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jeudi, 12 juin 2025

Le nouveau contrat social

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Le nouveau contrat social

(Article publié dans La Emboscadura del Siglo XXI, nº16, novembre 2023, pp. 10-14)

Jordi Garriga

Récemment, la nouvelle a été annoncée que, dans Silicon Valley, l'entreprise Meta allait licencier 10.000 travailleurs qui, avec ceux qui avaient été licenciés au cours des mois précédents par Amazon, Google, Microsoft, IBM et d'autres entreprises technologiques, faisaient partie d'un chiffre sidérant de 200.000 salariés licenciés. La plupart d'entre eux devaient sûrement se consacrer à des tâches répétitives et presque automatiques, mais il y en avait aussi beaucoup, parmi eux, qui disposaient de bonnes connaissances et qui ont également été sacqués, malgré leurs capacités.

Même s’il est heureux que nos goûts et nos loisirs coïncident avec la demande du marché du travail, même ce genre de loterie vitale ne nous libère pas de l’anxiété professionnelle. Ce qui est remarquable dans cette nouvelle, c’est qu’on étudie sérieusement comment l’intelligence artificielle (IA) pourra combler ces lacunes si elles s’avèrent à nouveau nécessaires.

Nous ne sommes pas tous ingénieurs en informatique, peut-être que beaucoup d’entre nous n’aimeraient pas cela voire détesteraient sûrement ce métier. La plus normale des choses, c'est d’avoir des vocations qui ne sont pas économiquement viables. La plupart des gens ne désirent pas courir après l’argent et vivre des journées de travail interminables. Je me souviens du conseil que mon père m'a donné, lorsqu'il a perçu quelle était ma vocation et mes préoccupations, toutes clairement intellectuelles : "trouver un travail pour vivre et pendant ton temps libre cultiver ta vocation". Je suis très reconnaissant pour ces conseils, car ils m'ont permis de vivre dans ce système économique, de survivre à la réalité qui m'entoure. Mais bien sûr, le temps qu’il me reste en dehors du travail, je ne peux pas le consacrer tout entier ou presque à mes intérêts. Il faut remplir le réfrigérateur, fonder une famille, cultiver une vie sociale, résoudre toutes sortes de situations qui, dans le meilleur des cas, me permettent de consacrer une heure ou une demi-heure à mes loisirs, en tant qu'adulte fonctionnel. Et dans cette situation, moi et des millions d’autres personnes, nous nous trouvons piégés. On nous dit que dans ce monde il faut trouver le bonheur, mais il nous fuit, après nos efforts pour faire de l'argent et pour assurer son travail au quotidien, argent et travail toujours de plus en plus rares et incertains.

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Même si la peur de perdre son emploi à cause des machines relève d'une crainte déjà très ancienne, il ne fait aucun doute que la mise en œuvre accélérée et exponentielle d'entités robotiques laisse déjà des millions de personnes au chômage dans le monde. Un simple répondeur de n'importe quelle entreprise, qui répond à des milliers d'appels 24 heures sur 24 supplée déjà des dizaines d'employés, pour seulement quelques centimes de frais... Face à la révolution technologique, face aux robots, l'être humain est un concurrent de plus en plus fragilisé et remplaçable.

Quoi Faire ? Dans le passé, ce qu’on appelle le contrat social, celui qui donnait à chaque individu une place dans nos sociétés, était la capacité productive. Qui avait remplacé celui des domaines du Moyen Âge. Aujourd’hui, de nombreux individus ne sont plus issus de la classe prolétarienne, mais sont directement issus de la classe précaire, celle qui est descendue sur l’échelle sociale et doit se contenter des logements partagés, d'emplois à la journée ou à l’heure, sans possibilité de fonder une famille ou d’avoir un simple avenir sans problèmes. Il est nécessaire de renouveler ce contrat, cette manière de pouvoir avoir un statut viable sans les théories apocalyptiques qui parlent allègrement de réduction du surplus de population sur la planète.

