mardi, 02 novembre 2010
Un esprit libre: Slavoj Zizek
Un esprit libre: Slavoj Zizek
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« Ce philosophe, issu d’un pays encore plus improbable que la Pologne d’Ubu Roi, la Slovénie, est un dur, aux antipodes des essayistes tièdes dont la France s’est fait une manière de spécialité. Mais sa dureté est bardée d’humour. [...] Marxisme et christianisme, qui ont été chats et chiens avant d’être copains comme cochons ont aujourd’hui un ennemi commun : les "nouvelles spiritualités", c’est-à-dire, en langage politiquement incorrect, la bétise bleu ciel. "L’héritage chrétien authentique est bien trop précieux pour être abandonnés aux freaks intégristes" insiste avec vigueur et jubilation Zizek. [...] Confrontant l’amour (la charité chrétienne) à la loi (la prescription judaïque), et défaisant la première par la seconde à partir des épîtres de Saint Paul, comme l’avait déjà fait son maître Alain Badiou, Zizek montre avec brio que les droits de l’homme sont en réalité des droits autorisant la violation des dix commandements. L’ONU ne descend pas du Sinaï, elle le contourne. [...] Aussi rappelle-t-il comment [en Slovénie] la régression ethnique et nationaliste a été vécue par ceux qui s’y étaient éclatés comme une formidable libération vis-à-vis d’une société postmoderne mondialisée, permissive et hédoniste en apparence, corsetée de restrictions et d’interdits en réalité, et donnée comme indépassable partout. Les démocraties occidentales ont tout faux lorsqu’elles s’imaginent que toutes les libertés sont de leur côté et toutes les servitudes de l’autre. »
Christian Godin, "Slavoj Zizek : sauver le christianisme... et le marxisme !", Marianne, du 16 au 22 février 2008
Sur la Suisse :
« Je l’aime beaucoup et je déteste les gauchistes qui la trouvent trop aseptisée. Au moment de son indépendance, le rêve de la Slovénie était d’ailleurs de devenir une autre Suisse. D’une certaine manière, elle a réussi : on est anonyme, personne ne sait qui est notre premier ministre... »
Sur la liberté et l’ordre :
« Je suis absolument hostile à l’idée selon laquelle l’ennemi serait l’autorité ou l’ordre. La liberté suppose d’abord que les choses fonctionnent. Aujourd’hui, dès que vous dites discipline ou sacrifice, ou vous répond fascisme ou goulag. La gauche devrait rejeter ce chantage et se réapproprier l’ordre et l’héroïsme. »
Sur la société hédoniste :
« Les psychanalystes constatent qu’on se sent coupable lorsqu’on ne peut pas jouir. La jouissance est littéralement élevée au rang de devoir. La formule libérale est : ton devoir est de jouir. La formule autoritaire : tu dois jouir de ton devoir. Cet hédonisme radical est hégémonique. [...] Le destin de la psychanalyse se joue là : est-ce qu’elle va nous apprendre à nous libérer de ce surmoi obscène qui nous contraint à la jouissance ? »
Sur la gauche :
« Qu’est devenue la gauche ? Quand j’étais jeune, on parlait de socialisme à visage humain. Aujourd’hui, tout ce que la gauche est capable d’imaginer, c’est le capitalisme à visage humain, avec plus d’écologie, un peu plus de respect pour le tiers-monde... Mais on reste devant le même horizon : tout le monde considère qu’on ne peut pas penser au-delà du capitalisme associé à la démocratie libérale. »
Sur le marxisme :
« Je ne suis pas un marxiste en quête de révolution, je suis plutôt un marxiste pessimiste qui observe les contradictions du capitalisme global. [...] Nous ne sommes pas devant une alternative entre le capitalisme sous sa forme actuelle et autre chose. Dans quelques décennies, il est clair que cela sera autre chose. »
Slavoj Zizek, L’Hebdo, 6 mars 2008
00:15 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philosophie, slovénie, sociologie, esprits libres | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Bonjour,
Monsieur Zizek emploie l'expression "droits de l'homme" pour désigner toutes les pratiques qui s'en réclament. C'est vraiment un peu simple! Cette astuce grossière a sévi à propos de Marx, de Lénine, de Nietzsche ou de Freud, etc.: ce n'est pas ainsi qu'on en vient à bout. Les droits de l'homme n'ont qu'un contenu auquel il faut revenir: celui de la Déclaration de 1789. J'attends toujours que Zizek, Badiou et beaucoup d'autres proposent de ce texte une analyse suivie...
Mais je crois que je puis attendre longtemps. Tant il est vrai que la vitupération vague des droits de l'homme est un filon incomparable.
C'est même un point de contact entre le néo ou ultra libéralisme & nos bolchéviques impénitents d'une grande importance stratégique. Voyez cet universitaire passé ainsi en 40 ans et en souplesse de l'extrême gauche de sa jeunesse, en 1968, au centrisme à la mode Bayrou-Figaro de sa maturité. Et ce par la passerelle de la dénonciation ININTERROMPUE des droits de l'homme et du citoyen, abstraits, formels, inefficaces, hypocrites, dogmatiques, opportunistes de 1789, fauteurs d'individualisme, d'anomisme, d'égoïsme, de désaffiliation, etc. Le bavardage anti droits de l'homme? Une entreprise rentable de reconversion-blanchiment d'intellectuels démentis par les faits.
Il n'y a, en tous cas, rien d'héroïque dans la position Zizek-Badiou: ces farceurs savent bien qu'ils hurlent avec les loups ! Comme ils l'ont toujours fait (cf. Badiou sur les Khmers rouges: "bon je me suis trompé, mais j'ai pas été le seul" (sic) CQFD).
Et vous trouvez cela "tiède"? Vous n'êtes jamais contents.Moi, je trouve cela inquiétant.
Je suis triste pour C. Godin.
Cordialement (taper sur Google: le blog de michel piquet)
Écrit par : piquet | dimanche, 10 juin 2012
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