mardi, 22 juin 2010
Etats-Unis: être Noir et conservateur
Archives de Synergies Européennes - 1997
Etats-Unis: être Noir et conservateur
Le conservatisme des Noirs, aux Etats-Unis n'est plus un paradoxe, on n'est plus automatiquement de “gauche” quand on est Noir, ni hostile aux Noirs quand on est conservateur. Une enquête menée récemment par le Washington Post a établi que 26% des Noirs américains s'identifient politiquement comme conservateurs, c'est-à-dire veulent limiter le pouvoir du gouvernement fédéral, diminuer les impôts, introduire une répression plus musclée de la criminalité, réformer la sécurité sociale et favoriser l'initiative personnelle. Certes, ces Noirs se félicitent des acquis moraux et légaux du Mouvement des Droits Civils, entrainé jadis par Martin Luther King, mais les porte-paroles de ces dynamiques Afro-Américains conservateurs rejettent le discours répétitif sur l'inégalité, dont ils seraient automatiquement des victimes parce qu'ils sont Noirs, et critiquent sévèrement les rituels auto-référentiels du Mouvement des Droits Civils actuels et institutionalisés, figés et établis. Les conservateurs afro-américains défendent tout un éventail d'idées, ils sont divers dans leurs expressions politiques et dans leurs variantes conservatrices, mais, en règle générale, acceptent une vision “positive et humaniste” du projet américain, tout en s'opposant à cette lancinante et lourde insistance sur la “victimisation” raciale, qui fait les choux gras des bien-pensants de la gauche libérale. Le livre de Stan Faryna, Brad Stetson et Joseph G. Conti présente les idées principales de figures comme le Juge noir Clarence Thomas, l'ancien député Gary Franks, les écrivains Shelby Steele et Glenn Loury (tant dans des articles d'exégèse de leurs discours que dans des textes émanant directement de leur plume). Le conservatisme noir aux Etats-Unis rejette donc les politiques gouvernementales visant d'abord à victimiser l'ensemble de la population noire puis de généraliser des politiques sociales faisant des Noirs autant d'objets de pitié et de sollicitude, générant ainsi un racisme à rebours et toute une série d'attitudes finalement insultantes. Les Noirs ne doivent plus dès lors prendre la parole en tant que Noirs, que “pauvres Noirs”, mais doivent parler d'eux-mêmes et de leurs propres réalisations. Pour le conservatisme noir, la race conditionne la vie d'un individu mais ne saurait en aucun cas la définir totalement. Le conservatisme noir n'est pas révolutionnaire, il ne proclame pas une sécession implicite comme Garvey jadis ou Farrakhan aujourd'hui, il ne fait pas appel au boycott ou à la violence, mais refuse la position que les idéologies dominantes assignent irrémédiablement aux Noirs, celle d'être toujours des victimes, des pauvres, des paumés ou des criminels.
Benoît DUCARME.
Stan FARYNA, Brad STETSON, Joseph G. CONTI (ed.), Black and Right. The Bold New Voice of Black Conservatism in America, Praeger Trade, Greenwood Publishing Group (88 Post Road West, PO Box 5007, Westport, CT 06.881-5007, USA), 1997, 192 p., $19.95, ISBN 0-275-95342-4.
00:05 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, etats-unis, afro-américains, conservatisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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