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mercredi, 07 octobre 2009

SYNERGIES en Allemagne: pourquoi?

europa.gifArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

SYNERGIES en Allemagne: pourquoi?

 

Une mise au point du Président Mark Lüdders

 

Quand on lui posait la question de savoir si la “droite” allemande avait un avenir, le non-conformiste Günter Maschke répondait brièvement et sèchement: “Pas pour le moment”. Et il poursuivait en expli­quant pourquoi son pronostic était si négatif. Parce que le niveau intellectuel de ces droites était tout simplement misérable. Maschke a donné cette réponse à Junge Freiheit  et à Vouloir  en 1991. Son juge­ment n'a pas dû se modifier considérablement depuis lors. Tout porte à croire qu'il doit même être plus pessimiste encore à l'heure qu'il est.

 

En effet, on peut aisément constater que les droites allemandes se sont intellectuellement repliées sur des positions datant du siècle dernier, celui du bon vieil Etat-Nation. On s'encroûte dans ses manies, on quitte la ville pour s'installer dans une campagne soi-disant “vierge” de toutes compromissions avec la modernité, on sombre dans le solipsisme, on se plaint, on attend que cette situation si terrible infligée au pays par la défaite de 1945 prenne fin... Ces reclus et ces figés connaissent leurs ennemis: l'ordi­na­teur, émanation de l'âge du Mal, le paprika que consomment les citadins et qui ne pousse pas en terre germanique (et ne peut donc être consommé sous peine de sombrer dans un état de péché mor­tel), la science qui n'est jamais qu'un résultat des Lumières, gauchistes avant la lettre, et “maçonniques” de surcroît... De Frédéric Nietzsche, ils ne connaissent que le nom, ont oublié celui d'Arnold Gehlen, ne s'intéressent plus aux travaux de Lorenz et de son école d'épistémologie biologique, ignorent bien en­tendu les leçons de Zinoviev et de De Felice, d'Oakshott et d'Ortega y Gasset, de Huizinga et de Maf­fe­soli: tous des étrangers...

 

Ce petit monde replié sur lui-même est toutefois convaincu de deux choses: les Juifs (toujours eux!) con­trôlent tout dans le monde, et les Polonais occupent les provinces orientales de l'Allemagne qui doivent nous revenir. Quand les Juifs cesseront de tout contrôler et que Breslau, Stettin, Dantzig, etc. redevien­dront pleinement allemandes, tout ira bien entendu mieux dans le meilleur des mondes... Force est de constater qu'une bonne partie des droites allemandes a complètement perdu le sens des réalités poli­tiques et n'a plus qu'une culture politique fragmentaire et lacunaire, assortie de phobies inexplicables qui les empêchent de sortir de leur ghetto.

 

Face à ces droites repliées sur elles-mêmes, nous avons des droites qui se sont ancrées —ou cherchent à s'ancrer—  dans l'ordre fondamental de la démocratie libérale: elles tentent d'entrer en dialogue avec l'établissement, afin de changer graduellement la société et en espérant qu'elles obtiendront finalement le pouvoir politique à haut niveau ou une parcelle importante de celui-ci. Mais en visant cet objectif fort loin­tain, ces droites-là oublient leurs positions idéologiques et axiologiques de base et snobent leur clientèle au parler plus cru et aux aspirations plus directes. Elles ne comprennent pas que la “méchante” oligarchie dominante ne s'intéresse pas à elles, mais ne vise que le maintien de ses postes, fonctions, statuts et positions et qu'elle dosera toujours savamment ses compromis pour rester au pouvoir et ne concéder que d'infimes parcelles de “pouvoir” purement décoratif, en marge des décisions politiques réelles. Ces droites-là tentent à tout bout de champ de redéfinir les concepts, s'engluent dans des discussions inter­minables visant à ménager la chèvre et le chou, finissent par prétendre qu'elles seules respectent le principe de la liberté d'expression et sont en droit de détenir le label de “véritable libéralisme”. Ces droites-là pèchent également par naïveté: elles ne voient pas, ou refusent de voir, que l'idéologie libérale n'est plus ce qu'elle était au XIXième siècle, qu'elle n'est plus l'expression d'une bourgeoisie cultivée et entre­prenante, mais qu'elle est un instrument de domination subtil ou une illusion progressiste agressive que l'on appelle la “permissivité”. En spéculant sur un libéralisme (conservateur et tocqueviellien) qui n'existe plus, ces droites se retranchent elles aussi dans des anachronismes du XIXième siècle. Elles demeurent certes “morales” ou “irréprochables” aux yeux de l'idéologie dominante, mais sur le plan politique ou sur le plan intellectuel, elles sont tout à fait inoffensives. Surtout parce qu'elles ne tentent même pas de cons­truire une véritable alternative à l'idéologie dominante: elles demeurent obnubilées par leur souci d'être ju­gées “conformes à la constitution”.

