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vendredi, 10 février 2023

Au sommet avec Julius Evola - Entretien avec Renato Del Ponte

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Au sommet avec Julius Evola 

Entretien avec Renato Del Ponte

Source: https://www.rigenerazionevola.it/in-vetta-con-julius-evol... 

(Tiré de iltalebano.com du lundi 22 décembre 2014)

Cher professeur, comment avez-vous abordé la pensée d'Evola ?

"J'ai approché la pensée évolienne par hasard alors que j'étais encore lycéen. On m'avait conseillé de lire le livre sur l'histoire du Saint Graal, qui montre comment l'objet de culte si cher aux Templiers avait des origines beaucoup plus européennes que ce que l'on voulait bien faire croire à l'époque. J'ai ensuite mis la main sur les autres textes, que j'ai dévorés. C'est ainsi qu'avec quelques amis, qui avaient terminé leurs études, nous avons décidé de nous rendre à Rome pour le voir en personne. J'ai donc eu l'honneur de le rencontrer en personne. Le premier à l'aborder sérieusement, avant nous, fut Adriano Romualdi, qui publia son premier ouvrage précisément sur Evola. Nous avons également publié récemment un de ses livres dans lequel sont rassemblées les lettres que Romualdi a échangées avec Evola".

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Comment s'est passée votre rencontre avec le philosophe ?

"C'était très surprenant. Pendant des années, nous n'avons cessé de repousser le grand moment parce que nous, jeunes érudits de l'ésotérisme de droite, soi-disant enfants du soleil, nous nous sentions indignes d'affronter son immense autorité. La description qu'en fait Romualdi dans son texte ne correspond pas à la réalité. Il a décrit un Evola austère, aristocratique, distant, difficile à approcher. Peut-être lui aurais-je rendu visite encore plus tôt si j'avais su qu'il n'était pas comme ça. Il nous a intimidés pour rien. Au lieu de cela, étonnamment, nous avons découvert à quel point il était accessible, prêt à traiter avec la nouvelle génération. Mais il n'était pas comme ça avec tout le monde : Mario Merlino, qui aujourd'hui ressemble à Gandalf, est allé voir Evola avec d'autres sodalistes. Peut-être l'ont-ils pris de façon trop goliarde. Il fut déçu, car Evola répondit à leurs questions de manière apathique et avant de partir... il leur légua une bande dessinée de Tex Willer.

Était-il lunatique ?

'Absolument pas. Il s'est simplement adapté au moment et aux personnes en face de lui. Gaspare Cannizzo, par exemple, avait une relation encore différente avec Evola. C'était un gros bonnet. Il était fonctionnaire au ministère des Finances. Il était également responsable d'un magazine, Vie della Tradizione, et l'admirait beaucoup. Il lui a rendu visite plusieurs fois à Rome. Dans un texte intitulé "Le maître silencieux", il parle de sa rencontre avec Evola. Il était entré dans la maison et après quelques brefs mots de civilités, il s'est assis à la table. Étant sicilien, il avait une approche très fermée. Et il passait le temps en silence devant le maître silencieux qui le scrutait. Evola était un peu comme le Roi Pêcheur décrit dans la Saga de Parsifal, il attendait que la bonne question soit posée avant de répondre.

Et Evola, avec les femmes, comment était-il ?

"Quand je suis allé chez lui, il n'y avait qu'une seule femme, qui était sa femme de ménage. Lui, qui était maintenant âgé et alité (en raison de la paralysie dont il avait souffert après avoir été projeté contre une clôture lors d'un bombardement à Vienne, ndlr), avait deux petites joies secrètes qui lui procuraient du plaisir : l'une était le livre de méditation indien, la Bhagavadgītā, et l'autre était une bouteille de whisky White Horse. Que la femme de ménage lui a cependant enlevé car elle n'aimait pas son penchant pour la boisson. Evola, cependant, était un chauviniste masculin. Dans un article paru en 1957, il se dit favorable à l'émancipation des femmes, comprise comme une réalisation de soi. Le premier Evola était très misogyne. En tant que jeune homme, il avait eu beaucoup de femmes, mais il ne les a pas beaucoup aimées. Il a même eu, dit-on, un flirt avec Sibilla Aleramo. Elle a séduit tous les intellectuels de Rome. J'aime donc je suis", avait-il l'habitude de dire. Puis Evola a mûri et a changé. Dans La Metaphysique du Sexe, que j'ai recensée en 1969, il a une approche totalement différente et plus spirituelle. Cependant, il n'a jamais eu de véritable compagne, il était "autosuffisant".

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Et la montagne, le grand amour d'Evola ?

"Faites toujours ce qui doit être fait, sans attachement, car l'homme qui agit dans un désintéressement actif atteint le Suprême" - Bhagavad-gita, III, 19.

"La Bhagavadgītā est un texte de la mystique hindoue. Il s'agit d'une conversation entre le dieu Krishna et un guerrier qui ne veut pas aller à la guerre pour se battre. À la fin du dialogue, le soldat découvre la joie de l'honneur et se rend compte que l'acte héroïque réside précisément dans l'effort de combattre. Ainsi, en passant par les douleurs de la guerre, il parvient à se libérer du cycle des réincarnations. Evola emportait ce livre avec lui lors d'ascensions ardues vers les sommets les plus inaccessibles. La fatigue de l'ascension des sommets était, en fait, une métaphore de la guerre et atteindre le sommet est la victoire. Je me suis senti en phase avec Evola car j'aime aussi beaucoup la montagne. De plus, outre la beauté de la nature elle-même, Evola aimait aussi le caractère symbolique des montagnes, mis en évidence par René Guénon. De plus, en raison de son caractère étroit et tortueux, la haute montagne est extrêmement "élitiste".

Vous avez dispersé vos cendres dans les montagnes, correct ?

Oui, même si c'était illégal de le faire. La crémation d'Evola s'est déroulée de manière très théâtrale. Le fossoyeur, qui était un nain borgne et grotesque, a placé le cadavre sur une armature métallique au sommet d'un bûcher de bois. Ce cimetière n'avait pas de fours crématoires, ils brîlaient donc les morts sur des bûchers, comme cela se fait également au Tibet. Je l'ai regardé brûler, et j'ai vu le corps se relever soudainement comme s'il était vivant alors qu'il était dévoré par les flammes. C'était incroyable (...) Evola ne voulait pas faire disperser ses cendres sur n'importe quelle montagne. Il nous a demandé de les semer dans le vent à un endroit bien précis: sur le glacier de Lyskamm. Eugenio David, qui était un ami d'Evola, était un célèbre alpiniste et il nous a accompagnés dans notre mission sacrée à cet endroit précis".

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Qu'est-ce que le glacier Lyskamm a de particulier?

"En 1778, des alpinistes sont partis dans les Alpes d'Europe centrale à la recherche de Felik dans une belle vallée. C'est un lieu paradisiaque, décrit dans les contes arpitans des Suisses et des Valdôtains qui s'en souviennent encore. Les alpinistes ont erré pendant des jours à la recherche de cette vallée enchantée au pied du Mont Rose, mais ils ne l'ont jamais trouvée. Et pourtant, l'existence de cette vallée et de ce merveilleux village a été constatée par des voyageurs qui ont eu la chance de traverser les Alpes et qui, par hasard, sont arrivés là. De 1778 à aujourd'hui, le village de Felik n'a toujours pas été retrouvé, on suppose donc qu'il a été submergé par un glacier, ainsi que toute la vallée perdue. C'est un lieu légendaire, symbole d'un paradis sur terre. C'est le Shamballa aux tours de cristal de nos latitudes. Evola l'a atteint en mêlant ses cendres au vent".

vendredi, 27 janvier 2023

Déserts, pics et glace. La vie extraordinaire d'Ardito Desio, l'indomptable

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Déserts, pics et glace. La vie extraordinaire d'Ardito Desio, l'indomptable

Marco Valle

Source: https://insideover.ilgiornale.it/societa/deserti-vette-e-ghiacci-la-straordinaria-vita-di-ardito-desio-indomabile.html?fbclid=IwAR1kQaBxZBawgdUyknFkIJdvC1Phsj3P0xg21ytIzNIyipzfowmEDFSR7uk

À la fin des années 1980, à l'époque où j'étais jeune rédacteur, j'ai interviewé Ardito Desio. Il avait alors presque quatre-vingt-dix ans (il est né à Palmanova le 18 avril 1897) et je pensais trouver un grand-père un peu sénile qu'il fallait expédier avec quelques questions et quelques compliments standard - bravo, bravissimo, prenons une photo, saluons les lecteurs, etc... - mais au lieu de cela, j'ai découvert un personnage fascinant, extraordinaire, digne de la plume de Verne. Une surprise et une leçon de vie.

En cette morne après-midi milanaise, le professeur m'a raconté, avec l'enthousiasme et le brio d'un jeune de vingt ans, de nombreuses histoires. Elles étaient toutes magnifiques. J'étais cloué à mon fauteuil en écoutant le récit de ses explorations autour du monde et ses descriptions très précises des mondes et atmosphères passés. L'Afrique italienne à la fin de son histoire et l'Asie du "Grand Jeu" de Kipling. Puis la Birmanie, la Perse, l'Himalaya, l'Antarctique. Déserts, montagnes, glace, sommets, sable, froid, chaleur. Passions et études. Tant d'études. Tant de passion.

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Fasciné, je l'ai écouté, oubliant de prendre des notes. Ce n'était pas nécessaire. Tout était (et est) dans ma tête. Ardito Desio était un formidable conteur qui pouvait vous envoûter, vous intriguer. En disant au revoir, il a anticipé son prochain voyage. Il m'a surpris une fois de plus. A l'âge où il n'était plus tout jeune, cet incroyable Frioulan s'apprêtait à repartir au Népal pour inaugurer la "Pyramide", un laboratoire de recherche multidisciplinaire de haute altitude situé à 5050 mètres au pied de l'Everest, un projet du CNR qu'il avait conçu et fortement souhaité. En écarquillant les yeux, il m'a dit : "Je retourne dans l'Himalaya où j'ai beaucoup travaillé, mais certainement moins que dans le désert saharien, tant d'aventures là-bas, tant d'occasions gâchées...". Puis il a saisi une grande bouteille et me l'a tendue. C'est le premier échantillon de pétrole de la Libye, me dit-il, "je l'ai trouvé en 1938 dans l'oasis de Marada, mais nous n'avions pas la technologie pour l'extraire, alors après la guerre, les Américains s'en sont occupés et nous avons été baisés....".

Une découverte dont il était à juste titre fier. Mais pas la seule. Au cours de sa très longue vie, qui s'est achevée à l'âge de 104 ans le 12 avril 2001, Desio a accumulé une étonnante série de succès scientifiques et géographiques qui lui ont valu reconnaissance, célébrité et pas mal d'envie. Il se fichait de ces envieux et allait toujours droit devant lui. En bref, Ardito en nom et en fait.

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Sa première aventure fut la Grande Guerre. Il partit comme aide-soignant cycliste volontaire en 1916 et fut nommé sous-lieutenant dans le corps alpin où il se lia d'amitié avec Italo Balbo, également jeune officier. Une rencontre, comme nous le verrons, qui fut décisive. Entre deux batailles, Desio s'inscrit à la faculté des sciences naturelles de Florence, mais en 1917, il est fait prisonnier des Autrichiens et termine la guerre dans un camp de détention en Bohème. De retour chez lui, il obtient son diplôme avec les meilleures notes et, en 1921, prend un poste d'assistant à l'Institut de géologie de Florence, puis de Pavie et enfin de Milan.

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L'Afrique selon Ardito Desio

Mais la vie sédentaire n'était pas pour Desio. Entre 1921 et 1924, il entreprend deux longues expéditions (14 mois en tout) dans le Dodécanèse, une nouvelle possession italienne, effectuant la première reconnaissance géologique de l'archipel. En 1926, c'est au tour de la Libye. Ayant débarqué le 24 septembre à Benghazi sous une pluie diluvienne, le jeune scientifique s'est vite débarrassé de tous les fantasmes littéraires sur l'Afrique et s'est rapidement adapté à la nouvelle réalité. Dans son livre Le vie della sete (= Les chemins de la soif), consacré à la recherche saharienne, Ardito mettait en garde ses lecteurs : "Chacun de nous s'est fait une idée personnelle de l'Afrique avant même d'y avoir mis les pieds. Les réminiscences d'anciennes lectures, les vignettes des livres, les descriptions imaginatives d'amis globe-trotters ont tous contribué à créer l'image singulière qui représente "notre" Afrique. Si la véritable Afrique devait être différente, nous en voudrions non pas tant à nous-mêmes qu'à cette "réalité inexplicable".

Envoyé, sur mission de la Société géographique italienne, dans l'oasis reculée de Giarabub, le jeune géologue est immédiatement fasciné par les attraits de "ce pays très intéressant et effrayant qu'est l'Afrique saharienne" et pendant des mois, il patrouille à Marmarica, effectuant d'importants relevés géologiques, topographiques et paléontologiques. C'était une tâche passionnante et terriblement fatigante, aggravée par la situation: à l'époque, la Libye était loin d'être conquise et "pacifiée" et la rébellion des Senoussistes continuait à saper les avant-postes italiens installés à l'intérieur du pays. Néanmoins, Desio poursuit ses explorations à pied ou à dos de chameau, se heurtant à plusieurs reprises aux autorités militaires qui ne sont pas du tout enthousiastes à l'égard des activités du professeur téméraire.

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Une fois sa première aventure africaine terminée, Desio participe en 1929, en tant que géographe et géologue, à l'expédition dans le Karakorum dirigée par le duc de Spolète, Aimone di Savoia-Aosta, une connaissance qui remonte à son séjour au Dodécanèse. L'idée initiale, née lors du 10ème Congrès géographique italien, était purement alpiniste-sportive et l'objectif était la conquête du K2, le deuxième plus haut sommet du monde, mais le désastre de l'expédition Nobile au pôle Nord a refroidi l'enthousiasme de Rome. Après la tragédie du dirigeable "Italia", Mussolini craignait un nouvel échec et a "conseillé" à la Société de géographie et au Club Alpino, commanditaires de la mission avec la ville de Milan, une approche scientifique plus prudente. C'est ainsi que Desio et ses compagnons ont exploré la vallée inviolée de Shaksgam, sur le versant nord du Karakorum, et ont atteint le glacier Duca degli Abruzzi et la selle de Sella Conway dans le Haut Baltoro. Dans son pèlerinage parmi les sommets d'Asie, le Frioulan a découvert un nouveau col à travers la crête principale du Karakorum entre le Trango (un affluent du Baltoro) et le Sarpo Laggo, et a effectué l'exploration complète du glacier Panmah. En outre, avec sa "Tavoletta di campagna" personnelle, construite spécialement pour lui par l'Officine Galileo de Florence, il a effectué des relevés topographiques dans de vastes zones inexplorées ainsi que l'étude géologique et géographique de tout le territoire. L'expédition himalayenne est un succès total, mais pour Desio, c'est aussi le début d'une obsession : la conquête du K2.

Entre 1931 et 1932, le professeur, mandaté par Guglielmo Marconi, président de l'Accademia d'Italia, organise deux expéditions dans le Sahara libyen, qu'il traverse avec une caravane de chameaux et l'année suivante avec une colonne de camions. L'objectif était double: étudier et cartographier le territoire et, en même temps, rechercher des ressources minérales telles que les nitrates et les phosphates.

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Son amitié avec Italo Balbo et son séjour en Libye

À son retour, Desio épouse à Milan Aurélia Bevilacqua, son ancienne élève, et renoue des relations avec Italo Balbo, l'ami de guerre devenu entre-temps le héros de la traversée de l'Atlantique et l'un des personnages les plus puissants de l'Italie de Mussolini. Une association fructueuse. En 1933, le ministre de l'Aéronautique de l'époque met un avion à la disposition de son vieux camarade alpin pour une reconnaissance scientifique en Perse. Arrivés à Téhéran, après une traversée périlleuse ponctuée de deux atterrissages en catastrophe en cours de route, Desio et ses compagnons d'aventure ont escaladé plusieurs sommets de plus de 4000 mètres, dont le mont Demaved, d'une hauteur inégalée de 5771 mètres, et étudié les glaciers de la chaîne du Zagros. 

Il s'agissait d'une opération géopolitique de soft power en synergie avec la focalisation croissante des institutions fascistes sur le Levant et l'Asie. A son tour, l'Iran de Reza Shah, le fondateur de la dynastie Pahlavi, regarde avec grand intérêt vers l'Italie, considérée, dans une intention anti-britannique, comme un allié possible. Outre les résultats scientifiques importants, l'expédition a inauguré une nouvelle phase dans les relations entre les deux nations et, quelque temps plus tard, les premiers élèves-pilotes de la force aérienne iranienne naissante ont été envoyés en Italie. 

Entre-temps, en 1934, Mussolini avait envoyé l'encombrant pionnier de l'aviation transatlantique en Libye en tant que gouverneur. Une sinécure plutôt qu'un poste politique, mais le natif de Ferrare, personnage mercuriel et pragmatique, a rapidement transformé la colonie endormie en un grand atelier social et culturel.

Bottiglia-con-il-primo-petrolio-del-Sahara-Libico-1938-FILEminimizer.jpgDeux ans après son arrivée à Tripoli, Balbo charge Desio de créer le musée libyen d'histoire naturelle et de diriger les recherches géologiques-minérales et sur les eaux artésiennes dans le sous-sol. Au cours de ses recherches, Desio a découvert un gisement de magnésium et de potassium dans l'oasis de Marada ainsi que la présence d'hydrocarbures dont, comme mentionné plus haut, les premiers litres de pétrole ont été extraits en 1938, dont la fameuse grande bouteille que le professeur m'a montrée lors de notre rencontre à Milan...

Avec l'aide de l'Agip, un programme d'exploration pétrolière est élaboré pour les trois années suivantes, qui comprend, dans le cadre de ses études de l'ensemble du territoire (résumées dans sa carte géologique de toute la Libye), des investigations dans le Sirtica, qu'il étudie pour la première fois d'un point de vue géologique. Le déclenchement de la guerre a stoppé toutes les recherches, bien que déjà 18 des puits forés aient commencé à révéler des traces de pétrole.

