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jeudi, 19 mai 2022

Nihilisme généralisé/ La société "pathologique" et l'angoisse face à la vie

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Nihilisme généralisé/ La société "pathologique" et l'angoisse face à la vie

par Claudia Castaldo

Source: https://www.destra.it/home/nihilismo-diffuso-la-societa-patologica-e-ansia-della-vita/

Parmi les processus de déspiritualisation que connaît l'anthropologie contemporaine, celui de la sécularisation des questions de sens est le plus inquiétant. Depuis que le nihilisme de la société technologique post-moderne, courant vétéran issu de la fin du sacré compris en termes religieux autant qu'éthiques, a redimensionné l'espace intérieur de l'homme, les angoisses constitutives de l'être humain ont été adaptées au monde scientifique et clinique dans lequel nous nous trouvons, dans lequel il n'y a de place que pour la "vie nue" (Agamben) dépouillée de la dimension de l'au-delà. Ainsi, le désir ardent de l'inconnu et la tension vers le transcendant ont été remplacés par la peur concrète et réifiée du monde, par l'obsession de la maladie et du corporel, qui se transforment en une attitude de préoccupation angoissée et épuisante de l'existence elle-même.

Le monde médicalisé qui prend l'apparence d'une clinique, soutenu par des poussées technico-scientifiques, prive l'individu de l'effort d'excavation intérieure pour faire remonter à la surface les questions spirituelles, qui méritent au contraire une réflexion approfondie qui doit toujours rester vivante. Les pulsions de la conscience sont progressivement dé-potentialisées pour être remplacées par une anxiété généralisée dirigée sans discernement contre la vie elle-même.

L'approfondissement de la dimension eschatologique, dépassée par la modernité et l'héritage d'un monde mythico-spirituel tombé en ruine, n'est pas permis. Les gens peuvent toutefois déverser cette fonction anthropologique et psychologique fondamentale sur le front émotionnel, puisque les émotions semblent plus faciles à vivre intérieurement. La peur et l'espoir sont intensément perçus, et c'est sur eux que peuvent se fonder des comportements et des attitudes de masse détachés de tout examen attentif effectué par la raison: c'est l'accomplissement parfait de la société pathologique par excellence, dans laquelle les sentiments se déchaînent sans passer par l'examen de la rationalité. Les énergies psychiques et intellectuelles consacrées à la dimension du destin ultime, qui anime l'homme dans sa quête de sens, en ont été détournées pour être tournées vers la création d'un espace privé et irrationnel où règnent la paranoïa, les angoisses et les inquiétudes. L'exploitation de ces instincts intimes par les institutions et les médias permet un contrôle total sur les individus, qui se laisseront manœuvrer de l'extérieur pour mettre fin au sentiment de précarité et d'instabilité dans lequel ils sont contraints de vivre.

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La vie est vécue dans la peur dévorante générée par ce qui échappe au contrôle humain, et c'est sur cette peur anxiogène et omniprésente que les systèmes politiques phobocrates établissent leur consensus, en l'alimentant constamment. Les gens sont stimulés à l'anxiété de sorte qu'ils se réfugient dans leur monde émotionnel personnel à la recherche d'une paix intérieure, perdant le contact avec la réalité factuelle et n'étant plus capables d'analyser lucidement les faits. Ils deviennent des jeunes gens problématiques, anxieux et paranoïaques, ayant toujours besoin d'aide et de consolation, qui, comme des enfants impuissants, n'ont ni la force de supporter le douloureux sentiment d'égarement et de privation qui vide sans cesse leurs existences, ni le courage de rêver les fondations d'un monde nouveau.

L'explication causale et rationnelle des événements est remplacée par une foi aveugle dans les récits dominants et par conséquent dans les solutions bizarres proposées aux problèmes sociaux, qui apaisent momentanément les âmes tourmentées des ineptes perpétuellement effrayés. Pour faire face aux vides laissés par le manque de spiritualité, la société de l'angoisse remplit ses cavités intérieures de récits passionnants, pleins de passions contradictoires, qui semblent, seulement en apparence, restaurer une partie de cette profondeur spirituelle oubliée, que même l'homme moderne continue de rechercher bien qu'il ne se soit pas doté des outils mentaux pour la refonder et la cultiver. Règles et tabous de guerre pour faire face à l'absence de valeurs éthiques ; obsession, peur et espoir en lieu et place de la recherche spirituelle de l'au-delà.

Le vide laissé par la dé-spiritualisation de l'homme se remplit d'anxiété.

jeudi, 10 mars 2022

Nous devons parler de l'échec de la civilisation

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Nous devons parler de l'échec de la civilisation

par Brett Stevens

Source: http://www.amerika.org/politics/we-must-talk-about-civilizational-failure/

Les gens avaient l'habitude de parler de l'éléphant dans la pièce, une métaphore pour désigner un sujet de conversation si sensible que tout le monde l'évite et parle de banalités à la place.

La métaphore fonctionne parce que vous pouvez facilement visualiser les gens discutant de toutes sortes de petites choses et ignorant la grande évidence, car c'est là le comportement humain par défaut.

Si vous reprenez une entreprise, un groupe militaire, une église ou un groupe d'amis, vous faites bien de commencer par une chasse à l'éléphant. Si l'entreprise n'est pas performante, il doit y avoir un tel "éléphant" ou quelque chose dont tout le monde nie l'existence.

Dans une entreprise, il s'agit généralement de la concurrence, d'une défaillance du produit ou d'un défaut de la chaîne d'approvisionnement. Dans un groupe, il peut s'agir de personnalités toxiques ou d'une situation où toutes les personnes talentueuses sont parties.

L'éléphant dans la pièce pour nous, en Occident, c'est l'échec patent de la civilisation. Notre civilisation a échoué lorsqu'elle a adopté la pathologie de l'individualisme, se manifestant par l'égalitarisme, y compris par la démocratie.

Son échec était patent à l'époque de la Première Guerre mondiale, et il est alors devenu évident que nous étions devenus fous parce que nous poursuivions des objectifs insensés qui sont paradoxaux par rapport à la réalité qui fonctionne en termes de cycles, de modèles et d'autres structures intangibles.

Nous devons parler de l'échec de la civilisation, de la manière de l'inverser et d'éviter qu'il ne se reproduise.

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Tout le reste n'est que distraction. En tant qu'auteur d'une philosophie appelée Parallélisme, je me dois de signaler que nos échecs personnels sont parallèles aux échecs de notre civilisation.

Presque tout le monde en Occident a perdu la raison à ce stade, et presque tout ce qui est accepté comme "fait" ou comme "bien" est en fait une illusion. N.B. : le reste du monde est moins compétent et plus fou, mais cela n'a en fait aucune incidence sur notre avenir.

Les choses semblent sombres en ce moment, mais cela aussi est une illusion.

Nous sommes dans le déni de l'éléphant dans la pièce (EITR/"Elephant in the Room") depuis des siècles, voire plus. Notre civilisation a réussi, et nous avons donc perdu le sens de l'objectif fixé, et c'est alors que les personnes incapables de faire quoi que ce soit ont remplacé les personnes capables de faire quelque chose, en faisant appel à la peur collective de l'insuffisance personnelle.

