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vendredi, 22 mai 2020

Le Covid-19 dans la géopolitique du contrat social

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Le Covid-19 dans la géopolitique du contrat social

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Nos sociétés occidentales se sont bâties, ou tout au moins prétendent s’être bâties, autour d’un « contrat social ». Ces sociétés contractuelles seraient le produit d’un libre rassemblement d’individus qui auraient décidé de « faire société » autour de valeurs universellement partagées par tout le genre humain, quelles que soient donc l’origine, la race, la religion et la culture des hommes qui composent celui-ci.

contratsocial.jpgOn sait que ces « valeurs », que l’on dit découler de la nature humaine, en fait, plus certainement, des délires philosophistes du XVIIIe siècle, sont celles qui charpentent le « pacte républicain », contrat social de la République dite « française ». Grâce au contrat social, ou pacte républicain, une société peut s’organiser et fonctionner avec des hommes venus du monde entier puisque les valeurs et principes qui président à cette organisation et à ce fonctionnement découlent de l’universelle nature humaine, et non de telle ou telle culture particulière. Ainsi une société fondée sur les droits naturels de l’Homme (le droit à la liberté, à l’égalité, à la propriété) serait acceptable par tous puisque ne contredisant les aspirations essentielles d’aucun. Les joueurs de pipo avaient simplement oublié de définir ce qu’on entendait par « liberté », « égalité » ou « propriété »…

Quoi qu’il en soit, les penseurs du « contrat social » ont néanmoins envisagé que certains associés ne respectent par la part du contrat qui leur revient et, par exemple, attentent à la propriété des autres associés. Un châtiment légitime est promis à celui qui ne respecte pas le « droit social ». Ainsi Rousseau parle des « criminels » et des « malfaiteurs » qui, rompant le « traité social », méritent la « peine de mort » !

On observera que les sociétés se prétendant fondées sur un contrat social sont toujours des sociétés supranationales. Cela est logique puisque ce ne sont pas des nations qui sont unies par le contrat mais des individus de toutes les nations. Peu importe, on l’a dit, l’origine nationale de ces individus puisque le contrat ne repose pas sur des spécificités nationales mais sur la nature humaine et les droits qui sont inhérents à celle-ci. L’individu associé devient un « citoyen » et l’ensemble des individus associés (le « corps d’associés » disait Sieyès) devient, selon le contexte, « corps politique », « république » ou « nation ». En contractant, l’individu gagne ainsi une citoyenneté et une nationalité. Mais ici, la citoyenneté et la nationalité se confondent : tous les citoyens français sont automatiquement de nationalité française.

Au contraire, les sociétés qui ne se veulent pas fondées sur un « contrat social » sont des sociétés qui sont soit « mono-nationales » (Japon, Corée…), soit « multinationales » (Russie, Chine, Serbie…). Ici, ce ne sont pas des individus associés qui font société mais une « nation » historique, au sens ethnique du terme, voire, dans certains cas, plusieurs « nations ». Quand plusieurs nations composent la société globale, l’Etat multinational reconnaît chacune d’entre elles (au contraire de l’Etat supranational qui les nie) et distingue soigneusement la citoyenneté (l’appartenance à un Etat), et la nationalité (l’appartenance ethnique à un peuple). Un citoyen russe peut être ainsi de nationalité russe, tatare ou juive. Un citoyen Chinois peut être de nationalité han, mongol ou tibétaine. Un citoyen serbe peut être de nationalité serbe, hongroise ou rom.

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La géopolitique des Etats supranationaux projette sur le monde les délires du contrat social. Cette géopolitique simpliste appréhende les nations comme si elles étaient des individus. Aussi se propose-t-elle de les unir, atomisées, en une seule société planétaire sur la base de valeurs et d’intérêts qu’elle pose comme universels et acceptables par toutes, par delà les différences religieuses, culturelles et politiques qui spécifient chacune. Ainsi par exemple des droits de l’homme ou de la nécessité de « sauver la planète ». Ce sont logiquement les Etats supranationaux qui ont mis en place les institutions supranationales comme l’ONU, l’OMS ou l’OMC ainsi que les grandes institutions politiques à vocation supranationale comme l’Union européenne. L’acte de foi des Etats supranationaux est qu’il est possible d’installer une société globale qui s’organise et fonctionne selon des valeurs et des principes acceptables par toutes les sociétés particulières, bientôt destinées à se dissoudre dans une société planétaire unifiée sous un Etat supranational mondial.

