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mardi, 05 mai 2009

Les Belges ont-ils créé les Tutsis?

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Les Belges ont-ils créé les Tutsi ?

 

par Bernard Lugan
(17 juin 1994)

La colonisation belge aurait-elle créé Tutsi et Hutu au Rwanda et au Burundi ? A lire la presse, on en serait presque persuadé. Les tiers-mondistes qui la colonisent font passer le message suivant : Tutsi et Hutu étaient des définitions économiques, donc mobiles, et les Belges en firent des castes figées. Conclusion : si Hutu et Tutsi se massacrent, la colonisation en est responsable. La réalité est évidemment autre.

***

Lorsque, entre 1896 et 1900, les premiers Blancs arrivent dans ces pays, la société est dirigée par un groupe pastoral minoritaire composé des Tutsi dominant un groupe agricole très largement majoritaire, exclusivement composé des Hutu.

Entre ces deux groupes, les différences étaient très souvent physiques, toujours économiques et éthiques. Elles se retrouvaient dans le mode de vie et dans les habitudes alimentaires et elles étaient assez nettes pour que, durant 60 ou 70 ans, les missionnaires, administrateurs, chercheurs… aient pu distinguer des hommes de la houe et des hommes de la vache. L’appartenance à ces groupes était héréditaire et irréversible. Elle était déterminée comme le sexe d’un enfant, car elle était ethnico-raciale avant d’être sociale.

Il existait même un modèle physique auquel il était de bon ton de pouvoir ressembler, à tel point que la fraction dirigeante de l’aristocratie dominante avait recours à une véritable sélection raciale pour y parvenir. Pour que les enfants puissent approcher des canons esthétiques tutsi, les grand-mères et les mères agissaient sur leur physique : élongation de la colonne vertébrale, application de cordelettes et de compresses d’herbes chaudes destinées à produire un crâne à la “belle” dolicocéphalie et au front bombé.

Peut-on sérieusement prétendre que cette recherche d’un morphotype idéal serait une conséquence artificielle résultant de la présence coloniale, et non un idéal traditionnel ? Evidemment non.

La littérature coloniale, les archives missionnaires allemandes et belges contiennent des centaines de rapports indiquant l’étonnement des premiers Européens devant les différences raciales et culturelles, ces véritables barrières séparant Tutsi et Hutu.

Tous insistent sur la taille élevée des Tutsi - l’exemple du roi du Rwanda et de son oncle dépassant les 2,10 m est souvent cité -, « leur port altier, leur arrogance, leurs traits non négroïdes, souvent sémites, la finesse de leurs membres ». Le paraître tutsi impressionna à ce point les voyageurs qu’il leur sembla naturel de voir cette race commander à la masse de la population qui était selon eux d’une autre origine.

Cette idée fut clairement exprimée par Rickmans lorsqu’il écrivit :
« Les Batutsi étaient destinés à régner. Leur seule prestance leur assure déjà, sur les races inférieures qui les entourent un prestige considérable ; leurs qualités - et même leurs défauts - les rehaussent encore. Ils sont d’une extrême finesse, jugent les hommes avec une infaillible sûreté, se meuvent dans l’intrigue comme dans leur élément naturel. Fiers avec cela, distants, maîtres d’eux-mêmes, se laissant rarement aveugler par la colère, écartant toute familiarité, insensibles à la pitié, et d’une conscience que les scrupules ne tourmentent jamais, rien d’étonnant que les braves Bahutu, moins malins, plus simples, se soient laissé asservir sans esquisser jamais un geste de révolte. »(1)

Les traditions tutsi insistent d’ailleurs sur leur absolue différence d’avec les Hutu, véhiculant une idéologie qui se manifeste avant tout par un orgueil racial et une revendication de supériorité.

A la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, les Tutsi ont éprouvé le besoin de limiter l’essor démographique des Hutu. Il devint urgent de « sauvegarder les droits de la vache contre la rapacité de la houe. »(2) Pour garantir leur mode de vie pastoral, ils instaurèrent alors des droits exclusifs de pacage en réservant de vastes étendues aux seules activités pastorales.
Le Rwanda et le Burundi classiques sont probablement les produits de ces mutations antérieures de plusieurs siècles à la colonisation et fondées sur des différences raciales qui ne doivent évidemment rien aux Européens.

(1) Rickmans P., “Dominer pour servir”, Bruxelles, 1931, p. 26.
(2) Lugan B., “Entre les servitudes de la houe et les sortilèges de la vache. Le monde rural dans l’ancien Rwanda”, thèse de doctorat d’Etat, 6 vol., Université de Provence, 1983.

Source : Le libre journal


 

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