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vendredi, 05 janvier 2018

Xavier de Grunne : de Rex à la Résistance

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Le Mont Ruwenzori (Congo)

Xavier de Grunne : de Rex à la Résistance

Lionel Baland est un écrivain belge, spécialiste des partis patriotiques en Europe, qui a écrit sur l’histoire du nationalisme belge. Il publie aux éditions Godefroy de Bouillon un ouvrage portant sur un pan de l’histoire du rexisme, le mouvement politique nationaliste belge dirigé au cours des années 1930-1940 par Léon Degrelle, intitulé « Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance. »

Propos recueillis par Fabrice Dutilleul.

Xavier-de-Grunne.jpgQui est Xavier de Grunne ?

Xavier de Grunne (1894-1944) est issu de la vieille noblesse belge. Pionnier dans le domaine de l’alpinisme, il le pratique aux côtés du Roi Albert Ier et devient célèbre en dirigeant une expédition au Congo belge en vue de l’exploration complète du versant occidental du Ruwenzori. La colonne, constituée de scientifiques et de centaines de porteurs noirs, se fraie un chemin dans la forêt équatoriale avant d’atteindre les glaciers. Elle reste durant deux mois dans la pluie et le brouillard à plus de 4 000 mètres d’altitude à une température proche de zéro degré.

Léon Degrelle demande en 1936 à Xavier de Grunne, « l’homme du Ruwenzori », de se présenter sur les listes du mouvement anti-corruption catholique et nationaliste belge Rex. Xavier de Grunne est élu sénateur. Lors des élections législatives de 1939, il est aussi présent sur les listes de Rex, mais n’est pas réélu car ce mouvement subit alors un fort recul électoral.

Durant la « drôle de guerre » (début septembre 1939-10 mai 1940), Rex est totalement aligné sur la position ultra-neutraliste défendue par le Roi Léopold III. Xavier de Grunne n’est pas d’accord avec ce choix et désire voir Rex et la Belgique se ranger du côté des Français et des Britanniques.

Après la défaite, Xavier de Grunne fonde l’organisation de résistance « La Phalange », est arrêté par les Allemands et meurt en déportation. Pendant ce temps, Rex se lance dans la collaboration d’abord limitée, puis illimitée avec l’occupant. Son dirigeant, Léon Degrelle combat le communisme sur le Front de l’Est et termine la guerre en tant qu’officier supérieur de la Waffen SS, après avoir reçu à l’issue de la bataille de Tcherkassy/Korsun une des plus hautes décorations du IIIe Reich des mains d’Adolf Hitler qui, lui tenant la main entre ses deux mains (il est le seul à ma connaissance à qui cela est arrivé), lui dit : « Je me suis fait tant de soucis. »

Le parcours de Xavier de Grunne est-il atypique ?

Non. Il apparaît qu’en Belgique francophone durant la IIe Guerre mondiale, les nationalistes sont allés, comme l’indique le grand résistant liégeois et professeur d’université Léon-Ernest Halkin dans son ouvrage À l’Ombre de la mort, pour la plupart dans la Résistance et y ont souvent laissé leur vie ou leur santé. Ce qui deviendra la principale organisation de Résistance du pays et sera dénommé par la suite « Armée secrète », a été fondé par les patriotes Robert Lentz et Charles Claser. Quant aux adeptes de l’Ordre nouveau, une partie d’entre eux est allée dans la collaboration limitée, tel José Streel qui est un des penseurs principaux du rexisme aux côtés de Jean Denis, et une autre partie dans la collaboration illimitée, tel Léon Degrelle. Mais d’autres ont rejoint la Résistance.

Pierre-Nothomb_9959.jpgPierre Nothomb, fondateur au cours des années 1920 des Jeunesses nationales, a été inquiété à plusieurs reprises durant la guerre par les Allemands pour ses actes de résistance. La Légion Nationale, organisation nationaliste belge fondée en 1922 et qui devient ensuite un mouvement d’Ordre nouveau qui affronte physiquement les milices socialistes et communistes, entre dès le début de l’occupation dans la Résistance. Plusieurs de ses membres sont fusillés par les Allemands et son dirigeant, l’avocat Paul Hoornaert, meurt en déportation. Un certain nombre de rexistes ou d’anciens rexistes se sont également retrouvés dans la Résistance. L’écrivain Robert du Bois de Vroylande, ainsi que le rédacteur en chef du quotidien rexiste Le Pays Réel et membre du Conseil politique du mouvement rexiste Hubert d’Ydewalle, qui ont tous deux rompu avec Rex avant la guerre, meurent en déportation. Le Mouvement National Royaliste (Nationale Koninklijke Beweging), une des organisations de résistance du pays, est fondé par des rexistes restés fidèles au Roi Léopold III. Ajoutons que les intellectuels adeptes de l’Ordre nouveau et professeurs d’université Fernand Desonay et Charles Terlinden se sont retrouvés eux aussi dans la Résistance.

Notons que les rexistes qui se sont engagés dans la Collaboration l’ont fait, à leurs yeux, dans l’intérêt de la Belgique. Lorsque José Streel estime que la poursuite d’une telle politique ne penche plus en faveur de l’avantage du peuple belge, il se retire (ce qui n’empêchera pas son exécution en 1946). Léon Degrelle poursuit dans la Collaboration en ayant pour objectif la réalisation d’une grande Bourgogne inspirée de celle de Charles le Téméraire, ce qui correspond à l’idée d’une grande Belgique (idée déjà prônée durant la Ire Guerre mondiale par Pierre Nothomb), produit d’un nationalisme belge exacerbé.

Quels principaux éléments nouveaux apporte votre ouvrage ?

XG-br.jpgContrairement à ce qui a été souvent écrit, il apparaît que Xavier de Grunne est resté lié à Rex jusqu’en 1939, et que la rupture annoncée en 1937 au sein de l’ouvrage de Xavier de Grunne intitulé Pourquoi je suis séparé de Rex ? est purement stratégique afin de disposer de la liberté de pouvoir critiquer l’Église qui attaque Rex, tout en ne froissant pas les électeurs rexistes qui sont pour la plupart des catholiques convaincus.