Le professeur a également identifié un aquifère artésien très riche qui servait à irriguer de vastes zones de la province de Misurata, permettant la transformation agraire de ce territoire semi-désertique, et a réalisé l'exploration du Fezzan, dont il a illustré pour la première fois la constitution géologique. Toujours en 1936, il participe au premier vol, un raid secret organisé par Balbo, le long des nouvelles frontières méridionales de la Libye - définies en 1935 par une convention italo-française, mais jamais ratifiée par Paris - qui va jusqu'à la région inexplorée du Tibesti.

Non content de l'aventure, l'année suivante, Desio se rend en Afrique orientale italienne pour explorer l'ouest de l'Éthiopie, une terre nouvellement conquise et à peine ou pas du tout pacifiée. Les deux expéditions entre le Nil Blanc et le Nil Bleu ont identifié des gisements d'or, de molybdénite et de mica, mais ont été attaquées à plusieurs reprises par les rebelles éthiopiens et ont subi de lourdes pertes; lors de l'un des assauts, un tube métallique providentiel utilisé comme porte-papier et porté par Desio sur son épaule a empêché une balle de lui transpercer la poitrine.

En mars 1940, à la veille de la guerre, Balbo le rappelle en Libye et lui confie une nouvelle expédition dans l'inhospitalier Tibesti. Avec deux avions et une colonne de camions, Ardito s'est rendu dans le mystérieux massif montagneux - un territoire quatre fois plus grand que la Sicile avec des sommets de plus de 3000 mètres - produisant la première carte de base de la zone, qui a été très utile pour définir la frontière contestée entre la Libye alors italienne et le Tchad français. Lors de sa reconnaissance libyenne, le géologue-explorateur découvre sur les parois d'un rocher dominant le désert des gravures représentant "de curieux dessins montrant, avec peu de traits mais avec une remarquable clarté, des bœufs aux cornes en forme de lyre, œuvre de bergers préhistoriques, qui ont dû vivre là lorsque le climat était moins aride".

Le 10 juin, l'Italie entre malencontreusement en guerre et le 28, l'avion d'Italo Balbo est accidentellement abattu par notre artillerie anti-aérienne dans le ciel de Tobrouk. Pour Desio, ce fut un grand chagrin et la fin d'une phase importante de sa vie bien remplie. Les événements de la guerre ayant mis un terme à l'exploration, le professeur se concentre sur la vie académique et, en 1942, il inaugure l'Institut de géologie de l'université de Milan, dont il reste le directeur jusqu'en 1972, date à laquelle il prend sa retraite pour cause de limite d'âge.

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Le défi réussi de K2

Dans l'après-guerre, Desio reprend ses contacts internationaux et, dès 1952, se rend en Inde et au Pakistan pour couronner son rêve de jeunesse, la conquête du K2. Avec un talent diplomatique incontestable et beaucoup de patience, il a convaincu en 1953 le gouvernement pakistanais très réticent d'autoriser l'ascension du sommet convoité. Ayant enfin obtenu l'autorisation, le professeur a mis toute sa force et sa méticulosité dans l'organisation de l'entreprise, suscitant plus d'une critique en raison de son tempérament de fer: les sélections étaient extrêmement rigoureuses et de nombreux alpinistes talentueux ont été rejetés. Desio ne permettait aucune objection ou pression d'aucune sorte, il choisissait ceux qu'il considérait comme les meilleurs (et les plus disciplinés...) sans se soucier des râleries et des envies.

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Une image de la vie d'Achille Compagnoni, l'un des héros du K2. Photo : Ansa.

Le plan prévoyait deux équipes, une d'alpinistes et une de scientifiques. Le premier avait pour mission de s'attaquer à l'ascension, le second devait se consacrer à la recherche scientifique. Les candidats sélectionnés pour l'ascension étaient: Erich Abram, Ugo Angelino, Walter Bonatti, Achille Compagnoni, Cirillo Floreanini, Pino Gallotti, Lino Lacedelli, Mario Puchoz, Ubaldo Rey, Gino Soldà, Sergio Viotto. L'expédition a atteint le camp de base à la fin du mois de mai 1954, entamant une périlleuse marche d'approche. Le 28 juillet, une altitude de 7627 mètres a été atteinte où le camp avancé VIII a été installé, puis, le 30 juillet, le camp IX à environ 7900 mètres et enfin, le 31 juillet 1954 à 18h00, Achille Compagnoni et Lino Lacedelli ont conquis le sommet de la deuxième plus haute montagne du monde. Le K2 est ainsi devenu la "montagne des Italiens".

L'exploit a été endeuillé par la mort, suite à une pneumonie, de Mario Puchoz, l'un des membres les plus connus de l'expédition, et par le très grave "malentendu" entre Bonatti, d'une part, et Compagnoni et Lacedelli, d'autre part. L'histoire est bien connue et il est inutile ici de la retracer. Rappelons qu'au fil des ans, la version des deux alpinistes, signée et approuvée par le chef d'expédition Desio, a été durement combattue par Bonatti, déclenchant une "affaire K2" qui a duré jusqu'en 2004, lorsqu'une commission de sages du Club Alpino a donné raison au courageux Walter, sans toutefois jamais réfuter complètement le rapport de Desio. Ce n'est qu'en 2008 que la Société géographique italienne et la CAI ont officiellement rectifié la documentation, acceptant pleinement la version de Bonatti.

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L'attitude de Desio doit en tout cas être contextualisée. Pour lui, rien ne devait ternir la grande victoire italienne, un triomphe sportif mondial qui apaisait les blessures douloureuses d'un pays qui venait d'être durement battu et vaincu. La victoire du K2 a été la revanche de toute une nation et c'est tout. D'où son entêtement à courte vue à refuser à Bonatti ses sacro-saintes prétentions et à reconnaître tous ses mérites. Une injustice inutile. Mais c'était la façon de faire de l'homme.....

Au fil des ans, le professeur a continué à planifier et à diriger des expéditions au Pakistan, en Afghanistan, en Birmanie et aux Philippines, complétant ainsi ses recherches. En 1961, il tente d'organiser une mission italienne en Antarctique, mais le gouvernement lui refuse les fonds nécessaires. L'indomptable Ardito ne s'est pas résigné et, à l'invitation de la National Science Foundation américaine, il a atteint le continent gelé l'année suivante et, en tant que premier Italien de l'histoire, est allé jusqu'au pôle Sud. En 1974, le gouvernement américain lui a décerné la médaille du service dans l'Antarctique. En 1980, alors âgé de 83 ans, il se rend à Pékin et, premier étranger après l'annexion chinoise, traverse le sud du Tibet de Lhassa à Zham, puis au Népal. Une "promenade" à plus de cinq mille mètres.

La dernière aventure, comme mentionné au début, fut la construction du laboratoire Pyramide du CNR, inauguré par Desio en 1989 au pied de l'Everest. Sa mission était enfin terminée. Le temps était enfin venu de l'immobilité et de l'attente avant le grand saut, douze ans plus tard, dans le mystère de la mort. 

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lundi, 14 décembre 2020

Le chemin de la montagne : la mystique alpine de Francesco Tomatis

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Le chemin de la montagne: la mystique alpine de Francesco Tomatis

Giovanni Sessa

Ex : https://www.ereticamente.net

Dans le monde de la marchandisation universelle, chaque aspect de la réalité est réduit à la dimension de pure « chose » (est choséifié). Même la nature, réduite à une simple res extensa par le calcul, est vécue seulement dans la catégorie de l'utilité et se voit réduite, selon la leçon de Rosario Assunto, à la dimension inanimée du « vert équipé ». Dans cette réduction de l'espace à une quantité homogène, toute différence environnementale semble avoir disparu. Les montagnes elles-mêmes, qui, pendant des millénaires, ont été considérées comme sacrées, ont été réduites à un simple site de consommation par l'industrie touristique.

41c-D03APKL._AC_SY400_.jpgQuelques penseurs isolés contestent cette réduction. Parmi eux, en Italie, Francesco Tomatis, spécialiste de la philosophie de Schelling, s'est distingué avec son livre monumental, La via della montagna (Le chemin de la montagne), aujourd'hui en librairie chez Bompiani Editore, qui reprend une conception mystique de la pratique de l'alpinisme (686 pages, € 20,00). Selon Tomatis : "Grâce à la concentration en montagne des éléments de vie [...] ; ils sont utilisables [...] pour la régénération cyclique mais aussi innovante et évolutive de tout être vivant" (p. 9). Aller à la montagne ouvre à la connaissance, à condition toutefois de laisser dans la vallée des instances purement subjectivistes et volontaristes : "Personne ne peut ouvrir la voie de la montagne. Elle s'ouvre plutôt à nous" (p. 9), c’est-à-dire à ceux qui l'abordent avec humilité et audace, motivés par la recherche de l'original, dans la conscience de la mortalité constitutive de chaque entité. Celui qui marche sur les sentiers ou grimpe sur les parois verticales, s'il est animé par de telles intentions, peut vivre : "une conversion à la richesse foisonnante du monde de la montagne [...], une descente sur le versant ensoleillé [...], révolutionnaire et archétypale pour tout être vivant, précisément parce que le re-cordo de l'ascension extatique, perpétuellement vivant dans son vertige, dessine un simple "ça", bien réel et vide" (p. 10). La rencontre avec la multiplicité vivante de la montagne, révèle une connaissance qui dit la présence de la souveraineté dans chaque entité, en effet elle découvre dans la présence, au sens émirati, la seule façon de se donner au "supervectorat" (p. 10). C'est l'acquisition spontanée d'une vision verticale, qui transforme sans violence celui qui en est le porteur, le rendant ainsi en phase avec la métamorphose cyclique et toujours égale mais différente (semblable à ce qu’en disait Klages) de toute chose.

unnamedrdma.jpgLa pratique de l'alpinisme se traduit, comme l'a rappelé René Daumal dans son Mont Analogue, en termes poétiques : un savoir qui s'applique dans une action, comme dans l'art entendu au sens traditionnel. Tomatis y explique, verum et factum convertuntur, réalisant la coïncidence entre l'ascension et la descente. La recherche spontanée de la divinité se manifeste dans la marche en montagne, elle donne lieu à une connaissance naïve, non achevée sur elle-même, se référant à autre chose, à l' « ultériorité hyperbolique » qui regarde à la verticale, exposée à la hauteur. Le livre se développe en deux parties, une partie ascendante et une partie descendante. L'itinéraire proposé semble structuré sur la voie épistrophique et hypostatique du néoplatonisme, car la "source nivelée" que l'on atteint verticalement est la même que celle qui, au retour, innerve, par sa présence, la vie multiforme de la montagne. L'ascension et la descente se développent autour de la montagne, symboliquement comprise comme axis mundi, suspendue entre la limite mortelle et la dimension verticale à laquelle nous tendons.

La révolution mystique alpine n'implique pas seulement l'alpiniste, mais au fil du temps, elle a eu des répercussions sur la vie alpine. Pour faire participer le lecteur à ce vécu "poétique" spécifique du monde, Tomatis rappelle les positions d'auteurs tels que Caveri, Bartaletti, Zanzi et d'autres, s'attardant notamment sur la civilisation occitane qui : "a permis, grâce à son langage et à son artisanat raffiné, à l'écoute de la transcendance de Dieu dans chaque petit aspect naturel [...] de redécouvrir la nature paradigmatique de l'homme alpin face à la mortalité quotidienne [...] en encourageant l'épanouissement lent et vif de la vie" (p. 12).

Tomatis décrit l'ascension par la voix d'alpinistes, de poètes et de scientifiques qui sont arrivés dans une cordée invisible jusqu'à la falaise du sommet où : "tout devient lumineux, brillant et éblouissant en même temps" (p. 13) et on rencontre le néant du sommet qui bientôt, sur le chemin du retour, sera transformé en un essaim vital. C'est à ce point du mouvement de la montagne que l'auteur présente les expériences de vie de Thoreau, De Luca et Roberto Einaudi, témoins "d'une méthode spirituelle capable de s'enraciner dans les terres les plus élevées, comme celles des bois et des montagnes" (p. 13).

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De telles expériences conduisent à la rencontre avec l'être montagneux, magistralement témoigné (entre autres) par Heidegger et Pareyson et par l'alpinisme ouvert au mystère de Bonatti et Messner. Ce dernier nous dit : "par la voie [...] de l'alpinisme extrême mais en style alpin, le long duquel il a touché les limites de la vie [...] il a expérimenté et élaboré une "philosophie du renoncement"" (pp. 525-526). L'auteur présente et discute, en outre, quelques expressions artistiques qui permettent, comme avec les photos de Pellegrino, de se rapprocher de l'âme des habitants des villages alpins. La conclusion, dans ce volume, nous semble la plus pertinente, représentant son cœur vital. Ici, la différence entre la philosophie ascétique et unidirectionnelle de la montagne chez Evola et sa position alpino-mystique est abordée.

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Tomatis reconnaît que la vision d'Evola était "une contribution extraordinaire à la compréhension de la dimension, à la fois spirituelle et physique, de la montagne" (p. 603), qui manquait à une vision claire de la coincidentia oppositorum alpino-mystique. Cela a conduit Evola à réduire l'expérience de la montagne à une ascension unilatérale, excluant la dimension du retour, de la descente. Tomatis attribue ce choix à la prééminence dans l'univers théorique evolien de la leçon subjectiviste fichtéenne. Cette explication nous semble peu convaincante : seul Evola dans ses travaux spéculatifs avait parfaitement compris, grâce à la réflexion consignée dans les pages consacrées à Schelling, que la liberté et la nécessité sont com-possibles, tout comme la montée et la descente. De plus, souligne Tomatis, l'interprétation du taoïsme qu’a élaborée Evola en 1959, montre un net dépassement des hypothèses subjectivistes. En tout cas, ce qui distingue les deux philosophies de la montagne est que la voie d'Evola est : "directement intuitive et réalisable", celle de Tomatis est : "vide et prédisposée à l'acceptation d'une grâce ou d'un événement aussi imprévisible, non possible, plus éloigné" (p. 606).

La première est la voie ascétique, la seconde la voie mystique : ce sont là les expressions de différentes équations personnelles. La voie mystique, à l'époque contemporaine, a trouvé un interprète en Mauro Corona, dont les mains : "savent embrasser la montagne, tester la roche [...] avec un souci tissé d’intelligence, respectueux de l'aura mystérieuse qui enveloppe encore plus sa nature" (p. 607).

C'est un livre stimulant que celui de Tomatis, très riche en informations, fabuleux du point de vue de la narration. L'auteur conduit, en tant que guide expert, le lecteur sur les chemins du "Royaume perdu" de la montagne.

Giovanni Sessa.

vendredi, 05 janvier 2018

Xavier de Grunne : de Rex à la Résistance

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Le Mont Ruwenzori (Congo)

Xavier de Grunne : de Rex à la Résistance

Lionel Baland est un écrivain belge, spécialiste des partis patriotiques en Europe, qui a écrit sur l’histoire du nationalisme belge. Il publie aux éditions Godefroy de Bouillon un ouvrage portant sur un pan de l’histoire du rexisme, le mouvement politique nationaliste belge dirigé au cours des années 1930-1940 par Léon Degrelle, intitulé « Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance. »

Propos recueillis par Fabrice Dutilleul.

Xavier-de-Grunne.jpgQui est Xavier de Grunne ?

Xavier de Grunne (1894-1944) est issu de la vieille noblesse belge. Pionnier dans le domaine de l’alpinisme, il le pratique aux côtés du Roi Albert Ier et devient célèbre en dirigeant une expédition au Congo belge en vue de l’exploration complète du versant occidental du Ruwenzori. La colonne, constituée de scientifiques et de centaines de porteurs noirs, se fraie un chemin dans la forêt équatoriale avant d’atteindre les glaciers. Elle reste durant deux mois dans la pluie et le brouillard à plus de 4 000 mètres d’altitude à une température proche de zéro degré.

Léon Degrelle demande en 1936 à Xavier de Grunne, « l’homme du Ruwenzori », de se présenter sur les listes du mouvement anti-corruption catholique et nationaliste belge Rex. Xavier de Grunne est élu sénateur. Lors des élections législatives de 1939, il est aussi présent sur les listes de Rex, mais n’est pas réélu car ce mouvement subit alors un fort recul électoral.

Durant la « drôle de guerre » (début septembre 1939-10 mai 1940), Rex est totalement aligné sur la position ultra-neutraliste défendue par le Roi Léopold III. Xavier de Grunne n’est pas d’accord avec ce choix et désire voir Rex et la Belgique se ranger du côté des Français et des Britanniques.

Après la défaite, Xavier de Grunne fonde l’organisation de résistance « La Phalange », est arrêté par les Allemands et meurt en déportation. Pendant ce temps, Rex se lance dans la collaboration d’abord limitée, puis illimitée avec l’occupant. Son dirigeant, Léon Degrelle combat le communisme sur le Front de l’Est et termine la guerre en tant qu’officier supérieur de la Waffen SS, après avoir reçu à l’issue de la bataille de Tcherkassy/Korsun une des plus hautes décorations du IIIe Reich des mains d’Adolf Hitler qui, lui tenant la main entre ses deux mains (il est le seul à ma connaissance à qui cela est arrivé), lui dit : « Je me suis fait tant de soucis. »

Le parcours de Xavier de Grunne est-il atypique ?

Non. Il apparaît qu’en Belgique francophone durant la IIe Guerre mondiale, les nationalistes sont allés, comme l’indique le grand résistant liégeois et professeur d’université Léon-Ernest Halkin dans son ouvrage À l’Ombre de la mort, pour la plupart dans la Résistance et y ont souvent laissé leur vie ou leur santé. Ce qui deviendra la principale organisation de Résistance du pays et sera dénommé par la suite « Armée secrète », a été fondé par les patriotes Robert Lentz et Charles Claser. Quant aux adeptes de l’Ordre nouveau, une partie d’entre eux est allée dans la collaboration limitée, tel José Streel qui est un des penseurs principaux du rexisme aux côtés de Jean Denis, et une autre partie dans la collaboration illimitée, tel Léon Degrelle. Mais d’autres ont rejoint la Résistance.