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L'un des outils révolutionnaires pour garantir une vie digne à la population est ce que l'on appelle le Revenu de Base Universel (désormais RBU).

Des tests pilotes ont été réalisés dans plusieurs pays, mais aucun ne constitue un véritable RBU. Soit les projets sont réalisés dans des villages africains ou asiatiques, soit dans des conditions familiales ou autres. En Finlande, l'initiative la plus ambitieuse a été annulée en 2018. Ce n'est qu'en Iran qu'un système presque tel est en vigueur depuis 2011, consistant en un paiement inconditionnel, différent pour les célibataires et les familles, qui sert à atténuer la suppression des subventions pour les produits de base.

Bien entendu, la première objection qui vient à l’esprit est qu’il s’agit d’un salaire en échange d'un "non-travail". Que ce sera une manière de maintenir les gens dans la paresse et que personne n'ira chercher du travail s'il a déjà les moyens de vivre. Eh bien, il ne s’agit pas de cela ni d’un instrument de lutte contre la pauvreté (d’autant plus que les subventions n’ont JAMAIS mis fin à la pauvreté).

Philosophie du BRU

Qu’est-ce que le revenu de base universel ? Le RBU, pour ne pas être une autre forme de subvention ou de paiement, est un revenu périodique UNIVERSEL et INCONDITIONNEL obligatoire. Universel car il s'adresse à tous les citoyens adultes de l'État sans autre condition que d'être cela, des citoyens, et inconditionnel car il n'exige pas de contrepartie, ni matérielle (pour une dépense déterminée) ni intellectuelle (loyauté à un régime ou à un parti). En dehors de ça, tout autre mode n’est plus un RBU, c’est autre chose.

A quoi ça sert ? C'est un outil pour la configuration nécessaire d'un nouveau contrat social. Ne se fonde pas sur la productivité ou la capacité des individus, laissés à la merci des lois de la jungle capitaliste, au nom d’un darwinisme social qui nous considère comme de simples animaux en survie. Un nouveau contrat social est nécessaire dans l'Occident moderne qui considère chaque individu comme porteur d'une dignité intrinsèque (qu'il s'agisse d'une perspective religieuse ou éthique) et comme membre d'une communauté nationale qui protège la vie de ce citoyen contre les requins du capitalisme apatride.

Il ne s'agit pas d'une mesure utopique : il y aura toujours des riches et des pauvres, des inégalités et des injustices, des désirs de profit et de pouvoir... Cette mesure doit contribuer à détourner le chemin que le productivisme a tracé jusqu'à présent, en forgeant des sociétés où la réussite matérielle est apparue comme le meilleur indicateur de la valeur de l'individu, où l'échelle des valeurs et la structure sociale aident les plus avides, psychopathes et corrompus à faire leur loi. Cela détourne le progrès humain vers une vie plus créative et plus profonde, où là encore une activité purement lucrative est considérée comme quelque chose de certainement nécessaire, mais non comme un facteur de prestige, tout comme de nombreuses activités quotidiennes nécessaires ont tendance à être naturellement cachées.

C’est un instrument qui pourrait contribuer à mettre fin au règne de l’argent. Parce que maintenant l’argent est le roi ou le dieu, mais avec ce système il deviendrait subordonné, un simple instrument pour créer le bonheur individuel tant chanté dans tant de déclarations pompeuses et creuses de réalités concrètes.

Car s’ils nous assurent que le bonheur est le but des êtres humains sur Terre, alors le RBU est un bon instrument. La productivité n’est pas le bonheur, elle ne l’a jamais été. Le travail comme alternative au fait de ne pas mourir de faim ne peut être définie comme libératrice ou dignifiante.

Le RBU, comme je le soulignerai plus tard, est un outil de liberté individuelle, de progrès social et d’indépendance nationale :

- La liberté individuelle car elle libère les capacités innées de chaque individu.