Notons que Léon Degrelle encense au sein de ses écrits d’après-guerre Xavier de Grunne. L’ouvrage montre qu’au début de l’Occupation, rien n’est joué et que le basculement de certains dans la Résistance et d’autres dans la Collaboration a été avant tout une question de circonstances et de relations personnelles, les individus suivant souvent leurs proches relations politiques vers l’un ou l’autre bord.

Pourquoi la direction de Rex a-t-elle choisi la Collaboration ?

Rex, mouvement politique nationaliste belge et monarchiste, n’avait rien à aller faire dans la Collaboration avec un régime nationaliste allemand d’expansion. Un élément essentiel a conduit ce mouvement dans cette situation : lors de l’invasion par l’armée allemande de la Belgique le 10 mai 1940, le dirigeant rexiste Léon Degrelle, pourtant protégé par son immunité parlementaire, est arrêté par les autorités belges et déporté en France où il est malmené et tabassé, puis traîné de prisons en prisons avant de terminer au sein de camp de concentration du Vernet (rappelons que la République française a ouvert en 1939 des camps de concentration afin d’y placer dans des conditions sordides les réfugiés républicains espagnols). Revenu miraculé en Belgique au cours de l’été 1940 après la capitulation de la France, Léon Degrelle a des comptes à régler avec le système. De plus, l’Allemagne, ayant gagné la guerre sur le continent, paraît à cette époque pouvoir dominer pour des siècles. Rex, qui est à la mi-1940 rangé derrière le Roi, change de cap six mois plus tard et entre début 1941 dans la Collaboration. Cela aurait pu ne pas arriver et le mouvement rexiste aurait pu se trouver de l’autre côté durant la guerre.

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« Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance », Lionel Baland, Godefroy de Bouillon.

Écrits de Lionel Baland sur le sujet :

Ouvrages :

* Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance, Godefroy de Bouillon, Paris, 2017.

* Léon Degrelle et la presse rexiste, Éditions Déterna, Paris, 2009.

* Préface de la réédition de « La Révolution du XXe siècle » de José Streel, Éditions Déterna, Paris, 2010.

Articles :

* Fernand Desonay : des C.A.U.R. au maquis des Ardennes Belges, in : Bulletin d’Information du Centre Liègeois d’Histoire et d’Archéologie, n° 137, 2014, p. 63-66.

* Rex en wallon : Joseph Mignolet et Amand Géradin, in : Bulletin d’Information du Centre Liègeois d’Histoire et d’Archéologie Militaires, n° 141, 2017, p. 65-70.

Les nœuds gordiens de la géopolitique post-occidentale, recensés en quelques cartes

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Les nœuds gordiens de la géopolitique post-occidentale, recensés en quelques cartes

Gérard Dussouy ♦
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux.

Ex: https://metamag.fr

La géopolitique mondiale n’est plus ce qu’elle était. Sa configuration s’est transformée depuis le dernier quart du vingtième siècle parce que les acteurs internationaux dominants ne sont plus les mêmes. Au point que nous n’hésiterons pas à parler désormais d’une géopolitique post-occidentale, en ce sens que la géopolitique mondiale n’est plus ordonnée, ni même maîtrisée, par l’Occident.

Et le changement, dont le moteur principal a été ces dernières années le facteur économique, va s’accentuer au cours des décennies qui viennent sous la pression de certaines mutations technologiques, mais surtout de phénomènes structurels, tantôt humains (déséquilibres démographiques, migrations et nouveaux hégémonismes), tantôt naturels (réchauffement climatique). Dans le complexe d’espaces que la géopolitique systémique s’efforce d’interpréter, chacun d’entre eux a sa logique de structuration, et comme ils sont, à la fois, interactifs, différents et inséparables, il n’est pas simple de prévoir la tournure générale que ce changement prendra. Cela dépendra de la façon, plus ou moins dramatique, ou plus ou moins bien régulée, dont les hommes et leurs institutions trancheront les nœuds gordiens de la géopolitique qu’ils ont mise en place, délibérément ou pas.

Le premier d’entre eux réside dans les relations compliquées, parce que faites d’interdépendances et de rivalités potentielles, qu’entretiennent les principales puissances mondiales, la Chine et les États-Unis au premier chef. Le second se démutiplie, en quelque sorte, dans les régions ou les zones réputées être les plus instables, les plus conflictuelles, de l’espace géopolitique, où différentes situations pourraient dégénérer. Le troisième consiste dans la capacité qu’auront les hommes à faire face à la multiplication de leur nombre, et aux tensions qui vont avec, en se garantissant une croissance économique durable et suffisante. Le quatrième, qui pourrait s’avèrer le plus déterminant, mais qui reste le plus imprévisible, est celui du niveau d’adaptation des humains au réchauffement climatique et à ses effets perturbants, sachant qu’il apparaît inéluctable, et peut-être plus fort que prévu.

Chacun de ces nœuds gordiens est intéressant en soi parce qu’il met en exergue l’un des différents enjeux épistémologiques de la géopolitique globale, qu’il s’agit de prendre comme un Tout (tous les espaces factoriels sont à considérer), lequel ne relève pas des mêmes valeurs, dîtes universelles, mais qui s’affirme de plus en plus comme étant un plurivers (un lieu de rencontre de visions du monde et de cultures concurrentes).

Néanmoins, il n’est pas question de les analyser ici chacun en profondeur, mais, seulement, d’exposer leur bien-fondé avec des cartes qui peuvent s’avèrer plus explicites que de longs discours. C’est le rôle heuristique des images que d’ouvrir la voie à la réflexion, sans imaginer une seconde qu’elles puissent se suffire à elles-mêmes et se substituer à l’analyse.

I – L’espace géopolitique post-occidental.

La carte géopolitique du monde a, d’ores et déjà, changé de polarité. C’est la conséquence de la montée en puissance de l’Asie, de l’installation de la Chine au cœur du système économique mondial, du déclin de la puissance des Etats-Unis, et de l’inexistence de l’Europe.

Carte n° 1, la Chine au centre du monde.

Source : Le basculement du monde. Manière de voir n° 107. Editions du Monde Diplomatique.