Pierre-Nothomb_9959.jpgPierre Nothomb, fondateur au cours des années 1920 des Jeunesses nationales, a été inquiété à plusieurs reprises durant la guerre par les Allemands pour ses actes de résistance. La Légion Nationale, organisation nationaliste belge fondée en 1922 et qui devient ensuite un mouvement d’Ordre nouveau qui affronte physiquement les milices socialistes et communistes, entre dès le début de l’occupation dans la Résistance. Plusieurs de ses membres sont fusillés par les Allemands et son dirigeant, l’avocat Paul Hoornaert, meurt en déportation. Un certain nombre de rexistes ou d’anciens rexistes se sont également retrouvés dans la Résistance. L’écrivain Robert du Bois de Vroylande, ainsi que le rédacteur en chef du quotidien rexiste Le Pays Réel et membre du Conseil politique du mouvement rexiste Hubert d’Ydewalle, qui ont tous deux rompu avec Rex avant la guerre, meurent en déportation. Le Mouvement National Royaliste (Nationale Koninklijke Beweging), une des organisations de résistance du pays, est fondé par des rexistes restés fidèles au Roi Léopold III. Ajoutons que les intellectuels adeptes de l’Ordre nouveau et professeurs d’université Fernand Desonay et Charles Terlinden se sont retrouvés eux aussi dans la Résistance.

Notons que les rexistes qui se sont engagés dans la Collaboration l’ont fait, à leurs yeux, dans l’intérêt de la Belgique. Lorsque José Streel estime que la poursuite d’une telle politique ne penche plus en faveur de l’avantage du peuple belge, il se retire (ce qui n’empêchera pas son exécution en 1946). Léon Degrelle poursuit dans la Collaboration en ayant pour objectif la réalisation d’une grande Bourgogne inspirée de celle de Charles le Téméraire, ce qui correspond à l’idée d’une grande Belgique (idée déjà prônée durant la Ire Guerre mondiale par Pierre Nothomb), produit d’un nationalisme belge exacerbé.

Quels principaux éléments nouveaux apporte votre ouvrage ?

XG-br.jpgContrairement à ce qui a été souvent écrit, il apparaît que Xavier de Grunne est resté lié à Rex jusqu’en 1939, et que la rupture annoncée en 1937 au sein de l’ouvrage de Xavier de Grunne intitulé Pourquoi je suis séparé de Rex ? est purement stratégique afin de disposer de la liberté de pouvoir critiquer l’Église qui attaque Rex, tout en ne froissant pas les électeurs rexistes qui sont pour la plupart des catholiques convaincus.

Notons que Léon Degrelle encense au sein de ses écrits d’après-guerre Xavier de Grunne. L’ouvrage montre qu’au début de l’Occupation, rien n’est joué et que le basculement de certains dans la Résistance et d’autres dans la Collaboration a été avant tout une question de circonstances et de relations personnelles, les individus suivant souvent leurs proches relations politiques vers l’un ou l’autre bord.

Pourquoi la direction de Rex a-t-elle choisi la Collaboration ?

Rex, mouvement politique nationaliste belge et monarchiste, n’avait rien à aller faire dans la Collaboration avec un régime nationaliste allemand d’expansion. Un élément essentiel a conduit ce mouvement dans cette situation : lors de l’invasion par l’armée allemande de la Belgique le 10 mai 1940, le dirigeant rexiste Léon Degrelle, pourtant protégé par son immunité parlementaire, est arrêté par les autorités belges et déporté en France où il est malmené et tabassé, puis traîné de prisons en prisons avant de terminer au sein de camp de concentration du Vernet (rappelons que la République française a ouvert en 1939 des camps de concentration afin d’y placer dans des conditions sordides les réfugiés républicains espagnols). Revenu miraculé en Belgique au cours de l’été 1940 après la capitulation de la France, Léon Degrelle a des comptes à régler avec le système. De plus, l’Allemagne, ayant gagné la guerre sur le continent, paraît à cette époque pouvoir dominer pour des siècles. Rex, qui est à la mi-1940 rangé derrière le Roi, change de cap six mois plus tard et entre début 1941 dans la Collaboration. Cela aurait pu ne pas arriver et le mouvement rexiste aurait pu se trouver de l’autre côté durant la guerre.

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« Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance », Lionel Baland, Godefroy de Bouillon.

Écrits de Lionel Baland sur le sujet :

Ouvrages :

* Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance, Godefroy de Bouillon, Paris, 2017.

* Léon Degrelle et la presse rexiste, Éditions Déterna, Paris, 2009.

* Préface de la réédition de « La Révolution du XXe siècle » de José Streel, Éditions Déterna, Paris, 2010.

Articles :

* Fernand Desonay : des C.A.U.R. au maquis des Ardennes Belges, in : Bulletin d’Information du Centre Liègeois d’Histoire et d’Archéologie, n° 137, 2014, p. 63-66.

* Rex en wallon : Joseph Mignolet et Amand Géradin, in : Bulletin d’Information du Centre Liègeois d’Histoire et d’Archéologie Militaires, n° 141, 2017, p. 65-70.

mercredi, 23 août 2017

Le voyage d’Heinrich Harrer au Tibet

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Le voyage d’Heinrich Harrer au Tibet

Une Odyssée dans l’Himalaya

Son livre le plus célèbre est Sept ans au Tibet, traduit en 53 langues. Plus de quatre millions d’exemplaires ont été vendus dans le monde. En 1997, Jean-Jacques Annaud tourne un film avec le même titre. Harrer, fils d’un simple employé des postes, a acquis ainsi une célébrité mondiale. Il était né le 6 juillet 1912 à Obergossen. Après plusieurs affectations de son père, Heinrich Harrer finit par fréquenter la ‘Realschule’ de Graz. En 1933, il entame des études à l’Université Karl Franzen en géographie et en sport. Son amour du sport le conduit à travailler à l’association sportive de Graz. Pendant ses années d’études, il devient le champion du monde interuniversitaire de descente en ski et acquiert un titre de champion de golfe au niveau autrichien. Il entraîne, à partir de 1937, l’équipe nationale autrichienne de ski féminin.

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Mais ses grandes passions sont la montagne et l’alpinisme. En 1938, après avoir réussi ses derniers examens d’Etat, il décide, avec son ami Fritz Kasparek, à Grindelwald, d’essayer d’escalader la face nord de l’Eiger, exploit qui n’avait jamais été réalisé auparavant. Les deux amis réussissent leur coup. Le 24 juillet 1938, Harrer et Kasparek sont à 15 h 30 sur le sommet de l’Eiger, avec deux autres alpinistes, Anderl Heckmair et Wigerl Vörg.

La même année, l’alpiniste chevronné convole en justes noces. Il épouse la plus jeune des filles d’Alfred Wegener, l’explorateur polaire allemand qui venait de décéder. En 1939, on lui propose de faire partie de l’expédition allemande mise sur pied pour explorer le Nanga Parbat. Il ne résiste pas à la tentation. Il accepte. Mais il ne retrouvera sa patrie que treize ans plus tard. La seconde guerre mondiale éclate et surprend l’expédition dont les membres sont pris prisonniers par les Britanniques et internés en Inde, d’abord dans un camp au pied de l’Himalaya. Dans un premier temps, la tentative d’évasion des prisonniers échoue. Ils feront en tout cinq tentatives. Finalement, le 29 avril 1944, ils réussissent leur coup : Harrer et six autres hommes, dont Peter Aufschnaiter, le chef de l’expédition dans le Nanga Parbat, échappent à la vigilance de leurs gardiens. Harrer et Aufschnaiter décident de se rendre à Lhassa, la ville interdite.

Ils finissent par arriver dans la capitale du Tibet en 1946, après une cavale de deux ans, après avoir parcouru 2100 kilomètres et franchi quelque soixante-cinq cols himalayens, à des altitudes variant entre 5000 et 6000 m. Ils resteront à Lhassa jusqu’en 1951 quand le conflit opposant la Chine au Tibet les oblige à fuir vers l’Inde. Ils se mettront au service du gouvernement tibétain. Aufschnaiter est ainsi devenu conseiller pour l’agriculture et l’urbanisme. Harrer sert les Tibétains en tant qu’interprète, photographe et enseignant. A Lhassa, Harrer avait fait la connaissance du quatorzième Dalai Lama, qui deviendra son fidèle ami jusqu’à sa mort.

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En 1952, Harrer revient enfin dans sa patrie autrichienne, où il ne restera d’ailleurs pas longtemps. Son mariage avait été dissous pendant son long séjour en Asie et son deuxième mariage de 1952 n’a tenu qu’un an. Car, infatigable, il part pour une expédition en Amazonie, assortie d’une tentative d’escalader pour la première fois l’Ausagate. Avant de se remarier une troisième fois, il fera encore une expédition en Alaska où il devint le premier à avoir escaladé le Mount Hunter, le Mount Deborah et le Mount Drum (ndt: Harrer fera au moins deux expéditions avec Leopold III, Roi des Belges déchu, en Amazonie et en Papouasie).

Son troisième mariage tiendra mais n’étouffera pas son goût intense des expéditions lointaines. Il les cumulera jusqu’en 1991, l’année où il fêtera ses 79 printemps. Il est resté agile jusqu’à un âge très avancé et ne s’est jamais laissé impressionner par les reproches que formulaient quelques aigris quant à son appartenance ancienne à la NSDAP, aux SA ou aux SS.

Il meurt à Friesach le 7 janvier 2006, à l’âge de 94 ans.

(article paru dans « zur Zeit », n°32-33/2017, Vienne, http://www.zurzeit.at ).  

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mardi, 26 avril 2016

When Men and Mountains Meet: Spiritual Ascent in the Age of Commodification

When Men and Mountains Meet: Spiritual Ascent in the Age of Commodification

“Great things are done when Men & Mountains meet / This is not Done by Jostling in the Street,” wrote William Blake.

The modern world suffocates the soul of humankind. Matter longs for the embrace of soul, just as the unborn is ensheathed in the mother’s womb; and the soul desires the caress of matter, just as a newborn is cradled in the mother’s arms. Every moment is the nondual experience of gestation and birth of soul into matter, matter into soul. Modern life severs this connection as carelessly as the assembly line obstetrician prematurely severs the umbilical cord that still carries vital nutrients from mother to child. We are weighed upon scales imbalanced by ceaseless activity and insidious apathy, our hearts faint with anxiety and our bodies dead with the weight of indifference.

How do we reconnect with the primordial source in a decentered and displaced world?

The spiritual quest of the higher person is the path that leads one on a journey to reunite with divine nature, and there are few greater paths to accelerate this reunification than the experience of the mountains. Amongst the peaks one transforms from a rank-and-file soldier of modernity into a Grail Knight—a golden embryo shining in the dark cosmic womb of creation.

In Meditations on the Peaks, Julius Evola wrote:

In the struggle against mountain heights, action is finally free from all machines, and from everything that detracts from man’s direct and absolute relationship with things. Up close to the sky and to crevasses—among the still and silent greatness of the peaks; in the impetuous raging winds and snowstorms; among the dazzling brightness of glaciers; or among the fierce, hopeless verticality of rock faces—it is possible to reawaken (through what may at first appear to be the mere employment of the body) the symbol of overcoming, a truly spiritual and virile light, and make contact with primordial forces locked within the body’s limbs. In this way the climber’s struggle will be more than physical and the successful climb may come to represent the achievement of something that is no longer merely human. In ancient mythologies the mountain mountain peaks were regarded as the seats of the gods; this is myth, but it is also the allegorical expression of a real belief that may always come alive again sub specie interioritatis.

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Meditations on the Peaks (English translation available from Inner Traditions) is a collection of Evola’s writings on the spiritual quest of mountain climbing. While not free of the commodification of the modern sporting life (one only need to look at the resort towns inviting crass hordes of weekend warriors that contaminate the regions for a reminder), the mountains offer potential for the spiritual conquest of self-overcoming. By training the body, purifying the soul and cultivating a reverence for mortality, one may, with iron will and monumental discipline, ascend the peaks in contemplation of their silent, still and divine majesty.

Evola presents mountain climbing as a Yoga of the scholar and the athlete. The modern world has divided the intellectual and athletic pursuits, creating a false dichotomy of “nerds” and “jocks” that predominates the industrialized West. Either the body atrophies for feint intellectual praise and bourgeois academic prestige, or the mind suffers for the pursuit of empty competition and physical achievement. In this dichotomous framing of brains against brawn, both scholar and athlete lose touch with the metaphysical reality that study and training develops. It is among the peaks where this division is erased. Evola wrote:

[A]mong sports, mountain climbing is certainly the one that offers the most accessible opportunity for achieving this union of body and spirit. Truly, the enormity, the silence, and the majesty of the great mountains naturally incline the soul toward that which is greater than human, and thus attract the better people to the point at which the physical aspect of climbing (with all the courage, the self-mastery and the mental lucidity that it requires) and an inner spiritual realization, become the inseparable and complementary parts of one and the same thing.

At the heart of Evola’s study of the peaks is the eleventh century Tibetan Buddhist sage Milarepa. Credited with the revival of metaphysical doctrine within the Mahayana school of Buddhism, Milarepa’s teachings were known in the form of songs describing episodes of his life that remained within the current of oral tradition until modern times.

One day, Milarepa journeyed into the mountains for ascetic retreat. When six months had passed without seeing their teacher, Milarepa’s disciples had assumed that he had fallen victim to a brutal snowstorm, caught without food against the unforgiving elements. In their mourning, his disciples made sacrificial offerings prescribed for the dead. When spring arrived, they went to search for him. During their journey, they were astonished when they saw a snow leopard that transformed into a tiger. As they entered the Cave of the Demons, they heard a singing voice that they immediately recognized as their teacher’s. It was Milarepa who had projected the images of the leopard and the tiger, having sensed his disciples approaching. He told his disciples that although he went a long time without food he did not hunger, for he gained sustenance from the offerings they made for him.

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Upon returning home, Milarepa explained how he was able to “endure the elements, the icy temperatures, and raging wind, thus overcoming the invisible forces (the ‘demons’) disguised as snow,” thusly singing:

The snowfall was beyond all measure. Snow covered the Whole mountain and even touched the sky, falling through the bushes and weighing down the trees.

In this great disaster I remained in utter solitude. The snow, the wintry blast, and my thin cotton garment fought against each other on the white mountain. The snow, as it fell on me, turned into drizzle. I conquered the raging winds, subduing them to silent rest.

The cotton cloth I wore was like a burning brand. The struggle was of life and death, as when giants wrestle and sabers clash.

I, the competent yogi, was victorious; my power over the vital heat (tumo) and the two channels was thus shown. By observing the Four Ills caused by meditation and keeping to the inner practice, the cold and warm pranas became the essence. This was why the raging wind grew tame and the storm, subdued, lost its power.

Not even the devas’ army could compete with me. This battle, I, the yogi, won.

These are the harsh conditions one must endure on the merciless path of higher spirituality. Abandoning the world in cosmic isolation, the seeker must withstand the chaotic conditions of an unrestrained cosmos through the power of their own inner flame. It is during times of great peril, whether alone atop a physical mountain or abandoned to the darkest predilections of life, when we must light the fire of our crucible and burn away within. One might be left for dead, but will gain sustenance from the offerings of mourners as the unborn child receives nutrients from the mother. For it is in these most rugged and unforgiving of conditions that we return to the cosmic womb of creation, where all dross and detritus burns away and we emerge purified and renewed.

To this day, Evola remains a controversial figure in metaphysical circles. Mention of his name is enough to incite neo-McCarthyist accusations of fascist tendencies or a mistaken sympathy amongst white national racialists. Owing perhaps to the ever widening gulf between spirit and body, it is near impossible nowadays to balance an admiration for a great scholar’s superlative body of work with a reservation of their difficult political views without finding oneself in the snake pit of guilt by association. As the body is further estranged from the spirit, both will descend into a pit of decadent self-pleasure, and find anathema anything which challenges one to greater heights. Evola’s ideas are dangerous. But, like the mountains, so too is the spiritual quest. As the great mountaineer Reinhold Messner said, “The mountains are not fair or unfair, they are just dangerous.”

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Messner is one of the best exemplars of the discipline cultivated on the path of higher spirituality. He is the first individual on record, along with Peter Habeler, to ascend Mount Everest without supplemental oxygen. Messner is also the first climber to ascend all fourteen of the eight-thousanders, mountains located in the Himalayan and Karakoram ranges with peaks exceeding 8,000 meters (26,247 ft) above sea level. These are peaks that are well above the “death zone,” altitudes where the amount of oxygen is insufficient to sustain human life. Messner’s records are not the same as the medals won by competing athletes; they are physically intangible totems, cairns left on the path toward mastery. Eschewing the commodification of the modern world, Messner is the paragon of peak physical, mental and spiritual development.

The mountains remain a testament of spiritual initiation in the modern era. Populations will grow and disappear, cultures will spread and vanish, and civilizations will rise and fall, but the mountains will keep still for centuries. The timeless stability of the mountains is what has attracted spiritual seekers to them since the dawn of human culture. In this still and silent wilderness, where the body of man is at the mercy of both nature and the gods, we find the foundation to build the inner sanctum. When in the mountains, an ascetic like Julius Evola or a libertine like Aleister Crowley both find the sanctuary they seek. At these altitudes, it matters not what your opinions are or who they offend, but how well you have conditioned the body and trained the mind.

“The mountain requires purity and simplicity,” Evola wrote, “It requires asceticism… In this context, the mountainous peaks and the spiritual peaks converge in one simple yet powerful reality.

Meditations on the Peaks is published by Inner Traditions and available from their website or from Amazon.com and other booksellers.