- Le progrès social car le groupe social n'est plus une jungle d'entités avides de consommation et en lutte constante dans une perspective matérialiste.

- L'indépendance nationale parce que le pouvoir politique est placé au-dessus du pouvoir économique, n'étant plus l'otage des puissances financières apatrides.

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La plus grande critique du capitalisme est l’exploitation des êtres humains sur le marché du travail, moins il y a de réglementation et de contrôle, mieux c’est. Le plus grand mal est le capital, en tant que propriétaire des moyens de production. Il faut alors retirer le pouvoir au capital. L’ancien socialisme prônait l’union prolétarienne pour lutter pour cela, mais il n’a pas abandonné la logique productiviste et ouvrièriste, partageant la philosophie rationaliste de la classe bourgeoise qui a créé le capitalisme. Le travail ne peut plus être une valeur en soi. C'est une sphère de vie inférieure. Si le problème est l’exploitation humaine, alors son instrument, l’argent, doit être éliminé, le réduisant à un instrument non de pouvoir, mais de confort. Le fétichisme de la productivité comme mesure de la valeur individuelle doit être démoli ; le fait de pouvoir accéder au marché du travail ne doit conférer aucune qualité humaine supérieure.

Le RBU est l’instrument permettant de passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle, de l’égalité comme souhait inscrit dans les Constitutions politiques bourgeoises à une réalité politique précise. Si un individu n’a pas les moyens matériels de réaliser les droits politiques dont il dispose, c’est comme s’il ne les avait pas. Le RBU est l'outil permettant à la fois de pouvoir dire NON à l'employeur qui souhaite exploiter et de dire NON au partenaire violent. Et de dire OUI à la vraie vie, au dasein de chaque sujet : l'aliénation sociale provoquée par le travail salarié disparaît, car ce travail, cette activité n'est plus indispensable pour pouvoir vivre.

Pour être artiste ou chercheur, par exemple, vous n’auriez pas besoin de subventions politiques, de mécénat ou d’être né dans une famille aisée. L’art et la science seraient réellement des activités populaires, élevant le niveau national.

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Les individus en quête de profit pourraient continuer à agir (la nature humaine n’est pas si changeante), et ceux qui ont d’autres préoccupations ne seraient pas forcés de s’y soumettre, de sorte que la sélection humaine basée sur la capacité financière ou la personnalité matérialiste serait éliminée pour de types humains plus désirables, orientés vers l’art ou la recherche scientifique.

Pour y parvenir, un combat à mort, matériel et idéologique, sera nécessaire. Soutenir et réaliser la multipolarité sur la planète est essentiel pour le RBU, car une finance unique l’empêchera par tous les moyens, alors que dans un monde avec une pluralité de systèmes économiques, il y aura toujours un écart pour cela. Et d’autant plus que certains gourous de l’économie occidentale annoncent déjà que c’est une mesure qui finira par être inévitable…

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Ce qui se passe maintenant, c'est que les élites ne veulent pas mettre en œuvre ce système, elles proposent seulement de relever l'âge de la retraite et le salaire minimum, d'offrir l'aumône aux enfants ou de donner de l'argent pour le loyer. Des pièces pour rapiécer une vieille outre à vin sur le point d'éclater. Ils ne veulent pas partager ni redistribuer la richesse avec le peuple, qui en est le véritable bénéficiaire.

Puisque la richesse nationale appartient au peuple et que la redistribution de cette richesse doit être une loi. C’est pourquoi le RBU n’a pas pour objectif d’éradiquer la pauvreté, mais de redistribuer la richesse.

Fonctionnement 

On ne soulignera jamais assez que ce n’est pas une rémunération accordée pour ne pas travailler. Les paresseux ont toujours existé et existeront toujours, et cette rémunération sera sûrement utile à beaucoup d’entre eux, mais aussi à la société: tout le monde connaît ces éléments dans la sphère de l'emploi et à quel point ils sont inefficaces et boycotteurs, c’est pourquoi déjà, par une telle mesure, on élimine un frein dans le monde du travail. De plus, s’ils ont de l’argent, ils le dépenseront quand même, ce qui sera également bénéfique pour les entreprises. Même ceux qui ne font rien devront manger tous les jours...

