Article de Caroline Galactéros* publié dans Courrier de Russie le 25/03/2020
Avec le Coronavirus, le monde traverse une crise inédite dont les conséquences politiques, économiques et sociales sont encore imprévisibles, tant sur le plan intérieur, pour chaque État, que dans les relations internationales. Nul doute que cette épidémie historique redessine la carte politique de la planète, les zones d’influence pouvant, par exemple, esquisser, demain, une géographie macabre où les gagnants seront ceux qui, démontrant leur cohésion et leur efficacité, auront su le mieux résister à la maladie.
Le Courrier de Russie a donc décidé de lancer un débat vif, sans détours, en ouvrant ses pages à des personnalités de tous bords – russes et françaises notamment ‒ connues pour la qualité de leurs analyses géopolitiques et la force de leur engagement.
L’Europe existe-elle en dehors de sa fonction économique ? Mérite-t-elle d’être défendue comme un ensemble cohérent ? Peut-elle, doit-elle produire de la puissance et de l’influence, devenir un acteur stratégique à part entière sur la scène du monde, faisant jeu égal avec les autres puissances majeures qui, aujourd’hui, la tiennent ouvertement pour quantité stratégique négligeable ? Ou bien la diversité des perceptions, des ambitions et des calculs des États membres et son pacifisme hors sol, plombé d’idéalisme moralisateur, rendent-ils à jamais cette ambition utopique ? Peut-elle seulement avoir une évaluation propre de ses risques sécuritaires et de défense, ou ne sera-t-elle toujours qu’un appendice de l’OTAN que, pour ne pas trop humilier, on nomme pompeusement « le pilier européen de l’Alliance » ?
Toutes ces questions vitales restent sans réponse à ce jour. Nous sommes toujours des enfants gâtés qui ne veulent pas grandir, des « Tanguy » indécrottables refusant de quitter le nid d’une vassalité qui pourtant nous met en danger. Si nous continuons à nier l’évidence ‒ le découplage grandissant entre nos intérêts économiques, sécuritaires et stratégiques, et ceux de Washington, la claire nécessité de comprendre notre avenir comme eurasien, ce qui suppose de nous rapprocher de Moscou, donc de régler la question ukrainienne ‒, nous sommes promis à l’engloutissement stratégique définitif et nos succès économiques ne nous protégeront pas longtemps d’un dépècement sino-américain qui a déjà commencé… Nous adorons manifestement être humiliés, chaque gifle nous fait du bien. Notre pleutrerie est telle qu’elle donne raison à ceux qui en profitent. Ils ont tout à gagner à nous faire rendre gorge au nom de nos grands principes, qui nous tuent, et de notre renoncement stupide au seul promoteur possible de survie : la souveraineté.
La crise du Coronavirus en donne une fois encore une belle illustration. Pour ne pas paraître discriminants et manquer de solidarité, ou renoncer à l’ouverture généreuse du bel espace européen, nous avons perdu de précieuses semaines à hésiter sur les mesures de confinement territorial. Finalement, chaque pays agit pour lui-même dans une éloquente cacophonie. Donald Trump a beau jeu de nous le reprocher désormais. Bref, nous mélangeons tout et avons complètement perdu la mesure de la gravité des questions sécuritaires européennes au sens le plus large.
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*Caroline Galactéros, Présidente de Geopragma
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