La socialisation et le statut social ont remplacé la fonction. L'illusion populaire a remplacé l'élan vers la réalité et l'excellence en son sein (arete). L'égoïsme a remplacé la fierté de faire le bien et de faire partie d'une tribu.

Nous avons été dans le déni pendant des siècles. Maintenant, le déni prend fin. Oui, cela fera mal pendant un certain temps, mais une fois que nous aurons passé l'obstacle de notre propre illusion, nous aurons une grande opportunité de faire beaucoup mieux.

lundi, 31 mai 2021

Le Nihilisme en Six Questions

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Café Noir N.25

Le Nihilisme en Six Questions

 
Friedrich Nietzsche, Arthur Schopenhauer, Johann Wolfgang von Goethe, Martin Heidegger, etc.
Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
Émission du vendredi 28 mai 2021 avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed.
 
Pierre Le Vigan – Achever le Nihilisme (Éditions Sigest) https://edsigest.blogspot.com/2019/01...
 

mercredi, 12 mai 2021

Comprendre le fatum pour surmonter le nihilisme

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Pierre Le Vigan:

Comprendre le fatum pour surmonter le nihilisme

L’homme est un animal réflexif. Il vit et se regarde en train de vivre. Il en est de même des peuples. Ils font leur histoire, mais ils ne savent que rarement l’histoire qu’ils font. Mais ils se regardent faire l’histoire. Celle-ci leur apparait comme destin. Ce qui est destin est ce qui a eu lieu. Ce n’est aucunement l’inéluctable. Mais ce n’est pas non plus un hasard. C’est pourquoi il nous faut toujours regarder notre destin comme quelque chose qui nous était échu. Il nous enseigne sur ce que nous fûmes et sur ce que nous sommes.

Le fatum, le destin, c’est l’acceptation de la vie comme porteuse de sens. Accepter le fatum, ce n’est pas être fataliste sur notre situation personnelle ou notre situation historique. Ce n’est pas être téléologique, et penser que les choses ne pouvaient pas être autrement. C’est être conscient qu’il y a un sens dans ce qu’elles ont été, peut-être une grandeur dans le malheur, et un malheur dans la grandeur (le fait que la Russie s’est trouvée amenée à dominer l’Europe de l’est durant plus de 40 ans, de 1945 à 1949 en est un bon exemple). C’est surtout savoir que si nous avons une liberté, cette liberté n’est pas sans limites, ni sans responsabilités. Voir et accepter les limites de notre propre liberté, c’est une force, car toute lucidité est une force. C’est pourquoi acquérir le sens du fatum n’est pas un renoncement à vivre et à agir. Le sens du fatum n’exclut pas de vouloir changer le cours des choses, le cours de nos vies, le cours de l’histoire.

41zilsQO4xL.jpgLe fatum est d’abord le sentiment de l’unité du monde. Diogène Laerce (3ème s. av. JC) dit : « Dieu, l'Intellect, le Destin et Zeus ne font qu'un » (Vies et doctrines des philosophes illustres, VII, 135, Livre de poche / Classique, 1999). Il est ensuite, avec les stoïciens, le sentiment des causalités nécessaires pour que les choses adviennent, de l’interaction de toutes choses (ou encore principe de sympathie universelle), et du principe de non-contradiction qui régit le réel : une chose ne peut être et ne pas être. « Le destin est la somme de toutes les causes », résume Marc-Aurèle en une formule qui est celle du stoïcisme tardif, de plus en plus causaliste. Le fatum c’est l’acceptation que la volonté, et le caractère de chacun, puissent ne pas suffire à changer les choses et soi-même.  Ce n’est pas le renoncement à essayer de forger son destin, à avoir des ambitions pour soi et les autres. Le sentiment du fatum n’est pas le nihilisme.

Qu’est-ce que le nihilisme ? C’est l’idée que rien ne vaut la peine de vouloir. Nietzsche distingue le nihilisme passif, qui constate que toutes les valeurs établies sont ruinées par leur propre imposture, et le nihilisme actif, qui veut sur cette table rase refonder par la seule volonté de nouvelles valeurs. « Je suis aussi une fatalité », écrit Nietzsche (Ecce Homo). Il écrit aussi dans une lettre à Georg Brandes, le 20 novembre 1888, à propos de l’Antéchrist : « - Mon "Inversion de toutes les valeurs", dont le titre principal est l'Antéchrist, est terminée ».  C’est-à-dire qu’à la piété, Nietzsche a opposé la volonté, à la charité, il oppose la générosité, à la complaisance pour la faiblesse, il oppose l’admiration de la force. En d’autres termes, rien ne peut empêcher la volonté de l’homme, et certainement pas une autorité supra-humaine, de donner du sens au monde. Mais pour Nietzsche, toutes les donations de sens ne sont pas équivalentes. « Le mal suprême fait partie du bien suprême, mais le bien suprême, c'est le bien créateur. » (Ecce Homo, « Pourquoi je suis une fatalité »). Un mal aussi incontestable et profond que la guerre n’a t-il pas pu être vu comme  « une revanche de l’enthousiasme orgiaque » par Jan Patocka (Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire, Verdier, 1988) ? La violence peut être nihiliste, mais, comme l’ont vu Michel Maffesoli et René Girard, elle peut aussi être fondatrice.

C’est assez signifier la question de l’ambiguïté de la volonté : la volonté peut tourner sur elle-même. Elle peut être pure « volonté de volonté » c’est-à-dire nihilisme actif, non au sens de Nietzsche (qui détruit pour reconstruire), mais au sens d’un nihilisme destructeur.  De son coté, Léo Strauss avait bien montré que l’énergie nihiliste pouvait trouver l’un de ses aboutissements dans le nazisme (Nihilisme et politique, Rivages, 2000), en tant que ce dernier est héritier du positivisme (croyance scientiste au progrès) et de l’historicisme (croyance mystique en un âge d’or et millénarisme).

Positivisme et historicisme millénariste : un cocktail explosif.

41oqpoPF1nL._SX328_BO1,204,203,200_.jpgAprès ce que Jan Patocka a justement appelé la « traversée de la mort » (Essais hérétiques, op. cit.), représentée par les heurs et malheurs, drames inouïes et désillusions du XXème siècle, se pose la question des fondements de la volonté. Vouloir, mais pour quoi faire ? L’énergie est un bien, mais il faut aussi l’appliquer à un bien.  Le bilan de la traversée du XXème siècle est double. 1/ le nihilisme acharné, destructeur et radicalisé, le nihilisme qui dit que « puisque certaines choses sont fichues, que tout soit fichu ». 2/ le nihilisme « mou » qu’est la fatigue.

La « bonne fatigue » d’après le travail, celle qu’évoque Peter Handke (Essai sur la fatigue, Gallimard, 1991) doit, en effet, ici être opposée à une fatigue structurelle qui est une sorte de découragement, d’« à quoi-bon », d’acédie, selon Evagre et Cassien, et s. Thomas d’Aquin, qui précède même toute action, comme le dit  Jean-Louis Chrétien (La fatigue, Minuit, 1996). C’est alors une grande fatigue de la volonté. Le découragement ou ce que Jacques Arènes et Nathalie Sarthou-Lajus appellent justement « La défaite de la volonté » (éponyme, Seuil, 2005), trouvent leur origine dans deux distorsions modernes du fatum, c’est-à-dire du destin.