La Chine, désormais première puissance économique mondiale (si l’on prend comme taux de change la parité des pouvoirs d’achat), a pris, du même coup, de façon intentionnelle, mais cela relève aussi de la mécanique de la puissance, l’initiative en matière de politique internationale. En effet, elle développe depuis quelques années une « grande stratégie », dans le cadre du « nouveau multilatéralisme » qui caractérise, selon les dires de ses dirigeants, la situation internationale (Panda, 2011). Cette géostratégie* chinoise s’appuie en particulier sur les autres BRICs (Brésil, Russie et Inde) avec lesquels elle entretient des relations renforcées. Son objectif est de prévenir, ou d’écarter, toute politique d’encerclement des États-Unis et, dans la mesure du possible de les isoler au maximum. Dans cette perspective, elle peut compter sur l’affaiblissement financier de ces derniers, frappés par un endettement sans précédent : 20 000 milliards d’endettement public en 2016, soit 100% du PIB, 60 000 milliards de dollars de dettes privées, et un déficit extérieur plus béant que jamais (750 mimmierds de dollars). Au point que des experts évoquent la possibilité d’un krach de Wall Street dans les années proches. Sachant que la Chine est le premier créancier de l’économie américaine (presque 10% de la dette publique US), elle pourrait tenir bientôt le dollar à sa merci. Mais, ce n’est pas son intérêt immédiat de mettre fin à son rôle de devise internationale, même si cela devait se faire un jour. Son marché intérieur en pleine expansion étant encore trop limité, la Chine a besoin de déverser ses exportations dans celui des États-unis. Certes, afin de garantir l’avenir de ses créances, certains économistes ont évoqué le scénario d’une Chine imposant aux Américains une politique déflationniste à l’instar de celle imposée par Berlin à la Grèce ( Panda, 2011, p. 40).Mais c’est une arme à double tranchant.

La fongibilité de la puissance, à savoir son transfert d’une capacité à une autre, comme de l’économique au militaire, par exemple, n’est jamais évidente et exige du temps. Mais, elle est toujours suffisante pour que l’on s’interdise de séparer, comme on l’a fait trop longtemps, et comme certains continuent à le faire, ce qui est la géopolitique stricto sensu, celle des territoires, et la géoéconomie ; mais également la géodémographie, la géoculture ou, pourquoi pas selon la terminologie de Deleuze et Guattari, la géophilosophie. La montée en puissance de l’économie chinoise ne peut donc qu’encourager Pékin à prendre des initiatives diplomatiques, parallèlement à la modernisation de ses forces armées ; en attendant de pouvoir, un jour, maintenant que la Chine a renoué avec ses traditions, exercer son influence culturelle et idéelle.

Carte n°2 : Les partenaires de l’OCS.

Source : Population Data.net

Le déploiement diplomatique de la Chine en Asie a pour principal instrument l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), fondée en 2001. Conçue à l’origine pour combattre ce que les Chinois appellent les « trois maux » du terrorisme, du séparatisme et de l’extrémisme, l’organisation a facilité le rapprochement russo-chinois, face à la présence américaine en Afghanistan et face à la pression de Washington sur l’Iran, mais elle est aussi au départ d’un certain nombre de coopérations économiques (c’est dans l’ordre géopolitique des choses), en matière de ventes et de transports d’hydrocarbures en particulier. Tout cela fait que l’OCS s’apparente de plus en plus à un G8 exclusif (par rapport aux États-Unis), mais qui se tourne aussi vers le Golfe Persique et vers l’Europe.

Carte n°3 : les nouvelles routes de la soie.

Source : Map Attribute : China’s « One Belt, One Road », 2016.

C’est en partie dans le cadre de l’OCS (pour des besoins de co-financement), bien qu’il s’agisse d’une intitiative éminement chinoise bien accueillie par l’Union européenne, que s’est opérée la renaissance « des routes de la soie ». Avec parmi elles, celle qui mérite le plus le nom, parce qu’elle traverse l’Asie centrale, et qui, depuis cette année, relie notamment Wuhan à Lyon (11 300 km parcourus en quinze jours). Dans l’ensemble, il s’agit de mettre en place un réseau ferroviaire entre 16 villes chinoises et 15 villes européennes sur lequel Pékin compte voir circuler 5000 trains par an d’ici à 2020. L’objectif est de faire transférer par la voie terrestre une part de plus en plus élevée du commerce qui grandit entre la Chine et l’Europe. Actuellement, ce renouveau fait surtout l’affaire de la Chine puisque les flux Est-Ouest sont le double que dans l’autre sens. Il s’inscrit dans le projet chinois de devenir le pays manufacturier leader d’ici à 2049, et dont il faudra exporter la production. Imitant en cela le plan allemand d’Industrie 4.0, dont l’objectif est la production standardisée d’outils de production, le plan « Made in China 2025 » entend redoubler les dépenses en R&D afin de faire de la Chine une grande puissance technologique à l’horizon du centenaire de la révolution maoïste.

Carte n° 4 Les points de tension entre les deux géants asiatiques

Source : Caution India, Janvier 2011.

Evidemment, la nouvelle configuration géopolitique, celle qui correspond au leadership asiatique, n’est pas dépourvue de rivalités au cœur même de l’espace devenu référentiel. La Chine et l’Inde, pour ne parler que d’elles, sont deux États-continent d’une masse critique comme il n’en a jamais existé dans l’histoire. Culturellement, tout les oppose, et à la compétition politique et commerciale qui, immanquablement, va s’instaurer entre elles, s’ajoute un certain nombre de contentieux territoriaux. De la façon dont évolueront leurs relations bilatérales, plutôt apaisées à l’heure actuelle, et sachant qu’on peut prévoir qu’elles s’inscriront dans un jeu triangulaire avec les Etat-Unis, dépendra l’équilibre asiatique qui commandera à celui du monde.

II – Les régions les plus problématiques de la géopolitique post-occidentale.

La géopolitique post-occidentale ne sera pas exempte de luttes hégémoniques. Pas moins que ne le furent les périodes précédentes. Dans l’avenir le plus proche, c’est entre la puissance chinoise en pleine ascension, et de plus en plus sûre d’elle-même, et la puissance américaine, encore forte de son potentiel militaire et technologique, que des tensions sont à prévoir. Surtout si les États-Unis ont le sentiment de revivre le « cauchemar de Mackinder » (du nom du géographe anglais qui, au début du 20ème siècle, redoutait l’unification du continent européen par l’Allemagne ou par la Russie, avec pour conséquence l’exclusion du Royaume-Uni) (Dussouy, 2006). C’est-à-dire l’impression de se retrouver eux-mêmes « exclus » d’Eurasie par la Chine, à la suite des alliances qu’elle aura concoctées avec les autres puissances de l’Ile Mondiale. Une issue que le déploiement diplomatique chinois, par l’intermédiaire des BRI ou de l’OCS, et commercial, via les routes de la soie, pourrait accréditer.