 

Mais le paysage idéologico-politique allemand connaît tout de même quelques exceptions positives. Il faut mentionner ici les efforts des nationaux-révolutionnaires des années 70 qui ont eu l'intelligence et le courage de jeter les premiers ponts entre le savoir scientifique contemporain et une vision du monde al­ternative. Si, dans les droites, on a pu apercevoir deci-delà quelques modernisations dans le discours, c'est à cette petite phalange d'idéologues audacieux qu'on le doit. Mais ces hommes n'ont été qu'une poi­gnée: une partie d'entre eux se sont malheureusement fondus dans les droites recluses ou “entristes”, une autre partie s'est retirée de tout, écœurée; si bien que nous n'avons plus en Allemagne qu'un tout pe­tit groupe d'intellectuels combattifs et toujours non-conformistes...

 

Devant ce triste bilan des agitations des droites allemandes, disons que la “Révolution Conservatrice” de l'entre-deux-guerres avait appliqué à la perfection le mot-d'ordre de Schiller (“Vis avec ton siècle, mais n'en sois pas la créature”) mais qu'après cette formidable révolution intellectuelle, sur laquelle le monde entier se penche encore aujourd'hui, les droites allemandes sont entrées en une profonde léthargie, ont raté lamentablement leur connexion aux nouveaux impératifs scientifiques ou philosophiques.

 

Cet échec est un défi pour les jeunes qui refusent tant les schémas de la droite recluse que ceux de la droite alignée. Ces jeunes sont là, leur nombre croît, mais ils n'ont ni tribune ni organisation. Ils perçoivent l'étroitesse d'esprit des uns et l'opportunisme des autres. Ils veulent rester dans la société civile, dans la société réelle, bref dans le peuple, mais sans perdre leur ouverture d'esprit. Ils veulent influencer la so­ciété sans vénérer les vieilles lunes en place et sans sacrifier aux lubies du libéralisme permissif. Dans les circonstances actuelles du paysage politique allemand, ces jeunes révolutionnaires constructifs, dis­séminés dans toute la société civile, ne rassemblent pas leurs forces, ne mettent pas leurs énergies en commun pour atteindre un objectif bien défini: ils restent éparpillés dans de petites organisations sans envergure et demeurent isolés (ce que l'idéologie et le pouvoir dominants attendent d'eux). C'est à cette carence qu'entend répondre une organisation comme SYNERGON. En effet, SYNERGON veut construire une communauté de pensée, bâtir une plate-forme pour tous ceux qui luttent isolément, rassembler les jeunes qui réclament l'avènement d'une droite ouverte aux idées nouvelles et qui veulent collaborer acti­vement avec leurs homologues de tous les pays d'Europe. Car il faut mettre fin à cette diabolisation xé­nophobique des autres Européens: il faut aller au devant d'eux pour apprendre leurs recettes, pour élargir nos propres horizons.

 

Un tel échange à l'échelle continentale animera et fécondera tous les “révolutionnaires-conservateurs” d'Europe: les Allemands pourront ainsi tirer profit de la flexibilité intellectuelle de leurs amis italiens, étu­dier plus profondément les legs de la pensée philosophique française de ces dernières décennies (Deleuze, Guattari, Foucault, Rosset, Maffesoli, etc.), découvrir les filons conservateurs-révolution­naires des Russes, etc. Par ailleurs, Français, Italiens, Ibériques et Russes, épaulés par les Allemands, pourront plonger plus directement dans les méandres de la “Révolution conservatrice” qui alimente encore tous les discours innovateurs de notre temps. Une invention allemande comme le mouvement de jeu­nesse (des Wandervögel à la Freideutsche Jugend  et aux expériences plus audacieuses et plus éton­nantes des années 20) pourra apprendre aux autres Européens à vivre plus concrètement leurs idéaux et à les transmettre en dehors de la seule sphère intellectuelle. De plus, l'écologie politique organique, donc révolutionnaire-conservatrice, qui est une idée allemande, pourra être communiquée à tous les cercles in­téressés d'Europe.

 

Le grand défi qui nous attend, nous les synergétistes de tous les pays qui appellent à l'unité, c'est de for­ger de concert une Weltanschauung qui soit réellement en prise avec notre temps, qui soit aussi éloignée de tout dogmatisme, de tout esprit partisan, qui puisse inclure et exploiter les résultats des recherches scientifiques les plus neuves, afin d'offrir à la société civile une alternative réelle et praticable à l'idéologie dominante, instrumentalisée par le pouvoir.

 

Pour obtenir un résultat tangible, nous devons donc échanger des idées au-delà des frontières en Europe, débattre, comparer des positions en apparence différentes voire irréconciliables. SYNERGON est le seul mode d'action commune qui puisse à l'heure actuelle répondre à ce défi. SYNERGON ne se pose pas d'emblée comme le concurrent d'autres organisations: nous ne cherchons pas à absorber ou à détruire ou à phagocyter des partis, des cercles ou des clubs déjà existants, mais nous voulons tout simplement animer un centre de coordination et de coopération.

 

Notre espoir est de réussir bien entendu, d'abord en établissant SYNERGON en Allemagne, afin que Günter Maschke puisse envisager l'avenir avec davantage d'optimisme.

 

Mark LÜDDERS.

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