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jeudi, 01 octobre 2020

Maugis, ou l'autre armée des ombres

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Maugis, ou l'autre armée des ombres

Par Paul Sunderland 

« Si nous ne changeons pas ce monde promis à la destruction, nous nous engageons à ne pas nous laisser modeler par lui. Rappelez-vous bien, nous sommes au monde, mais pas de ce monde. »

Deux phrases très intéressantes tirées de Maugis nouvelle version, un roman initialement écrit il y a quelques années par Christopher Gérard. Un monde promis à la destruction, ce sont plusieurs milliards d'êtres humains destinés à passer sous le rouleau compresseur d'un déterminisme absolu, un juggernaut inéluctable, une force telle qu'on se demande à quoi il servirait d'en avoir conscience, en définitive. Serait-ce l'œuvre d'un démiurge sadique ? Cette conscience se colore de différentes manières et l'une d'elle est la tendance à l'action : on se trouve derrière le juggernaut et on lui imprime du mouvement pour accélérer les choses ou on se trouve devant et on tente de le freiner, voire de le stopper.

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Dans l'hindouisme, le domaine de l'action est réservé à la seconde caste, celle des kshatriyas, c'est-à-dire les guerriers. Ce type de développement s'étend au-delà des seules frontières physiques de l'aire culturelle hindoue : c'est bien en Occident, et plus précisément en Belgique, au sud du Canal Albert, que nous entrons dans la seconde guerre mondiale de Maugis. Après la défaite belge dûment et tragiquement attestée, un jeune officier vaincu et ses compagnons survivants mènent une guerrilla d'arrière contre l'occupant. Immédiatement, Christopher Gérard nous place dans une perspective bien spécifique : plutôt que nous montrer ou l'avers ou le revers de la pièce, il nous maintient en équilibre sur sa tranche. Il y a le conflit visible et, à travers lui, la manifestation de figures profondément enracinées dans le légendaire européen malgré la modernité. Le héros, François d'Aygremont, va vivre des expériences initiatiques de mort et de renaissance : Maugis sera son nom véritable. Précisons : Maugis l'Egaré. Lui aussi se trouve sur la tranche de la pièce et oscille dangereusement d'un côté et de l'autre de l'allégeance. Insertion dans une chaîne de transmission spirituellement pérenne, séduction exercée par le Directorat V, cellule ultra-secrète (streng geheim!) et contre-initiatique du IIIème Reich.

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Couverture de la première édition de "Maugis", avec le "Pèlerin de l'Absolu", tableau de Marc. Eemans

39-45, c'est « juste » la surface des choses. Comprenons que dans ce roman, la perspective historiciste n'est pas du tout amoindrie mais elle n'est que l'écho d'un conflit beaucoup plus obscur mettant en action des forces invisibles, tout aussi réelles et redoutables. Dans une langue parfaitement ciselée quoique sans pédanterie, Christopher Gérard parvient à réenchanter des lieux, des situations qu'une certaine coterie pseudo-intellectuelle nous force à « déconstruire » depuis déjà longtemps. Telle vénérable ville universitaire est à redécouvrir comme « ville sainte », non par sentimentalisme, mais pour des raisons opératives. Telle maison d'édition, dans ses activités ordinaires, manipule des énergies portées (hypostasiées) par des sortes de condensateurs humains dans le cadre d'une guerre pour la sauvegarde de l'Esprit. Il s'agit bien d'un récit de guerre. On m'a posé la question : ce roman peut-il être lu par quelqu'un qui ne s'y connaît pas en ésotérisme ? Selon moi, oui, parfaitement. Tout le monde n'a pas le profil pour s'intéresser à ce discipline mais tout le monde a sa chance car il ne s'agit pas ici de qualifications fondées sur l'équarrissage scolastique (la possession de tel ou tel diplôme en carton). Maugis raconte l'histoire prenante d'une lutte pour la domination et n'a rien d'un exposé filandreux.

