vendredi, 13 septembre 2013
Une réflexion sur l’avenir de l’Europe
LE LIEU DU RADICAL EUROPEEN
Une réflexion sur l’avenir de l’Europe
Michel LHOMME
Ex: http://metamag.fr
La France est en récession. Pour l'année 2012, c'est un taux de croissance nul. Adam Smith avait prédit que les Etats européens finiraient par couler un jour ! C’est peut-être aujourd’hui !
En Afrique, au contraire, on évoque des taux de croissance de 6% (10% en Ethiopie entre 2005 et 2010). Pour la Caraïbe et l'Amérique latine, le taux de croissance moyen est de 3,2% (Haïti et le Pérou, près de 6%). Le vrai combat mondial, ce n’est donc pas la Syrie mais plus que jamais le partage des richesses : ce n’est plus un combat simplement occidental. La France paie aujourd’hui le modèle de la surconsommation des années 60-70. Elle n’est plus un pays normal car un pays normal ne doit en aucun cas négliger sa production et son industrie.



Les hommes politiques français ont privilégié depuis des décennies la surconsommation, le surendettement des ménages, une politique de grands centres commerciaux à l’américaine et d’alimentation industrielle. Or, comme le souligne Pierre Rabhi: " la croissance ce n'est pas la solution, c'est le problème". Ne faut-il pas replacer le commerce et l’économie dans un combat mondial géopolitique du partage des richesses. Ce sont les apports alimentaires africains, arabes, indiens, chinois et amérindiens qui ont fait la table de l'Occident (épices, bananes, café, thé, pomme de terre). Or nous sommes encore dans ce système occidental de répartition alimentaire.
En Afrique et en Outre-mer, à voix basse, on entend très souvent dire qu’après tout le mal causé par le Blanc, il faudrait l'éliminer coûte que coûte. Pourtant, dans le monde, il ne faut pas qu'il n’y ait qu'un seul système. Il est possible de parler de croissance sans pour autant se laisser enfermer dans le seul paradigme occidental. S'il doit y avoir une alternative au système européen, laissons le cours de l'histoire se faire et nous verrons se dessiner une croissance africaine ou une alternative latino-américaine. Là encore, les intellectuels français complètement déphasés semblent se préparer pour la rentrée à défendre le convivialisme. Ils prétendent annoncer que l'économie libérale serait sur le point de rendre l’âme. Ce n’est que l’opinion géo-centrée et hexagonale d’un pays en déclin. Et en raison de cette opinion , on peut applaudir avec Adam Smith et nos amis africains, à la chute probable des vieux Etats européens.
Sur quel système, les échanges entre les pays du monde seront-ils basés demain ?
L'OMC dans lequel adhèrent tous les pays souverains est toujours prédominant. Si nous remontons dans le temps, les échanges qui se faisaient entre les royaumes africains et les sultanats arabes n'étaient pas basés sur le système occidental de frontières douanières et de taxes : l'Europe n'avait pas encore colonisé l'Afrique et le Moyen-Orient. Idem pour la région Caraïbe ou polynésienne où les peuples circulaient et marchandaient de territoires en territoires sans avoir de passeports, de visas... Puis, la colonisation européenne est passée par là et maintenant au XXIème siècle, le commerce mondial se fait sous les contraintes juridiques occidentales des dites règles du commerce. L'Occident fait partie du monde mais maintenant, avec l’arrivée soudaine au premier plan des pays émergents, cet Occident ne pourra plus dicter ses lois de concurrence. On pourrait très bien imaginer des règles nouvelles d’un autre système commercial avec une alternative au système consumériste.
Avec l'arrivée de pays émergents comme la Chine, le Brésil, l'Inde, la Russie, l'Afrique du Sud, le Nigéria, la carte du monde change. Soucieuse d’égalité, l'Europe se retrouve en grande difficulté économique. Les USA sont obligés de traiter avec des pays qui jadis étaient "persona non grata" car ils ont besoin d’ouvrir leur marché, d’écouler leurs produits d’où l’idée d’accélérer le projet balladurien d’un traité de libre-commerce transatlantique.
Il faut donc écrire au plus vite un guide de survie économique européen et pour cela poser les bases d’un nouvel espace économique avec les pays émergents, redéfinir les grands espaces du Sud et raisonner en termes de transfert de puissance. Le romancier créole antillais Patrick Chamoiseau écrivait récemment : « nous ne voyons que les ruines et les décombres se préciser autour de nous, mais l’horizon, l’en dehors, l’inconnu, l’inconcevable, nous brûle encore l’esprit… Le lieu est dans cette brûlure ». De quel lieu ?... Du « lieu du radical » précise-t-il, ce qu’un autre grand poète martiniquais, Edouard Glissant appelait « l’écart déterminant ». Chamoiseau ajoute dans cet entretien (Médiapart, 2 mai 2013) : « le poétique est le fondement du politique. Quand le politique s’en éloigne, il sombre dans la gestion ».
Le principal objectif d’une politique économique européenne ne serait-il pas la neutralisation économique américaine? Un tel programme impliquerait la fin du consumérisme et que les Américains soient prêts à abandonner leur leadership mondial. Ce serait l’occasion d’un grand revirement de la politique américaine comme l’a été la naissance du New Deal. Il serait en effet du devoir de l’Europe, de la défense de ses intérêts de susciter dans l’état de dette généralisée des Etats-Unis et surtout de sa probable dislocation interne et civile d’appuyer une telle politique de neutralisation américaine. Il faut donc refuser tout traité trans-atlantique qui ne vise qu’à faire entrer en masse les produits américains dans nos supermarchés. Pour l’Europe, ce serait une chance de sortir de l’impasse où se trouve actuellement la politique de ses Etats.
Un moment crucial
Pour la première fois, la volonté de domination américaine se retrouve en raison inverse de sa puissance politique interne et réelle. L’affirmation géo-économique dont elle rêve s’appuie sur une affirmation métaphysique. Or, on ne construit pas les réalités économiques de transformation (cf. Schumpeter) sur des affirmations métaphysiques. Tout manquera dans la culture américaine prochaine, dans les mœurs politiques et sociales du pays pour la rendre effective. On ne maintient pas une hyperpuissance avec des obèses ou des drogués. Et ce malgré tout l’aspect concret de l’affirmation politique américaine : un patriotisme fort, lié en la croyance en une prédestination biblique. Le péril interne américain, péril sociologique explique et justifie le durcissement visible du pouvoir fédéral, de son armature administrative et militaire, de son obsession de la surveillance nationale et internationale, de son orientation de plus en plus totalitaire mais cela ne l’empêchera pas de demeurer prisonnier dans la formation de ses élites des valeurs modernistes et libérales qu’il affiche. Il y a donc pour l’Europe et ses peuples un devoir de résistance.
00:09 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, europe, affaires européennes | |
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