La première distorsion est celle qui dit que le destin moderne est que tout est possible et que tout ce qui sera possible sera réalisé. A l’échelle des subjectivités individuelles, à qui il est requis d’être « inventif », « créatif » et même « récréatif », on conçoit qu’un gouffre d’angoisse et d’incertitude s’ouvre.   Quelle place subsiste pour la volonté personnelle si un mouvement anonyme et irréversible – la technique – rend tout possible et toute possibilité inéluctable ?

La deuxième distorsion qui affecte la volonté et incline au découragement est la vision désenchantée et déterministe de la société. Si la reproduction sociale et culturelle est si fortement déterminée que le disent les sociologues tels Pierre Bourdieu, et si, en même temps, le destin est tout entier social, fait de conformité à la norme et d’intégration, quelle place y a t-il encore pour l’exercice de la volonté ?

L’illusion de la toute-puissance et l’illusion de l’impuissance se rejoignent ainsi pour décourager l’exercice de la volonté. La négation du manque comme constitutif de la vie des hommes remplace toute énergie pour chercher à combler une incomplétude. Soit on remplit un manque par un produit ou par une pratique   – et c’est l’addiction – ou bien on s’enlise dans l’ennui. La recherche d’excitations et d’excitants aboutit à la perte de la présence à soi et de la présence aux autres, à l’incapacité de faire des expériences  dans la durée, donc à avoir une réelle expérience de la vie.  Nous sommes ici à l’opposé du précepte de James Joyce : « Ô vie, je vais pour la millionième fois à la rencontre de la réalité de l’expérience » (Dedalus).

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L’hyperémotivité contemporaine et l’hypersensibilité nourrissent le narcissisme qui demande lui-même en retour des réassurances hyper-protectrices (cellules de soutien psychologique, etc). La volonté opiniâtre de continuer son chemin, quel qu’il soit, défaille. La société valorise la repentance plutôt que l’orgueil et la persévérance. On assiste ainsi à une déstabilisation des fondements de la volonté d’une part par le discours du bougisme, par un  lent travail de sape de la longue durée de l’autre. L’instrument de ce dernier ? L’ennui. Or, l’ennui est le contraire de l’activation de la volonté, comme le montre  Lars Fr. H. Svendsen (Petite philosophie de l’ennui, Fayard, 2003). C’est pourquoi entre le chagrin et le néant, ou entre le chagrin et l’ennui, certains - le mélancolique en l’occurrence – choisissent le chagrin (inguérissable de préférence).

Mais si la volonté du mélancolique est une vraie volonté, c’est une volonté triste. C’est une des passions tristes dont parle Spinoza. Une volonté sereine suppose un fatum sans fatalisme ni culpabilité. Selon Job (Livre de Job, 9, 28 : « Je suis effrayé de toutes mes douleurs. Je sais que tu ne me tiendras pas pour innocent »), nul n’est innocent de ses maux. A défaut de trouver le responsable en soi-même, on peut toujours passer sa vie à chercher un coupable ailleurs. Il faut balayer ces âneries. Chercher un coupable, c’est justement là qu’est l’erreur. C’est là qu’est l’impasse. 0C’est le chemin du ressentiment, et c’est aussi le principe de nombre de pathologies.

Michel Houellebecq résume les temps modernes en indiquant en substance que nous avons gardé du christianisme la honte mais enlevé le salut, ou encore, gardé le péché mais enlevé la grâce (Les particules élémentaires). D’où le désarroi contemporain. Voire. La honte et le péché ne sont pas la même chose. La honte renvoie à l’honneur, le péché renvoie à la culpabilité, à la faute morale. Ne cherchons pas la morale dans un monde supralunaire. Nous n’avons nul besoin d’un salut éternel. Nous devons remplacer le sentiment du péché par celui de la honte, qui, quand elle survient, n’est autre que le sentiment de l’honneur perdu.

« Chacun est responsable de son choix, la divinité est hors de cause », écrit Platon (La République, livre X, 617, « le mythe d’Er le Pamphylien», Gallimard, 1993). Le choix (hairesis) de vie s’apparente toujours pour Platon à une partie de l’âme qui est la volonté. « Déclaration de la vierge Lachésis, fille de Nécessité. Âmes éphémères ! C'est le début pour une race mortelle d'un autre cycle porteur de mort. Ce n'est pas un "démon"  qui vous tirera au sort, mais vous allez vous choisir vous-mêmes un "démon" (le démon des Grecs n’a pas un sens négatif mais désigne une semi-divinité entre le monde des dieux et celui des hommes- PLV). Que le premier que le sort désigne se choisisse le premier une vie à laquelle il sera uni par nécessité. Mais l'excellence  n'a pas de maître ; selon qu'il lui accordera du prix ou ne lui en accordera pas, chacun en aura beaucoup ou peu. Celui qui choisit est seul en cause ; dieu est hors de cause. » (Platon, ibid.).

838_400px-epikouros_met_11.90.jpgToutefois, entre les choix et les conséquences des choix se glisse le hasard. C’est le clinamen d’Epicure. C’est une déviation dans la chute des atomes qui fait qu’ils ne tombent pas exactement où on les attend et que la vie nait de cette déviation, de cet écart entre l’attendu et l’inattendu.  Le tragique du fatum, c’est cela, c’est l’incertitude du destin. Elle a de quoi faire peur. « La pensée du hasard est une pensée d’épouvante », indique Clément Rosset (Logique du pire, PUF, 1971). Mais l’homme est celui qui détermine, non pas le triomphe du Bien, mais sa forme, non pas le triomphe du Beau, mais encore sa forme.

L’homme ne détermine pas son destin, mais il donne à son destin un style. Si le fatum des Antiques est « ce qu’a annoncé l’oracle », l’histoire d’une vie est toujours celle d’une liberté. L’homme a toujours des libertés. L’amor fati est ainsi l’amour du monde compris comme liberté souterraine toujours cheminant sous les apparentes contraintes, comme liberté de s’ouvrir aux événements, au kaïros – au moment opportun. Le kaïros ne dépend pas de nous, mais le saisir ou pas dépend de nous.

Ainsi, avec Nietzsche, l’amor fati – l’amour du destin - constitue la voie même de la sortie du nihilisme, faisant d’Apollon « l’éminence grise » de Dionysos, comme dit Mathieu Kessler (L'esthétique de Nietzsche, P.U.F, 1998). « On ne soigne pas le destin », disait Cioran (La tentation d’exister). Il voulait dire : « On n’en guérit pas ». Mais il est toujours temps de lui donner un style et de se réveiller de toute servitude.

PLV 

Pour aller plus loin :

- Le malaise est dans l’homme, de Pierre Le Vigan, la barque d’or, 2017.

https://www.google.com/url?sa=i&url=https%3A%2F%2Fwww...