Christopher Gérard ne pratique pas l'équarrissage, il ne déconstruit pas non plus. Il décloisonne ! Certes, chez cet auteur se revendiquant du paganisme, on pourrait s'attendre, par le biais d'une fiction, à un dynamitage en règle des religions monothéistes. Ce n'est pas si évident. François d'Aygremont/Maugis est initié aux mystères antiques mais n'en prie pas moins Marie, pour lui avatar de la Grande Déesse, comme si, au fond, ce qui donne matière à disqualification résidait non pas dans des appartenances formelles mais, çà et là, dans les attitudes de certains, quelle que soit leur « immatriculation ». C'est ainsi que la seconde phrase citée (« nous sommes au monde, mais pas de ce monde »), si elle rappelle évidemment Jean ch. 17, v. 14-18, englobe ce que l'auteur nomme « l'universalité des hommes de prière ». Un de ces hommes, d'ailleurs, est le prieur des Hospitaliers de Rome (où Maugis aux yeux couleur d'émeraude, couleur de Graal, a trouvé refuge), une retraite actualisant l'union, devant une œuvre d'art, du paganisme, du judaïsme et du christianisme.

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« Ne pas se laisser modeler par ce monde. » Cette seconde proposition sonnera peut-être aux oreilles d'un kshatriya (non révolté, bien sûr!) comme un pis-aller amer, un affaiblissement consécutif à l'échec d'une action. On peut la voir aussi comme une ascension vers la suite immédiate : être au monde mais pas de ce monde. De fait, c'est par une ascension que le protagoniste poursuit sa route à la fois dans et par-delà l'Histoire. D'une manière générale, on entre sans peine, grâce à la maîtrise de l'auteur, dans telle et telle atmosphère des lieux. Il est bon de se laisser dépayser de la sorte mais, plus que cela (après tout, l'Irlande, l'Inde ou le Thibet – avec un h – depuis chez soi, ça ne coûte pas grand-chose), on se prend à vouloir suivre aussi, page par page, ce que d'autres explorateurs ont écrit de leurs périples, ici et là, même si, d'un individu à l'autre, les motivations peuvent ne pas se ressembler. C'est un autre intérêt de Maugis: il peut se lire comme une aventure historique et ésotérique au sombre foisonnement, mais aussi ouvrir, sans prévenir (et l'auteur de ces lignes en a fait l'expérience personnelle et saisissante ; pas besoin d'en dire davantage), sur d'autres espaces, d'autres lieux.

En conclusion, Maugis, matérialisant des réseaux étranges au-delà de toute logique cartésienne, est aussi une sorte de tesseract bousculant allègrement notre conception linéaire et sagittale du temps. Dans cette optique, Christopher Gérard nous donne la possibilité, face à la très actuelle coalition des marmousets en marche, de nous tenir, tel son héros, sur les cimes, au centre de la « triple enceinte ». Le travail que mène cette autre armée des ombres est un remarquable appui-feu dans le retour à l'Unité contre l'uniformité.

Titus Burckhardt: Compte rendu : « CAVALCARE LA TIGRE » (Chevaucher le Tigre)

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Ex: https://dinul-qayyim.over-blog.com

Compte rendu paru dans Etudes Traditionnelles juillet-octobre 1962

Par son récent livre intitulé Cavalcare la Tigre, Julius Evola veut montrer comment l'homme « naturellement traditionnel », c'est-à-dire conscient d'une réalité intérieure dépassant le plan des expériences individuelles, puisse non seulement survivre dans l'ambiance traditionnelle du monde moderne, mais encore l'employer à son propre but spirituel, selon la métaphore chinoise bien connue de l'homme qui chevauche le tigre : s'il ne s'en laisse pas désarçonner, il finira par en avoir raison.

51kteUI0tYL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpgLe tigre, au sens qu'envisage Evola, c'est la force dissolvante et destructive qui entre en jeu vers la fin de tout cycle cosmique. En face d'elle, dit l'auteur, il serait vain de maintenir les formes et la structure d'une civilisation désormais révolue ; la seule chose qu'on peut faire, c'est de porter la négation au-delà de son point mort et de la faire aboutir, par une transposition consciente, non pas au néant mais à « un nouvel espace libre, qui sera peut-être la prémisse d'une nouvelle action formatrice ».

Le monde qui doit être nié parce qu'il est voué à la destruction, c'est avant tout la « civilisation matérialiste et bourgeoise » qui représente déjà en elle-même la négation d'un monde antérieur et supérieur. - Sur ce point, nous sommes d'accord avec l'auteur, mais nous constatons immédiatement qu'il ne distingue pas entre les formes propres à cette civilisation « bourgeoise » et l'héritage sacré qui survit en elle et malgré elle. De même, il semble englober dans le destin de cette civilisation tout ce qui subsiste des civilisations orientales, et cela également sans faire une distinction entre les structures sociales et leurs noyaux spirituels.
 
Nous reviendrons sur cette question. Relevons d'abord un autre aspect de ce livre : il s'agit de la critique souvent magistrale, des différents courants de la pensée moderne. Evola ne se place pas lui-même sur le terrain des discussions philosophiques, car cette philosophie moderne n'est plus une « science du vrai » ; – elle n'a même plus la prétention de l'être ; – il la considère comme un symptôme, comme un reflet mental d'une situation vitale et existentielle, essentiellement dominée par le désespoir : depuis qu'on a nié la dimension de la transcendance, il ne peut y avoir que des impasses ; il n'y a plus de sortie hors du cercle infernal du mental livré à lui-même ; tout ce qui reste, c'est la description de la propre défaite. Comme point de départ de cette analyse, l'auteur choisit la « philosophie » de Nietzsche, chez lequel il découvre un pressentiment des réalités transcendantes et comme une tentative de dépasser l'ordre purement mental, tentative vouée à l'échec par le manque d'une directive spirituelle.
 
Avec la même acuité, l'auteur analyse les fondements de la science moderne. De ce chapitre, nous citerons le passage suivant qui répond avec pertinence aux illusions spiritualistes de certains milieux scientifiques : « … De ce dernier point de vue, la science la plus récente n'a aucun avantage sur la science matérialiste d'hier. À l'aide des atomes et de la conception mécanique de l'univers, on pouvait encore s'imaginer quelque chose (bien que d'une manière très primitive) ; les entités de la dernière science physico-mathématique, par contre, sont absolument inimaginables ; elles ne constituent plus que les simples mailles d'un filet fabriqué et perfectionné non pas pour connaître au sens concret, intuitif et vivant du terme – c'est-à-dire selon le seul mode qui avait de la valeur pour une humanité non abâtardie –, mais uniquement pour avoir une prise pratique toujours plus grande, mais toujours extérieure, sur la nature qui, dans son fond, reste fermée à l'homme et mystérieuse plus qu'auparavant. Ses mystères ont seulement été « recouverts » ; le regard en a été distrait par les réalisations spectaculaires de la technique et de l'industrie, sur un plan où il ne s'agit plus de connaître le monde mais seulement de le transformer pour les buts d'une humanité devenue exclusivement terrestre... »
 

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« Répétons que c'est une mystification que de parler de la valeur spirituelle de la science récente parce qu'en elle, au lieu de matière, on parle d'énergie, parce qu'elle porte à voir dans la masse des irradiations coagulées, et quasi de la ''lumière congelée'' ou parce qu'elle envisage des espaces à plus de trois dimensions... Ce sont là des notions qui, une fois substituées à celles de la physique précédente, ne changent absolument rien à l'expérience que l'homme d'aujourd'hui peut avoir du monde... Quand on nous dit qu'il n'existe pas de matière mais seulement de l'énergie, que nous ne vivons pas dans un espace euclidien à trois dimensions, mais un espace ''courbé'' à quatre ou plus de dimensions, et ainsi de suite, les choses restent comme auparavant, mon expérience réelle n'est changée en rien, le sens dernier de ce que je vois – lumière, soleil, feu, mer, ciel, des plantes qui fleurissent, des êtres qui meurent –, le sens dernier de tout processus et phénomène n'est nullement devenu plus transparent pour moi. Il n'y a pas lieu de parler d'une connaissance qui transcende les apparences, qui connaisse en profondeur, au sens spirituel et vraiment intellectuel du terme... »

Non moins pertinentes sont les remarques de l'auteur sur les structures sociales et les arts dans le monde contemporain. Il nous faut cependant faire une réserve pour ce qui est de sa thèse de l'« asservissement de la force négative », appliqué à certains aspects de la vie moderne. Citons un exemple typique : « Les possibilités positives (du règne de la machine) ne peuvent concerner qu'une minorité exiguë, à savoir les êtres dans lesquels préexiste la dimension de la transcendance ou chez lesquels elle peut être réveillée... Eux seuls peuvent donner une toute autre valeur au ''monde sans âme'' des machines, de la technique et des métropoles modernes, en somme de tout ce qui est pure réalité et objectivité, qui apparaît froid, inhumain, menaçant, privé d'intimité, dépersonnalisant, ''barbare''. C'est précisément en acceptant entièrement cette réalité et ces processus que l'homme différencié pourra réaliser son essence et se former lui-même selon une équation personnelle valable... ».

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« Sous ce rapport, la machine même et tout ce qui, dans certains secteurs du monde moderne, a été formé selon les termes d'une pure fonctionnalité (notamment dans l'architecture) peut devenir symbole. En tant que symbole, la machine représente une forme née d'une équation exacte et objective des moyens à une fin, excluant tout ce qui est superflu, arbitraire, dispersant et subjectif ; c'est une forme qui réalise avec précision une idée (celle de la fin à laquelle elle est destinée). Sur son plan, elle reflète donc d'une certaine manière la valeur même que possédait, dans le monde classique, la pure forme géométrique, le nombre comme essence, de même que le principe dorique du rien de trop... ». Ici, l'auteur oublie que le symbole n'est pas une forme « objectivement adéquate » à n'importe quelle fin, mais une forme adéquate à une fin spirituelle ou à une essence intellectuelle ; s'il y a coïncidence, dans certains arts traditionnels, entre la conformité à un but pratique et la conformité au but spirituel, c'est que dans ce cas le premier ne contredit pas le second, ce qu'on ne saurait affirmer de la machine qui, elle, n'est pas concevable hors du contexte d'un monde désacralisé. En fait, la forme de la machine exprime exactement ce qu'elle est, à savoir une sorte de défi lancé à l'ordre cosmique et divin ; elle a beau être composée d'éléments géométriques « objectifs » tels que des cercles et des carrés, dans son ensemble et par son rapport – ou son non-rapport – avec l'ambiance cosmique, elle ne traduit pas une « idée platonique » mais bien une « coagulation mentale », voir une agitation ou une ruse. Il y a certes des cas-limites, comme celui d'une machine encore proche d'un simple outil, ou celui d'un navire moderne dont la forme épouse à un certain degré le mouvement de l'eau et du vent, mais ceci n'est qu'une conformité fragmentaire et ne contredit pas ce que nous venons de dire. Quant à l'architecture « fonctionnelle », y compris l'urbanisme moderne, elle ne peut être appelé « objective » que si l'on admet que sa fin même est objective, ce qui n'est évidemment pas le cas : toute architecture est coordonné à une certaine conception de la vie et de l'homme ; or Evola lui-même condamne le programme social sous-jacent à l'architecture moderne. En réalité, l' « objectivité » apparente de celle-ci n'est qu'une mystique à rebours, une sentimentalité congelée et déguisée en objectivité mathématique ; l'on a d'ailleurs vu combien vite cette attitude se convertit, chez ses protagonistes, en un subjectivisme des plus arbitraires et des plus flottants.
 
Certes, il n'existe pas de forme totalement retranchée de son archétype éternel ; mais cette loi trop générale ne saurait être invoquée ici, et cela pour la raison suivante : pour qu'une forme soit un symbole, il faut qu'elle se situe dans un certain ordre hiérarchique par rapport à l'homme. Distinguons, pour être précis, trois aspects du symbolisme inhérent aux choses : le premier se réduit à l'existence même d'une forme, et en ce sens, toute chose manifeste son origine céleste ; le second aspect est le sens d'une forme, sa portée intellectuelle, soit à l'intérieur d'un système donné, soit encore en elle-même par son caractère plus ou moins essentiel et prototypique ; enfin, il y a l'efficacité spirituelle du symbole qui présuppose chez l'homme qui l'utilise, une conformité à la fois psychique et rituelle à une certaine tradition.

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Nous avons insisté sur ce point, parce que Julius Evola méconnaît l'importance cruciale d'un rattachement traditionnel, tout en admettant la possibilité d'un développement spirituel spontané ou irrégulier, guidé par une sorte d'instinct inné et éventuellement actualisé par l'acceptation de la crise du monde actuel comme une catharsis délivrante. C'est là presque l'unique perspective qui resterait ouverte à l' « homme différencié » de nos temps, car l'appartenance à une religion se réduit, pour Evola, à l'intégration dans un milieu collectif plus ou moins décadent, tandis que la possibilité d'une initiation régulière serait à écarter : « ...Retenons que de nos jours, elle (cette possibilité) doit être pratiquement exclue ou presque, par suite de l'inexistence quasi complète des organisations respectives. Si les organisations de ce genre ont toujours eu, en Occident, un caractère plus ou moins souterrain à cause du caractère de la religion qui parvint à y prédominer et de ses initiatives de répression et de persécution, elles ont entièrement disparu dans les derniers temps. En ce qui concerne d'autres régions, l'Orient surtout, ces organisations y sont devenues toujours plus rares et inaccessibles, à moins que les forces dont elles étaient les véhicules n'aient été retirées d'elles, parallèlement au processus général de dégénérescence et de modernisation qui a fini par envahir même ces régions. De nos jours, même l'Orient n'est plus capable de donner autre chose que des dérivés ou un ''régime de résidus'' ; on est forcé de l'admettre rien qu'en considérant le niveau spirituel des Asiatiques qui ont commencé à exporter et à divulguer chez nous la sagesse orientale... »
 
Ce dernier jugement n'est absolument pas concluant : si les Asiatiques en question étaient les vrais représentants des traditions orientales, les divulgueraient-ils ? Mais supposons qu'Evola ait raison avec son jugement des organisations traditionnelles en tant que groupements humains : sa façon de voir n'en comporte pas moins une grave erreur d'optique, car aussi longtemps qu'une tradition conserve intactes ses formes essentielles, elle ne cesse d'être le garant d'une influence spirituelle – ou d'une grâce divine – dont l'action, si elle n'est pas toujours apparente, dépasse incommensurablement tout ce qui est dans le pouvoir de l'homme. Nous savons bien qu'il existe des méthodes ou des voies, comme le Zen, qui se fondent sur le ''pouvoir de soi-même'' et qui se distinguent en cela d'autres voies se fondant sur le ''pouvoir de l'autre'', c'est-à-dire en dehors du cadre formel d'une tradition donnée. Le Zen notamment, qui offre peut-être, l'exemple le plus saillant d'une spiritualité non formelle, est parfaitement, et même particulièrement, conscient de la valeur des formes sacrées. On dépasse les formes, non en les rejetant d'avance, mais en les intégrant dans leurs essences supra-formelles.  

D'ailleurs, Evola défnit lui-même la fonction médiatrice de la forme quand il parle du rôle du « type » spirituel, qu'il oppose à l'individu ou à la « personnalité » au sens profane et moderne du terme : « Le type (la tipicità) représente le point de contact entre l'individuel et le supraindividuel, la limite entre les deux correspondant à une forme parfaite. Le type désindividualise, en ce sens que la personne incarne alors essentiellement une idée, une loi, une fonction... ». L'auteur précise bien que le type spirituel se situe normalement dans le cadre d'une tradition, mais il ne conclut pas, apparemment, à la nature typique, c'est-à-dire implicitement supraindividuelle, de toute forme sacrée, sans doute parce qu'il n'envisage pas ce que les religions monothéistes appellent révélation. Or, il est inconséquent d'admettre la « dimension transcendante » de l'être – autrement dit la participation effective de l'intellect humain à l'intellect universel – sans admettre également la révélation, c'est-à-dire la manifestation de cet Intellect ou Esprit en formes objectives. Il y a un rapport rigoureux entre la nature supraformelle, libre et indéterminée de l'Esprit et son expression spontanée – donc « donnée par le Ciel » – en des formes nécessairement déterminée et immuables. Par leur origine, qui est illimitée et inexhaustible, les formes sacrées, bien que limitées et « arrêtées », sont les véhicules d'influences spirituelles, donc de virtualités d'infini, et à cet égard il est tout à fait impropre de parler d'une tradition dont il n'existerait plus que la forme, l'esprit s'étant retiré d'elle comme l'âme a quitté un cadavre : la mort d'une tradition commence toujours par la corruption de ses formes essentielles.

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Selon toutes les prophéties, le dépôt sacré de la Tradition intégrale subsistera jusqu'à la fin du cycle ; cela signifie qu'il y aura toujours quelque part une porte ouverte. Pour les hommes capables de dépasser le plan des écorces et animés d'une volonté singulière, ni la décadence du monde environnant, ni l'appartenance à tel peuple ou tel milieu, ne constituent des obstacles absolus.  

Quaerite et invenietis.

Revenons un instant au titre du livre d'Evola : l'adage qu'il faut « chevaucher le tigre » si l'on ne veut pas être déchiré par lui, comporte évidemment un sens tantrique ; le tigre est alors l'image de la force passionnelle qu'il faut dompter. On peut se demander si cette métaphore convient réellement à l'attitude de l'homme spirituel à l'égard des tendances destructives du monde moderne : remarquons d'abord que n'importe quoi n'est pas un « tigre » ; derrières les tendances et les formes que Julius Evola envisage, nous ne trouverons aucune force naturelle et organique, aucune shakti dispensatrice de puissance et de beauté ; or, l'homme spirituel peut utiliser rajas, mais il doit rejeter tamas ; enfin il y a des formes et des attitudes qui sont incompatibles avec la nature intime de l'homme spirituel et avec les rythmes de toute spiritualité. En réalité, ce ne sont pas les caractères particuliers, artificiels et hybrides du monde moderne qui peuvent nous servir de support spirituel, mais bien ce qui, dans ce monde, est de tous les temps.

Titus Burckhardt

Entretien avec Götz Kubitschek, écrivain et éditeur allemand de la "Neue Rechte"

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Entretien avec Götz Kubitschek, écrivain et éditeur allemand de la "Neue Rechte"

Ex: https://www.breizh-info.com

L’écrivain et éditeur allemand de la Nouvelle Droite Götz Kubitschek réside à Schnellroda, un village situé dans l’Est de l’Allemagne, en Saxe-Anhalt. Lionel Baland lui a rendu visite et l’a interrogé pour Eurolibertés.

Breizh-info.com : Quand avez-vous créé vos structures ? 

Götz Kubitschek : Les éditions Antaios (https://antaios.de/) et la fabrique d’idées intitulée Institut für Staatspolitik (Institut pour la politique d’État) (https://staatspolitik.de/) ont été fondées en 2000 et le magazine Sezession (https://sezession.de/) en 2003.

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Breizh-info.com : Que pensent les habitants du village de vos activités ? 

Götz Kubitschek : Les habitants du village ne sont pas très intéressés par les débats d’idées. Il n’y a pas de problème. Ils acceptent celles-ci. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est un parti politique patriotique qui a pignon sur rue. Ici, cela fait partie de la normalité.

Lorsque nous organisons une formation, les gauchistes viennent ici. Ils reçoivent de l’argent de l’État. Mais cela nous est égal.

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Götz Kubitschek et son épouse Ellen Kositza: un tandem indestructible

Breizh-info.com : Vos enfants rencontrent-ils des problèmes à l’école ? 

Götz Kubitschek : Non.

Breizh-info.com : Publiez-vous des auteurs francophones ? 

Götz Kubitschek : Oui. Nous mettons à la disposition du public germanophone des productions de Jean Raspail, Richard Millet, Renaud Camus, Henry de Montherlant, Laurent Obertone. Nous traduisons des articles de la revue Nouvelle École, par exemple de Guillaume Travers. Nous avons interrogé Dominique Venner juste avant son décès.

Breizh-info.com : Êtes-vous engagé en politique ? 

Götz Kubitschek : La métapolitique et la littérature m’intéressent, mais pas les partis politiques.

Breizh-info.com : Comment expliquez-vous la différence entre l’Ouest et l’Est de l’Allemagne ? 

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L'atmosphère de la thébaïde où oeuvre Götz Kubitschek est idyllique et pastorale

Götz Kubitschek : L’histoire de ces deux parties du pays après la Seconde Guerre mondiale a été complètement différente. L’Est a connu l’occupation russe et le socialisme. Puis, lors de la révolution de 1989, la population a contesté le régime. Elle sait ce qu’est le mensonge, l’élite qui est éloignée du peuple, la non-indépendance de la presse, les dénonciations, la diffamation.

Dans l’Ouest, ce n’est pas aussi prégnant.

Breizh-info.com : La République Démocratique Allemande (RDA) était-elle nationaliste ? 

Götz Kubitschek : Elle n’était pas aussi ouverte. Les idées socialistes fonctionnent toujours mieux dans le cadre nationaliste.

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Breizh-info.com : Avez-vous des problèmes avec l’État ? 

Götz Kubitschek : L’État criminalise ce que nous faisons et nous criminalise, via l’Office fédéral de protection de la Constitution [NDLR : un service de renseignement]. C’est irrationnel et surréaliste. Mais cela ne me dérange pas dans mon travail. C’est un peu comme une abeille dans un verre de bière.

Je n’ai jamais été violent et je n’ai jamais appelé à la violence, ni à la fin du système et pourtant nous sommes sous surveillance.

L’Office de protection de la Constitution est instrumentalisé. Il ne sert pas la protection de la Constitution, mais les partis du système par rapport à la concurrence.

Breizh-info.com : Et avec le fisc ? 

Götz Kubitschek : Non. Nous n’avons pas de problème car tout est propre et donc nous ne sommes pas attaquables sous cet angle.

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Breizh-info.com : Et avec les livres que vous publiez ? 

Götz Kubitschek : Non, à part avec les auteurs. Je n’ai pas eu de problèmes, pas de livres interdits. Amazon supprime des livres de son catalogue. Parfois des libraires ne veulent pas les vendre, mais en général cela se passe bien.

Les choses sont simples : être éditeur est une grande chose et attirer de nombreux jeunes est une joie. Ce que l’État, les journalistes et les antifas font ne m’occupe que 10 minutes.

Breizh-info.com : Que pensez-vous des écrits de Thilo Sarrazin, l’écrivain, désormais exclu du Parti social-démocrate SPD, qui a dénoncé dans ses ouvrages les conséquences de l’immigration ? 

Götz Kubitschek : Sarrazin était important pour nous il y a une décennie. Il a ouvert une porte.

Propos recueillis par Lionel Baland

Autonomie für die Afrikaanse Nation! Ein Superethnos in Südafrika

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Autonomie für die Afrikaanse Nation!

Ein Superethnos in Südafrika

von Dr. Christian Böttger

ISBN 9783938176832,
354 Seiten + 10 farbige Bilderseiten, Softcover

Preis: 24,80 Euro

Erscheinungstermin: 5. Oktober 2020

Moderne Geschichtswissenschaftler – Anhänger der konstruktivistischen Ideologie – wollen uns weismachen, Völker seien nichts als reine Erfindungen. Daß es sich bei dieser Betrachtungsweise um einen wissenschaftlichen Irrweg handelt, der durch eine nüchterne, sachliche Untersuchung aufgedeckt werden kann, beweist dieses aufschlußreiche Werk über die vielfältige Geschichte und Kultur Südafrikas.

Als Kampfansage gegen diese konstruktivistische Ideologie stellt der Autor deutlich die Charakteristika der Völker in Südafrika dar und arbeitet die Gemeinsamkeiten der Afrikaanssprachigen heraus, die diese zu einem Superethnos verschmelzen lassen. Dabei achtet er streng darauf, sprachliche, kulturelle und historische Gesichtspunkte in den Vordergrund zu stellen anstelle der Hautfarbe oder der ethnischen Abstammung. Damit grenzt sich die Untersuchung sowohl von der rassistischen Gesetzgebung der Apartheidszeit ab als auch von dem schwarzen Rassismus gegen Buren und Farbige, der seit dem Ende der Apartheid in Südafrika immer deutlicher zutage tritt.

Die heutige Politik der »Bevorzugung der ehemals Benachteiligten« ist lediglich ein Deckmantel für den neuen schwarzen Rassismus in Südafrika, der von ungerechten Quotenregelungen über die Ausgrenzung von Afrikaans als Sprache an den Schulen und Universitäten bis hin zu brutalen ethnischen Säuberungen reicht: »Kill the farmer, kill the boer« – tötet den Farmer, tötet den Buren!

Das vorliegende Buch stellt nicht nur umfassend die Geschichte und Kultur der Völker Südafrikas dar. Es richtet vor allem den Fokus auf die Autonomiebestrebungen der unterdrückten Minderheiten und bietet Impulse für eine mögliche, künftige afrikaanse Nation.

Über den Autor

Christian Böttger, geb. 1954, Facharbeiterausbildung als Gärtner für Zierpflanzenbau mit Abitur 1974. Er  studierte von 1983–1988 Ethnographie, deutsche Geschichte und Volkskunde an der Humboldt-Universität zu Berlin. Danach arbeitete er bis Ende 1991 als wissenschaftlicher Mitarbeiter im Wissenschaftsbereich Kulturgeschichte/Volkskunde am Zentralinstitut für Geschichte (Akademie der Wissenschaften der DDR) an einem Forschungsprojekt auf dem Gebiet der Kulturgeschichte sozialer Reformbewegungen in Deutschland um 1900. Ende 1993 promovierte er an der Humboldt-Universität zum doctor philosophiae. Anschließend war er als wissenschaftlicher Mitarbeiter an verschiedenen Lexikonprojekten beschäftigt. Seit 2019 schreibt Böttger auch für die wieder ins Leben gerufene Internetzeitschrift wir selbst.

Mit freundlichen Grüßen

Heiderose Weigel

Lindenbaum Verlag GmbH

Bergstr. 11, 56290 Beltheim-Schnellbach
Tel. 06746 / 730047
E-Brief: lindenbaum-verlag@web.de
Internet: www.lindenbaum-verlag.de

Inhalt

  • Vorwort
  • Begriffliches: Nation und Superethnos
  • 1. Nationsbegriff im Nachkriegs(west)deutschland
  • 2. Der „moderne“ und der ethnische Nationsbegriff – ein Exkurs
  • 3. Otto Bauer sagt’s genauer
  • 4. Nation als ethnosozialer Organismus
  • 5. Die Ethnos-Theorie Lew Gumiljows
  • Kurzer Abriß zur Geschichte Südafrika
  • Völker zwischen Superethnos und Nation
  • 1. Die Khoikhoi
  • 2. Die Buren
  • 3. Cape Coloureds – Kaapse Kleurlinge – Bruinmense
  • 4. Baster und Griqua
  • 5. Nama und Oorlam
  • 6. Die Korana
  • 7. Sonderfall Kapmalaien
  • 8. Überethnische Ganzheit als System
  • Der südafrikanische Dualismus
  • 1. Der klimatische Dualismus
  • 2. Widerspiegelung des Dualismus in der Vegetationstopographie
  • 3. Der politische Dualismus
  • 4. Der historische Dualismus
  • 4.1. Vom afrikaansen Superethnos zur Nation
  • 4.2. Vom Superethnos der Südostbantu zur Nation
  • 5. Mfecane und der südafrikanische Dualismus
  • Gemeinsame Züge einer afrikaansen Nationalkultur
  • 1. Die gemeinsame Sprache
  • 2. Die Niederländisch-Reformierte Kirche
  • 3. Gemeinsame Züge – Vom Vastrap zur Burenmusik
  • 4. Die ATKV – eine Kulturvereinigung des Superethnos?
  • Die politische Widerspiegelung der Nation
  • 1. Braunes Selbstbewußtsein erwacht
  • 2. Bruin Bemagtiging Beweging
  • 3. Freiheitsfront Plus
  • 4. Das Projekt „Orania“
  • 5. Die Kaapse Party (Cape Party)
  • 6. Kaapse Federale Alliansie (Kapländische Föderale Allianz)
  • 7. Die Change.org-Petition
  • Ergebnis und Ausblick
  • Verzeichnis der Abbildungen
  • Verzeichnis der Karten