Ensuite, il y a des gens qui, après avoir quitté leur travail, finiront par en avoir assez de ne rien faire et entreprendront peut-être des activités qui rempliront des facettes de leur vie qu'ils ignoraient, ou leur permettront de se consacrer à des loisirs qui, dans la foulée, pourraient finir par être un emploi ou une nouvelle source de revenus…

Des personnes irresponsables existeront toujours sous n’importe quel régime économique. Le RBU servira simplement à garantir que personne n'enlève la dignité à un citoyen, ce qui, le cas échéant, pourrait le conduire au suicide. Quoi qu’il en soit, les citoyens eux-mêmes ne peuvent leur retirer cette dignité que s’ils sont mal administrés. Grâce au RBU, les gens SERONT responsables de leur propre responsabilité et OUI, ils seront, dans une large mesure, responsables de leur propre situation économique.

Le principal acteur pour rendre cette mesure possible est la communauté politique organisée, c'est-à-dire l'État : pour calculer le RBU, le distribuer et garantir les services publics et la collecte nécessaire.

La mise en œuvre du RBU nécessite que l'État retrouve sa souveraineté sur la Banque centrale (la création monétaire) et qu'il contrôle totalement ou largement les entreprises de transport et d'énergie, ainsi que les domaines de l'éducation, de la santé et du logement : contrôle des flux monétaires, prix et qualité.

Le RBU serait calculé sur la base du salaire moyen de 70% des travailleurs sur l'ensemble du territoire national, en laissant de côté les salaires les plus élevés. Il en serait de même sur tout le territoire pour ne pas vider certaines localités de leurs habitants, pour que cela n'arrive plus comme aujourd'hui à cause de notre grave déséquilibre territorial. La RBU calculée annuellement représenterait 60% de cette moyenne. Par exemple, si la moyenne s'avère être de 2.000 euros par mois, le RBU qui serait délivré à chaque citoyen adulte serait de 1200 euros, révisable annuellement.

Le RBU ne tiendrait pas compte du fait que tel ou tel citoyen soit riche ou pauvre, son sexe, sa race, son état civil, etc. C'est un instrument rationnel qui rendrait tous égaux dans la communauté politique aux yeux de l'État. Il ne serait pas non plus contrôlé à quoi il servirait dans chaque cas.

Bien entendu, on ne pourrait pas renoncer au RBU, ni le retirer à aucun citoyen, car il serait inhérent à la nationalité. Ce revenu serait disponible du simple fait d’être membre de la famille nationale.

Cette théorie est incompatible avec la logique libérale, car elle repose sur l’exploitation des nations par le biais de dettes monétaires fictives et de chantage au travail par l’importation de main d’œuvre bon marché et servile en provenance du tiers monde.

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L’immigration de masse serait étouffée dans l’œuf, puisque ces revenus ne seraient pas destinés aux étrangers et que le fait d’avoir des travailleurs étrangers serait fortement imposé et contrôlé. Le salaire minimum serait également instauré pour éviter tout abus.

Les travailleurs nationaux n’émigreraient pas ailleurs s’ils avaient une vie décente assurée. Et obtenir la nationalité serait très difficile, car des régularisations massives impliqueraient des dépenses énormes (et n’entraîneraient aucun avantage d’exploitation), sans compter le fait qu’une fois la citoyenneté obtenue, personne ne pourrait la lui retirer.

Il y aurait très probablement un effet de contagion : les populations des pays voisins le souhaiteraient également. Une véritable révolution mondiale se produirait, même si elle s’accompagnerait très probablement de guerres, les élites extractives résistant à la nouvelle réalité jusqu’au dernier travailleur mort.