- Achever le nihilisme, de Pierre Le Vigan, Sigest, 2019.

https://www.amazon.fr/Achever-nihilisme-manifestations-th... 

- Face à l’addiction, de Pierre Le Vigan, La barque d’or, 2019.

https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=...

 

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mercredi, 18 novembre 2020

Pierre Le Vigan sur Achever le nihilisme

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Pierre Le Vigan sur Achever le nihilisme

"Nietzsche et le nihilisme"

 
 
Autour de mon livre ACHEVER LE NIHILISME, paru chez SIGEST en 2019.
 
 
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vendredi, 20 décembre 2019

The New Nihilists: Political Nihilism and the Progressive Movement in America

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The New Nihilists: Political Nihilism and the Progressive Movement in America

Ex: https://www.americanthinker.com

During the dark days of the Second World War, Helmut Thielicke experienced the horrors of National Socialism on a daily basis.  Due to his standing as a Lutheran minister, professor of philosophy, and doctor of theology, he became a person of interest to the Gestapo, who kept him under constant surveillance and frequently hauled him in for interrogation.  After the war, he lectured and wrote extensively about his experiences, and when asked how a country that produced such luminaries as Bach and Beethoven could also produce an Adolf Hitler, he initially blamed the usual suspects: the Treaty of Versailles, the Great Depression, economic instability, and social unrest — but he did not leave it there.  Instead, he did the unthinkable and placed some of the blame on his fellow Germans for their uncritical acceptance of Hitler's promises — a point he emphasized in his book, Between Heaven and Earth.  "Hitler," he said, "knew how to dissemble, and one had to look very closely, and read his terrible book Mein Kampf very carefully, to see the cloven hoof beneath the angel's luminous robes." 

Thielicke's words closely mirrored those of the Apostle Paul, who warned the Corinthian church that "Satan himself masquerades as an angel of light."  Whether the warning is from Thielicke or Paul, it reminds us that duplicitous people always disguise their true intentions by appropriating warm, smooth, and soothing words before repurposing them to fit their carefully crafted agenda.  These warnings did not come with a use-by date, and their potency has not gone stale with the passage of time.  To the contrary, in today's hyper-partisan political environment, where Diogenes's lantern has run out of oil, it is imperative that the words and actions of those who shape public policy be put to the test.  This is especially true with respect to progressivism, an Americanized form of socialism that seemingly arose out of nowhere and seized control of the Democratic Party.  This perspective, however, is an illusion, for, like most political movements, progressivism's rise has been slow but persistent, and the brightness of its star has waxed and waned along with the influence of those who have guided it along — from Teddy Roosevelt to Barack Obama.

Although progressivism began during the McKinley administration, its development took place under the watchful eye of Teddy Roosevelt, whose views seemed somewhat unsettled at times.  He was for law and order but insisted that it was the people, not the courts, who are entitled to say what the Constitution means.  His life epitomized rugged individualism, but he was a collectivist who believed that the welfare of the one depended on the welfare of the many.  He promoted hard work and success but wanted to penalize excessive earnings by the creation of a heavy progressive income and inheritance tax.  He opposed state ownership of businesses but argued for complete governmental control of their affairs, including how they spent their profits.  Then, after almost two terms in office, Roosevelt put politics aside until 1910, when he delivered his defining speech, The New Nationalism, which was, in fact, a Progressive manifesto.

We grudge no man a fortune in civil life if it is honorably obtained and well used.  It is not even enough that it should have been gained without doing damage to the community.  We should permit it to be gained only so long as the gaining represents benefit to the community.  This, I know, implies a policy of a far more active governmental interference with social and economic conditions in this country than we have yet had, but I think we have got to face the fact that such an increase in governmental control is now necessary.

Having solidified his belief that a controlling central government was the essence of progressivism, Roosevelt ran as a third-party candidate against Woodrow Wilson in the presidential election of 1912, where he headed up the newly minted Progressive Party.  The election was lost, and the party died, but its sprit, like an ancient demon released from the abyss, took possession of the body politic, filled it with a thirst for power, and freed it from its constitutional chains.  Progressivism had become a viable force in American politics.

The rise of progressivism had a lasting effect on the nation, as president after president followed Teddy's lead and sought to expand the power and scope of the federal government.  Wilson, who advocated a Darwinian approach to the Declaration of Independence and the Constitution, gave us the progressive income and estate tax.  FDR instituted the New Deal, and LBJ advanced the Great Society, waged the War on Poverty, and launched Medicare.  Not to be outdone, Bill Clinton signed the job-killing North American Free Trade Agreement; Richard Nixon established the EPA and OSHA; Jimmy Carter developed the Departments of Education and Energy; and George W. Bush created Homeland Security, the Transportation Safety Administration, and No Child Left Behind.  Change was now the amrita of presidential politics, but just as the gods knew that churning for amrita would produce poison, so politicians knew that pushing for an overtly aggressive agenda would produce defeat, and no one understood that better than the Democratic Party's rising star: Senator Barack Obama.   

Like many of his predecessors, Obama projected a carefully crafted image while in the public eye.  As the keynote speaker for the 2004 Democratic convention, Obama mesmerized the audience with his soaring rhetoric, heaping praise on America while railing against "those who are preparing to divide us, the spin masters, the negative ad peddlers who embrace the politics of anything goes."  There is not, he insisted, "a liberal America and a conservative America, there is the United States of America.  There is not a black America and a white America and Latino America and Asian America – there's the United States of America."  But it was all a bright, shining lie, and those who had examined his life, and read his books Dreams from My Father and The Audacity of Hope very carefully, were not deceived.  They knew that Obama's mission was to boldly go where no progressive had gone before: into the uncharted universe of political nihilism.

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To the philosopher, nihilism means that nothing in the universe matters or has any significance.  Political nihilism takes the philosopher's theorem and applies it to existing social and political institutions, thereby clearing the way for their replacement.  Surprisingly, Obama openly embraced political nihilism during an October 31, 2008 speech at the University of Missouri, when he abandoned his message of "hope and change you can believe in" and declared, "We are five days away from fundamentally transforming the United States of America."

Although this random act of honesty galvanized Obama's base and helped secure his election, it also turned his declaration of intent and the oath of office into contranyms.  To resolve this dilemma, Obama the fundamental transformer recast himself as Obama the true blue American, and reaffirmed his fidelity to the Constitutional Republic during his first inaugural address.   

Forty-four Americans have now taken the presidential oath. The words have been spoken during rising tides of prosperity and the still waters of peace. Yet, every so often, the oath is taken amidst gathering clouds and raging storms. At these moments, America has carried on not simply because of the skill or vision of those in high office, but because we, the people, have remained faithful to the ideals of our forebears and true to our founding documents. So it has been; so it must be with this generation of Americans.

Today I say to you that the challenges we face are real. They are serious and they are many. They will not be met easily or in a short span of time. But know this America: They will be met.

