mardi, 05 mai 2009
Littérature de la jeunesse
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988
Littérature de la jeunesse
Ulrich NASSEN, Jugend, Buch und Konjunktur, 1933-1945. Studien zum Ideologiepotential des genuin nationalsozialistischen und des konjonkturellen "Jugendschriftums", Wilhelm Fink Verlag, München, 1987, 135 S., DM 38.
Etude très intéressante sur la littérature de jeunesse pendant le IIIème Reich en Allemagne. Nassen nous y apprend que le national-socialisme se présentait à la jeunesse comme un mouvement sous le patronage de la figure de Siegfried, figure qui dit «oui» au combat éternel (Kampfbejahung) et symbolise le rajeunissement, l'affirmation de la Vie et de la totalité vitale. Le mouvement politique, qui doit entraîner la jeunesse dans son sillage, se place résolument sous le signe de l'affirmation, du «oui» créateur et s'instaure comme le barrage le plus efficace contre les négateurs. L'image mythologique de Siegfried, puisée dans la passé lointain de l'Allemagne, est couplée sans problème, par exemple, à l'objet moderne et technique qu'est la moto, qui permet de sentir physiquement la vitesse et le dynamisme. Le national-socialisme reprend ainsi la vieille protestation libertaire du mouvement de jeunesse (Wandervogel), expression sublime du conflit entre les générations. Mais son apport spécifique est plus politique, plus directement lié à l'aventure et à l'installation au pouvoir d'un parti révolutionnaire: la littérature destinée à la jeunesse sera truffée de thèmes comme celui du «Führer», «Sauveur» et nouvelle «image du père», celui du «militant martyr», celui de la «jeunesse, phalange du NS». Seront ainsi exaltés l'esprit de camaraderie, la camp comme forme de vie et aventure planifiée, le «service» comme «sens» de l'existence et comme mode d'harmonisation entre les diverses strates sociales. Des valeurs et des mœurs nouvelles sont injectées dans le corps social allemand par l'intermédiaire de la mobilisation de la jeunesse dans le parti: l'hygiène corporelle, la diététique, l'eugénisme à connotation raciale, le sport comme processus de maximisation des énergies du corps et donc comme mode d'accroissement de la productivité industrielle et agricole.
Nassen, fidèle à quelques critiques énoncées par l'Ecole de Francfort, perçoit une certaine esthétique de la destruction dans l'exaltation de la guerre, conçue comme «travail», comme «aventure de la technique», comme «initiation». Dans ce chapitre, Nassen critique le calcul «fasciste» qui consiste à parier sur le sang versé et refuse d'économiser celui-ci, se mettant en fait en contradiction avec son culte du sang précieux, appelé à revigorer l'Europe. Un sixième chapitre de l'ouvrage aborde une question cruciale du national-socialisme, encore trop peu explorée en dehors de l'Allemagne: la question de l'histoire et de la préhistoire. Ces sciences devaient être mobilisées pour donner une image plus exaltante du plus lointain passé européen et pour procurer aux contemporains, secoués par la Grande Guerre, les crises économiques, la déchéance sociale du prolétariat, une image idéaltypique de ce à quoi doit tendre la mobilisation NS des foules, c'est-à-dire une humanité germanique épurée de tous apports non européens et comparable à l'idéal que Tacite, dans sa Germania, avait suggéré aux Romains décadants. Pour véhiculer cet idéal, le régime a fait appel à une imagerie (gravures, chromos, etc.) que Nassen qualifie de «kitsch» NS.
Le livre de Nassen est une petite mine d'informations qu'il serait sot de négliger. Qui plus est, elle ouvre des perspectives nouvelles au chercheur et offre une bonne et utile classification des thématiques NS, tout en ayant constamment recours aux textes de l'époque (Robert Steuckers°.
00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, littérature allemande, lettres, lettres allemandes, national-socialisme, allemagne, totalitarisme, années 30, années 40, mouvement de jeunesse | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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