Andrei Burke is a poet and critic who currently resides in the Los Angeles area. He holds a B.A. in Film and and M.A. in the Humanities. His work has appeared on Ultraculture and WITCH.
Andrei Burke is a poet and critic who currently resides in the Los Angeles area. He holds a B.A. in Film and and M.A. in the Humanities. His work has appeared on Ultraculture and WITCH.

mardi, 29 septembre 2015

Lo zen delle vette

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Lo zen delle vette

La sacralità della montagna, il rito dell’ascesa, la trasfigurazione interiore. Dino Buzzati intuì una luce, Luigi Mario la trovò in quota

di Giulia Pompili

Ex: http://www.ilfoglio.it

Nel centro di Zermatt, la cittadina di tradizione walser che ospita il versante svizzero dell’inconfondibile Cervino, c’è un piccolo cimitero dedicato agli alpinisti. Ognuno di loro ha un nome e cognome. Chi non ce l’ha, viene ricordato con una lapide dedicata all’alpinista ignoto. Poco più in là c’è una targa che ricorda il gemellaggio di Zermatt con la città di Myoko, uno dei posti più particolari del Giappone perché protetto da cinque vette, il luogo di ritiro invernale della famiglia imperiale. Il Cervino, più di altre montagne, è legato alla vita e alla morte. Quest’anno ricorre il centocinquantesimo anniversario della conquista della vetta, e fu l’inglese Edward Whymper a riuscirci, dopo anni di vani tentativi. Ogni volta che una spedizione partiva e falliva, si avvalorava l’idea che il Cervino fosse inaccessibile, che il dèmone della montagna rifiutasse la presenza umana. Improfanabile. Si dice che molte guide esperte non accettassero cospicue somme di denaro pur di non sfidare quel dèmone. Poi, il 14 luglio del 1865, Whymper raggiunse la vetta. Era il primo di una cordata composta dalla guida alpina Michel Croz di Chamonix, dal reverendo Charles Hudson, dagli inglesi Lord Francis Douglas, Douglas Robert Hadow e dalle due guide alpine di Zermatt Peter Taugwalder padre e Peter Taugwalder figlio. Ma durante la discesa, ecco la tragedia. Croz, Hadow, Hudson e Douglas, i primi quattro della cordata, caddero. La corda si ruppe. I corpi dei tre furono ritrovati nei giorni successivi, quello di Lord Francis Douglas riposa ancora sul Cervino. Si salvò Whymper, che continuò a fare l’alpinista ma venne divorato dai fantasmi dei morti sul Cervino, e morì alcolista nel 1911, a Chamonix. Gli altri due che si salvarono erano due guide alpine.

“Adesso, che sono ormai quasi vecchio e i fortissimi amici di un tempo si sono dispersi chi qua chi là oppure hanno smesso la montagna, adesso che io ritorno da solo, di quando in quando, alle mie corde, ma ben assicurato alla corda di una paziente guida brevettata, vivo e amaro è il rimpianto di non essere stato all’altezza dei miei sogni, di non avere avuto abbastanza coraggio, di non aver saputo lottare da solo, di non essermi impegnato a fondo così da poter essere, o per lo meno assomigliare, a uno di loro. Ormai, purtroppo, è troppo tardi. Ma, guardandomi malinconicamente indietro, ora capisco come soltanto a loro, ai capicordata, alle guide, e soprattutto agli accademici e a quelli che, senza avere la formale laurea, appartengono tuttavia alla loro intrepida famiglia, ora capisco come unicamente a loro la grande montagna abbia rivelato i suoi più gelosi e potenti segreti. E non ai poveretti come me, che hanno avuto paura”. Quando scrive queste righe per il centenario del Cai, il Club alpino italiano, Dino Buzzati ha cinquantasette anni. E’ l’anno in cui il Corriere della Sera lo manda a Tokyo per un mese intero, a seguire lo stato di avanzamento dei lavori per l’Olimpiade giapponese del 1964. Ed è pure l’anno della morte di Arturo Brambilla, l’amico più caro di Buzzati. Dallo scambio epistolare tra i due, che durò quarant’anni, verrà fuori il primo ritratto del Buzzati alpinista, e di quell’“ossessione d’amore” che ebbe inizio quando aveva quindici anni con la vetta della Croda da Lago, la cima di 2.701 metri tra le Dolomiti di Cortina. Buzzati tornò sulla Croda da Lago nel 1966, insieme con il collega Rolly Marchi. A guidarli in quell’occasione c’era Lino Lacedelli, il celebre alpinista che scalò il K2 nel 1954 con la spedizione organizzata da Ardito Desio. L’impresa storica costò a Lacedelli il pollice di una mano, congelato. Quando si aprì il “caso K2” – che durò cinquant’anni – sul ruolo dell’altra figura chiave della letteratura alpinistica italiana, quella di Walter Bonatti, Lacedelli fu l’unico a riconoscere che senza Bonatti gli italiani non ce l’avrebbero fatta. Fu un’ammissione sincera, dopo anni di menzogne. E questo perché la storia dell’alpinismo è una storia di imprese eroiche e di tritacarne mediatici, di arditismo, di bugie che finiscono per sbattere contro con la nuda verità della roccia. Quella stessa roccia i cui colori sono indicibili – le Dolomiti, di che colore sono? si chiede Buzzati – i cui strapiombi sono indescrivibili (“La gente che si accontenta di guardare le montagne dal basso non li conosce, gli strapiombi, e non sa neppure bene cosa siano”, scrive il giornalista e alpinista sulla Lettura nel 1933).

Poco prima di morire, il 28 gennaio del 1972, il giornalista bellunese domandò alla moglie Almerina Antoniazzi di poter tornare, pure da morto, sulla vetta della Croda da Lago. E così si fece, nel 2010, non appena la Regione Veneto si è dotata della legge che rende possibile disperdere in natura le ceneri. Buzzati riconosce di non essere mai andato oltre un quarto grado di difficoltà, nel suo scalare, eppure parla delle guide, di quegli alpinisti coraggiosi, quei “fuorilegge” – così li definisce, e “I fuorilegge della montagna” è anche il titolo di una imponente raccolta dei sui articoli sulle alte vette pubblicato nel 2010 da Mondadori – che lo aiutarono a scalare. Quelli sempre primi in una cordata. La vetta non avrebbe mai potuto raggiungerla senza di loro. La montagna è anche questo, spiega Buzzati: riconoscere i propri limiti. Oppure superarli, nel caso di alcuni uomini straordinari. E’ così che – forse inconsapevolmente – il giornalista bellunese incontra uno dei più grandi misteri dell’alpinismo, che lega indissolubilmente la montagna alla cultura e alla spiritualità orientale.

Nell’anno in cui morì Buzzati, Luigi Mario aveva appena ricevuto il suo nuovo nome, Engaku Taino, quello da monaco buddista, nel monastero Shofukuji di Kobe diretto da Yamada Mumon roshi. Nato da una famiglia di operai romani il 7 maggio del 1938, Luigi Mario è stato il primo romano a diventare guida alpina. A dire la verità, Mario è stato il primo in molte cose: la prima guida di Roma, il primo gestore del rifugio Gran Sasso, il primo italiano a essere ordinato monaco in un monastero zen giapponese. E poi quel luogo da lui fondato, Scaramuccia, un podere nella campagna umbra di Orvieto, che dal 1975 in poi inizia a essere chiamato monastero. Il primo luogo residenziale del buddismo in Italia e soprattutto la prima scuola al mondo dove l’arte della montagna – che comprende l’arrampicata e lo scivolamento – viene insegnata insieme con il taichi, lo yoga, la meditazione, lo zazen. E’ lo stesso maestro Engaku a raccontare la sua storia nel libro “Lo zen e l’arte di arrampicare le montagne”, appena pubblicato dalle edizioni Monte Rosa. Anche lui, come succede ai grandi della montagna, ha iniziato giovanissimo, intorno ai sedici anni: “Ufficialmente sono entrato nel mondo della montagna iscrivendomi al Cai nel ’54 influenzato da due avvenimenti. Il primo si può far risalire alla gita scolastica sul lago di Como, mentre la spedizione italiana scalava il K2. Frequentavo il secondo anno della scuola professionale, dopo la licenza di avviamento al lavoro, come si chiamavano i tre anni successivi alle elementari quando non c’era ancora la scuola media unificata. Facevamo il giro del lago e nel vedere tutte quelle rocce, così importanti poi per la mia crescita alpinistica, pensai ad alta voce che sarebbe stato bello montarci sopra. […] L’altro episodio importante fu il raduno nazionale degli alpini. Per la prima volta potevo vedere dei veri scalatori: si arrampicavano in cima al Colosseo e scendevano saltellando e scorrendo lungo le corde!”. L’autore prosegue raccontando che qualche giorno dopo volle raggiungere in bicicletta il Colosseo per andare a toccare quei chiodi da roccia che erano stati piantati dagli alpini.

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Quando era salito di sette, otto metri, un pizzardone romano lo avvertì a modo suo: a regazzi’, scenni giù che qui sotto mica ce sta er buro. Una frase che Luigi Mario fu costretto a ripetersi spesso, nel corso degli anni successivi. La carriera alpinistica inizia con la montagna degli arrampicatori romani: il monte Morra, sui Lucretili laziali. Poi apre la Via dei Camini sulla montagna Spaccata di Gaeta, poi le scalate sul Terminillo, con base a Pietracamela. Sempre più a lungo, sempre più professionalmente. Alla fine Luigi Mario lascia il lavoro sicuro in banca e inizia a viaggiare di continuo, su e giù tra le Alpi e gli Appennini, a Cervinia con Dino Buzzati, a Pescasseroli con Pier Paolo Pasolini, gli esami con Cesare Maestri. Ma ogni volta che superava se stesso, scalando una montagna, c’era qualcosa che mancava: “La cima della montagna, questa punta estrema, questo punto supremo al quale si sacrifica tanto della propria vita, non rappresentava affatto quello che si diceva e le scalate più difficili davano certo sensazioni più forti delle altre ma rimanevano sul piano della sensazione, richiedendone altre più forti ancora e anche, vanitosamente, maggiori consensi nel gruppo. Ciò che dico ora l’ho capito dopo, poco per volta, perché altrimenti avrei cercato qualcosa di diverso come poi ho fatto”. Luigi Mario ha una scrittura schietta, decisa. Come quando un maestro giapponese insegna le do (le vie di ascesi, di cui fanno parte anche le arti marziali) che per un occidentale sono artistiche in quanto poetiche. Ma non è nient’altro che tecnica, ripetizione, il gesto fine a se stesso. Nella parte del libro in cui parla del suo metodo d’insegnamento questo è ancora più chiaro. Niente fronzoli: “Nelle do giapponesi il maestro è il depositario dell’arte che si vuole apprendere e in lui si ripone completamente la propria fiducia. Egli ha ricevuto dal proprio maestro la trasmissione dell’arte e al suo maestro ha promesso di trasmetterla con sincera fede ai discepoli che avrà”. In principio fu il filosofo tedesco Eugen Herrigel, che studiò il Kyudo (l’arte del tirare con l’arco) durante il suo quinquennio d’insegnamento in Giappone. Basandosi su ciò che aveva imparato, nel 1953 pubblicò il famoso libro “Lo zen e l’arte del tirare con l’arco”, che non era affatto una guida all’insegnamento religioso. Piuttosto, nel libro si esplicitava per la prima volta agli occhi di un occidentale la possibilità di riconoscere l’esperienza spirituale orientale in quelli che da noi erano considerati né più né meno che degli sport.

E’ un po’ quello che ha fatto Marie Kondo, l’autrice giapponese di un best seller sul “magico potere del riordino. Il metodo giapponese che trasforma i vostri spazi e la vostra vita”. Il libro promette di organizzare gli spazi domestici e di ridare serenità ove prima regnava il caos, “perché nella filosofia zen il riordino fisico è un rito che produce incommensurabili vantaggi spirituali”, dice la quarta di copertina. Sai che scoperta. Ogni volta che sento parlare di lei, e del suo straordinario successo, mi viene in mente lo zaino per la montagna. La sua preparazione è un rito. E il nemico, l’ossessione del trekking alpino di più giorni, è il peso. Preparare lo zaino per la montagna rende tangibile l’idea di essenziale, perché non esiste cosa che non abbia un peso e guadagnare anche solo cento grammi può dare un significativo vantaggio. Chi conosce la montagna conosce il peso di ogni parte dell’“equipaggiamento” e – sembrerà ingenuo dirlo – il valore di ogni cosa che viene portata fino in cima. Per ore si cammina in silenzio, perché ogni respiro è dedicato all’unico scopo di salire. Come nelle discipline orientali, la respirazione è il fondamento di ogni “ascesa”. Il filosofo Julius Evola, conoscitore del mondo buddista tibetano, la chiama l’ascesa d’assalto: “Negli speciali riguardi delle ascese alpine (s’intende: là dove non si tratta di salti, di pareti da scalata – là dove l’ascensione, per quanto aspra, presenta sempre un certo andamento continuo), per tal via si può distunguere dal comune metodo, un metodo che potremmo chiamare d’assalto. Il potere che il fattore psichico morale può avere sul fisico è sufficientemente noto, perché qui vi si debba insistere: per via di disposizione interne, di esaltazione o di entusiasmo, corpi anche deboli o stremati in innumerevoli casi si sono dimostrati capaci di affrontare inaspettatamente e vittoriosamente le difficoltà e gli sforzi più incredibili […] Per tal via, bisogna riconoscere che oltre alla ‘forza vitale’ abitualmente in azione nelle membra e negli organi e legata a questi, ve ne è, per così dire, una riserva profonda e ben più vasta, la quale non si manifesta che eccezionalmente, essendovi costretta, e quasi sempre sotto l’azione di un fattore psichico o emotivo. Il tutto sta perciò nel trovare un ‘metodo’ per l’evocazione di questa sorgente sotterranea di energia”. Per Evola si tratta di esaurire sin da subito le energie normali, ed entrare nello stato di ritmo e di “instancabilità”, mantenendo il controllo sul passo e – soprattutto – sul respiro. Arrivati in cima, poi, ogni sforzo effettuato per raggiungere la vetta scompare, in pochi minuti. E di nuovo viene in aiuto Evola, per spiegare cosa succede in quell’attimo. E’ quello che il filosofo chiama “il momento della contemplazione”.

Tutto si lega alla tradizione della “sacralità della montagna” presente in tutte le culture antiche, sia occidentali sia orientali. La montagna è un simbolo naturale “direttamente offerto ai sensi”, scrive Evola, ma la sua spiritualità risponde soprattutto a un simbolismo dottrinale e tradizionale, basti pensare all’Olimpo ellenico, al tempio Walhalla di Ratisbona, al buddista “monte degli eroi”. “Meditazioni delle Vette” (Mediterranee, 2003) è una raccolta di scritti che il filosofo dedicò alla montagna. “Non le cime, non le difficoltà, non il record mi interessano, ma quello che succede all’uomo quando si avvicina alla montagna. Questo libro ci dà la risposta”, aveva detto uno dei più grandi alpinisti italiani, Reinhold Messner, leggendo gli scritti di Evola. E non è un caso se Messner è uno di quegli alpinisti che mai si sono fermati alla pura vicenda atletica dello scalare le montagne. Ricorda infine Evola: “A proposito del decadere dell’alpinismo in sport, ci sembra interessante rilevare che a fondatore dell’alpinismo in Italia – quasi più di mezzo secolo fa – non stette uno sportman, ma un uomo di alta mente e di nobile cuore: Quintino Sella, il quale volle che a simbolo del nuovo impulso stesse la parola latinissima: Excelsior, ‘Più in alto!’. In questa idea, le grandi ascensioni dovevano essere esse stesse un simbolo e quasi un rito: simbolo e rito di un’ascensione interna, di un impulso alla liberazione e alla vita ‘in un più spirabil aere’”.

 

lundi, 01 avril 2013

Rocca Sella

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mercredi, 30 janvier 2013

Trace Sud Ouest. Réseau MAS.

Trace Sud Ouest. Réseau MAS.

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vendredi, 13 mai 2011

Giovani d'Europa in Marcia !

 

 

mardi, 28 septembre 2010

Elbrouz

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Elbrouz

L’Alborz mythique et le monde iranien



La montagne représente pour toutes les civilisations l’effort de la terre entravée dans l’atteinte du ciel pur et vertigineusement illimité. Inutile donc d’expliquer dans quelle mesure ce poing de la terre, menaçant le ciel inatteignable, est doté d’un symbolisme puissant auprès des hommes. L’attrait qu’elle possède ne se limite pas à représenter les tentatives de l’Homme pour s’élever au-delà de sa condition et découvrir la Vérité au travers de l’atteinte du ciel, une vérité que sa faiblesse originelle empêche de connaître, ou au moins de reconnaître quand il la perçoit. La montagne est tout autant gardienne hautaine des hommes, séjour des dieux et des héros des mythes, lieux de Révélation des grandes religions, du zoroastrisme à l’islam, du judaïsme au bouddhisme. Elle est donc un lieu particulier de l’imaginaire des hommes, toit du monde d’où les dieux observaient souverainement la vie de leurs sujets. Cette quasi-sainteté de la montagne explique peut-être également qu’elle ait ses irréductibles, attirés par ce lieu défendu, où seuls les initiés sont admis. La montagne est donc finalement un élément incontournable de la conscience universelle des hommes. Outre sa dimension philosophique et ontologique, elle est avant tout une partie du paysage matériel de la vie terrestre, important pour tous, en particulier pour les peuples qui vivent sous son ombre.

Les Iraniens ont établi tout au long de leur histoire une relation profonde, durable et inévitable avec la montagne. De la Perse antique à l’Iran actuel, ils ont toujours vécu dans un environnement montagneux. Aujourd’hui encore, tous les persanophones, qu’ils soient Iraniens, Tadjiks, Afghans ou Ossètes, vivent à proximité des hauts plateaux du monde. Des contreforts du Pamir au plateau anatolien en passant par les innombrables chaînes demontagnes de l’Iran, ainsi que les hautes vallées de l’Hindu Kush et du Caucase, c’est toute l’histoire et l’imaginaire des peuples iraniens qui a été façonnée par la montagne. Ainsi, les références à cet élément, à une montagne mère de toutes les autres, sont très anciennes dans la mythologie persane. On les trouve déjà dans les Yashts, les chants religieux de l’Avesta, le Livre des mazdéens. Et parmi toutes les montagnes, c’est de l’Alborz dont on parle.

