Joseph Rossé, député alsacien, est décédé le 28 octobre 1951 au bagne d’Eysses, Lot et Garonne. Il avait été condamné en 1947 par un tribunal de l’Epuration à 15 ans de travaux forcés à l’issue d’un procès éminemment politique. Il a connu les centrales de Fontevrault et de Clairvaux. Dans celles-ci, il a rencontré d’autres épurés célèbres : Maurras, Esteva, de Laborde, Xavier Vallat ainsi que Cousteau, Rebatet, Algarron.
Pourtant, il avait été blanchi par la même Cour pour les faits intervenus avant 1940. Ceux-ci lui avaient valu, avant-guerre, une précédente incarcération dans la prison militaire de Nancy. Après l’armistice, il avait été remis aux Allemands avec seize autres « Nanziger », autonomistes alsaciens arrêtés avec lui pour suspicion d’espionnage dès le début de la seconde guerre mondiale.
Singulière fin de parcours pour ce catholique farouchement opposé au nazisme alors qu’il avait abandonné toute activité publique durant la Seconde Guerre mondiale. Il l’a passée en Alsace à la tête de sa puissante maison d’édition l’Alsatia transformée en bastion anti-nazi. Il était entré en 1943 dans le complot contre Hitler organisé par la résistance allemande.
Mais de ses contacts avérés avec le colonel von Stauffenberg, le porteur de la bombe qui devait tuer le Führer le 20 juillet 1944, la justice politique de la Libération n’en tiendra nul compte. Il ne sera pas plus porté à sa décharge l’intense activité de Rossé pour venir en aide à ses compatriotes alsaciens victimes de l’hitlérisme ou pour éditer clandestinement les auteurs chrétiens interdits dans l’Allemagne nazie.
Pour la première fois, 70 ans après les faits, une biographie apporte une vue complète sur cet Alsacien, toujours interdit de mémoire, dont le nom n’est (encore ?) porté par aucune rue, aucune place, aucune école alsacienne. Écrite par Michel Krempper à qui l’on doit également « Aux sources de l’autonomisme alsacien », livre récemment paru chez le même éditeur, elle est titrée « Joseph Rossé 1892-1951 ».
À l’encontre d’une certaine historiographie officielle – et jacobine – elle retrace en sept chapitres, documents à l’appui, l’itinéraire d’un homme politique hors-pair : enseignant sundgauvien révoqué pour ses positions autonomistes, syndicaliste chrétien à la tête de la plus puissante organisation de fonctionnaires alsaciens, pilier du groupe de l’Alsatia et de sa presse, porte-voix de la Volkspartei (le principal parti alsacien d’avant-guerre) et député de Colmar (trois fois élu), Nancéien puis Nanzinger, résistant anti-hitlérien, victime expiatoire de l’Epuration (à qui ses compatriotes feront de grandioses funérailles).
Nicolas de Lamberterie
Joseph Rossé 1892 – 1951 – Michel Krempper – 20€ – Yoran Embanner (à commander ici)
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