To Obama, this maneuver was a tactical withdrawal, not a retreat.  He knew that the fundamental transformation of America would be a long and time-consuming process, so he asked his followers to be patient.  The gambit paid off, and Obama fundamentally changed the country's direction, but the next Republican president could easily undo the means he used, such as executive orders, presidential memos, and simple agreements instead of ratified treaties.  This possibility haunted Obama, and, as Election Day drew near, he pleaded with the voters to elect Hillary Clinton because "all the work we've done over the last eight years is on the ballot."  In spite of his efforts, Hillary lost, and President Trump began unwinding Obama's legacy.

In the end, Obama's above-the-fray, laissez-faire approach to leadership was a mistake — a mistake that today's progressives will not repeat.  They are the new nihilists, activists openly calling for the destruction of America's existing social and political institutions so that new, progressive ones can arise from the rubble.  No more electoral college, no more borders, no more constitutional restrictions is their cry, and all the Democratic Party's presidential hopefuls say amen.

In the movie Field of Dreams, Terrance Mann opined that "America has rolled by like an army of steamrollers.  It's been erased like a blackboard, rebuilt, and erased again."  Although Mann will never be among the world's greatest historians or grammarians, his place as a prognosticator of America's future is secure — if the new nihilists ever get their way.

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vendredi, 29 novembre 2019

«Le Nihilisme» par Pierre le Vigan

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«Le Nihilisme» par Pierre le Vigan

 

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vendredi, 07 juin 2019

Pierre Le Vigan : en finir avec le cancer du nihilisme

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Pierre Le Vigan : en finir avec le cancer du nihilisme

 
Pierre Le Vigan est philosophe. Après une étude approfondie de Nietzsche et Heidegger, il publie "Achever le nihilisme" aux éditions Sigest. Un essai sur une idéologie selon laquelle les choses ne signifient rien et vont vers rien. Une force qui ronge l'homme et détruit le désir du bien et de la vie.
 
 
 

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dimanche, 27 janvier 2019

Cioran: The Postwar European Nihilism

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Cioran: The Postwar European Nihilism
 
 
Ex: http://www.unz.com

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né (Paris: Gallimard, 1973).

inconvénient.jpgGrowing up in France, I was never attracted to Emil Cioran’s nihilist and pessimistic aesthetic as a writer. Cioran was sometimes presented to us as unflinchingly realistic, as expressing something very deep and true, but too dark to be comfortable with. I recently had the opportunity to read his De l’inconvénient d’être né (On the Trouble with Being Born) and feel I can say something of the man.

The absolutely crucial fact, the elephant in the room, the silently screaming subtext concerning Cioran is that he had been in his youth a far-Right nationalist, penning positive appraisals of Adolf Hitler and a moving ode to the murdered Romanian mystic-fascist leader Cornelius Zelea Codreanu. Cioran had hoped for the “transfiguration” of Romania into a great nation through zeal and sacrifice. Instead, you got utter defeat and Stalinist tyranny and retardation. I’d be depressed too.

A perpetual question for me is: Why did such great intellectuals (we could add Louis-Ferdinand Céline, Ezra Pound, Knut Hamsun, Mircea Eliade . . .) support the “far-Right”? This is often not so clear because the historical record tends to be muddied both by apologetics (“he didn’t really support them”) and anathemas (“aha! You see! He’s a bad man!”). Like John Toland, I don’t want to condemn or praise, I just want to understand: Why did he believe in this? Was it:

  1. Fear of communism?
  2. Skepticism towards democracy and preference for a stable, spirited regime? (That argument was very popular among thinking men in the 1920s, even the notorious Count Coudenhove-Kalergi, spiritual godfather of the European Union, supported Italian Fascism on these grounds!)
  3. Racialism?
  4. Anti-Semitism?
  5. Opposition to decadence?
  6. The dangerous propensity of many intellectuals for ecstatic spasms and mystical revolutions?

In Cioran’s case, his Right-wing sentiment appears to have been motivated by 1), 2), 4) 5), and perhaps especially 6).

After the war, Cioran renounced his Right-wing past. This may have been motivated by understandable revulsion at the horrors of the Eastern Front and the concentration camps. In any event, this was certainly not a disinterested move. Mircea Eliade – a fellow supporter of Codreanu who later thrived as a historian of religions at the University of Chicago, infiltrating the academy with Traditionalists – wrote of Cioran in his diary on September 22, 1942: “He refuses to contribute anything to German newspapers, in order not to compromise himself in the eyes of his French friends. Cioran, like all the others, foresees the fall of Germany and the victory of Communism. This is enough to detach him from everything.”[1]

There had been a thriving far-Right French literary and intellectual scene, with writers who often had had both a fascist and pan-European sensibility. The Libération in 1944 put an end to that: Robert Brasillach was executed by the Gaullist government during the Épuration (Purge) despite the protestations of many fellow writers (including André Malraux and Albert Camus), Pierre Drieu La Rochelle committed suicide, and Lucien Rebatet was jailed for seven years and blacklisted.

larmessaints.jpgAs literally an apatride metic (he would lose his Romanian citizenship in 1946), Cioran, then, did not have much of a choice if he wished to exist a bit in postwar French intellectual life, which went from the fashionable Marxoid Jean-Paul Sartre on the left to the Jewish liberal-conservative Raymond Aron on the right. (I actually would speak highly of Aron’s work on modernity as measured, realistic, and empirical, quite refreshing as far as French writers go. Furthermore he was quite aware of Western decadence and made a convincing case for the culturally-homogeneous nation-state as “the political masterpiece.”) Although Cioran had written several bestsellers in his native Romania, he had to adapt to a French environment or face economic and literary oblivion. What’s an apology secured under coercion actually worth?

This is the context in which we must read De l’inconvénient d’être né. These are the obsessive grumblings of a depressed insomniac. (Cioran’s more general mood swings between lyrical ecstasy and doom-and-gloom suggest bipolar disorder.) His aphorisms often ring true, but equally tend to be hyperbolic or exaggerated, and are almost always negative, like a demotivational Nietzsche. In some respects preferable to Nietzsche, insofar as the great explosion the German hysteric foresaw is past us, and his brand of barbaric politics seems quite impossible in this century. Cioran, like Nietzsche and Spengler, knows that nihilism and decadence are the order of the day, but living in the postwar era, he can certainly no longer hope that “blond beasts” or “Caesarism” might still save us. Cioran in this sense is more relatable, he is talking about our world.

Cioran despairs at the inevitable mediocrity of human beings and the vain temporality of the human condition. (What’s the point of even a good feeling or event, if this event will, in a second, disappear and only exist in my memory, which will in turn disappear? This will no doubt have occurred to thoughtful, angsty teenagers.) Birth, embodiment, is the first tragedy – like the fall of man – from a perfect non-existence, with limitless potentiality, to a flawed and stunted being.

Jean-François Revel observes: “Imagine Pascal’s mood if he had learned that he had lost his bet, and you’ll have Cioran.”

A question: Was Cioran’s despair more motivated by being a Rightist spurned by destiny or by his own dark temperament? Would he have written such works in a triumphant Axis Europe?

Cioran is like a Buddha (the spiritual figure most often cited in De l’inconvénient) who stopped halfway, that is to say, at nihilism and despair. But Siddhartha Gautama went further, from the terrifying recognition of our impermanent and insubstantial experiential reality, to a new mental state, reconciled with this reality, to the path of sovereignty and freedom.