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Sâm retrouve Zâl dans le nid de Simorgh, Attribué à Sâdeghi, Shâhnâmeh du roi Shâh Esmâïl II, 1567, Musée Réza Abbâssi
Livre de Negârgari

Aujourd’hui, le nom "Alborz" désigne la chaîne de montagnes qui traverse tout le nord de l’Iran, dont le plus haut sommet, le Damâvand, surplombe le smog perpétuel de la capitale iranienne. Mais avant cela, et pour toujours, dans le panthéon légendaire iranien, l’Alborz est la montagne mythologique par excellence, semblable à l’Olympe grec dans son inaccessibilité.

En effet, les livres saints mazdéens de l’Alborz la présentent non pas comme le prototype des autres montagnes, mais comme la montagne idéale dans le sens platonicien, une montagne-souche, génitrice de toutes les autres. Unemontagne aux dimensions irréelles, irréalistes, ne pouvant exister que dans l’Univers des prototypes. Elle est le séjour des Dieux et lieu de passage des âmes mortes. Elle est un lieu où n’existe ni froid, ni chaleur, ni brouillard.

C’est d’abord dans des textes spécifiquement préislamiques qu’apparaît l’Alborz qui, en tant que montagne sacrée, première et primitive, possède le même caractère de prototype que le premier fleuve ou le premier homme, dans la sphère idéale et vierge de toute impureté démoniaque des premiers millénaires de la création de lumière d’Ahura Mazda. Selon Les récits de Dârâb Hormozdyâr, ouvrage de théologie mazdéenne, l’Alborz est ainsi faite :"Ourmozd [Ahura Mazda] créa le monde tel une sphère et ainsi fut fait depuis le plus haut des cieux jusqu’à la planète Terre. Et la montagne Alborz fut créée au milieu du monde. De manière à ce que son sommet dépasse le plus haut des cieux et que sa base fut plus basse que la surface de la terre. Et Ahriman fut attaché sous sa base." [1] Ailleurs, dans ce livre, il est précisé que l’Alborz est le pilier du ciel, et que le soleil, la lune et les étoiles tournent autour d’elle. [2] Les indications données par cet ouvrage sont complétées par celles des livres saints mazdéens plus récents tels que le Bondaheshn, le Vendidâd ou le Dênkard, transcrits entre les VIIIe et XIe siècles pour échapper à la destruction. Cependant, l’Avesta, le plus important des livres saints du zoroastrisme, demeure la source d’information la plus fiable concernant les origines mythologiques de cette montagne. Dans cet ouvrage, rédigé entre le IIe millénaire et le Ve siècle av. J.-C., l’Alborz est désigné sous le terme avestique de "Hara" ou "Haraïti", qui deviendra plus tard le "Harborz" de la langue pahlavi. Les références à l’Alborz de l’Avestasont en particulier rassemblées dans la partie des Yashts ou Yeshts, chants honorant les izâds, c’est-à-dire les "anges créateurs" du mazdéisme. La plupart de ces chants comportent une allusion à la grande montagne mythologique, l’Alborz, et permettent de compléter la description avestique de ce mont. Ainsi, dans le Rashnu Yasht, chant 23, l’Alborz est ainsi décrite : "Parce que tu veilles, ô juste Rashnu, sur la Hara Berezaiti [Alborz] d’une étendue immense, brillante, où il n’y a ni nuit ni ténèbres ; ni vent froid ni chaleur ardente ; ni maladie qui cause de nombreuses morts ni impureté causée par les Dévas. Il n’est point de brouillards qui s’élèvent sur la Hara Berezaiti. Nous invoquons et bénissons Rashnu (…)." [3] Description complétée par le chant 25 : "Parce que tu veilles, ô juste Rashnu, sur le somment de la Haraiti sur lequel s’avancent les étoiles, la lune et le soleil. Nous invoquons et bénissons Rashnu (…)". [4]

Ailleurs dans l’Avesta, l’Alborz est également le lieu d’où le soleil se lève et où il se couche. Ainsi, on peut lire dans le Mehr Yasht (Yasht de Mithra), chant 13 : "Par cet hommage apporté ici-bas, que je m’élève au lieu des hommages de là-haut. Comme le soleil s’avance et s’élève à travers le Hara Berezaiti, qu’ainsi, par mon offrande d’ici-bas, je m’élève à celles de là-haut, ô très saint !? travers le désir (contraire) d’Anro-Mainyus [Ahriman], l’esprit méchant. Par son éclat, (…)". [5] L’izâd Mehr ou Mithra, souvent confondu avec le Soleil auquel il est associé, vit au même endroit que le Soleil, c’est-à-dire dans la montagne Alborz. De là peut-être l’association de ces deux éléments. " Nous honorons Mithra... Le premier Yazata [izâd] céleste qui s’avance au-dessus du Hara, marchant devant le soleil immortel, aux coursiers rapides ; qui, le premier paré de l’éclat de l’or, atteint les sommets brillants d’où il embrasse, favorisant les êtres, tout le sol aryaque". [6]

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Simorgh emporte Zâl vers son nid, miniature du XVIIe siècle, Wellcome Library, Londres.

Cet izâd de la justice et du respect des traités, vit donc dans la montagne Alborz, dans un palais divin, décrit dans le Yasht de Mehr, chants 49 à 51 : "49.Nous honorons Mithra...

50. Pour qui Ahura-Mazda, le créateur, a construit une demeure immense, brillante, au sommet du Hara Berezaiti, là où il n’y a ni jour ni nuit, ni vent glacé ni chaleur ardente, ni maladie, cause de morts nombreuses, ni souillure produite par les Dévas ; sur le sommet du Haraiti, il ne s’élève point de brouillard.

51. Les Amesha-اpentas l’ont faite, cette demeure, en union avec le soleil, en esprit de bienveillance, par disposition de dévouement (pour Mithra) qui, du haut du Haraiti, s’étend sur le monde corporel tout entier". [7]

Lieu de vie d’un izâd, l’Alborz ne peut qu’être une montagne idéale et irréelle, n’ayant qu’une fonction religieuse, soulignée par les descriptions données par ces chants avestiques. Place divine, cette montagne est un lieu où règne éternellement la lumière créée par Ahura Mazda lors des premiers mille ans de la création originelle, durant lesquels nulle impureté de div ne l’a corrompue. De plus, l’izâd Mehr est un ange-divin chargé de veiller sur le respect des engagements et des traités et de ce fait, sa mission va jusqu’à la surveillance du respect du traité existant entre le Bien et le Mal, Ahura Mazda et Ahriman.

C’est pourquoi il doit dominer toute la création et tous les êtres. L’Alborz, en tant que son observatoire, est donc l’unique lieu qui surplombe toute la création, en particulier la terre aryenne.

Ces caractéristiques de la montagne Alborz, mythologique, séjour des Dieux, lieu où le soleil commence et finit, entité plus vaste que la terre et les cieux et place éternellement lumineuse et pure, sont complétées par les rajouts des corpus mazdéens postérieurs. Ainsi, le Bondaheshn ouBondahesh, qui signifie littéralement "Création primaire" décrit plus en détail la formation de l’Alborz. On y lit, au chapitre 12 : "La naissance desmontagnes dura dix-huit ans, mais Alborz atteignit la perfection en huit cents ans. En deux cents ans, elle atteignit l’orbite des étoiles, en deux cents ans, elle atteignit l’orbite de la Lune, en deux cents ans, elle atteignit l ’orbite du Soleil, et en deux cents autres ans elle atteignit la roue de la lumière infinie (Anirân) et les deux mille deux cents quarante quatre autres montagnes de la terre sont nées d’elle". [8]

L’importance religieuse de l’Alborz est en particulier soulignée par sa fonction de pilier du pont de Tchinoud, détaillée dans les Gathas, la partie la plus ancienne de l’Avesta. Le pont Tchinoud, qui correspond au pont Sirat de la tradition musulmane, joue un rôle capital dans le mazdéisme, puisqu’il est le passage obligé des âmes mortes, dans leur voyage vers le paradis. Pourdâvoud, iranologue et correcteur de l’Avesta précise dans sa préface des Yashts : "Le Dênkard, œuvre majeure du mazdéisme pahlavi explique, dans son dix-neuvième chapitre (…), la fonction de ce pont :"Le pont de Tchinoud s’étend depuis la montagne Daïtik [9]. en Iranvij jusqu’à l’Alborz. Sous le pont, et en son milieu, se trouve la porte de l’Enfer. Tchinoud est un passage que tous, pieux et pécheurs, doivent traverser. Pour les pieux, ce pont s’élargit autant que la longueur de neuf javelots, chacun long comme trois flèches, mais pour les pécheurs, il devient plus mince que le fil du rasoir." [10]

Le pont de Tchinoud est également décrit dans le chapitre 21 d’un autre recueil mazdéen, le Dâdestân Daïtig, qui explique : "Le pont Tchinoud s’étend de l’Alborz jusqu’à la montagne Daïtik, par des chemins qui y mènent, certains larges, d’autres étroits. Les grandes routes sont larges, de la taille de vingt sept flèches mais les petites routes sont étroites comme le fil du rasoir. Quand un croyant atteint ce pont, il est dirigé vers la route large et quand il y pose le pied, ce pont s’élargit de la taille de neuf javelots, chacun des javelots de la taille de trois flèches, et quand le pécheur atteint le passage, il devient étroit comme le fil du rasoir. Le croyant traverse ainsi le pont et atteint le paradis, et le malfaiteur tombe et rejoint l’enfer". [11]

L’Alborz n’est donc pas une montagne réelle. C’est un mont sacré, une montagne imaginale n’existant que dans le monde des idées platoniciennes. Mais l’Alborz également est la montagne génératrice de toutes les autres. Selon le Bondaheshn, le nombre des monts dérivés de l’Alborz s’élèvent à 2244 chaînes et plateaux montagneux, tous indépendants de l’Alborz.

Deux des monts générés par l’Alborz sont plus importants que les autres, et possèdent en soi une fonction religieuse. Le premier est le Taerd, devenu en pahlavi le "Tëdrk" ou "Tirak", qui signifie aujourd’hui "sommet". La première référence au Taerd est citée dans le Bondaheshn pahlavi qui précise que "les étoiles, le soleil et la lune tournent autour du "sommet" du Harborz". [12] Le second mont sacré de l’Alborz est le Hokar, que l’on voit dans l’Avesta sous forme de "Hukairya". Selon Pourdâvoud, ce mot signifie "celui qui a une bonne action" [13]. C’est du haut de ce mont que le fleuve sacré, qui est aussi le fleuve prototype des autres, le fleuve Ardviçûra Anâhid, coule d’une hauteur équivalente à celle de mille hommes debouts, pour finalement rejoindre la mer mythologique et sainte de Farâkhkart. Hommage est rendu à ce fleuve dans l’Avesta dans les chants 1 et 3 du Yasht d’Aban : "1. Ahura-Mazda dit à Zarathustra-le-saint : Honore pour moi, saint Zarathustra, Ardviçûra Anâhitâ au large cours, qui guérit (les maux) et chasse les Dévas, soumise à la loi d’Ahura, digne de sacrifice pour le monde corporel, digne d’honneur pour le monde corporel, (eau) pure qui développe l’activité, (eau) pure qui fait prospérer les troupeaux, pure qui fait prospérer les êtres terrestres ; pure qui fait prospérer les possessions terrestres ; pure qui fait prospérer les contrées ;

3. Eau immense, qui se fait entendre au loin, qui est telle par sa grandeur que toutes les eaux qui coulent sur la terre ; eau qui coule avec force du sommet du Hukairya vers la mer Vourukasha [Farâkhkart]". [14]

Le chant 97 du même Yasht honore également ce mont : "Je veux honorer le pic Hukairya, digne de tout honneur, fait d’or, du haut duquel Ardviçûra Anâhitâ coule pour moi (en un flot) élevé, de la grandeur de mille dos d’hommes. Elle brille d’un éclat aussi (grand) que celui de toutes les eaux qui coulent sur cette terre, elle roule ses flots avec grande force. Par son éclat, (…)". [15]

De ces chants avestiques, l’on peut conclure que ces deux montagnes possèdent en propre une signification religieuse importante.

Ces mêmes descriptions sont données concernant le rôle et la fonctionnalité des montagnes dans les autres ouvrages mazdéens, qu’ils soient antérieurs à la naissance de J.-C. ou qu’ils aient été rédigés après l’invasion islamique au VIIIe siècle. Ainsi, l’Alborz religieuse mazdéenne demeure consignée dans ces livres purement théologiques et religieux, sans que sa représentation ne se fige pour autant. En effet, au-delà de la sacralité de cette montagne que l’on découvre au travers des écrits avestiques et mazdéens, c’est le grand recueil de la mythologie persane, le Shâhnâmeh(Livre des Rois), qui contient les plus nombreuses allusions à cette montagne et qui a réussi à la doter d’un symbolisme sacré très puissant, qui a été exploité durant des siècles par les divers courants mystiques musulmans.

Pourtant, le Shâhnâmeh, qui est une compilation très travaillée des divers mythes préislamiques, n’a pas détruit la dimension ésotérique de cettemontagne mazdéenne. En réalité, cette montagne, tout en préservant sa sacralité, est devenue "mythologique" en s’intégrant dans les récits du Livre des Rois. On peut d’ailleurs dans une certaine mesure prétendre que les transformations des fonctions de l’Alborz dans cet ouvrage sont le miroir des transformations d’une société perse sassanide et mazdéenne en train de devenir une société persane musulmane, désireuse de conserver malgré les changements son histoire et ses mythes.

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Montagnes de Karakoram, Passu, Pakistan.
Traveljournals

L’Alborz est cité 28 fois sous son nom entier et douze fois sous la forme de la "montagne de Borz" dans le Shâhnâmeh. Parfois même, ces mots sont utilisés en tant qu’adjectifs, ce qui n’est pas nouveau. On voit également dans des textes antérieurs le mot "borz" utilisé en tant qu’adjectif qualificatif de grandeur. Ceci dit, l’Alborz du Shâhnâmeh n’est guère mieux situé que l’Alborz mazdéen et baigne dans le même flou temporel et spatial qui singularise tous les lieux mythologiques. Ainsi, en tentant de restituer dans le monde réel l’Alborz du Livre des Rois, le professeur Karimân, reconstituant son positionnement selon les indications de cet ouvrage, a découvert que ces indications ne sont pas semblables et qu’elles déplaçaient à chaque fois cette montagne dans une région mythologique différente. Avec les recoupements et l’orientation géographique basée sur le Livre des Rois, nous avons une Alborz en Inde, une en Transoxiane, une en Afghanistan, et la plus importante dans le Caucase.

L’Alborz de l’Inde

C’est en particulier dans le chapitre concernant la naissance du père de Rostam, Dastân ou Zâl que l’Alborz paraît correspondre aux montagnes du nord de l’Inde. A sa naissance, Dastân, père de Rostam et fils de Sâm, grand héros iranien, est blanc de cheveux et son corps cramoisi est couvert d’un duvet également blanc. Son père, persuadé qu’il est démoniaque et mauvais, demande à ses gardes de l’emmener dans un lieu écarté pour que les animaux sauvages le dévorent. Les gardes déposent donc l’enfant au pied d’une très haute montagne. C’est là que le retrouvera le Simorgh, l’oiseau fabuleux, qui l’emportera avec lui dans son nid, situé au sommet de cette montagne qui est l’Alborz, et se prenant d’affection pour lui, lui enseignera la sagesse. Simorgh vit dans l’Alborz mais un Alborz subliminal, que ses caractéristiques séparent totalement du monde matériel et de la société humaine. Quelques années plus tard, Sâm fait un rêve qui lui signifie d’aller retrouver son fils abandonné. Dans ce rêve, il avait vu venir à lui, du haut de "La montagne de l’Inde", une grande armée dirigée par un héros puissant portant l’étendard de la royauté iranienne. Il rejoint donc lamontagne Alborz, et retrouve son fils élevé par l’oiseau mythique. Dans les vers qui narrent ce récit, on voit que l’Alborz est situé en Inde, puisqu’il est également indifféremment désigné sous le nom de "la Montagne de l’Inde" [16]. Quelques années plus tard, quand Sâm s’oppose au mariage de son fils avec l’héritière de Zahhâk, ce dernier lui rappelle avec quelle cruauté il avait été abandonné dans ce qu’il appelle Alborz ou "La montagne des Hindous". [17]

Auparavant, un passage significatif du Livre des Rois avait situé l’Alborz, montagne-refuge du roi-saint Fereydoun, alors enfant, lors de la prise de pouvoir par le roi sémite et mauvais Zahhâk, en Inde. En effet, lorsque le père de Fereydoun, Abtine, est assassiné par Zahhâk, sa mère décide de se diriger vers l’Hindoustân, où, en arrivant, elle confie son enfant à un homme sage qui vit dans l’Alborz. [18]

Un autre chapitre du Livre des Rois permet également de situer l’Alborz en Inde, même si ce passage, contrairement aux récits cités, ne précise pas expressément la situation géographique de la montagne. Il s’agit du récit qui précède le couronnement du roi Keyghobâd. Ce dernier, ermite, vit dans l’Alborz et quand vient son tour de monter sur le trône, Zâl envoie Rostam auprès de lui, pour qu’il le persuade d’accepter la couronne car le pays est en danger. Rostam obéit, mais doit se battre en chemin contre des Touraniens qui lui tendent une embuscade. Il les vainc et ces derniers vont rapporter leur défaite à leur roi, le puissant touranien Afrâssiâb. Ce dernier envoie son héros Gholoun pour freiner l’avance des Iraniens. Rostam a alors rejoint Keyghobâd et lui a exposé la situation, et l’héritier a décidé de l’accompagner et de rentrer en Iran. Mais Gholoun les arrête sur le chemin du retour, une bataille a lieu, terminée par la victoire des Iraniens. [19] Cette escarmouche entre les deux armées iranienne et touranienne prouve bien que la montagne Alborz est dans ce chapitre situé à l’est de l’Iran, étant donné que le territoire des Touraniens, peuple iranien nomade, plus tard assimilé aux peuplades turcophones, vivait à l’est du territoire proprement iranien, dans les steppes et les montagnes de l’actuelle Asie centrale. Et à l’est de l’Iran se trouvait l’Inde. Par ailleurs, il s’agit précisément du nord de l’Inde, territoire des hauts plateaux du Pamir et du Karakoram. Ainsi, l’Alborz, dans cette théorie, correspondrait aux montagnes du Pamir.