Carte n° 5 : La politique de containment de la Chine par les États-Unis.

Source : Limes, Rome 9/9/2014.

A plusieurs reprises, réagissant aux initiatives américaines qu’un tel schéma (hypothétique) peut inspirer, les dirigeants chinois ont dénoncé la stratégie d’encerclement conduite par Washington. Affaire de perspective, de vision, certes, mais qui peut avoir des conséquences graves car le dispositif de surveillance militaire mis en place par les États-Unis dans le Pacifique ouest recoupe les nombreux axes de rivalité qui fractionnent la bordure océanique de l’Asie de l’Est.

Carte n°6 : Les rivalités territoriales 

Enfin, depuis l’été 2017, l’Asie de l’Est se trouve un peu plus à l’avant-scène de la géopolitique mondiale à cause de son « trublion nucléaire », la Corée du Nord. En quête de reconnaissance internationale, le régime de Pyongyang a montré qu’il disposait d’une panoplie de vrais missiles intercontinentaux (ICBM) susceptibles d’emporter des bombes nucléaires. La réalité de la menace qu’entend faire planer le dirigeant Kim Jong-un sur ses voisins et sur les États-Unis, principale cible diplomatique, est difficile à appréhender. On peut imaginer que, sauf accident ou réaction inconséquente de l’une des parties concernées, comme lors de la « crise des missiles » de Cuba, en 1962, on va s’acheminer vers un marchandage régional dans lequel, en contrepartie de son arbitrage, Pékin obtiendra des compensations dans les litiges (politiques ou commerciaux) que la capitale chinoise peut entretenir avec Washington.

Carte n°7 : Portée estimée des missiles nord-coréens

Sur l’autre face de l’Asie, et au-delà jusqu’au Nord de l’Afrique, s’étire le monde musulman que les géostratèges américains ont pris l’habitude de diviser en trois espaces stratégiques, et qui est, sans aucun doute, aujourd’hui, la région la plus tourmentée de la planète. Elle recelle de nombreux enjeux bien connus, qui attisent toujours la convoitise des grandes puissances économiques, mais aussi de nombreux dangers dont le plus évident, de nos jours et pour de nombreuses années à venir, est d’abriter les bases du terrorisme islamiste. Même si l’Etat du même nom est moribond. Car dans le vaste espace musulman sourde un hégémonisme, qui ne dit pas son nom, insuflé par la conjonction du dynamisme démographique, de la richesse financière, et d’une foi religieuse exclusive.

Carte n°8 Les trois espaces stratégiques du monde musulman

A l’Est, la zone formée par l’Asie Centrale et le Caucase est celle où sévit la guerre d’Afghanistan dans laquelle s’empêtrent encore les Américains, sous le regard attentif des Russes et des Chinois, mais aussi de la puissance montante de l’Iran, qui tous ont des intérêts économiques politiques, stratégiques, à faire valoir. Au centre, le Moyen-orient proprement dit est la région perturbée que l’on sait pour des raisons qui n’ont pas changé depuis des décennies, mais auxquelles se sont surajoutées la destruction d’abord, la déstabilisation ensuite, de l’Irak, la guerre civile syrienne, et l’activité meurtrière du terrorisme des fondamentalistes. A l’Ouest, en Afrique du Nord, depuis le fiasco des printemps arabes, la Libye constitue la principale préoccupation des chancelleries et des stratèges occidentaux.

Carte n°9 : Les régions les plus tourmentées de la planète.

Source : Le Monde Diplomatique.

Quant à l’Europe, cantonnée maintenant à la marge de la scène mondiale (ce qui risque fort de rester définitivement sa place en raison de son incapacité à s’unir), elle n’est pas exempte de tout risque de conflit. En effet, la situation demeure tendue entre l’Ukraine et la Russie, et aucune solution politique n’a encore été trouvée pour surmonter de façon satisfaisante, pour toutes les parties, le problème de la dissidence du Donbass. De surcroît, la « crise ukrainienne » éloigne l’Europe et la Russie l’une de l’autre, alors que tout tend à démontrer que, dans la nouvelle configuration géopolitique du monde, elles sont deux « alliés naturels » (Dussouy, 2013).

Carte n°10 : Le différend entre l’Ukraine et la Russie.

Mais, marginalisation ne rythme pas avec sécurisation ou avec mise à l’abri. L’Europe n’est qu’une pièce du système mondial qu’elle a contribué à mettre en place. Elle est directement concernée, au même titre que les autres continents, par les grands flux planétaires de toutes natures.

 III – Quelles conséquences géopolitiques de la surpopulation africaine (… et indienne) ?

En effet, l’Europe est désormais le premier continent d’accueil des migrants internationaux (34%), suivie par l’Asie (28%), l’Amérique du Nord(23%) l’Afrique (9%) et enfin l’Amérique Latine-Caraïbes (4%L L’Allemagne, à elle seule concentre 5% des migrants internationaux (468 800 entrées en 2014 contre 259 800 en France). Seuls les Etats-Unis (20%) en accueillent plus. Les principaux pays d’émigration sont l’Inde (16 millions), le Mexique (12 millions), la Russie (11 millions) et la Chine (10 millions), en 2015 (Bloom, 2016).

Carte n° 11 : Les migrations internationales.

L’une des plus importantes migrations intercontinentales de l’histoire récente s’est produite en 2015, avec l’exode de plus d’un million de Syriens vers l’Europe. Depuis, bien que d’une amplitude un peu moindre, le phénomène des migrations depuis l’Afrique et le Moyen-Orient à travers la Méditerranée crée des zones de tension aux points de passage entre les deux rives de cette mer, surtout en Italie, en Gréce et dans les Balkans, et maintenant en Espagne.

Carte n° 12 Les zones de tension en Méditerranée.

