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dimanche, 12 septembre 2010

Kosovo: le droit des gens sur la sellette

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 Kosovo: le droit des gens sur la sellette

Question : quel est le principe du droit des gens qui est le plus important et qui doit recevoir la priorité ? Le droit à l’auto-détermination des peuples ou le principe de l’intégrité territoriale des Etats ? C’est la question à laquelle le Tribunal international devait répondre récemment dans le cas de son rapport d’expertise sur le Kosovo. Abstraction faite du contenu concret de ce rapport d’expertise et de ses effets politiques, le cas du Kosovo montre que le droit des gens n’est plus tellement une question de faire valoir le droit et de justifier celui-ci par des principes, mais n’est plus qu’une question de pouvoir et de force. Pourquoi ? Lors de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, il y a peu d’années d’ici, on s’est réclamé du droit à l’auto-détermination des peuples, qu’il fallait octroyer aux Albanais ethniques du Kosovo ; on a également justifié ce choix du fait que l’ancien régime serbe avait commis, à l’encontre de ceux-ci, des crimes contraires aux droits de l’homme, lors de la guerre ayant précédé l’indépendance kosovare. Pour cette raison, on devait, dit-on, accorder l’indépendance aux Kosovars et leur octroyer le droit à l’auto-détermination. On n’a dès lors tenu aucun compte de l’intégrité du territoire de l’Etat de Serbie, ce qui a eu pour résultat que, jusqu’ici, le Kosovo n’a été reconnu que par un nombre très limité d’autres Etats.

 

Il est de notoriété publique que cette indépendance du Kosovo a été rendue possible par des pressions extérieures, surtout américaines, et que les Européens, de ce fait, l’ont acceptée bon gré mal gré. Dans toutes ces démarches, on a complètement ignoré un fait : la construction qu’est le Kosovo est totalement dépendante sur le plan économique, n’est pas viable et constitue probablement le premier Etat entièrement musulman sur le sol européen.

 

La Serbie veut que l’on entame de nouvelles négociations pour fixer un statut définitif au Kosovo mais l’opinion générale estime évidemment qu’elle ne l’obtiendra pas et que sa démarche est absurde car l’indépendance du Kosovo ne pourra plus être rendue nulle et non avenue. En vérité, le vrai problème est celui de la région du Nord du Kosovo, qui possède un peuplement serbe compact, pour lequel il conviendrait bien évidemment d’appliquer les mêmes principes du droit des gens, que nous venons de citer. Les Serbes du Kosovo sont pleinement en droit de faire valoir à leur profit le droit à l’auto-détermination. Et si l’on considère le Kosovo comme un Etat souverain à part entière, son intégrité territoriale ne doit pas être une vache sacrée, pas davantage que celle de la Serbie, puisqu’il est né précisément du rejet de ce principe d’intégrité territoriale. En clair : les Serbes vont être contraints d’accepter un compromis, dans la mesure où ils ne récupèreront que les seules régions peuplées de Serbes et devront entériner la sécession du reste du Kosovo.

 

Ensuite, la grande question se pose à l’UE : ce territoire nouvellement indépendant, de peuplement albanais sera-t-il vraiment viable sur le long terme ou devra-t-on l’alimenter et le soutenir pour les siècles des siècles, en tant que pur protectorat de l’UE ? Ou bien se décidera-t-on d’élargir et de tester le principe de l’auto-détermination des peuples à tous les Albanais et Albanophones, en se demandant s’il ne serait pas utile de créer un Etat panalbanais, Kosovo compris, dans les Balkans occidentaux, qui serait rapidement lié à l’UE. Et comme les Européens financent déjà le tout, il faudrait tout de même veiller à ce que cet ensemble soit inclus dans une perspective géopolitique allant dans le sens des intérêts de l’Europe, en développant une vision au-delà des simples principes du droit des gens, et non pas dans une perspective allant dans le sens des intérêts, utilitaires et calculés, des Etats-Unis d’Amérique ou abondant dans le sens des visées expansionnistes et ubiquitaires du monde musulman. Si un « ordre nouveau » doit advenir dans les Balkans occidentaux et si cet « ordre nouveau » doit s’aligner sur l’UE et participer à l’intégration du continent européen, les principes du droit des gens devront obéir aux critères de la raison pragmatique. Celle-ci postule qu’il ne faut pas léser les intérêts et la fierté des autres grands peuples de cette région. Dans le cadre de cette évolution, la Serbie devra historiciser le mythe de la Bataille du Champs des Merles. Et les Kosovars musulmans devront accepter qu’ils ne resteront pas une république islamique souveraine par la grâce des Américains et aux frais des Européens.

 

Andreas MÖLZER.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°30/2010 ; http://www.zurzeit.at/ ).

 

 

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