Bien que cela dépasse le cadre de ce travail, je vais donner quelques visions et mesures qui pourraient accompagner le RBU :

- Naturellement, les allocations de chômage, de vieillesse, voire de dépendance pourraient disparaître (ou être radicalement revues) car elles ne seront plus indispensables et seront couvertes par ce versement à durée indéterminée, puisque le RBU est censé couvrir les dépenses de base (logement, nourriture, équipement… ).

- Cette mesure pourrait permettre la formation de jeunes familles émancipées. Les jeunes ne seraient plus obligés de choisir entre leur vocation et leur ventre, entre émigrer ou vivre chez leurs parents jusqu'à 40 ans. La santé mentale de la population s'améliorerait considérablement.

- Les salaires augmenteraient parce que personne n'accepterait des abus accompagnés d'heures interminables ou de mauvaises conditions de travail.

- Cela encouragerait la création d'entreprises par les fils de familles ouvrières, car ce soutien serait toujours là. La création d’entreprises ne serait plus le monopole des familles aisées.

- Le RBU doit être intouchable et insaisissable. En cas de dettes et de non-paiements, la personne qui avait des dettes et qui a été saisie par l'intermédiaire de la banque ne verra jamais le montant du RBU affecté, à l'exception du surplus. Exemple : si un RBU est de 1200 euros, et qu'au moment de son encaissement il y a 2000 euros au total sur le compte, 800 euros seront saisis, de sorte que vous ne pourrez jamais avoir plus de revenus supplémentaires sur votre compte chaque mois. Une seule exception serait dans le cas d'une pension alimentaire destinée aux enfants de ce citoyen.

- Dans les écoles publiques et privées, une matière appelée « Économie et Finance » devrait être enseignée obligatoirement, où les citoyens apprendraient dès le plus jeune âge le fonctionnement de l'économie, ses mécanismes et ses astuces. Même si les escrocs et les requins financiers continueront toujours d’exister. La nature humaine ne change pas.

- Les condamnés auraient également droit à leur RBU, qui servirait à financer leur séjour derrière les barreaux.

- S'il y a des retraités qui veulent continuer à travailler, puisqu'à partir d'un certain âge ils seraient obligés d'arrêter de travailler (car l'objectif de la vie est différent), on pourrait leur accorder des mesures extraordinaires en taxant lourdement leur activité et en décourageant le désir présumé de profit, qui deviendrait une valeur secondaire dans le nouveau contrat social. Comment n'y aurait-il pas de retraite payée (il pourrait y avoir des régimes privés), en échange ils auraient des médicaments, des transports, des musées, etc. gratuit et des réductions sur les produits de base.

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CONCLUSION

Un nouveau contrat social est nécessaire. Bien entendu, le RBU ne peut être considéré ni comme une panacée miraculeuse ni comme la seule mesure à adopter : d’énormes changements sociaux, économiques et politiques devront se produire pour y parvenir correctement. Une première étape pour les nationalistes de n’importe quel pays sera de s’approprier cette proposition, car elle est totalement antilibérale, réduisant l’argent à un serviteur plutôt qu’à un maître. Il faut faire campagne pour que cette mesure ne soit pas diabolisée, comme cela s'est produit il y a un siècle avec le repos dominical ou les congés payés, dénoncés comme catastrophiques pour l'économie, alors que la cupidité des grands hommes d'affaires, des multinationales et des finances constituait le grand obstacle afin que plus de 90 % de la population puisse simplement se reposer.