Source : RT 1/08/2015

Or, ces vagues migratoires qui affectent l’Europe sont probablement les signes avant-coureurs de grands mouvements de population, tant la conjoncture de la démographie mondiale paraît devoir se compliquer. La Terre portera près de 10 milliards d’habitants en 2050, contre 7,5 milliards en 2017, et entre 11 et 12 milliards en 2100. L’effet d’inertie de la croissance passée (c’est-à-dire l’existence d’une forte proportion de jeunes adultes dans la population mondiale) et le maintien de la fécondité à un niveau élevé en Afrique sub-saharienne expliquent cela. Questions : la croissance économique sera-t-elle à la hauteur ? Pourra-t-elle garantir un niveau de vie décent à tous les hommes, quand on sait que des économistes, dont le Français Daniel Cohen, envisagent l’entrée probable de l’économie mondiale dans une phase stationnaire de longue durée (Cohen, 2016) ? Le maintien des niveaux de vie des pays avancés est-il compatible avec une concurrence internationale des travailleurs de plus en plus éxacerbée ? Pessimiste, l’ethnologue Levy-Strauss considérait que 3 milliards d’individus était la charge maximale que pouvait supporter Gaïa pour que les hommes s’y trouvent bien !

Carte n° 13 : La population mondiale en 2050.

La croissance très inégale de la population du monde, selon les régions et les continents, depuis le milieu du 20ème siècle, engendre des déséquilibres qui se précisent, et qui s’expriment, à la fois, en nombre et par âge. Et c’est au niveau de l’Afrique, et dans une moindre mesure de l’Inde que le nœud gordien d’une démographie incontrôlée ou mal régulée apparaît le plus complexe à défaire. Nul doute que la croissance de la population africaine est un défi pour l’Afrique elle-même, mais aussi pour la planète et particulièrement pour l’Europe, car on voit mal comment le développement économique et alimentaire du continent africain pourra suivre la croissance des besoins. Quant à l’Inde, qui a le mérite de faire partie des économies émergentes, son surplus de population risque cependant d’être un frein, mais, surtout, d’être mal perçu en Asie.

Carte n°14 , par anamorphose : La population de l’Eurasie et de l’Afrique en 2100.

La carte par anamorphose est une « carte quantitative » qui met en relief un facteur donné. Les superficies représentées sont proportionnelles, ici, à la population des différents Etats. L’anamorphose déforme le réel mais permet la mise en perspective d’un de ses éléments cruciaux.

Sans tomber dans les fantasmes (que la carte par anamorphose peut susciter), Il est tout à fait réaliste de penser que les déséquilibres répertoriés provoqueront des mouvements migratoires de très grande ampleur. Du niveau, peut-être, des migrations européennes du 19ème siècle, qui ont radicalement changé le peuplement de l’Amérique du Nord. Et puis, sans en être la cause directe, les disparités démographiques ont souvent favorisé les guerres dans le passé. Il faudra de nombreux miracles économiques pour écarter les risques de guerre.

IV – L’impact géopolitique imprévisible du réchauffement climatique.

Le réchauffement climatique, qui s’est ralenti entre 1996 et 2014 pour repartir à la hausse depuis, semble inéluctable. On ne refera pas ici le débat légitime des experts, et l’on partira de l’hypoyhèse de ceux qui lui accordent une cause anthropique. Compte tenu, alors, de la faiblesse des mesures adpotées, à ce jour, pour en ralentir le rythme, la question principale qui se pose aux hommes et aux sociétés est, ni plus ni moins, que celle de l’adaptation aux circonstances. En effet, la force du phénomène (Cf. les degrès de température moyenne en plus, selon les latitudes) dictera sa loi, et il s’agira de s’en accomoder, parfois en recherchant des stratégies de survie.

Carte n° 15 : Le réchauffement climatique.

Au plan géopolitique les conséquences seront multiples. L’agriculture des latitudes élevées profitera de la montée des températures. Mais, partout ailleurs, celle-ci va faire baisser les rendements moyens mondiaux de cultures comme le riz (moins 3,2% pour un degré Celsius de hausse), le blé (moins 6%), le maïs (moins 7,4%). Il va de soi que les tensions ou les pénuries alimentaires qui naîtront de la baisse des rendements pourront déstabiliser de nombreux états.

L’irrégularité de la pluviométrie et la raréfaction de la ressource en eau, ici, mais les inondations catastrophiques et les décalages saisonniers des cultures, ailleurs, sont aussi des causes possibles de dérives politiques, tandis qu’un peu partout de nouveaux risques sanitaires vont surgir. Les situations les plus critiques seront celles créées par la conjugaison de la pression démographique et de la nouvelle contrainte climatique. Ce sont elles qui pourraient déclencher de grands mouvements belligènes de population, tels que l’histoire en a le secret.

Enfin, un changement géopolitique des plus prévisibles est l’ouverture de plus en plus grande de l’océan Arctique au commerce maritime international, mais aussi aux flottes militaires, et la meilleure accessibilité des ressources des zones polaires.

Carte n° 16 : Les enjeux de l’océan Arctique.

Source : La Croix 18/08/2015.

Conclusion

L’idée de ce bref article est de montrer, par la preuve des cartes, l’existence de dynamiques planétaires qui font que l’histoire n’est pas finie. Ces dernières incitent à avancer l’hypothèse d’une géopolitique post-occidentale, dont les problématiques sont de vrais nœuds gordiens pour le devenir des jeunes générations. Il serait temps qu’en Europe, on en prenne conscience.

Notes :

BLOOM, D.E., « Bouleversement démographique. Le monde va devoir affronter la croissance démographique, le vieillissement, les migrations et l’urbanisation », Finance et développement, Mars 2016.

COHEN, D., Le monde est clos et le désir infini, Paris, Albin Michel, 2015

DUSSOUY, G. Quelle géopolitique au 21ème siècle ? Bruxelles, Complexe, 2001.

DUSSOUY, G. Les théories géopolitiques, Paris, L’Harmattan, 2006.

DUSSOUY, G. Fonder un Etat européen, Blois, Tatamis, 2013.

PANDA, J. P, China’s « New Multilateralism » and the Rise of BRIC. A Realist Interpretation of a “Multipolar” World Order, Institute for Security and Development Policy, Stockholm, 2011.

  • Nous distinguons, pour notre part, la géopolitique qui est d’ordre ontologique parce qu’elle est une réflexion sur l’étant de l’espace mondial (la configuration des acteurs et des différents sous-espaces qui le constituent), et la géostratégie qui est l’action stratégique (sa pratique et son observation) des différents acteurs (étatiques ou privés) dans un espace considéré.

