rendra un jour justice d’avoir voulu être le chantre de « tous les braves », quelles qu’aient été leur nationalité, leurs convictions ou leur engagement…

Libre en amitiés

On l’oublie trop souvent, Jean Mabire a été aussi un grand historien de la Normandie, du Nord et de la mer. A ce titre, il cultivait des amitiés qu’on ne lui aurait pas devinées : par exemple celle de Gilles Perrault (ex-président de Ras l’front) ou celle de Jean-Robert Ragache, grand maître du Grand Orient de France, avec lequel il signa une Histoire de la Normandie, trois fois rééditée. A ce propos, je lui demandais un jour son avis sur la franc-maçonnerie. Il me répondit, amusé : « Personne ne m’a jamais proposé d’y entrer, même pas mes amis francs-maçons dont beaucoup s’imaginent sans doute que j’en suis… »

Ce que tout le monde savait en revanche, c’est qu’« à la religion des autels et des livres », il préférait « la croyance aux bois et aux sources ». Ce à quoi ses amis très catholiques, comme Jean Bourdier, répondent en chœur, depuis mercredi dernier : « Si quelqu’un mérite bien le paradis des chrétiens, c’est assurément lui ! Il n’y croyait peut-être pas, mais il a vécu sur Terre comme un vrai chrétien, et même bien davantage que certains qui s’autoproclament comme tel sans en respecter les plus simples préceptes. »

Sans doute ai-je toujours été un lecteur type de Jean Mabire : adolescent, je m’enflammais aux exploits des guerriers qu’il faisait revivre. A peine majeur (de la majorité d’avant Giscard), je les délaissais pour ses livres politiques (Drieu parmi nous, La Torche et le Glaive, Thulé, Le Soleil retrouvé des Hyperboréens, Les Grands Aventuriers de l’Histoire : les Eveilleurs de peuple…). Puis, jeune homme, je découvrais ces autres aventuriers qui le fascinèrent tout autant et dont il fut le biographe : Bering, Roald Amundsen, Ungern, Patrick Pearse… Enfin, ayant largement dépassé la quarantaine, je reste à jamais fasciné par ses portraits d’écrivains qu’il nous a offerts chaque semaine dans sa chronique « Que lire ? ».

Que lire ? Mabire !

C’est une œuvre d’une tout autre ampleur que ses récits de guerre, sa quête incessante de l’Ultima Thulé ou ses aspirations régionalistes (il fut co-fondateur de l’Union pour la Région Normande qui donnera naissance en 1971 au Mouvement normand). Les sectaires lui reprocheront d’avoir osé parler de tel auteur, « inverti » notoire, qui n’a donc pas sa place dans la littérature ! De tel autre, communiste, et donc complice du diable ! De tel autre enfin, qui était du camp des vaincus de 1945 et n’a de ce fait plus même droit au qualificatif d’écrivain !

On trouve une preuve de l’honnêteté intellectuelle de Jean Mabire à travers chacun de ses portraits d’écrivains : pas une seule mesquinerie raciste, politique, religieuse, littéraire, n’entache sa volonté manifeste de pousser le lecteur à lire, toujours et encore, et souvent à découvrir un auteur. Ainsi commence l’éternité d’un écrivain lorsqu’on sauvegarde son souvenir, c’est-à-dire son « âme ».

« Que lire ? » est non seulement la grande œuvre de Jean Mabire, mais un testament magnifique qu’il laisse à ses innombrables lecteurs passés, présents et futurs. Un jour, peut-être, on dira « le Mabire » comme on disait hier « le Lagarde et Michard ». Nous serons quelques-uns à dire que nous le Mabire, l’homme, nous l’avons connu. Et aimé.

Philippe Randa

Les cinq premiers tomes de Que lire ?, de Jean Mabire, sont disponibles aux éditions Dualpha (www.dualpha.com ou Dualpha diffusion, BP 58, 77522 Coulommiers Cedex) au prix unitaire de 26,00 euros. Les deux tomes suivants paraîtront prochainement.

 

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