Il faut surtout montrer à travers des systèmes comme le RBU que personne n’est superflu et que la condition humaine n’est pas une simple condition animale, d’usage et de force. Les classes extractives n’hésiteront pas à recourir à l’eugénisme et au malthusianisme plutôt que d’accepter de partager une petite partie de leur butin.

vendredi, 22 mai 2020

Le Covid-19 dans la géopolitique du contrat social

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Le Covid-19 dans la géopolitique du contrat social

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Nos sociétés occidentales se sont bâties, ou tout au moins prétendent s’être bâties, autour d’un « contrat social ». Ces sociétés contractuelles seraient le produit d’un libre rassemblement d’individus qui auraient décidé de « faire société » autour de valeurs universellement partagées par tout le genre humain, quelles que soient donc l’origine, la race, la religion et la culture des hommes qui composent celui-ci.

contratsocial.jpgOn sait que ces « valeurs », que l’on dit découler de la nature humaine, en fait, plus certainement, des délires philosophistes du XVIIIe siècle, sont celles qui charpentent le « pacte républicain », contrat social de la République dite « française ». Grâce au contrat social, ou pacte républicain, une société peut s’organiser et fonctionner avec des hommes venus du monde entier puisque les valeurs et principes qui président à cette organisation et à ce fonctionnement découlent de l’universelle nature humaine, et non de telle ou telle culture particulière. Ainsi une société fondée sur les droits naturels de l’Homme (le droit à la liberté, à l’égalité, à la propriété) serait acceptable par tous puisque ne contredisant les aspirations essentielles d’aucun. Les joueurs de pipo avaient simplement oublié de définir ce qu’on entendait par « liberté », « égalité » ou « propriété »…

Quoi qu’il en soit, les penseurs du « contrat social » ont néanmoins envisagé que certains associés ne respectent par la part du contrat qui leur revient et, par exemple, attentent à la propriété des autres associés. Un châtiment légitime est promis à celui qui ne respecte pas le « droit social ». Ainsi Rousseau parle des « criminels » et des « malfaiteurs » qui, rompant le « traité social », méritent la « peine de mort » !

On observera que les sociétés se prétendant fondées sur un contrat social sont toujours des sociétés supranationales. Cela est logique puisque ce ne sont pas des nations qui sont unies par le contrat mais des individus de toutes les nations. Peu importe, on l’a dit, l’origine nationale de ces individus puisque le contrat ne repose pas sur des spécificités nationales mais sur la nature humaine et les droits qui sont inhérents à celle-ci. L’individu associé devient un « citoyen » et l’ensemble des individus associés (le « corps d’associés » disait Sieyès) devient, selon le contexte, « corps politique », « république » ou « nation ». En contractant, l’individu gagne ainsi une citoyenneté et une nationalité. Mais ici, la citoyenneté et la nationalité se confondent : tous les citoyens français sont automatiquement de nationalité française.

Au contraire, les sociétés qui ne se veulent pas fondées sur un « contrat social » sont des sociétés qui sont soit « mono-nationales » (Japon, Corée…), soit « multinationales » (Russie, Chine, Serbie…). Ici, ce ne sont pas des individus associés qui font société mais une « nation » historique, au sens ethnique du terme, voire, dans certains cas, plusieurs « nations ». Quand plusieurs nations composent la société globale, l’Etat multinational reconnaît chacune d’entre elles (au contraire de l’Etat supranational qui les nie) et distingue soigneusement la citoyenneté (l’appartenance à un Etat), et la nationalité (l’appartenance ethnique à un peuple). Un citoyen russe peut être ainsi de nationalité russe, tatare ou juive. Un citoyen Chinois peut être de nationalité han, mongol ou tibétaine. Un citoyen serbe peut être de nationalité serbe, hongroise ou rom.

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La géopolitique des Etats supranationaux projette sur le monde les délires du contrat social. Cette géopolitique simpliste appréhende les nations comme si elles étaient des individus. Aussi se propose-t-elle de les unir, atomisées, en une seule société planétaire sur la base de valeurs et d’intérêts qu’elle pose comme universels et acceptables par toutes, par delà les différences religieuses, culturelles et politiques qui spécifient chacune. Ainsi par exemple des droits de l’homme ou de la nécessité de « sauver la planète ». Ce sont logiquement les Etats supranationaux qui ont mis en place les institutions supranationales comme l’ONU, l’OMS ou l’OMC ainsi que les grandes institutions politiques à vocation supranationale comme l’Union européenne. L’acte de foi des Etats supranationaux est qu’il est possible d’installer une société globale qui s’organise et fonctionne selon des valeurs et des principes acceptables par toutes les sociétés particulières, bientôt destinées à se dissoudre dans une société planétaire unifiée sous un Etat supranational mondial.