Par leur construction, leur histoire et leurs héritages culturels, les Etats nationaux et multinationaux ne peuvent adhérer à de tels fantasmes.  Encore une fois, c’est selon l’idéologie de « Contrat social » que les Etats supranationaux jugent ce refus. Les Etats nationaux et multinationaux sont regardés comme des Etats qui ne respectent pas le « traité social » universel ou les « lois internationales ». Ce sont des « Etat voyous » (rogue state) ou des Etats criminels qui justifient, à la manière de Rousseau, les sanctions de la « communauté internationale », voire son « intervention » musclée.

La crise sanitaire que nous vivons apporte un élément nouveau. D’une part, elle confirme les fractionnements et l’explosion prochaine des Etats supranationaux. Ceux-ci, par la simple application de leurs principes fondateurs, ont substitué des sociétés hétérogènes aux sociétés homogènes. Or, en Europe, la crise sanitaire révèle le fossé qui sépare les populations allochtones des populations autochtones, mais aussi les tensions et le séparatisme de fait des « zones de non-droit ». Même aux Etats-Unis, l’idée de sécession semble profiter du coronavirus pour davantage se répandre dans les esprits. Bref, à « l’intérieur », on le savait depuis les attentats musulmans, le contrat social est dans une situation d’échec. D’autre part, les Etats nationaux et multinationaux se révèlent bien plus efficaces pour enrayer l’épidémie que les Etats supranationaux. Rappelons que 90% des décès dans le monde sont enregistrés dans les Etats supranationaux d’Europe de l’Ouest et des Etats-Unis. Pire, peut-être, les Etats supranationaux se retrouvent dans l’obligation de renier les principes qu’ils proclamaient jusque-là : ils rétablissent des frontières et cassent de fait (pour le moment) toute velléité d’association supranationale. Géopolitiquement, « à l’extérieur », le contrat social est donc, là aussi, en situation d’échec.  

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Il est encore trop tôt pour le dire, mais il se pourrait que le coronavirus pulvérise à terme l’idéologie du contrat social. Si tel était le cas, les Etats supranationaux connaîtraient un effondrement qui, en raison de leur hétérogénéité ethnique, serait pire que l’effondrement de l’URSS. Ils laisseraient en ruine les sociétés qu’ils dominent. Cependant, il semble peu probable que les dirigeants des Etats supranationaux admettent leur défaite aussi facilement que ceux de l’URSS. Il subsistait chez les soviets un sens de l’intérêt général que ne possèdent pas les oligarques. Les critiques portées contre la Russie et aujourd’hui contre la Chine, ouvertement accusée d’avoir fabriqué le virus et causé l’effondrement de l’économie mondiale, laissent supposer la mise en place de stratégies conflictuelles. Trump lie le coronavirus à un laboratoire chinois et menace déjà la Chine de lui imposer des taxes douanières punitives. Tout cela au risque d’une guerre qui ne serait pas seulement économique ? Rien n’est impossible, même pas une guerre des Etats supranationaux contre les Etats multinationaux russes et chinois. Il faut s’en tenir aux faits : depuis deux siècles le « Contrat social », contrat avec le diable, se signe avec le sang des peuples. Le « Contrat social » scelle la mort des peuples et l’apparition des multitudes. Pour l’oligarchie régentant les Etats supranationaux, les peuples n’existent plus. Il n’y a que des nombres et des chiffres sur des lignes. Dès lors, quelle importance qu’il y ait quelques lignes de plus ou de moins ?

Antonin Campana

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