Had I been able to meet him, I’d have invited Cioran to my Zendō – where speaking, indeed all expression of human stupidity, is formally banned through the most truthful silence. And how good is truth for the soul!

The Way of Awakening is not found in books.

Actually, Cioran’s Buddhist connection should be dug into. The Zen monk Taisen Deshimaru was in Paris passing on the Dharma to Europe at exactly the same time, in the 1970s.

cimesdésespoir.gifMy initial response to De l’inconvénient was annoyance that it had been written (I can quite understand Alain Soral’s frustration with Cioran). The postwar Cioran can certainly seem like an umpteenth authorized manifestation of the ‘glamorously aesthetic’ French décadent intellectual, the misunderstood genius, the starving artist, who is just way ‘too deep’ for his own good or for you plebs to grasp.

I remember his 1941 On France, a perversely playful ode to decadent France (those three words together disgust me), as an ostensibly appalling little work. France does not need any more encouragement on the downward path.

Cioran certainly has a morbid fascination with spiritual rot.

The Germans of the nineteenth and early twentieth centuries were already quite right to want to preserve themselves from the contagion of French decadence (oh sure, there’s a straight line of Kultur from the “Indo-Germans” to Frederick the Great’s Prussia); right up to the May-June 1940 editions of Signal understatedly mocking the infertile French with photographs of fez- and turban-wearing Negro and Mohammedan POWs. (Apologies for not providing a direct link to the relevant Signal issues, apparently our historians have still not got around to digitizing this publication, peak circulation 2.5 million in 1943.)

Sorry, krauts, it came anyway through the North-American route!

De l’inconvénient initially reinforced my impression that the postwar Cioran was not worth reading. However, there are some hopeful diamonds in the despairing rough. Some of Cioran’s aphorisms are actually quite inspiring, such as the following: “Any overcoming of desire empowers us. We have all the more control over this world as we take our distance from it, when we do not commit to it. Renunciation confers limitless power” (p. 44). (And let us bear in mind again Eliade’s paraphrase above, that it was the prospect of German defeat and communist triumph which was “enough to detach him from everything.”)[2]

On one level, Cioran’s work is a legitimate expression of the depths of postwar despair. From the psychological point of view, man really was (and is still, despite a few flickers) sinking more and more into untruth, into materialism and consumerism and ‘choice,’ into a childish view of life, one not cognizant of our nature as mortal, social, and unequal beings. All the truths contained in our dying traditions, however imperfect the latter were, are forgotten.

Amidst the politically-harmless mass of depressing and demotivational thoughts, Cioran sneaks in some very true observations about decadence. This shows, as plainly as anything, that he remained a man of the Right in his heart.

I believe Cioran provides a key to understanding his nihilist work in this book, namely:

We get a grip on ourselves, and we commit all the more to being, by reacting against nay-saying, corrosive books [livres négateurs, dissolvants], against their noxious power. These are, in short, books that fortify, because they summon the energy which contradicts them. The more poison they contain, the greater their salutary effect, as long as we read them against the grain, as we should read any book, starting with the catechism. (p. 97)

Cioran is putting forth a challenge to be overcome: taste the depths of my despair, truly contemplate and acknowledge the futility of life . . . What is your answer?

Cioran’s books: contemplation of the void . . . a summoning.

I find Cioran both uncomfortable and stimulating, clamoring for more, eager to discover and accomplish more. Fecund stimulation is most important, whether in reading, work, or life. (For that reason I also recommend reading Ezra Pound’s non-fiction.)

Cioran’s nihilist and depressing aesthetic will not appeal to everyone or even to most. But if that’s how a man builds up his brand and sells his books, who am I to judge? Especially if you can sneak in some subversive truths. (In this respect, Cioran reminds me of Michel Houellebecq, one of the last manifestations of French culture. All this goes back to Socrates-as-satyr.)

Still, we observe that many men of the Right took a more straightforward route: Maurice Bardèche avenged his brother-in-law Brasillach’s execution by continuing to write in favor of fascism, Julius Evola always stood up for the Axis and for Tradition, Dominique Venner wrote as a historian, Europe’s living memory, and committed his own seppuku, as a sacrifice to the gods . . .

Each man fights in his own way. Again, who am I to judge?

Notes

[1] Mircea Eliade, The Portugal Journal (Albany, New York: State University of New York Press, 2010), 35.

[2] Note: detachment does not mean surrender. For those who do not understand, I recommend the Baghavad Gita, the Hagakure, D. T. Suzuki’s explication of “the Way of the Sword” in Zen and Japanese Culture, or indeed watching the countenance of the faces of men about to strike their opponent in Akira Kurosawa’s classic film Seven Samurai.

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jeudi, 05 octobre 2017

Vous avez dit nihiliste ?

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Vous avez dit nihiliste ?
 
par Pierre Le Vigan
 
   Méphistophélès affirme, dans le Faust de Goethe : « il serait mieux que rien n’existât, car tout ce qui existe est digne d’être détruit ». Le nihilisme, c’est en ce sens la jubilation de vouloir détruire. Mais détruire, c’est faire beaucoup d’honneur à ce que l’on veut abattre. D’autant que se pose une autre question, car le nihilisme est ambigu : veut-on tout détruire ou faire partout régner le Rien ? Il est difficile en tout cas d’affirmer le nihilisme : c’est là une contradiction. Or, croire mollement au nihilisme est à peu près aussi inepte que croire mollement en la vie. Cela va être le problème du nihilisme. Est-il l’abandon de tous désirs ? Une sorte d’ataraxie ? Ou un désir forcené du Rien ?

   Qui n’a pas été accusé de nihilisme ? Les accusations de nihilisme sont venues de toutes parts et ont touché toutes sortes d’idées. Jacobi considérait la philosophie de Kant comme nihiliste, ainsi que celle de son contemporain Fichte. Faire du sujet ou de la raison un absolu serait nier le monde, le réduire à un rien (Le contresens sur Kant était total). Nihiliste a encore désigné la poésie romantique allemande telle que la voyaient ses adversaires. Nihiliste serait encore le socialisme de Proudhon selon Donoso Cortès. Nihilistes selon l’Église les idées de Feuerbach sur la religion (pour Feuerbach, Dieu est une projection de l’homme à l’extérieur de lui-même). Un Feuerbach qui disait pourtant : « L’homme est fait pour connaître, pour aimer, pour vouloir » (quoi de moins nihiliste ?). Nihiliste : ainsi sera aussi qualifié l’individualisme absolu de Max Stirner.

   Nihiliste : un mot valise ? Communément, nihiliste désigne quelqu’un qui nie la valeur de la plupart des choses. Rarement de toutes. Les nihilistes russes niaient la valeur et le sens de la plupart des institutions, mais pas la valeur et le sens de la destruction de celles-ci. Le nihilisme est rarement total. Un personnage de Houellebecq dit : « Je ne m’intéresse qu’à ma bite, et à rien » (La possibilité d’une île). Ce n’est pas du nihilisme, c’est sans doute une monomanie.
 