Charles Lindbergh’s Philosophy of Vital Instinct

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Charles Lindbergh’s Philosophy of Vital Instinct

The heightened pace of life in industrial societies, Charles Lindbergh realized, necessitated reflection on what type of life is best suited for man. Which of the two, reason or vital instinct, constitutes the best function of human beings? Which of the two contributes best to man’s happiness and lasting well-being?…

Charles Lindbergh begins Autobiography of Values by reflecting on the values that mold a person’s life. In the first pages of this autobiography of ideas and values, Lindbergh asks, whether life is best lived by paying allegiance to reason or to vital instinct.

This is the fundamental question that is addressed by philosophy of life thinkers like Maine de Biran, Wilhelm Dilthey, Miguel de Unamuno and José Ortega y Gasset, to name just a few. Lindbergh’s concern reflects the philosophia perennis, a term that was coined by Leibniz, but which contains themes that can be traced back to the ancient Greek pre-Socratic philosophers, Pythagoras and Heraclitus, and that are beautifully articulated by Socrates and Plato, and Marcus Aurelius’ stoicism.

For practical reasons, the act of balancing a life of reason with a life guided by vital instinct became more delicate after the Industrial Revolution.The heightened pace of life in industrial societies, Charles Lindbergh realized, necessitated reflection on what type of life is best suited for man. Which of the two, reason or vital instinct, constitutes the best function of human beings? Which of the two contributes best to man’s happiness and lasting well-being?

This question is of crucial importance for Lindbergh, for the world-renowned pilot embarked on a life of scientific and technological discovery. Lindberg lived during a time that witnessed the explosion of mechanization in twentieth-century Western civilization. The life of the legendary aviator was marked by this quest.

Lindbergh’s fascination with science and technology is commensurate with America’s in the first half of the twentieth century. Yet the other component of the perennial philosophy that Lindbergh addressed is that without moderation by vital instinct—a kind of checks-and-balances in itself—science and technology develop into sterile scientism, which eventually comes to rule over man by obfuscating man’s hierarchy of values. In his book Of Flight and Life, which Lindbergh published in 1948, he offers a refutation of philosophical materialism. He argues that to keep scientism from destroying Western civilization, “we must control it by a philosophy reaching beyond materialism, a philosophy rooted in the character of man and nourished by the eternal truths of God.”

The tension between reason and vital instinct elucidates what Lindbergh means by values. While reason can be equated with intellect, vital instinct in human beings is akin to lived-intuition, which serves as a guide for human emotion and passion. The values of vital life, Lindbergh suggests, enable man to decipher the meaning and purpose of human experience. This entails having to choose between often-conflicting values.

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Early in life, the young Lindbergh did not like school. What he enjoyed most was working on the family farm in Minnesota and being in the outdoors. When he discovered flying, the values of vital life enabled the young flyer to treat flight with deference. Lindbergh writes: “Instinctively I was drawn to the farm, intellectually to the laboratory. Here began a conflict between values of instinct and intellect that was carried through my entire life, and that I eventually recognized as inherent in my civilization.”

Lindbergh’s flight in his single-engine monoplane Spirit of St. Louis from New York to Paris on May 20-21, 1927, is a feat of engineering and technology. By all accounts, this is what the crossing of the Atlantic in a single-engine airplane meant in those pioneering and dangerous days of aviation history. Lindbergh understood the technical specifications that such a flight would entail: weight to power ratio of his airplane, accurate navigation in relation to predominant wind currents, fuel consumption, etc. Lindbergh was careful to plan his flight across the Atlantic well in advance. This was the sublimation of emotion by the intellect. In other words, Lindbergh’s historic flight was not the whim of a daredevil pilot, even though he came to be known as Lucky Lindy.

Beyond the technical feat, Lindbergh’s near-3,600-mile and thirty-four-hour-long flight across the Atlantic is a human story of colossal proportion. Part of this has to do with Lindbergh’s character: The young man was reserved and private. He remained this way even after the fame that his historic flight brought him. Lindbergh’s description of the flight in his book The Spirit of St. Louis offers readers a deeper understanding of the thought process of the courageous twenty-five-year-old aviator. He describes his ordeal during the flight as one of vast personal discover: “Emerging from my contemplation were two areas of extraordinary interest. One related to aviation’s progress, the other to the quality and mystery of life.” This is the main theme that dominates his books and also, judging from the prominent role this plays in his autobiography, Lindbergh’s life.

Lindbergh’s historic New York-Paris flight made the young pilot realize the immense potential for the future of commercial aviation. First, airplanes needed to become bigger and more reliable. After Lindbergh’s Atlantic crossing, technological development of aircrafts allowed for the growth of commercial aviation.

During this period of his life, Lindbergh began to reflect on the dominant values of Western civilization: what these mean to human liberty, the essence of man, and how the cultivation of man’s better traits and moral compass contribute to the upkeep of democratic societies. These questions, Lindbergh believed, are rooted in higher values.

Technological advancement made Lindbergh understand that civilization always wavers between the complexity of vast structures and instinctual simplicity. The former is imbued with scientific discovery, while the latter remains grounded in the values of a reflective existence. For instance, Lindbergh found inspiration in the work of the 1912 Noble prizewinner in medicine, Alexis Carrel. Lindbergh believed that life expectancy could be extended, perhaps indefinitely. The young Lindbergh believed that the future of life expectancy depended on the creation of efficient perfusion pumps—the kind of medical technology that Lindbergh designed in 1935—in collaboration with Carrel.

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With the advent of World War II, Lindbergh witnessed the creation of evermore elaborate machinery and industrialization. Technology, Lindbergh feared, was outpacing the dreams and aspirations of those who labored to create it. Lindbergh’s philosophy of human values was in part inspired by Robert Goddard’s development of rockery, Werner von Braun’s V-2 rocket, and how these machines blossomed into the Saturn V rocket that would eventually propel man to the moon.

Lindbergh’s thinking is infused with the tension of balancing reason, which is calculative, with values of life—what he referred to as vital instincts.