L’Alborz de Balkh (Bactres)

La localisation des lieux mythologiques demeurant bien évidemment imprécise, il existe également des passages du Shâhnâmeh où la montagne de Balkh correspond à l’Alborz mythologique. C’est en particulier dans le livre consacré au règne de Gashtâsb, et le chapitre "L’arrivée d’Esfandiâr dans la montagne auprès de Gashtâsb" dans lequel ce dernier apprend la mort de Lohrâsb et décide de lancer la guerre contre Arjâsb, que la théorie d’un Alborz de la Bactriane trouve son appui. La montagne réelle à laquelle pourrait correspondre l’Alborz mythique est la célèbre Borz Kouh, qui est le diminutif d’ "Alborz Kouh" c’est-à-dire la "montagne Alborz", et qui est située près de la ville de Balkh. Dans le récit, cette montagne est située à "deux jours de voyage en caravane" de distance de la ville de Balkh. Gashtâsb, après avoir payé la solde de l’armée décide de rejoindre Balkh mais il est vaincu par Arjâsb, chef de l’armée touranienne et doit se réfugier dans cette montagne, où le rejoint peu de temps après son fils Esfandiâr. Et c’est également dans cet endroit que ce dernier, héros sacré et invincible, promet à son père le roi de le venger, promesse à laquelle se joignent également ses compagnons. [20] Cette montagne correspondrait à celles de l’Hindu Kush qui traverse l’Afghanistan.

L’Alborz dans le Fârs

Il existe également des chapitres où la montagne Alborz correspondrait à une montagne située dans la région de Fârs. C’est dans l’une des parties relatant l’histoire des plus anciennes dynasties, c’est-à-dire les Pishdâdi, dynastie perse mythologique, que l’on voit cette référence étrange. En effet, c’est à la suite de la défaite de l’un des premiers rois de la mythologie iranienne face aux Touraniens, Nowzar le Pishdâdi, que ce dernier demanda à ses plus proches compagnons, tous saints de la Résurrection mazdéenne, d’aller dans le Fârs et de se réfugier dans une crevasse ou une grotte de la montagne Alborz. [21]

L’Alborz caucasien (L’Elbrouz russe)

Il existe également une théorie selon laquelle les montagnes du Caucase seraient celles correspondant le plus avec les montagnes mythiques de l’Alborz.

Lors du règne de Zahhâk, Fereydoun, l’héritier sacré, est élevé dans les montagnes d’Alborz auprès d’un homme sage et pieux. Plus tard, quand l’injustice et la cruauté du roi Zahhâk atteignit son apogée, il descendit du haut de la montagne et prépara son armée pour le défaire. Dans cette armée, il y avait également ses deux frères, qui tentèrent de le tuer en faisant rouler des rochers sur lui, lors d’une halte dans l’Alborz, mais une prémonition divine fit comprendre à Fereydoun le danger et il réussit à arrêter la course des rochers. Il est précisé dans le passage que la célèbre rivière Arvand, nom donné par les Iraniens au fleuve Tigre, prend naissance dans ces montagnes. On peut donc conclure qu’il s’agit des montagnes du nord-ouest de l’Iran de cette époque, ce qui correspond actuellement au plateau anatolien et aussi aux montagnes du Caucase.

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Houme sort Afrâssiâb de sa grotte, artiste inconnu, Shâhnâmeh de Ferdowsi, 1424, Musée Réza Abbâssi
Livre de Negârgari

Un autre récit qui fait de l’Alborz l’Elbrouz du Caucase est à lire dans la partie finale des chapitres duShâhnâmeh consacrés à l’ère héroïque. Ces chapitres narrent la mort de l’ennemi irréductible des Iraniens, le grand touranien Afrâssiâb, tué par un saint homme, Houme, un descendant du roi Fereydoun. L’histoire se passe sous le règne de Keykhosrow, nouvellement couronné. Afrâssiâb, sentant l’affrontement avec ce dernier devenir inévitable, s’enfuit et erre de longues années avant de se réfugier dans une grotte près de Barda’, nommée "Grotte d’Afrâssiâb". Houme, ermite vivant dans lamontagne pour prier Ahura Mazda, entend un jour ses gémissements et plaintes, le découvre, l’attache et d’autres péripéties s’ensuivent qui se terminent par la mort du roi touranien. [22] Il est précisé dans ce récit que la grotte d’Afrâssiâb est située près d’une montagne nommée Alborz, où les ermites viennent pour prier Ahura Mazda dans la paix et la solitude. Et la ville de Barda’, près de laquelle sont situées cette montagne et cette grotte, est située dans le Caucase.

Cette théorie, qui fait de l’Alborz une montagne caucasienne, est appuyée par le récit du Livre des Merveilles, selon lequel "La grotte d’Afrâssiâb" est située dans les monts de l’Alborz : "Kang-e Afrâssiâb (Grotte d’Afrâssiâb) est un immense palais situé au sommet de l’Alborz. Il a été construit par Afrâssiâb, le roi des Turcs. Il avoisine d’une part l’eau et d’autre pat la montagne, et a huit farsang [23] de haut. Il y mit un trône d’or et l’aigle atteint difficilement la hauteur de ce palais…". [24]

L’Avesta, source principale du Shâhnâmeh et des légendes préislamiques, rapporte également dans les Yashts, chants seize à dix-huit, l’existence d’un mage saint, Houme, qui vécut dans l’Alborz et qu’il y offrit une offrande à Darvâsb, ange protecteur des troupeaux, pour que cet ange lui procure la victoire dans son combat contre Afrâssiâb : "16. Nous honorons Druâçpa...

17. ہ qui Haoma qui développe et guérit, Haoma brillant et royal, aux yeux couleur d’or, sacrifia sur le sommet le plus élevé, sur le Haraiti, (par une immolation de) cent chevaux, mille bœufs, dix mille bêtes de petit bétail.

18. Il lui demanda cette faveur : Donne-moi, ô bonne et vivifiante Druâçpa, de lier le destructeur touranien, Franraçyâna ; que je l’emmène chargé de fers et que je le conduise lié, prisonnier, à Kava Huçrava ; que Huçrava le tue au-delà de la mer Caeçaçta, profonde, étendue, (…)". [25]

Le même Yasht narre également l’offrande du roi Keykhosrow (Huçrava) qui souhaitait également se voir accorder la victoire contre Afrâssiâb (Franraçyâna) : "20. Nous honorons Druâçpa...

21 .ہ qui le valeureux Huçrava, qui unit en (un) royaume les contrées aryennes, offrit au-delà de la mer Caeçaçta, aux eaux profondes et larges, un sacrifice de cent chevaux, de mille bœufs, de dix mille bêtes de petit bétail et avec des Zaothras, (disant) :

22. Donne-moi cette faveur, ô bonne Druâçpa, que je tue le meurtrier touranien, Franraçyâna ; derrière la profonde et vaste mer Caeçaçta (…)". [26]

Parmi ces montagnes véritables que nous avons citées, aucune ne peut réellement être l’Alborz avestique, dont les caractéristiques soulignent sa dimension religieuse et divine. Cependant, les recherches menées jusqu’à aujourd’hui, en particulier les travaux du professeur Karimân, tendent à confirmer la théorie d’une Alborz primitive caucasienne, correspondant à l’Elbrouz actuelle, située sur le territoire russe, qui est le plus haut mont d’Europe. Cette hypothèse est d’autant plus acceptable qu’elle est appuyée par les traités de géographie islamique des siècles passés. On peut citer l’exemple du Nezhat-ol-Gholoub, important ouvrage de géographie, qui situe l’Alborz dans le Caucase : "L’Alborz est une montagne immense, bordée par la ville de Darband. [27] Elle s’étire depuis le Turkestan jusqu’au Hedjaz sur plus de mille farsang. Elle est clôturée à l’ouest par lesmontagnes géorgiennes de Lezgi. Sa partie qui s’étire jusqu’à Shamshat [Samosata] et Malatya est nommée Kalika, et Lokam quand elle rejoint Antioche (…). En Syrie, elle devient les montagnes du Liban, et dans le Hedjaz, est nommée montagnes d’Ar. Son autre face, appuyée auxmontagnes du Jebâl et de l’Azerbaïdjan est nommée Ghafgh [Caucase] ; au centre de l’Iran et dans le Guilân, devient la montagne Torghol ; et quand elle rejoint Ghoumess [Dâmghân] et le Mâzandarân, est nommée Mâzz ; et dans les pays du Khorâssân, est nommée Sounj". [28]

Cette description est également donnée dans d’autres traités de géographie des premiers siècles de l’hégire.

Mais il existe également d’autres ouvrages importants qui soulignent cette théorie. On peut citer le Sharaf-Nâmeh de Nezâmi. Cet ouvrage poétique raconte la légende d’Alexandre le Macédonien. On y lit qu’Alexandre décida de conquérir le monde entier comme condition préalable à son retour. Le chemin qu’il avait choisi pour arriver jusqu’à l’Alborz traversait le Caucase du nord au sud. Dans ce même texte, on lit que l’armée d’Alexandre, dans sa traversée de l’Alborz, passa par la région de Shervân, qui comprenait une grande partie du sud et du centre du Caucase actuel. [29]

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Les monts Elbruz, République du Daghestan, Russie.
Puserve

Dans L’histoire du Daghestân ou Gulistân-i Iram, l’écrivain caucasien Abbâssgholi Bakikhanov précise : "L’expression Ghâfghâs [Caucase] provient du nom de la tribu des Ghâss et du nom de la montagne "Ghâf" [Qâf] cité dans le Coran. C’est un lieu de merveilles, que l’on cite dans les livres de légendes, comme le lieu de repos des diables et des fées…. (…) Il y a près de Darband deux hauts massifs, qui sont le grand Qâf et le petit Qâf, que les Arabes, en raison des grandes victoires qu’ils ont eues dans ces montagnes, ont nommé les "Montagnes de la victoire". [30]

Quelle qu’ait été le véritable Alborz, l’importance de cette montagne auprès des peuples iraniens fut telle, qu’elle fut confondue avec beaucoup d’autres monts et les voyageurs perses, découvrant les hauteurs des contrées qu’ils visitaient, étaient parfois persuadés d’avoir retrouvé la mythique Alborz. Il existe des dizaines de récits de voyages ou de romans d’aventures situant l’Alborz dans les régions les plus inattendues. En témoignel’Ajâyeb-nâmeh, qui fait correspondre la mythique montagne Zeïtoune du Sri Lanka, dotée d’une importante signification religieuse, avec l’Alborz : "La montagne Zeïtoune, également nommée "Montagne de Serendib", sur laquelle est imprimée la trace du pied de notre père Adam, est bordée par l’Alborz". [31]

Quoiqu’il en soit, peu d’écrivains et de voyageurs passionnés cherchent désormais à retrouver le secret des hauteurs éternelles. La montagneconserve aujourd’hui beaucoup de son mystère et l’Alborz n’échappe pas à cette règle. Pourtant, il demeure toujours pour les Iraniens le symbole d’une identité commune, d’autant plus importante qu’elle subit des mutations profondes. Les géologues prévoient dans les ères à venir l’augmentation de la hauteur des montagnes d’Iran, du fait de la pression mutuelle des plaques africaines et asiatiques. Ainsi, l’Alborz ne fera que se perdre encore davantage dans les nuages, retrouvant peut-être ainsi sa sacralité.

Bibliographie

KARIMAN Hossein, Pajouheshi dar Shâhnâmeh, Editions Sâzmân-e Asnâd-e Melli, 1996, p.102.

BAHAR, Mehrdâd, Pajouheshi dar asâtir-e Irân, Editions Touss, 1983.

MESHKAT, Mohammad-Javâd, Joghrafiaye Târikhi-e Irân-e bâstân, Editions Donyâ-ye Ketâb, 1992.

Avestale livre sacré des anciens Perses, version électronique, présentation et annotation de Guy Rachet, Edition Sand.

Les récits de Dârâb Hormozd Yâr, Bombay, 1919.

HAMEDANI Mohammad ibn Mahmoud, Ajâyeb-nâmeh (Livre des Merveilles), éditions Nashr-e Markaz, 1996.

POURDAVOUD, Ebrâhim, Les Yashts, Bombay, 1922.

HAMDOLLAH MOSTOWFI, Nezhat-ol-Gholoub, corrigée par Mohammad Dabir Siâghi, Editions Hadith, 2004.

Bakikhanov, Abbasgulu, Golestân-i Iram (The Blooming Flower Garden), manuscrit de l’Université de Téhéran.

Ferdowsi, Shâhnâmeh, édition de Moscou.

Notes

[1] Les récits de Dârâb Hormozd Yâr, Tome 2, Bombay, 1919, p. 64.

[2] Ibid., p.56.

[3Avesta, le livre sacré des anciens Perses, version électronique, présentation et annotation de Guy Rachet, édition Sand, p.255.

[4] Ibid., p.255.

[5] Ibid., p.224.

[6] Ibid., p.224.

[7] Ibid., p.230.

[8] POURDAVOUD, Ebrâhim, Les Yashts, Bombay, 1922, p. 131.

[9] Selon Ebrâhim Pourdâvoud, la Daïtik correspond au fleuve Oxus et signifie "Fleuve juste et égal". Ainsi, la montagne Daïtik signifierait la montagne qui bénéficie de la justice divine. Il s’agit également d’une montagne mythologique, située au cœur de l’Iranvij, le pays originel des Aryens et en conséquent, au centre de l’Univers

[10] POURDAVOUD, Ebrâhim, Les Gathas, deuxième correction, p.55.

[11] Ibid., p.55.

[12] POURDAVOUD, Ebrâhim, Op.cit., p.330.

[13] Ibid., p.577.

[14Avesta, le livre sacré des anciens Perses, op.cit., p.188.

[15] Ibid., p.188.

[16Shâhnâmeh, édition de Moscou, pp.139-143.

[17] Ibid., Chapitre "Lettre de Zâl à Sâm", pp. 177-179.

[18] Ibid., Chapitre "La naissance de Fereydoun", p.58.

[19] Ibid., Chapitre "Récit du voyage de Rostam auprès de Keyghobâd", pp.56-61.

[20] Ibid., Chapitre " L’arrivée d’Esfandiâr dans la montagne auprès de Gashtâsb", pp. 143-157.

[21] Ibid., Chapitre "Deuxième bataille d’Afrâssiâb avec Nowzar", p.20.

[22] Ibid., Chapitre "Afrâssiâb tombant aux mains de Houme, de la race de Fereydoun", pp.365-367.

[23] Unité de mesure équivalente à 1320 mètres.

[24] Mohammad ibn Mahmoud Hamedâni, Ajâyeb-nâmeh (Livre des Merveilles), version sur microfilm, traduit par l’auteur, p. 112.

[25Avesta, le livre sacré des anciens Perses, op.cit., p.219.

[26] Ibid., p.220.

[27] Darband ou Darbent : ville caucasienne, actuellement capitale de la République du Dagestan, en Russie, fondée par le roi sassanide Anouchirvân au VIe siècle. L’étymologie de son nom, Darband ("porte fermée") ou "Porte des Portes" est tirée de la légende qui voulait que nul ne pouvait pénétrer dans le territoire iranien si les portes de cette ville étaient fermées. Elle fut également nommée "Irân Dej" (Forteresse de l’Iran).

[28Nezhat-ol-Gholoub, Troisième article, traduit par l’auteur, p.191.

[29] Nezâmi, Sharaf-Nâmeh, pp.310-315.

[30] Bakikhanov, Abbasgulu, Golestân-i Iram (The Blooming Flower Garden), manuscrit de l’Université de Téhéran, pp.12-14.

[31] HAMEDANI Mohammad ibn Mahmoud, op.cit., p.81.

 

http://www.teheran.ir/spip.php?article793

samedi, 21 août 2010

Pensare come una montagna

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Pensare come una montagna

di Luisa Bonesio

Fonte: Geofilosofia
 

1. Volti di montagna

“Pensare come una montagna”: una proposizione che fa sobbalzare ogni buon filosofo accademico o gridare allo scandalo di un palese antiumanesimo gli zelanti neoilluministi come Luc Ferry, eppure non estranea, nel suo spirito, al “sentire cosmico”, come l’anima “immota e chiara come la montagna prima del meriggio”, o la “saggezza selvatica” (1) dello Zarathustra nietzschiano. “Pensare come una montagna”, motto del fondatore dell’ecologia profonda Aldo Leopold, tuttavia è anche una proposizione che rischia di non venire intesa in tutte le sue possibilità nemmeno da chi fa della difesa dell’ambiente la sua bandiera, e nemmeno comprensibile nella retorica di molto alpinismo. Nondimeno, credo che si debba riflettere attentamente su questa espressione provocatoria, ben al di là dell’intenzionalità con cui fu pronunciata.