Par leur construction, leur histoire et leurs héritages culturels, les Etats nationaux et multinationaux ne peuvent adhérer à de tels fantasmes.  Encore une fois, c’est selon l’idéologie de « Contrat social » que les Etats supranationaux jugent ce refus. Les Etats nationaux et multinationaux sont regardés comme des Etats qui ne respectent pas le « traité social » universel ou les « lois internationales ». Ce sont des « Etat voyous » (rogue state) ou des Etats criminels qui justifient, à la manière de Rousseau, les sanctions de la « communauté internationale », voire son « intervention » musclée.

La crise sanitaire que nous vivons apporte un élément nouveau. D’une part, elle confirme les fractionnements et l’explosion prochaine des Etats supranationaux. Ceux-ci, par la simple application de leurs principes fondateurs, ont substitué des sociétés hétérogènes aux sociétés homogènes. Or, en Europe, la crise sanitaire révèle le fossé qui sépare les populations allochtones des populations autochtones, mais aussi les tensions et le séparatisme de fait des « zones de non-droit ». Même aux Etats-Unis, l’idée de sécession semble profiter du coronavirus pour davantage se répandre dans les esprits. Bref, à « l’intérieur », on le savait depuis les attentats musulmans, le contrat social est dans une situation d’échec. D’autre part, les Etats nationaux et multinationaux se révèlent bien plus efficaces pour enrayer l’épidémie que les Etats supranationaux. Rappelons que 90% des décès dans le monde sont enregistrés dans les Etats supranationaux d’Europe de l’Ouest et des Etats-Unis. Pire, peut-être, les Etats supranationaux se retrouvent dans l’obligation de renier les principes qu’ils proclamaient jusque-là : ils rétablissent des frontières et cassent de fait (pour le moment) toute velléité d’association supranationale. Géopolitiquement, « à l’extérieur », le contrat social est donc, là aussi, en situation d’échec.  

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Il est encore trop tôt pour le dire, mais il se pourrait que le coronavirus pulvérise à terme l’idéologie du contrat social. Si tel était le cas, les Etats supranationaux connaîtraient un effondrement qui, en raison de leur hétérogénéité ethnique, serait pire que l’effondrement de l’URSS. Ils laisseraient en ruine les sociétés qu’ils dominent. Cependant, il semble peu probable que les dirigeants des Etats supranationaux admettent leur défaite aussi facilement que ceux de l’URSS. Il subsistait chez les soviets un sens de l’intérêt général que ne possèdent pas les oligarques. Les critiques portées contre la Russie et aujourd’hui contre la Chine, ouvertement accusée d’avoir fabriqué le virus et causé l’effondrement de l’économie mondiale, laissent supposer la mise en place de stratégies conflictuelles. Trump lie le coronavirus à un laboratoire chinois et menace déjà la Chine de lui imposer des taxes douanières punitives. Tout cela au risque d’une guerre qui ne serait pas seulement économique ? Rien n’est impossible, même pas une guerre des Etats supranationaux contre les Etats multinationaux russes et chinois. Il faut s’en tenir aux faits : depuis deux siècles le « Contrat social », contrat avec le diable, se signe avec le sang des peuples. Le « Contrat social » scelle la mort des peuples et l’apparition des multitudes. Pour l’oligarchie régentant les Etats supranationaux, les peuples n’existent plus. Il n’y a que des nombres et des chiffres sur des lignes. Dès lors, quelle importance qu’il y ait quelques lignes de plus ou de moins ?

Antonin Campana