Lindbergh’s reflective inquietude is the same encountered by philosophers of life, for through reflection on scientific explanations of the world; the individual finds himself as a responsible interpreter of human experience. Scientific explanation of human reality must be mediated by human thought and instinct. He explains, “I believe early entrance to this era can be attained by the application of our scientific knowledge, not to life’s mechanical vehicles, but the essence of life itself: to the infinite and infinitely evolving qualities that have resulted in the awareness, shape, and character of man.”

Part of the importance of Lindbergh’s philosophy of the role of the individual in Western civilization, which he expounds on in his writing, is his reflection and exploration of the perennial philosophy. The perennial philosophy revisits human ideas and values that remain relevant through the passage of time and that must be re-addressed by subsequent generations. Lindbergh articulated his discovery of many of these values after much thought and consideration of scientific problems.

Lindbergh’s philosophical ruminations display an efficient and fresh way to keep philosophy and philosophical reflection relevant, uncorrupted by the sterility of uninspired academic bureaucrats.

For instance, Lindbergh reflects on the problem of the fruit of the tree of knowledge posed in Genesis. If there exists a tree of knowledge that man must respect, then how does man appropriate this knowledge, without crossing the line that opens a Pandora’s Box of human suffering? What, then, if any, is the limit of human knowledge that the tree of knowledge suggests for man? Does the wisdom that comes from this knowledge require a rite of passage that is earned through self-reflection and sacrifice? Lindbergh considered these questions in earnest and has the following to say: “Genesis leaves us in a mystery not unlike what lies beyond scientific rationality. Was man ruined in his knowledge because it is finite? Was mankind better off following dogmatic religious myths than the fearful future realities of science? Is the intellect man’s tyranny over himself?”

The fantastic technological developments of the first half of the twentieth century made Lindbergh cognizant of the individual’s place in the cosmos. Mechanization made the dizzying speed of technological development possible. This, in turn, made it necessary for man to reflect on the scope of mechanization in Western societies. The difference between handcrafting canvass and wooden airplanes in the early days of aviation, to molding sheet metal, and using pneumatic tools to build the formidable Boeing 747-8 Intercontinental is enough to move sentient people to reflect about man’s capacity to create.

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Lindbergh contends that the values of Western civilization must continually be made fresh, in order for the West to remain grounded in the values of life. “But in part modern science developed from the magic of times past,” Lindbergh suggests. “Maybe science was like an adolescent child smiling too surely at its uneducated parents.”

The legendary aviator argues that reason, intellectual discourse, and science and technology should be considered, and thus operate hand-in-hand with vital instinct. Speculation on cosmic reality enables man to reflect on the nature of individual existence. For this reason, Lindbergh writes, “man feels intuitively that something beyond life exists for him—a continuance, a direction, surpassing the description of his mind.”

Only through man’s encounter with differentiation can man make sense of the unique, lived reality that is experienced as individual human existence.

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Kalter Krieg und transatlantische Netzwerke – gestern und heute

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Kalter Krieg und transatlantische Netzwerke – gestern und heute

Zur Ausstellung «Parapolitik: Kulturelle Freiheit und Kalter Krieg»

von Urs Knoblauch, Kulturpublizist, Fruthwilen

Ex: http://www.zeit-fragen.ch.fr

Nur noch bis zum 8. Januar 2018 widmet sich das Berliner Museum «Haus der Kulturen» (HKW) mit einer grossen Ausstellung und Veranstaltungen der Aufarbeitung der propagandistischen Kulturpolitik im Kalten Krieg ab den 1950er Jahren. Aber auch über diesen Termin hinaus bleibt das Thema aktuell.
Eine sorgfältige Aufklärung über diese wichtige historische Epoche ist nötig. Und sicherlich ist es kein Zufall, dass gerade das Berliner «Haus der Kulturen» für die Ausstellung ausgewählt wurde, stand doch dieses Haus für die hier dargelegten kulturpolitischen Aktivitäten im Zentrum. «Es wurde auf Initiative der beim amerikanischen State Departement in Berlin tätigen Eleanor Dulles gebaut, der Frau des politischen Hardliners und Aussenministers John Forster Dulles», so Paul Jandl im Artikel «Der Geheimdienst fördert die Kunst» in der «Neuen Zürcher Zeitung» vom 30. November 2017. Jandl schreibt weiter, dass es in der Familie Dulles viele gab, «die im ideologischen Halbschatten Amerikas Karriere gemacht haben, nämlich bei der CIA».

Der Kongress für kulturelle Freiheit

Der Kampf der politischen Systeme wurde nach dem Zweiten Weltkrieg in Europa und besonders in Deutschland und Frankreich, aber auch in Österreich und Italien in grossem Stil mit Millionenbeträgen in Kunst, Kultur, Medien und Bildung geführt. «Dafür steht beispielhaft der Kongress für kulturelle Freiheit (Congress für Cultural Freedom, CCF)», so der Text des HKW zur Ausstellung. Im «Kalten Kulturkrieg», so auch der informative Artikel zur Ausstellung in der «Süddeutschen Zeitung» (18./19. November 2017), wurde die kulturelle Hegemonie und «Moderne» auf allen kulturellen Gebieten des Westens befördert. Ab 1950 organisierte der CCF zahlreiche Kongresse, kulturelle Veranstaltungen mit berühmten Persönlichkeiten, um die amerikanischen Werte und politischen Anliegen in Europa gegen den Einfluss des Kommunismus und Sozialismus, der viele Anhänger gerade unter den Intellektuellen fand, zu verbreiten. «Ausgehend vom Pariser Hauptquartier unterstützte der CCF zahlreiche Kulturprogramme in Lateinamerika, Afrika und Südostasien und spann ein Netzwerk von Zeitschriften, Konferenzen und Ausstellungen, um die ‹universelle› Sprache der Moderne in Literatur, Kunst und Musik zu fördern».
Der CCF griff immer mehr in die «intellektuelle Debatte ein, indem er Künstler und Medien unterstützte. Nicht nur «Heinrich Böll und Sigfried Lenz sollen von den Aktivitäten des CIA-Kassenwartes profitiert haben», auch «wurden Zeitschriften gegründet, die sich zu wichtigen Instrumenten des Austauschs entwickelten. In Deutschland war es der vom amerikanischen Publizisten Melvin Lasky ins Leben gerufene ‹Monat›, für den André Gide und Arthur Koestler, aber auch Theodor W. ­Adorno und Hannah Arendt schrieben».
«1967 stellte sich heraus, dass der CCF im verborgenen von der CIA finanziert worden war, um den antikommunistischen Konsens und damit die hegemonialen Interessen der USA in einem Kalten Krieg der Kulturen zu befördern. Mit der Enthüllung des CIA-Skandals war der Ruf des CCF ruiniert. Zu offensichtlich waren die ideologischen Widersprüche und die moralisch zweifelhafte Verteidigung von Freiheit und Transparenz mit Mitteln, die sich ihrerseits der demokratischen Rechenschaftspflicht entzogen.» (HKW) So wurden 44 westdeutsche Zeitungen, auch die «Süddeutsche Zeitung», und wichtige Zeitungen der Nachbarländer, beispielsweise die «Neue Zürcher Zeitung», mit grossen Geldsummen «subventioniert».