Le nihilisme dans l’Antiquité

   La question du nihilisme vient de loin. Dans l’Antiquité, le nihilisme n’est qu’un nihilisme de l’être. L’hédonisme sensualiste de l’école cyrénaïque en est une des manifestations. Il ne s’agit aucunement de nier le monde mais de nier qu’il y ait de l’être derrière les étants. Tout est déjà là, pensent les cyrénaïques. Le monde se tient présent à lui-même, sans arrière-monde. Pour Gorgias et les sophistes (qui, étymologiquement, ne sont rien d’autre que des spécialistes de la sagesse), seuls sont réels les phénomènes. Ceux-ci se mesurent en fonction du point de vue de chacun. Il n’y a ainsi rien d’absolu, ni d’absolument vrai. Il n’y a pas d’absolu de la vérité – ce qui annonce Nietzsche. Voilà ce que veut dire la formule « l’homme est la mesure de toute chose » (Protagoras). Mais cela signifie que la finitude est la mesure de l’infini. En d’autres termes, l’infini est nié comme l’une des dimensions du monde. On a aussi pu voir du nihilisme dans le scepticisme antique : « Pyrrhon lui-même a souvent été présenté comme une sorte de sophiste, par exemple dans la légende qui nous le montre si incertain de l’existence des choses sensibles qu’il s’en va se heurter contre les arbres et les rochers, et que ses amis sont obligés de l’accompagner pour veiller sur lui. » (Victor Brochard, Les Sceptiques grecs, 1887). Nier que nos sens et nos expériences nous disent quelque chose du monde est une forme de nihilisme. Les sceptiques ne sont certains que d’une chose : il faut douter de tout. Quel paradoxe : être certain qu’il faut douter de tout, c’est être certain de quelque chose. C’est croire.  Sur quoi bute ultimement le nihilisme ? Sur la croyance en lui-même. Le danger est, alors, moins le nihilisme (qui est impossible) que le relativisme généralisé et l’ironie à tout va. Mais, en fait, les sceptiques pensent qu’il ne faut pas douter de la vie. Il ne faut pas douter de ce qui apparaît, de ce qui se manifeste, il faut simplement douter qu’il y ait un fondement à cela. Tout est phénoménal, rien n’est nouménal. Il n’y a donc pas de place pour le nouménal (qui serait la possibilité de connaître les choses en soi, indépendamment de la façon dont elles nous apparaissent). Voilà qui est assez moderne. Kant disait que le nouménal existe mais qu’on ne peut le connaître. Wittgenstein nous dit que, de ce qui n’est pas phénomène, on ne peut rien dire. Nous ne sommes pas loin des sceptiques. Mais c’est un scepticisme méthodique, visant à dégager les vraies certitudes des fausses certitudes. Ce n’est pas là du nihilisme. C’est simplement le sens des limites de ce que nous pouvons connaître ou pas.
 

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   Nihiliste en un sens sont les « philosophes-chiens », les cyniques. L’un d’eux, Diogène de Sinope, nie qu’il faille s’adapter aux moeurs de la société. Il prône une ascèse de rupture sociale, assise sur un universalisme désincarné. C’est, comme dit Platon, un « Socrate qui a mal tourné ». De son côté, Antisthène niait la possibilité des idées au sens de Platon, et anticipait sur la pensée de Wittgenstein comme quoi ne sont dicibles que des tautologies (il anticipait aussi sur le stoïcisme de fait de l’auteur du Tractatus). Il était dans la lignée de Parménide. Nihiliste Wittgenstein ? Certainement pas. Logicien radical, plus simplement.

   Nihiliste. Tourgueniev emploie ce mot dans Pères et fils (1861) : « - Voulez-vous que je vous dise exactement, mon oncle, quel homme est Bazarov ?
 - Je t'en prie, mon cher neveu. 
- Il est nihiliste.
 - Comment ? demanda Nicolas Petrovitch [...] 
- Il est nihiliste, répéta Arkadi.
- Nihiliste, dit Nicolas Pétrovitch, cela vient du latin 'nihil',' rien', autant que je puis en juger ; donc ce mot désignerait un homme qui ne veut rien. »

   Bazarov, chez Tourgueniev, ne croit qu’en la science. « La nature n’est pas un temple mais un atelier […] ». En ce sens, le nihilisme du personnage de Tourgueniev est un scientisme, ou encore un positivisme. Le nihilisme russe veut délivrer la culture du romantisme. Il s’agit de désenchanter le monde. Nihiliste serait la science sans la révélation, affirme Franz Xaver von Baader, philosophe et mystique catholique allemand, dans ses Leçons sur la philosophie religieuse (1827) (il sera beaucoup lu par Walter Benjamin). C’est justement ce nihilisme qu’affirment ses tenants russes.
 
Le nihilisme totalitaire des révolutionnaires
 
   Nihilisme actif, celui qui veut le rien ? ou nihilisme passif, celui qui voit le rien partout ? Appliqué à la politique, le nihilisme n’est en tout cas aucunement passif. Anacharsis Cloots, député à la Convention, proche des hébertistes, déclare que « la république des droits de l’homme n’est ni théiste ni athée : elle est nihiliste ». Il est guillotiné en mars 1794. Ni théiste, ni athée ? Ce n’aurait pas été l’avis de Robespierre, promoteur du culte de l’être suprême, une religion antinihiliste. Mais il y a une logique de la Révolution française, comme il y en a une du nazisme et du bolchevisme. Le nihilisme a beaucoup à voir avec la volonté de détruire, avec le culte de la table rase inauguré par la Révolution française, comme le relève Albert Camus dans L’homme révolté (1951). « Dans les années 50, tous, sauf lui, sont aveugles à la mort de la Révolution. Camus le dit : ‘’Aucune parousie, ni divine ni révolutionnaire ne s’est accomplie’’. Nietzsche avait vu la mort de Dieu, Camus celle du substitut athée de Dieu, la Révolution », écrit Robert Redeker (Valeurs actuelles, 16-23 janvier 2014). Albert Camus voit le nihilisme dans le révolutionnarisme extrême, celui qui justifie tous les moyens par les fins. Au nihilisme, Camus oppose l’art, et la révolte à l’état pur. « Peut-on éternellement refuser l’injustice sans cesser de saluer la nature de l’homme et la beauté du monde ? Notre réponse est oui ». Le remède camusien contre le nihilisme est la « pensée de midi », c’est l’amour du destin. Camus écrit : « Soustraire l’homme au destin revient à le livrer au hasard ». C’est pire. Si nous ne croyons plus au vrai et au faux, nous ne pourrons plus avoir comme critère que l’efficacité, « ce qui marche », et la force. En ce sens, Camus critique Nietzsche de l’intérieur. Il opère une déconstruction de la déconstruction nietzchéenne.