Nell’ampiamente nota storia della “invenzione” moderna dei paesaggi alpestri, che avviene sotto il segno congiunto dell’estetica e degli interessi naturalistici, si nota uno strabismo nel modo di considerare la montagna: all’interesse degli artisti, e poi dei touristi, fa da contraltare una sorta di cecità estetica dei locali. Famosi gli esempi dell’ascesa di Petrarca al Monte Ventoso, in cui gli abitanti del luogo tentano ripetutamente di dissuadere il poeta e suo fratello dall’impresa; e la testimonianza di Cézanne: “Il contadino che vuol vendere le sue cose al mercato non ha mai visto la montagna Sainte-Victoire [...]. Sa cosa viene seminato là o qui lungo la strada, come sarà il tempo l’indomani, se la montagna Sainte-Victoire porterà o no il suo cappello [...] ma che gli alberi sono verdi e che questo verde è un albero, che questa terra è rossa, e questo detrito rosso sono colline, credo veramente che la maggior parte non lo senta non sapendo nulla al di fuori della propria inconsapevole inclinazione verso ciò che è utile” (2). Il che è molto simile a quanto accadde ai primordi della scoperta alpinistica: furono uomini “venuti da fuori”, cittadini, stranieri a “conquistare” quelle vette alla cui ombra vivevano le guide locali. In questa iniziale divaricazione degli sguardi - quelli “disinteressati”, estetici e artistici, e poi del cliché turistico da un lato, e quelli “volti all’utile”, di quelli che il geografo Cosgrove (3) chiamerebbe gli “insiders”, si prefigura la vicenda successiva e il destino moderno delle montagne, e delle Alpi in particolare.

Per andare in montagna, per guardarla esteticamente e “con sentimento”, occorre poterla “vedere”, “metterla a fuoco”. Con Petrarca - per quanto da Rudatis la sua modesta ascesa sia potuta essere sminuita, da un punto di vista alpinistico, come “una turlupinatura” - s’intravede il modo moderno di guardare la natura, la curiosità di scoprire paesaggi mai visti prima, il desiderio di godere la bellezza multiforme degli spettacoli naturali ma anche delle proprie sensazioni al loro cospetto, indipendentemente dalla conoscenza scientifica che potrebbe spiegarli. La scoperta della montagna si inscrive in questa più ampia vicenda dell’affermazione moderna della soggettività, della valorizzazione estetica del sentimento, dell’emozione individuale. La natura da un lato è scrutata e violata con ogni mezzo dalla scienza, assoggettata alla calcolabilità in vista del suo sfruttamento; viene oggettivata, misurata, analizzata, tradotta in cifre ed equazioni, ridotta a pura materialità disanimata passibile di manipolazione; ma dall’altro, in assoluta complementarità, trova una valorizzazione nel sentimento privato dei singoli, che si dilettano delle sue scene, paurose o pittoresche, sublimi o idilliache, in cui proiettare le proprie sensazioni e i propri stati d’animo. Nella grande stagione iniziale dell’estetica settecentesca come nuova disciplina filosofica, sapere di ciò di cui non si può dare spiegazione concettuale, conoscenza di un piacere che rischia sempre di chiudersi nel solipsismo, nella contemplazione solitaria, al pari di tutti gli aspetti disumani e selvaggi della natura, non ancora addomesticati dalla civiltà, la montagna è la grande protagonista del moderno sentimento del paesaggio.

Prima che Paccard e Balmat aprissero la via alle spedizioni scientifiche di Horace Bénédict de Saussure, e poi alle innumerevoli ascensioni ed escursioni, è proprio l’estetica a “inventare” la via alla montagna, nella forma delle poetiche del sublime. La natura impervia, se non ostile e minacciosa, dei monti esercita una sua specifica fascinazione, analoga a quella dell’oceano in tempesta, di uno spettacolo di grandezza e di potenza che eccede i limiti umani. La smisuratezza della montagna intimorisce, ma al tempo stesso fa piacevolmente sperimentare all’uomo la propria capacità di tradurre in godimento estetico, grazie alla sensibilità e alla cultura, qualsiasi aspetto della natura, anche il più terribile e minaccioso, affermando così, in ultima istanza, ancora una volta la propria superiorità. Ed è anche, se non nelle intenzioni dei filosofi e degli artisti settecenteschi, certamente negli effetti storici, un modo per sottomettere ancora una volta la natura alla misura umana, nei suoi aspetti più soggettivistici e idiosincratici, riducendola a semplice correlato emotivo o a occasione per provare sempre nuove situazioni. E’ da notare come qui sia la radice prima, anche se ormai inconsapevole, della ricerca di quell’“estremo” che caratterizza così fortemente un approccio sempre più in voga alla montagna.

Quando la via alla montagna è così aperta, dalla letteratura e dalle arti, su di essa comincia a focalizzarsi l’attenzione e la curiosità di un pubblico che, mutando i tempi, da colto e poco numeroso, assume dimensioni sempre maggiori fino a diventare quello di massa dei giorni nostri. Parallelamente all’invenzione
(4) estetica della montagna, ne avviene un’altra, non meno rilevante, di ordine scientifico e naturalistico: mi limito a ricordare le menzionate spedizioni pionieristiche di Saussure sul Monte Bianco, e in seguito i vari viaggi di Alessandro Volta nelle Alpi svizzere. La cultura occidentale torna in tal modo a guardare le montagne, iscrivendole in un sistema di rappresentazioni che le correla alla soggettività, al sentire del singolo: così che, quando si daranno le condizioni sociali ed economiche, oltre che ideologiche, per un consumo “di massa” della natura come paesaggio e luogo di salubrità, il turismo non farà che usare, ridotte a slogan, le parole dell’estetica del pittoresco e del sublime, degradando a kitsch la natura selvaggia e retorizzando, spesso fino al caricaturale, le virtù salutari del clima. Oggi noi siamo in grado di cogliere appieno gli effetti di questa vicenda di uso “estetico” delle montagne, con le differenze innegabili che esistono fra singole regioni o località. A questa inscrizione nella logica cittadina come spazio turistico o sportivo, si aggiunge una più generale inscrizione - che non è sempre forzosa, ma spesso auspicata dagli stessi abitanti - nella grande logica globale, mediante vie di comunicazione, trasporto di energia, assedio dell’industria e dei suoi rifiuti. Contro i fianchi delle montagne battono sempre più insistentemente le mareggiate dell’industrialismo, della logica di massa, dell’assalto a uno degli ultimi territori differenziati del continente europeo, che fino a qualche generazione fa era rimasto in un equilibrio intatto, di tipo preistorico (5).

Se la codificazione estetica delle montagne è stata l’occasione per estrarle da quell’aura di leggendarie paure e di diffidente tenuta a distanza, essa, però, le ha inevitabilmente “tradotte” in un sistema di rappresentazioni in cui esse non “parlano”, né tantomeno “pensano”, né sfiora la mente dell’homo tecnicus la preoccupazione di comprendere che cosa possa voler dire “pensare” come loro. Per molti versi, le montagne “sono” così come la ha costruite un’operazione immaginale che ha l’età della modernità: imponenti, sublimi, terribili, minacciose, affascinanti... Chi potrebbe resistere alla tentazione di appropriarsene, almeno in immagine, o per impresa sportiva, o per partecipazione al grande rito collettivo delle vacanze? Il valore estetico finisce con il diventare sempre più un valore economico e del consumo, cui nulla sembra potersi sottrarre nel nostro mondo, e quindi finisce con l’essersi trasformato, da sguardo alla gloria delle montagne in strumento del loro stravolgimento. Non si guardano più i monti per intenderne il nomos, non se ne contempla il volto per imparare a conoscerlo e ad accordarsi con esso, ma dei monti e delle valli si fanno scenari e pretesti di svago o di titanismi.

Ma quei locali che ai cittadini apparivano così indifferenti al bello, perché gravati dal duro e sapiente compito del sopravvivere in montagna, e che invece ne erano stati i consapevoli partners nel cooperare alla formazione di quei paesaggi tanto ambiti, forse avevano consapevolezza di cosa potrebbe voler dire “pensare come una montagna”: là dove la distruzione moderna, l’abbandono, lo stravolgimento non hanno agito del tutto, là si vede (ammesso che si sia ancora in grado) come quella lentezza, quell’immobilità tanto sbeffeggiata dai contemporanei, sia stata una delle cifre più profonde dell’abitare la montagna. Altro ritmo, altro tempo in cui si salvaguardava (e si esprimeva) l’estraneità di questi luoghi alla logica del novum, del consumo, dell’accelerazione: niente di meno futuristico delle montagne, con buona pace di varie utopie architettoniche (da Viollet-le-Duc a Bruno Taut) che hanno maggior parentela con l’opprimente assurdità della geometria aliena delle Montagne della follia di H.P. Lovecraft
(6) che con un pensiero consono ai luoghi, una sapienza della località, una consapevolezza del genius loci. Domandarsi se gli attuali abitanti delle montagne abbiano conservato questa sapienza dell’equilibrio con il proprio luogo è altrettanto importante dell’interrogarsi sulle modalità di accostarsi ai monti da parte dei turisti e degli appassionati.

2. “Le culminazioni dell’alpe” Abbiamo già visto come non necessariamente quelli “che vanno in montagna” coincidano con quelli “che stanno in montagna”: o almeno, ne siano, almeno inizialmente, profondamente diversi gli intenti. Ancora oggi, per lo più, un caricatore d’alpe ha del territorio montano una visione assai diversa da quella dell’escursionista o del turista, sia in termini di conoscenza che di individuazione dei suoi possibili usi; così come un cercatore di cristalli all’epoca della scoperta del Monte Bianco rispetto a un artista che ne immortalava le vedute. Sicuramente anche il modo di “vedere” le montagne dei monaci tibetani o di quanti si recano in pellegrinaggio sul Kailash (o su qualsiasi altra montagna sacra) è diverso da quello degli occidentali che vi si recano per le loro ascese.

Nella cultura del Novecento esistono significative posizioni di critica i miti della modernità - progresso, democraticismo, economicismo, fede nella scienza e nella tecnica, materialismo -, in cui il turismo viene interpretato come una forma massificata e priva di consapevolezza dell’accostarsi alla natura. Il turismo e il mito della natura incontaminata appaiono come uno dei segni della decadenza spirituale della nostra epoca, oltre che fenomeni che finiscono col distruggere o compromettere l’ambiente naturale, senza peraltro assicurare durevolmente quei benefici che fungono ormai per lo più da alibi e retorica per la commercializzazione di qualcosa che non dovrebbe poter essere considerato una merce. Questo punto di vista non vuole ripristinare un passato improbabile, ma, al contrario, richiamare l’attenzione sul fatto che ogni luogo richiede comportamenti e misure specifiche che ne rispettino il nomos sapendone riconoscere il significato.

Una declinazione particolare di questa attitudine di rifiuto dello svilimento delle montagne nella logica consumistica o sportiva è ravvisabile nell’interpretazione della pratica alpinistica come disciplina ascetica e spirituale. L’alpinismo di chi si rifà a valori spirituali e metafisici si distacca recisamente da ogni interpretazione della disciplina in senso agonistico e sportivo. Lo sport è infatti una delle manifestazioni della civiltà di massa e del culto della forma fisica fine a se stessa che caratterizza il nichilismo contemporaneo, viceversa significativamente poco preoccupato della salute spirituale -, costitutivamente volto all’agonismo, o addirittura al superomismo - dunque prodotto estremo della volontà i potenza che pretende di essere metro di tutte le cose, visibili e invisibili, signoria sulla terra che, faustianamente, non tollera alcun limite alle sue conquiste, ma è sempre proteso ad affermarsi in nome di quel titanismo con cui ha cambiato la faccia della terra
(7).

Se l’ascensione viene considerata per le possibilità spirituali e iniziatiche che offre, la sacralità della montagna, testimoniata dal suo universale simbolismo come corrispondente di stati interiori trascendenti o sede di divinità, o di eroi trasfigurati, insomma luogo di partecipazioni a forme di vita più alta, diventa luogo di manifestazione simbolica di significati trascendenti, come l’esperienza stessa della montagna alla nostra più profonda interiorità, purché venga realizzata adeguatamente, suggerisce.

Questo modo di accostarsi alla montagna respinge sia l’atteggiamento “lirico”, ossia sentimentale in senso banalizzante e retorico - il cliché della montagna-panorama secondo gli standard del pittoresco e di un certo lirismo ottocentesco - estraneo sia agli abitanti dei monti che ai veri alpinisti; sia l’atteggiamento “naturistico”, che come abbiamo già visto, è piuttosto un sintomo di decadenza spirituale, una sorta di misticismo primitivistico della natura che rimane segnato da un carattere di reazione e di evasione dalla negatività della vita quotidiana; sia l’atteggiamento per cui il valore di un’ascesa è visto nella sensazione e nell’eroismo fisico, in cui il rischio è l’esasperazione di una fisicità fine a se stessa, un ideale della prestazione agonistica che di fatto è già ampiamente sviluppato nel carattere di lavoro che permea tutti gli aspetti della vita sociale, ma non può essere in sé considerato la base per conquistare una spiritualità superiore. Questo punto merita attenzione, dal momento che qui si può far rientrare, oltre alla caccia all’emozione, all’eccitante, all’“estremo”, al “no limits”, anche una certa esasperazione degli aspetti e dei supporti tecnici dell’arrampicare. In secondo luogo, è da notare come a questo orizzonte di esasperazione sportiva si scateni appartenga la corsa al primato, la competizione, la rincorsa alla scoperta di nuove montagne, che è anche l’escogitazione delle “vie”, delle difficoltà, ecc. Come se alla montagna non ci si potesse accostare che con un atteggiamento di competizione, di sfida, di appropriazione (significativo il gesto del piantare la bandiera sulla vetta), di “conquista”. Anche questo aspetto, in realtà, è perfettamente coerente con l’affermazione del soggettivismo che contrassegna l’epoca moderna: come nella scienza non vi deve essere, per definizione, alcun aspetto che possa sottrarsi all’indagine, come il cammino della cosiddetta civiltà prevede la sottomissione e l’affermazione della libertà umana sui vincoli della natura, analogamente e come logica conseguenza, non deve restare dominio o recesso del mondo naturale nel quale l’uomo non porti la propria presenza appropriante, non “firmi” - di solito con ingombranti rifiuti - il suo passaggio.

Quando le vette sono tutte conquistate, dunque, inizia la retorica della “sfida” al pericolo, alla difficoltà, ai limiti, con tutte le sue infinite, per quanto ripetitive, varianti. Nella visione e nella pratica più diffusa della “sfida” al pericolo e alle difficoltà agisce un paradigma superomistico che ha poco a che vedere con l’effettiva concezione nietzschiana dell’oltreuomo, ma molto con una certa vulgata che afferma i valori, che un tempo erano quelli dell’ascesi e della fortificazione dello spirito, in un contesto completamente secolarizzato e con un’intenzione del tutto profana: si tratta di superare i propri limiti di resistenza fisica, di vincere le paure, di lottare contro la montagna per dimostrarsi metaforicamente e letteralmente alla sua altezza, si affrontano sacrifici, pericoli, si rischia la vita in una sorta di eroismo solitario, ma il fine è semplicemente quello di un’affermazione di sé, una specie di narcisismo eroicizzante. Semplificando per far emergere con chiarezza l’essenziale, si potrebbe dire che in quest’ottica non conta la montagna per quello che è, ma come supporto, occasione e oggetto dell’impresa di un singolo. Portato alle sue estreme, ma del tutto coerenti, conseguenze, si tratta sempre di quell’atteggiamento di riduzione di tutto l’esistente alle ragioni o alle sensazioni soggettive: si tratta pur sempre di un accostarsi estetico o estetizzante - cioè tale da privilegiare la sensazione, l’emozione, il sentimento individuale, l’autorappresentazione fino al punto di non “vedere” più la montagna, ridotta ormai a scenario delle imprese umane-troppo umane. Anzi, a rigore non è più in gioco “la montagna” (come qualsiasi altro paesaggio), ma una finzione rappresentativa e fortemente artificiale, in cui non si mette in gioco la propria vita, ma si fa, piuttosto “teatro”: è l’atteggiamento “di chi cerca la natura per eseguire in essa l’ultima possibile recita in un mondo per il resto totalmente umanizzato. [...] Ovunque, in montagna, in viaggio nei deserti, sulle spiagge, come nel paesaggio urbano l’individuo si comporta sempre più da attore che recita, seguendo un copione che suggerisce non solo i comportamenti ma anche i luoghi giusti, gli ambienti adatti a esprimersi, secondo i modi che tornano a vantaggio dell’economia consumistica”
(8).

Quello che ancora una volta rimane inascoltata è l’eco contenuta nell’emozione e nell’intuizione che portano verso la montagna: grandezza che richiama a qualcosa che non è più umano, che è primordiale, inaccessibile, enigmatico, immutabile
(9). Se si “pensasse come una montagna”, si lasciassero risuonare questi richiami, cercando di trasformarli in meditazione, contemplazione, si potrebbe avviare una realizzazione spirituale corrispondente all’esperienza della montagna: si tratterebbe di recare l’illuminazione di una visione simbolica adeguata sull’esperienza della montagna, trasformando la vita quotidiana, diventando quelli che non ritornano mai dalle vette in pianura (10). Non tornare in pianura, ossia a quelle che Nietzsche chiamava le “bassure” della vita comune che cerca le sue piccole sicurezze e il suo confortevole benessere, significa in realtà che non vi sarebbe più né andare né tornare, una volta “realizzata” la Montagna nel proprio spirito, tradotto il simbolo in realtà. E’ superfluo sottolineare quanto una visione del genere, pur in un’attività che superficialmente sembrerebbe essere la stessa di ogni alpinista, si distacchi, nei suoi aspetti ascetici e conoscitivi, ma anche in quelli del comportamento verso la montagna, da ogni pratica sportiva che della montagna faccia solo un pretesto, una palestra o un palcoscenico di avventure narcisistiche e di comportamenti consumistici: è, come ha detto efficacemente Rudatis, “la scalata che va oltre tutte le scalate (11).