Weg in die Postmoderne

Für den «Kalten Kulturkrieg» setzten sich über zwei Dutzend amerikanische Stiftungen neben den offiziellen und halboffiziellen Institutionen mit riesigen Millionen-Dollar-Beträgen ein. In der Musik wurde die Avantgarde, in der bildenden Kunst wurden vor allem die modernen, abstrakten Maler gefördert. «Jackson Pollocks Bilder und der vom Kongress für kulturelle Freiheit favorisierte Abstrakte Expressionismus waren Inbegriff formaler Freiheit bei gleichzeitiger Abwesenheit direkter politischer Botschaften», so im informativen Artikel der «Neuen Zürcher Zeitung». Dabei ging es nicht um die historische «Moderne» in Kunst und Architektur des beginnenden 20. Jahrhunderts, sondern um eine Abstraktion ohne Grundwerte, um eine inhaltliche Beliebigkeit und insbesondere um eine Abwertung der wertvollen europäischen Tradition der realistischen und wertorientierten Kunst und Kultur, die dann kaum noch gefördert wurde.
In der Berliner Ausstellung sind moderne Bilder von zahlreichen bekannten Künstlern zu sehen. Dabei wird das Spektrum von der propagierten radikalen Abstraktion (Ungegenständlichkeit) bis zur abgewerteten figürlichen Kunst (Realismus) gezeigt. Von der Art&Language-Künstlergruppe ist das grossformatige Guernica-Gemälde von ­Picasso zu sehen, welches im «Action-Painting-Stil» von Jackson Pollock in den 1980er Jahren umgestaltet wurde. Die Bilder wurden von den Kuratoren zusammengestellt unter dem offenen Begriff «Parapolitik», der die globale Dimension der Kulturpolitik im Kalten Krieg, die Instrumentalisierung, ihre Einflüsse und die «wandelnden Bedeutungen und Ziele» der Moderne und Postmoderne mitbezeichnet.

VB-TrKK.jpgEin Buch von Volker Berghahn

Zur komplexen Problematik, welche die Ausstellung thematisiert, ist das lesenswerte Standardwerk «Transatlantische Kulturkriege – Shepard Stone, die Ford-Stiftung und der europäische Antiamerikanismus» (Stuttgart 2004) des deutschen Historikers Volker Berghahn, der unter anderem an der Columbia University in New York lehrte, besonders informativ. Am Beispiel einer Schlüsselperson wie Shepard Stone (1908–1990), Stabsmitarbeiter in der «Ford Foundation», Sonderberater der USA im «Kalten Kulturkrieg» und von 1974 bis 1988 Leiter des einflussreichen Berliner Aspen-Instituts, erhält der Leser detaillierte Einsicht in das historische Quellenmaterial, das dokumentiert, wie ab 1945 an verschiedenen kulturellen Fronten um «die Hegemonialmacht innerhalb des westlichen Bündnisses» gekämpft wurde.
Die Literaturwissenschaftlerin, Filmproduzentin und Kulturpublizistin Frances Stonor Saunders hatte schon mit ihrem Buch «Wer die Zeche bezahlt – Die CIA und die Kultur im Kalten Krieg» (New York 2000; Berlin 2001) vielen Künstler die Augen geöffnet. Der damalige Rezensent des Buches, Norbert Seitz, beschrieb, wie «prominente westliche Intellektuelle beabsichtigt oder unbeabsichtigt zu Werkzeugen des amerikanischen Geheimdienstes wurden» («Süddeutsche Zeitung» vom 18.4.2001).

Auswirkungen bis heute

Die Kulturstrategie des Kalten Krieges hat bis heute grosse Auswirkungen. Zu Recht schreibt Paul Jandl in der «Neuen Zürcher Zeitung»: «Man darf sich nicht täuschen lassen. Wenn es darauf ankommt, wird sie [die Kunst, uk] noch immer zum Diener der Politik degradiert. Als 2003 klar war, dass die USA dem Irak den Krieg erklären werden, haben die Vereinten Nationen im New Yorker Hauptquartier den Wandteppich mit Picassos ‹Guernica› schnell verhüllen lassen. Präsident Bushs sogenannter Feldzug des Guten und Aussenminister Colin Powell vor Picassos Anti-Kriegs-Bild: Das hätte nicht gut ausgesehen.»
Die hier kurz dargelegte Thematik der Kulturkriege verdient weitere Vertiefung, gerade auch im Hinblick auf die Verhaltensforschung und Bildungspolitik, die Amerika im Zusammenhang mit dem «Kalten Kulturkrieg» zentral «förderte». Ebenso sind die heutigen ausgefeilten politischen Propaganda- und Manipulationsmethoden eines Edward Bernays sowie die Auswirkungen von Theorien und Praxis der «Kulturellen Hegemonie» von Trotzki und Gramsci einzubeziehen.
Wenn man die Programme und Aktivitäten zur Bildung im Haus der Kulturen in Berlin studiert, erkennt man die Aktualität der Ausstellung. Sie zeigt die Notwendigkeit auf, Begriffe wie «Kultur» und «Freiheit» nicht zu missbrauchen und genauer zu definieren. So können uns Ausstellungen und Bücher die Augen öffnen und zum Nachdenken anregen, auch über die Notwendigkeit einer Kulturethik, zum Mitwirken im ehrlichen, mitmenschlichen Sinn und dazu, dem grossen Reichtum der europäischen Kulturtradition mehr Sorge zu tragen.    •

Eine Publikation zur Ausstellung in englischer Sprache erscheint im Frühjahr 2018. Informationen unter: www.hkw.de