lundi, 29 décembre 2014
L’identité contre les robots
L’identité contre les robots
La technique, comme la science, ne pense pas, nous apprend Heidegger. Encore que la bêtise ne soit pas en soi bête, comme nous verrons. Toujours est-il que Susan Schneider, professeur de philosophie de l’université du Connecticut, à la suite de plusieurs experts de la recherche astronomique, affirme que les extraterrestres sont assurément des robots, non des êtres biologiques. Le cerveau mou et peu fiable est, à terme, obsolète. Le "Brave New World" sera donc robotique. Cette prédiction se fonde sur le calcul de probabilité, lui-même induit par l’hypothèse que le progrès est le seul mode opératoire de la vie. En effet, de la cellule à l’homme, on s’oriente nécessairement vers une sophistication et un accès intégral à l’artifice, ce qui conduit à une métamorphose du biologique en synthétique.
On ne sait si Mme Schneider se réjouit de cette fatalité. Le mythe faustien, qui régit notre ère techno-scientiste, nous a appris que le désir d’immortalité et de jeunesse éternelle hante notre esprit. L’autre mythe de notre modernité, celui du progrès, dont on sait qu’il prit son essor dès la fin du XVIIe siècle, est, selon Baudelaire, une idée de paresseux. En tout cas, il nie toute liberté, et dénote un manque total d’imagination anthropologique.
Telle n’est pas la réaction du professeur Stephen Hawking, qui craint cette évolution : « Une fois que les hommes auraient développé l’intelligence artificielle, celle-ci décollerait seule, et se redéfinirait de plus en plus vite », avance-t-il. « Les humains, limités par une lente évolution biologique, ne pourraient pas rivaliser et seraient dépassés. » Georges Bernanos, déjà, dès 1947, nous avait mis en garde, dans sa fameuse France contre les robots , contre la déshumanisation inhérente au triomphe des machines. Mieux vaut être imparfait, limité, voire vicieux, que d’être conformé par l’excellence éradicatrice de la technique. La liberté absolue du mécanique est l’esclavage sans rémission du vivant. N’importe quelle bête est plus libre qu’un automate, même si elle dépend des nécessités de la nature. Mais les Cassandre ont de l’avenir !
Pourtant, Heidegger associe notre pensée à notre être, et singulièrement au langage, qui est ce qui est le plus proche de notre âme, le vivant en parole, le verbe qui fait un monde. Il faut un être qui dise ce monde pour qu’il existe. Le règne de la machine, c’est l’abolition du monde, du lieu où l’on devient soi-même.
Ulysse, dans la merveilleuse épopée d’Homère, illustre de façon émouvante cette vérité : plutôt que de céder à la tentation d’immortalité proposée par Circé, il préfère son Ithaque, si pauvre que seules les chèvres y peuvent paître, mais qui est sa demeure, le lieu de sa naissance, là où résident son père, sa femme, son enfant, un monde riche d’humanité.
00:05 Publié dans Actualité, Philosophie, Réflexions personnelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claude bourrinet, robots, philosophie, réflexions personnelles | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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