Questo significato forte dell’ascensione conduce a riflettere sul pericolo di degradazione simbolica che le montagne corrono nei nostri tempi. Oggi che tutte - o quasi - le montagne sono state conquistate materialmente, esiste il rischio che anche questo volto della natura perda il residuo significato simbolico, e dunque le montagne siano “abbassate” e rese equivalenti a tutto il resto. E’ quanto si è già verificato, anche solo a livello del consumo estetico, nella inesorabile progressiva appropriazione immaginale, prima dalla rappresentazione artistica e letteraria, poi dal mondo della vita sociale che li fruisce come luoghi turistici e, così facendo, li consuma secondo la logica moderna della ricerca incessante della novità, che spinge inesorabilmente alla “scoperta” e all’appropriazione di paesaggi e aspetti della natura sempre diversi
(12). In questa forma del consumo estetico-turistico di massa è racchiuso un enorme pericolo, di ordine economico e di ordine simbolico (13). Ma se è dalla perdita del valore simbolico che deriva ogni altro fenomeni di degrado, materiale, immaginario ed estetico, la riflessione circa i modi di “valorizzare” le montagne può ricevere una nuova luce: valorizzare dovrebbe voler dire: salvaguardare il valore intrinseco della montagna, non svenderla o tramutarla nella caricatura di una periferia metropolitana; e preservare l’intangibilità delle montagne, salvaguardarne il carattere appartato e selvatico, mediante zone di rispetto, una viabilità non corriva verso le spinte commerciali, una rinnovata educazione alla loro grandezza .

Una montagna vista innanzitutto nel suo carattere “alto”, impervio, selettivo, ascensionale e solitario non può favorire comportamenti di facile appropriazione, di consumo e distruzione indiscriminata, di annessione indifferente. Una montagna come axis mundi, luogo sacrale, cratofania o santuario, o anche semplicemente come luogo di una singolarità irripetibile, se davvero compreso come tale, non può essere considerata come un bene di cui disporre indiscriminatamente, neppure nell’immaginario. Ma anche una montagna compresa come luogo delle culture che vi sono insediate, come sempre più precario retaggio tradizionale sopravvivente nell’estrema modernità, non dovrebbe essere cancellata nella sua identità con gli alibi della valorizzazione commerciale, che è l’acido più corrosivo nei confronti del senso di appartenenza. 

3. Mons silvaticus L’orizzonte di tutte queste considerazioni è la questione epocale dell’identità dei luoghi, della loro salvaguardia e del loro significato. Rilke, alla svolta del secolo, affermava la necessità di sottrarre alla consuetudine le nostre immagini della natura e dei paesaggi, logorate dalle molte rappresentazioni letterarie e iconografiche, fino ad essere diventate un cliché che impedisce lo sguardo su ciò che veramente è. Lasciare che la natura ci ridiventi straniera, per coglierne l’effettiva estraneità al mondo delle nostre rappresentazioni, e, misurando questa distanza, lasciar essere la differenza, accettare che tutto quanto vi è di comune fra uomini e cose si ritiri nella “profondità comune donde traggono nutrimento le radici di ogni divenire” (14). L’esigenza di lasciare che la natura si ritragga nell’enigmaticità e quindi riconquisti, nella distanza, la sua aura, è la sostanza delle posizioni di difesa della Wilderness, gli aspetti selvatici del paesaggio terrestre, non certo per amore di esotismo, ma nel nome di un’estrema difesa delle radici selvatiche della stessa umanità, di quella radicatezza senza la quale la cultura è messa a repentaglio. La selvatichezza è il terreno vitale in cui crescono le culture attente alla necessità di non interrompere la comunicazione con l’altro, e dunque consapevoli della loro dipendenza dall’altro: sia nel senso della sopravvivenza e prosperità materiale, che in quello simbolico, della differenza in relazione alla quale soltanto può sussistere identità. Quando la dimensione della selvatichezza viene attaccata e distrutta, la terra feconda in cui si radicano le civiltà si trasforma nel deserto di cui parla la filosofia del Novecento. Desolazione di un luogo andato in rovina, sia negli aspetti naturali che nelle realizzazioni della cultura: solitudo, in cui l’uomo è rimesso alla via senza uscita della propria stoltezza. La desertica ripetitività del sempre uguale è il destino di chi pensa che la natura, soprattutto nei suoi aspetti indomiti, sia un fastidioso contrattempo sul cammino della progettualità umana.

La Wildnis è la questione dell’intera civiltà terrestre nell’epoca della tarda modernità. Occorre perciò salvaguardare attivamente la fisionomia singolare dei luoghi riconoscendone le radici selvatiche: senza la presenza e la simbolizzazione dell’estraneazione incarnata nel lato ombroso della civiltà, nel selvatico appunto, la costruzione umana è destinata a somigliare a una torre di Babele cui venga meno il fondamento. La presunta razionalità che vige nell’ordine metropolitano, assieme a tutte le sue realizzazioni, assomiglia sempre più a una sopravvivenza fantasmatica di cui l’immaginario legato alla realtà virtuale è un’eloquente manifestazione.

Ma le radici selvatiche, di cui la montagna è emblema e riserva, non potrebbero essere lasciate disseccare senza un più generale svigorimento simbolico. Si potrebbe dire che quando i simboli cominciano a diventare muti, le foreste cominciano a essere ridotte a riserva di legname o ad ostacolo all’espansione cittadina e le montagne a parco di divertimenti. È per questo che la montagna deve tornare a poter essere vista come l’emblema dello spazio elevato e sacro, del luogo dell’aprirsi, reale e simbolico, di una dimensione la cui alterità e distanza, anche fisica, dall’usuale, mostra una dimensione di verticalità essenzialmente estranea al mondo del nichilismo. In ogni luogo, oltre agli elementi visibili, oggetto dell’indagine geografica e storico-artistica, vi sono elementi non obiettivabili, non suscettibili di quantificazione scientifica, e nondimeno simbolicamente essenziali. Nel riconoscimento della profonda simbolicità delle manifestazioni della natura è racchiusa ogni possibilità di armonizzazione con la morfologia ambientale e di suo sapiente assecondamento, che si traduce sempre anche in opera di bellezza.

La tarda modernità tende a esotizzare sempre più “la natura”, “il selvatico”, il “tradizionale”, rescindendoli come riserve o come mere citazioni, quando non come oggetti dell’industria culturale o turistica. D’altra parte, però, si assiste alla diffusione di un desiderio di appartenenza, o di “ritorno” alla “natura” che per molti versi è un fenomeno di provenienza urbana. Ritorno dunque “sentimentale”, avrebbe detto Schiller, e non “ingenuo”: come è ogni vero ritorno
(15). Ma già in questo è forse possibile intravedere il ridestarsi di una memoria e l’affiorare di una consapevolezza differenziale nell’omologazione contemporanea. Gli sviluppi in senso sempre più immateriale della tecnica, l’uso di sistemi di comunicazione che rendano obsoleto il proliferare di grandi strade, assieme a una chiara comprensione dei limiti da rispettare, potrebbero rendere meno utopica e nostalgica la difesa dell’individualità dei luoghi, e nella fattispecie della montagna, sottraendola al tempo stesso alla prospettiva della mera esteticità o di un devastante consumo sportivo. Ritornare, dunque, con nuova consapevolezza, nei pressi delle radici selvatiche e rocciose della civiltà, prima che tutto sia distrutto nichilisticamente - ossia anche per superficialità, tracotanza o rassegnazione o appagamento nell’integrazione (16) - per salvaguardarne almeno la memoria: primo, indispensabile, passo verso quel riorientamento che solo potrebbe salvare la terra.

Quest’opera della memoria non è volta a fabbricare un ricordo, né un ennesimo simulacro di un “regno perduto”: è piuttosto un’opera di meditazione sul volto della terra a venire che procede da uno scavo nelle rovine del presente, si immerge nella solitudo dell’oggi come in un controluce che ne rivela i tratti essenziali, o in un’algidezza in cui si trasfigura il crescente irrigidimento della vita nell’ascesi della riflessione, in cui le “montagne da pascolo” del turismo possano riassumere il sembiante di Mons Victorialis, di luogo solstiziale dello spirito. Le radici selvatiche, le forme dell’elevatezza e della distanza, quelle che Evola chiamava “le culminazioni dell’alpe”, sono per noi l’ultimo punto di vista differenziale dal quale comprendere il mondo e metterlo in prospettiva. Che si possa anche solo per un momento sostare nel silenzio della montagna e intenderne la voce, è una delle estreme possibilità di salvaguardia di questo mondo. Ma chi lo potrà fare non sarà né turista, né sportivo, né collezionista di record o di imprese estreme, ma qualcuno che avrà compreso la legge del luogo e si sarà messo in consonanza con essa: montanaro, pastore, boscaiolo o incamminato sulla via del Sé, tutti attenti e responsabili della conservazione delle condizioni di appartatezza, della costitutiva ed essenziale distanza, tutte figure del “pensare come una montagna”, della consapevolezza che essa deve tornare segreta e salva come un vero Montsalvat: monte della salvazione, perché montagna della selvatichezza.

Note:



1. Cfr. L. Bonesio, La saggezza selvatica di Zarathustra, “Letteratura Tradizione”, 5, 1998.
2. Cit. in J. Ritter,
Paesaggio. Uomo e natura nell’età moderna
, a cura di M. Venturi Ferriolo, Guerini e Associati, Milano 1994, pp. 68-69.
3. D. Cosgrove,
Realtà sociali e paesaggio simbolico
, a cura di C. Copeta, Unicopli, Milano 1990.
4. Per il termine “invenzione”, nella sua duplice accezione di scoperta e produzione di qualcosa che non c'era, cfr. Ph. Joutard,
L'invenzione del Monte Bianco
, tr. it. di P. Crivellaro, Einaudi, Torino 1993.
5. Cfr. F. Fedele,
Inventare le Alpi: archeologie, abitanti, identità, in Appartenenza e località: l’uomo e il territorio
, a cura di L. Bonesio, SEB, Milano 1996.
6. “A poco a poco, però, (le cime) si innalzarono minacciose nel cielo occidentale permettendoci di distinguere diverse cime nude, squallide e nerastre e di cogliere lo strano senso di fantastico che ispiravano viste così nella luce rossastra dell’Antartico con lo sfondo suggestivo di nuvole iridescenti di polvere di ghiaccio. Da quello spettacolo derivava un senso di stupenda segretezza e di potenziale rivelazione. Era come se queste cuspidi da incubo fungessero da piloni di uno spaventoso ingresso nelle sfere proibite dei sogni, nei complessi golfi del passato remoto, dello spazio e dell’ultradimensionalità” (H.P. Lovecraft,
Le montagne della follia, tr. it. di G. De Luca, Sugarco, Milano 1983, p. 39). “L’effetto era quello di una città ciclopica di architettura ignota all’uomo o all’immaginazione umana, con un vasto aggregato di costruzioni nere come la notte costruite con mostruose perversioni delle leggi geometriche. C’erano coni tronchi, talvolta disposti a terrazza o scanalati, sormontati da alti steli cilindrici, che qua e là si slargavano a bulbo e spesso terminavano in una serie di dischi dentellati e assottigliantisi...” (Ivi, pp. 40-41). La descrizione della città in rovina sulle montagne antartiche prosegue con tutti i dettagli di “sagome deformate da un’odiosità ancora maggiore” (Ibidem).

7. “L’impulso di natura plutonica non sorge più alla ricerca dell’oro, ma di energie capaci di trasformarsi in utopie, dai combustibili fossili fino all’uranio. Mossi da tale ricerca, non si agisce secondo criteri di economia, ci si comporta invece come lo scialacquatore che dissipa l’intera eredità per perseguire un’idea fissa. Nei sogni di Plutone non vi sono tesori nascosti, ma il vulcano. E’ attratto dall’Everest non per la vista che può offrire, ma per il record che gli consente di raggiungere. La biblioteca non è per lui il luogo delle Muse, ma uno spazio di lavoro, completo di arredo tecnico. Trascura di onorare i morti, ma va a frugare dentro alle tombe più antiche” (E. Jünger, La forbice, tr. it. di A. Iadicicco, Guanda, Parma 1996, p. 157).
8. E. Turri,
Il paesaggio come teatro. Dal territorio vissuto al territorio rappresentato, Marsilio, Venezia 1998, p. 132. Sono tutti atteggiamenti, come si può constatare, che derivano da un'esasperazione di aspetti della personalità in senso soggettivistico, limitati a un'idea povera e in sostanza ampiamente consumistica dell'affermazione di sé e a un mondo che “comporta la riduzione dello scenario a un paesaggio del tutto denaturalizzato, che anche nei suoi aspetti selvaggi è ricondotto, fittiziamente, alla nuova e totale teatralizzazione del mondo” (Ivi
, p. 133).
9. Un significativo esempio di questo arrampicare attento a connotazioni simboliche ed esoteriche sono gli scritti di D. Rudatis, in particolare
Liberazione
, Nuovi Sentieri, Belluno 1985.
10. J. Evola,
Spiritualità della montagna, in Meditazioni delle vette, Il tridente, La Spezia 19863, ora raccolto in J. Evola-Samivel, Il sorriso degli dèi. Note su uomini di montagna e montagne degli dèi, Barbarossa, Milano 1996. Sia pure in un più ampio contesto di pensiero, le riflessioni di Evola su questo tema, insieme con quelle dell'accademico del CAI Domenico Rudatis, sono del massimo interesse. Un’utile raccolta di scritti appartenenti a questa prospettiva è il volumetto di AA.VV., Il regno perduto. Appunti sul simbolismo tradizionale della montagna
, Il cavallo alato, Padova 1989.
11. D. Rudatis,
Sulla via del senso cosmico
, “Annuario CAAI”, 1990, p. 14.
12. Cfr. J. Ritter,
op. cit.
, n. 57.
13. In un contributo molto significativo da questo punto di vista, Evola annovera tra i sintomi di decadenza spirituale l’approccio “discendente” alla montagna rappresentato dallo sci (di discesa): “Laddove l’alpinismo è caratterizzato dall’
ebrezza dell’ascesa come conquista, lo sciismo è caratterizzato dall’ebrezza della discesa, della velocità e quasi diremmo della caduta” (J. Evola, Ascendere e discendere, in Meditazioni delle vette, cit., p. 71). La caratterizzazione evoliana dello sci può facilmente essere estesa, oggi, a tutti gli sport che perseguono “tecnica, giuoco ed ebbrezza della caduta”: in essi si esprime lo spirito della modernità, “spirito ebbro di velocità, di ‘divenire’, di un moto accelerato, incomposto, fino a ieri celebrato come quello di un progresso, laddove esso, sotto molti aspetti, altro non è che quello di un franare e di un precipitare” (Ivi, pp. 71 e 72).

14. R.M. Rilke, Del paesaggio e altri scritti, tr. it. di G. Zampa, Cederna, Milano 1949, p. 33.
15. Sul tema del viaggio e del ritorno in patria, cfr. la lettura heideggeriana di Hölderlin (M. Heidegger,
La poesia di Hölderlin
, a cura di L. Amoroso, Adelphi, Milano 1988).
16. Jünger ha sottolineato come il carattere devastante del nichilismo contemporaneo provenga dal buon adattamento dell’“ultimo uomo” di nietzschiana memoria a condizioni di vita impossibili per una civiltà “normale” (nel senso che la Tradizione attribuisce a questo aggettivo). Cfr., ad esempio, E. Jünger,
Oltre la linea, in M. Heidegger-E. Jünger, Oltre la linea, tr. it. di F. Volpi e A. La Rocca, Adelphi, Milano 1989.

 


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dimanche, 07 mars 2010

Bruno Favrit: Nouvelles des Dieux et des Montagnes

Bruno FAVRIT, Nouvelles des Dieux et des Montagnes

Ex: http://terreetpeuplevivarais.wordpress.com/

« Ensuite il assista à la chute de son corps nu (…) tout au fond de lui, quelque chose lui avait commandé d’attendre pour assister à cela: la vision d’une petite masse sur la neige, et qui maintenant se taisait. » C’est ainsi que la Russie septentrionale joue avec un pauvre Français, Léo. Qui est prêt à devenir fou furieux dans cette ville portière de l’Océan Glacial avec ces nuits polaires sans fin…qui remportent à jamais ses deux compagnons marins.

« En fait, Saint-Paul a éveillé beaucoup de vocations, dit-il sèchement. » Dans cette nouvelle, nous apprenons qu’un mythe existe – celui de Saint-Paul, un passionné de la montagne, un de ses fils. Un Homme qui a battu tous les records de l’alpinisme mais qui reste discret en vivant dans son chalet isolé, connu de quelques amis privilégiés. Poussin, et bien d’autres jaloux se risqueront à refaire ses trajets dangereux. Ils y laisseront leurs vies. La Montagne garde à jamais ses secrets…

Comme dans les Andes chiliennes, jamais le scientifique européen ne découvrira le secret d’une momie indienne. Au risque d’éveiller les pires malheurs, personne ne devrait y toucher ! Le patron de l’Auberge locale semble connaitre la réponse à ce mystère qui fait traverser à notre héros des montagnes et passer les nuits dehors…près du réel danger.

Mais que dire, si, de nos jours, Vincent Vermeil, en rentrant dans son village natal ou tant de souvenirs l’attendent: son oncle païen décédé sans qu’on sache comment et sa bien-aimée.. Une enquete qu’il mènera en bon Sherlock Holmes, s’il ne finirait pas, contrairement au célèbre détective…le cou brisé dans l’eau forestière ! Est-ce le Jeu du Pendu qui se perpétue ?! Le sang se glace-t-il déjà chez les sages paroissiens ? Pas chez les enfants des forets autour de Saint-Rome, en tout cas, hé hé.

Et c’est pas fini ! Dans la chaude Catalogne, les étudiants tout excités que peuvent etre des jeunes gens, célèbrent le culte de Mithra. Une relation amoureuse se noue entre Juanita et Ramon.

« Quant à Maxime, je demeure persuadée qu’il a eu la mort qu’il désirait si ardemment. » Ce Saint-Paul, ici, dans la dernière nouvelle du recueil (j’en veux encore !) est bien parti conquérir ses montagnes chéries et a disparu.. Meme Liliane qui écrit ses lignes sur sa probable mort n’est pas sure de celle-ci ! En effet, elle lattend ! La disparition de Maxime Saint-Paul ?! Chiche ! Les Grands Esprits ne nous quittent jamais. La preuve en est que tous les 6 nouvelles nous appellent à imiter les élans des personnages.

Toujours plus haut. Et plus loin, en ayant sous la main ce superbe bouquin imprégné de l’âme du Vieux Continent.

A commander sur www.crevetabous.com des Amis de la Culture Européenne

00:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paganisme, mythologie, montagnes, alpinisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook