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dimanche, 31 janvier 2021

Retour à la réalité territoriale

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Retour à la réalité territoriale

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.org

Le 1er janvier 2021 est née une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier en France métropolitaine. Après la séparation de la Métropole de Lyon du département du Rhône redevenu rural en 2015 et la formation d’une Collectivité de Corse qui rassemble les compétences régionales et départementales de l’Île de Beauté en 2018, voici la Collectivité européenne d’Alsace (CEA).

La CEA résulte de la fusion des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Les cartes administratives continueront cependant à indiquer ces deux départements. Une nouvelle institution, le Conseil d’Alsace, les dirige. Il dispose des prérogatives départementales habituelles (actions sociale et sanitaire, logement et habitat, collèges, etc.) ainsi que de quelques capacités supplémentaires comme par exemple le bilinguisme, le tourisme, la voirie ou la coopération transfrontalière.

La réduction du nombre de régions en 2014 ordonnée par François Hollande suscite non pas de substantielles économies financières, mais plutôt un net regain de l’affirmation alsacienne. Bien des Alsaciens n’acceptent toujours pas la disparition de leur région amalgamée aux régions Lorraine et Champagne – Ardennes dans un grand ensemble au nom ridicule de « Grand Est ». Longtemps réticents à toute union du « 67 » et du « 68 », les élus locaux s’entendent finalement sur une unification. Avec la CEA renaît donc une structure administrative alsacienne garante de son appartenance géo-historique à la vallée du Rhin, de sa culture régionale, de son droit local et de son système concordataire de 1801. Certes, la nouvelle collectivité va devoir se faire respecter d’un État parisien toujours plus tatillon, d’une grande région jalouse de ses pouvoirs, et des intercommunalités, dont l’Eurométropole de Strasbourg, en quête de nouvelles dispositions réglementaires.

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Lyon la métropolitaine, l’Alsace et la Corse appartiennent dorénavant aux « collectivités territoriales uniques » qui intègrent les assemblées départementales et régionales. On retrouve ces collectivités territoriales originales en Outre-mer. Dès 2007, au large du Canada, Saint-Pierre-et-Miquelon devient une collectivité spécifique avec un conseil territorial unique. En 2011, le nouveau département de Mayotte reçoit du fait de son insularité toutes les compétences régionales. En 2016, la Guyane et la Martinique accèdent à leur tour à ce statut différencié. En revanche, la Guadeloupe dans les Antilles et La Réunion dans l’océan Indien gardent pour l’instant leur qualité de « région monodépartementale », soit un chevauchement souvent ubuesque sur le même espace du conseil départemental et du conseil régional. Signalons que les possessions françaises en Océanie (Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Wallis-et-Futuna) n’entrent pas cette catégorie.

Par-delà ces quelques exemples édifiants d’un mille-feuille administratif sans cesse renaissant, force est de constater l’apathie publique envers les enjeux de la décentralisation et de l’aménagement du territoire. Faut-il garder la structure commune – département – région ? Avant les nombreux regroupements pas toujours réussis, la commune perpétuait le pagus (le pays) gallo-romain. Les départements réagissent à ces évolutions territoriales en nouant des partenariats. Depuis une vingtaine d’années, Savoie et Haute-Savoie coopèrent sur de nombreux dossiers. La Drôme et l’Ardèche ont tissé des liens au-dessus du Rhône qui les sépare. La Loire et la Haute-Loire mutualisent leurs équipements routiers. La géographie de la France, plus vaste État de l’Union européenne, invite cependant au pragmatisme. En 1946, Michel Debré proposait au général de Gaulle une réduction du nombre de départements en les redessinant. Il importe aujourd’hui de réunir quand c’est possible les communes, de conserver le département et de maintenir la région. Au « diviser pour mieux régner » pratiqué par les différents régimes centralisateurs, les communes, les départements et les régions peuvent parfaitement se compléter dans un nouvel agencement territorial et administratif cohérent. La commune gère la vie courante; le département se charge de l’instruction et des affaires sociales; la région s’occupe des transports et de l’économie. Le Mouvement Normand réclame cette nouvelle répartition des pouvoirs entre les collectivités territoriales depuis près de… trente ans !

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Menacée d’étouffement économique et démographique par la « ville – monde » Paris et une Île-de-France elle-même bien déséquilibrée sur les plans social et démographique, les pays de France peuvent renouer avec les mille et une facettes de leur quotidien bigarré. Malgré l’urbanisation des campagnes, l’américanisation des mentalités et la fin de l’esprit paysan, la France demeure encore cette subtile et délicate marqueterie de langues, de terroirs, de gueules et d’accents.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 199, mise en ligne sur TVLibertés, le 26 janvier 2021.

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