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dimanche, 12 juillet 2009

Knut Hamsun sauvé par Staline!

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Knut Hamsun sauvé par Staline!

 

Cette année 2009 célèbre le 150ème anniversaire de Knut Hamsun (1859-1952). Le romancier norvégien, né Knut Pedersen, est, avec Hendrik Ibsen, l’écrivain norvégien le plus lu et le plus traduit dans le monde. En 1890, Knut Hamsun fait ses début avec son roman “La faim” qui innove quant à la manière d’écrire. Ce roman fut d’emblée un grand succès et amorça une carrière littéraire longue et productive. En 1920, Knut Hamsun obtient le Prix Nobel de littérature. Son influence sur la littérature européenne et américaine est énorme et d’une importance inestimable. Des écrivains comme Ernest Hemingway, Henry Miller, Louis-Ferdinand Céline, Hermann Hesse, Franz Kafka, Thomas Mann et I. B. Singer ont été inspirés par le talent de Knut Hamsun. Singer l’appelait le “père de la littérature moderne”. En Flandre, deux écrivains, Felix Timmermans et Gerard Walschap, ont reçu l’inspiration du Prix Nobel norvégien.

 

En Norvège, le 150ème anniversaire de la naissance de Knut Hamsun sera célébré par des expositions, des productions théâtrales et une conférence internationale. L’une des principales places d’Oslo, située juste à côté de l’Opéra national, portera dorénavant son nom. On érigera enfin un monument en son honneur. On dirait que les Norvégiens viennent de découvrir le nom de leur très célèbre compatriote. Ces derniers temps, un grand nombre de villes et de villages ont donné son nom à une place ou à une rue. A l’endroit où il résidait, à Hamaroy, on ouvrira officiellement un “Centre Knut Hamsun”, le 4 août, jour de son anniversaire. Ce jour-là, un timbre poste spécial sera émis. Pourtant, Knut Hamsun a été conspué et vilipendé pendant des décennies par l’établissement norvégien.

 

Goebbels

 

Hamsun a mené une vie de nomade pendant la majeure partie de son existence. Il est né fils d’un pauvre tailleur. Son père, démuni, le confia à un oncle riche. Le garçonnet devait travailler pour cet oncle afin de rembourser les dettes que ses parents avaient contractées auprès de ce dernier, âpre au gain. Au bout de quatre ans, le jeune garçon, alors âgé de quatorze ans, en a eu assez de cet oncle et s’en alla de par le vaste monde. Deux fois, la faim le poussa à émigrer aux Etats-Unis où il exerça trente-six mille petits métiers. Avec, toujours, un même objectif en tête: devenir écrivain. Son modèle était son compatriote Björnstjerne Björnson.

 

Après sa percée littéraire avec “La faim”, Hamsun devint incroyablement productif. Il devait une large part de son succès aux traductions allemandes de son oeuvre. Ses livres y connaissaient des tirages fantastiques. Grâce à son éditeur allemand, Hamsun a enfin pu connaître, après tant d’années de misère noire, la sécurité financière. Mais il y eut plus. L’écrivain norvégien n’a jamais dissimulé sa germanophilie. Qui, de surcroît, prenait davantage de relief au fur et à mesure que grandissait son anglophobie. L’arrogance britannique le révulsait. Il ne put plus la tolérer après la Guerre des Boers et les interventions musclées en Irlande. A ses yeux, les Britanniques ne méritaient plus aucune attention, rien que du mépris. A cette anglophobie s’ajouta bien vite son anti-communisme.

 

Pendant l’occupation allemande de la Norvège (1940-45), il aida certes l’occupant mais demeura avant tout un patriote norvégien intransigeant. Dans ses articles, Knut Hamsun exhortait ses compatriotes à s’engager comme volontaires pour aider les Allemands à combattre le bolchevisme. Le Président américain Roosevelt était, à ses yeux, un “juif de service”. Il fut reçu par Hitler et Goebbels avec tous les honneurs. La rencontre avec Hitler eut des effets sur le long terme. D’abord, Hamsun, atteint de surdité, foula les règles du protocole aux pieds et exigea du Führer le renvoi du gouverneur allemand Terboven, craint et haï. Personne n’avait jamais eu le toupet de parler sur ce ton à Hitler et ne l’avait à ce point brusqué. L’intervention de Hamsun eut toutefois des effets: après sa visite à Hitler, les exécutions arbitraires d’otages ont cessé.

 

La potence?

 

Le 26 mai 1945, Hamsun et son épouse, une national-socialiste convaincue, sont mis aux arrêts à domicile. Pour des raisons peu claires, Hamsun est déclaré “psychiquement dérangé” et enfermé pendant un certain dans une clinique psychiatrique d’Oslo. Le gouvernement de gauche voulait se débarrasser de lui mais, mise à part sa germanophilie, on ne pouvait rien lui reprocher. Il n’avait jamais été membre de quoi que ce soit. Bien au contraire! Grâce à lui, bon nombre de vies avaient été épargnées. Certes, il avait refusé de nier la sympathie qu’il éprouvait pour Hitler. Fin 1945, le ministre soviétique des affaires étrangères, Molotov, fait savoir à son collègue norvégien Trygve Lie qu’il “serait regrettable de voir la Norvège condamner son plus grand écrivain à la potence”. Molotov avait entamé cette démarche avec l’accord de Staline. C’est après cette intervention que le gouvernement norvégien renonça à faire le procès de Hamsun et se borna à lui infliger une solide amende qui le mena quasiment à la faillite. La question reste ouverte: la Norvège aurait-elle condamné le vieillard Hamsun à la peine de mort? Les collaborateurs norvégiens ont tous été condamnés à de lourdes peines. Mais l’Union Soviétique pouvait exercer une influence forte et redoutée en Scandinavie dans l’immédiat après-guerre.

 

Jusqu’à sa mort en février 1952, le gouvernement norvégien a traité Hamsun comme un délinquent de droit commun. Il a fallu attendre soixante ans pour qu’il soit réhabilité.

 

(texte issu de l’hebdomadaire anversois “ ’t Pallierterke”, 24 juin 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

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