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jeudi, 02 février 2012

Ilan Pappé, historien postsioniste: juge et vengeur

Markus BRANDSTETTER
Ilan Pappé, historien postsioniste: juge et vengeur

Ilan Pappe.jpgLe philosophe juif-allemand Theodor Lessing publiait en 1930 son fameux ouvrage “Der jüdische Selbsthass” (= “La haine de soi chez les Juifs”). Dans ce livre, il nommait le critique Karl Kraus et le désignait comme “l’exemple le plus patent de la haine de soi chez les Juifs” et aussi comme “le vengeur et le juge de notre temps”, dont il “comprenait profondément et sanctionnait” “la voie vers le combat”.

Ce sont là des mots qui attestent d’une admiration certaine, quoique pleine d’amertume, et d’une reconnaissance qui relève du défi: aujourd’hui, mutatis mutandis, ces mêmes paroles peuvent être dites de l’historien et publiciste Ilan Pappé. En effet, peu d’autres intellectuels israéliens provoquent autant la controverse que le fait Pappé. Les uns tiennent cet auteur du livre, aujourd’hui disponible en allemand, “Der Kampf um die akademische Freiheit in Israel” (= “Le combat pour la liberté académique en Israël”), pour un humaniste et un adepte de l’idéal des Lumières qui dévoile au grand jour la vérité, celle qui constate qu’Israël, en dépit de ses dissimulations et de ses maquillages, a bel et bien expulsé les Palestiniens par la violence en 1948-49. Pour d’autres, il est un vilain oiseau qui souille son propre nid, un prédicateur de marché et un idéologue qui n’hésite jamais à détourner la vérité si cela lui permet de jeter le discrédit sur Israël.

Le grand thème des recherches de Pappé est l’expulsion de près de 800.000 Palestiniens en 1948. Cette catastrophe, il la considère comme une “épuration ethnique” dans son ouvrage “The Ethnic Cleansing of Palestine” (= “L’épuration ethnique en Palestine”), qui était paru en 2006 et avait aussitôt soulevé et l’admiration et la polémique. En toute conscience, Pappé classe cette “épuration ethnique” de la Palestine dans le voisinage direct de la pratique génocidaire et du crime contre l’humanité. La polémique survient surtout parce que Pappé ne se borne pas à émettre une hypothèse de départ, qu’il confronte ensuite aux faits historiques; non, notre homme pose sa vérité dès le départ: les hommes politiques et les commandants militaires d’Israël, de même que les simples soldats et policiers, ont tous été, sans exception, des assassins et des criminels. Dans les travaux de Pappé tout ce qui est israélien est mauvais et méchant, tout ce qui est palestinien est inoffensif et bon.

Pappé n’a pas toujours eu une position aussi tranchée. Après ses études à Jérusalem et son doctorat à Oxford, cet intellectuel, né en 1954 à Haïfa, s’est fait un nom au sein du groupe dit des “nouveaux historiens”, aréopage regroupant des historiens israéliens qui, avec virulence, mettaient en doute les “mythes créateurs” de leur Etat. Tandis que les cinq autres membres du groupe finissaient tous par considérer que la fondation de l’Etat d’Israël participait d’un acte d’auto-affirmation du peuple juif au Proche Orient, dans un environnement hostile (justifiant plus ou moins l’expulsion par la violence des Arabes), Pappé a été le seul à attribuer à l’Etat hébreu en gestation des intentions malignes et cela, dès le départ.

Il a défendu ses positions de manière offensive et, de plus, veut les traduire dans l’orbe de la politique concrète. C’est la raison qui l’a poussé, en 1999, à se porter candidat aux élections de la Knesset sur les listes du Khadach socialiste. Il n’a pas été élu. Simultanément, il en appelait au boycott d’Israël, ce qui lui a coûté son capital de sympathie puis, en bout de course, ses chaires académiques. Mais ces persécutions ne sont pas venues à bout de l’entêtement de Pappé: il dirige aujourd’hui le “Centre Européen pour les Etudes Palestiniennes” à l’Université d’Exeter en Angleterre.

Markus BRANDSTETTER.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°5/2012; http://www.jungefreiheit.de ).

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