L’actualité fait oublier les tensions permanentes entre les États-Unis d’Amérique et la Corée du Nord. Persiste toujours le risque élevé d’une agression yankee contre un État souverain. Le regard porté de France donne souvent un avis unilatéral sur ce sujet sans pour autant comprendre les origines complexes de ce lourd contentieux.
Avec La Corée du Nord en 100 questions (Tallandier, 2016, 381 p., 15,90 €), Juliette Morillot et Dorian Malovic apportent avec brio et concision des réponses qui frôlent parfois l’incorrection politique. Ils évoquent par exemple le manque de fiabilité des témoignages de certains « défecteurs ». En effet, la plupart de leurs récits sont payés plus ou moins chers par des organisations « humanitaires » protestantes en fonction du degré d’atrocités racontées.
Les auteurs insistent aussi sur les origines du programme nucléaire de dissuasion nationale conçu avec l’aide d’ingénieurs pakistanais. La détention d’un arsenal atomique garantit le maintien de ce régime hybride national-communiste ultra-souverainiste au moment même où Washington revient sur sa parole à propos de l’accord conclu avec la République islamique d’Iran. L’ouvrage fait enfin découvrir au lecteur l’existence de plusieurs territoires coréens.
Les deux Corées rivales ne sont pas les seules terres du « monde coréen ». Dans la région du Yanbian vit plus d’un million de Coréens de citoyenneté chinoise très liés à leurs cousins nord-coréens. Les Coréens du Nord ont en outre une parentèle assez étroite avec 107 000 citoyens russes d’ethnie coréenne. Les auteurs oublient en revanche de mentionner les descendants des Coréens venus travailler dans l’Empire des tsars à la fin du XIXe siècle. On en recense aujourd’hui quelque 103 000 qui sont citoyens kazakhs et 183 000 de citoyenneté ouzbek… Une « autre Corée » résulte de la colonisation japonaise dans la péninsule entre 1910 et 1945. Résident toujours dans l’Empire du Soleil Levant 458 937 Coréens du Sud et 33 939 Coréens du Nord. Enfin, la « dernière Corée » regroupe l’ensemble des Coréens installés en Amérique du Nord et en Europe. Des exilés nord-coréens mal-adaptés à la société sud-coréenne qui les méprise et les considère comme des ploucs s’installent en Occident où ils leur arrivent de rencontrer leurs compatriotes immigrés. Ces derniers (serveuses, bûcherons, ingénieurs, ouvrières spécialisées) bénéficient légalement de contrats de travail rémunérateurs et versent un pourcentage aux autorités de leur République populaire démocratique. La réalité est moins simple qu’un mauvais film de la Compagnie Disney.
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 52, diffusée sur Radio-Libertés, le 10 novembre 2017.
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