   Dans un autre registre, on a pu, à bon droit, parler de nihilisme à propos du nazisme. Certes, le nazisme ne nie pas toutes les valeurs, mais il nie toutes les valeurs qui ne réussissent pas. Quand on ne croit qu’à la lutte pour la vie, et à l’écrasement nécessaire des faibles, on n’est pas loin du nihilisme. Ce nihilisme des moyens et non pas des fins a sans doute son prototype dans le national-socialisme, relevait Léo Strauss (Nihilisme et politique, regroupement de trois essais de 1941 et 1962). Ce n’était pas seulement le cas du nazisme. Le léninisme – et la stalinisme bien entendu – était lui aussi, au nom de fins se voulant « sublimes » – au sens de Kant – la théorisation de la légitimité de tous les moyens, totalitaires, répressifs et criminels. Nier qu’il y ait un enjeu éthique dans les moyens est déjà une forme du nihilisme. Société sans classe ou société de race pure : le nihilisme peut renvoyer à un désir de pureté. Qui attend trop du monde ne peut qu’être déçu par le monde. C’est alors un nihilisme des moyens, plus que des fins. C’est encore le cas des nihilistes terroristes, les révolutionnaires russes du XIXe siècle, et les terroristes djihadistes de notre siècle, à la différence que les premiers visaient avant tout des hommes politiques, les autres des foules désarmées de civils.
 

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Le nihilisme de la démocratie procédurale
 
   Gianni Vattimo a tenté de faire la synthèse d’un marxisme revisité par Georg Lukacs, et de Heidegger. Critique de la réification de l’homme et critique de la métaphysique comme oubli de la situation existentiale de l’homme se rejoignent (La fin de la modernité, 1987). Il s’agit de réfuter ce qui nie l’homme ou une partie de l’homme. Gianni Vattimo critique la conception classique, dite encore bourgeoise, du sujet autonome. À l’encontre d’un foucaldisme primaire, il ne s’agit pas pour Gianni Vattimo de faire du marginal, du lumpenprolétaire, du fou, de l’incarcéré, un nouveau grand sujet de l’histoire, après le héros, le marchand, l’intellectuel. À l’inverse de ce que fait Heidegger dans ses ouvrages sur Nietzsche, Gianni Vattimo interprète Heidegger à la lumière de Nietzsche. En séparant l’être des étants, Heidegger représenterait une forme de nihilisme.

   On ne peut ici suivre Vattimo : l’écart entre l’être et les étants les sépare tout autant qu’il fait pont (lien) entre eux. Cet entre-deux est un avec-les-deux. Selon Gianni Vattimo, la fin de la métaphysique et des idéologies (il lie les deux) laisse place à une forme de nihilisme. Cette fin vide de leur sens les affrontements politiques et sociaux. Si personne ne croit à des fondements ultimes, à quoi bon se battre ? Voire. Car, s’il ne reste plus de fondements, il reste le calcul, le ressentiment, l’argent. Dés que l’on sort des sociétés de sobriété, la valeur d’usage s’efface devant la valeur d’échange. Gianni Vattimo en arrive à défendre ce paradoxe : la démocratie ne peut être fondée que sur l’histoire de la dissolution des fondements éthiques. En d’autres termes, la démocratie apparaît à la fin de toute civilisation, puisqu’il n’y a civilisation que s’il y a fondements. Vattimo le reconnait : la démocratie « est en elle-même nihiliste ». (entretien au Magazine littéraire, 279, juillet 1990). N’est-ce pas exact seulement dans le cas d’une conception hors-sol de la démocratie ? Ce qui est clair, c’est que la démocratie, si on la réduit à sa dimension procédurale et purement représentative, c’est-à-dire au vote pour dégager une majorité de représentants, dissocie politique et recherche de la vérité. C’est le constat que fait Vattimo. Il n’est ainsi pas d’accord avec Jürgen Habermas. Il lui reproche, par sa revendication d’une transparence totale, de réintroduire un nouveau mythe métaphysique dans la pensée politique. Si Vattimo se réfère positivement au nihilisme, c’est pour éviter, croit-il, tout risque de pouvoir surplombant ou de chef charismatique. S’il y a fondement, il y a des spécialistes, des experts du fondement (l’Église, le Parti communiste, les SS, etc.), tandis que, si nous acceptons le nihilisme, il n’y a plus de danger « totalitaire ». Gianni Vattimo se trompe. Il se trompe parce qu’il y a aussi des experts du nihilisme, et des militants du nihilisme, et des porte-paroles du nihilisme. Si toutes les valeurs doivent être détruites, ne doutons pas qu’il y ait des experts pour que cette destruction soit rapide et totale. La politique de la terre brulée n’est pas seulement une option militaire, elle peut être aussi une option morale. Le nihilisme, la « pensée faible », comme dit Gianni Vattimo, ne fait pas échapper aux rapports de force. Si le nihilisme aboutit à quelque chose, c’est bien au minimalisme des valeurs. On peut même écrire qu’il le fonde.
 

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   La pensée faible est adaptée à la fin des pouvoirs fondés solidement sur des principes partagés et reconnus. Elle correspond à nos actuels pouvoirs disséminés, en réseau. Ces pouvoirs n’en sont pas moins très forts, au point qu’il n’est pas absurde de parler d’un nouveau totalitarisme (dont l’un des aspects est le pan-technicisme) ou d’une « barbarie douce » (Jean-Pierre Le Goff). Le paradoxe est sans doute que le nihilisme ne s’impose pas faiblement, mais fortement. Il nie avec force ce qui nous fonde. Il n’est donc pas sûr que la « pensée faible » soit la bonne réponse aux dominations sur l’homme qui inquiètent Vattimo. Mieux vaut armer la sagesse des nations. Mieux vaut armer la défense de ce qui est commun à chaque peuple. Mieux vaut réduire la place de l’économie dans nos vies. Mais faire reculer l’économisme dans nos vies ne relève pas d’un laisser-aller « faibliste ». Cela relève beaucoup plus probablement d’une domestication des puissances d’argent. Face au néo-totalitarisme postmoderne, une pensée juste ne peut que constater les insuffisances de l’individualisme des démocraties modernes et appeler à le dépasser pour une pensée du bien commun.
 
Ontogénèse du nihilisme
 
   D’où vient le nihilisme ? Le nihilisme vient parfois de l’ennui. Nous ne ressentons rien, donc nous nions tout. Nous ne croyons plus dans le monde, et nous voudrions qu’il nous surprenne (agréablement). L’ennui est en fait l’expérience de l’impossibilité de l’expérience. S’ennuyer, c’est ne pas adhérer au réel. « La vie oscille […] de la souffrance à l’ennui », écrit Schopenhauer (Le monde comme volonté et comme représentation). Le désir est souffrance et mène à la déception et à l’ennui. Le manque de sens perçu dans les choses que nous accomplissons, la lassitude, la fatigue de vivre, toutes ces formes de l’ennui nous éloignent du goût de vivre, et du goût de nous-mêmes. « Quelque chose d’indéfini nous sépare de notre propre personne et nous rive au non-être » (Flaubert). Pour l’auteur de Madame Bovary, le néant, c’est la bêtise. Il faut la presser, la faire sortir, l’extirper et la répandre sur la tête de nos contemporains. « Je sens contre la bêtise de mon époque des flots de haine […] Il me monte de la merde à la bouche […]. J’en veux faire une pate dont je barbouillerai le dix-neuvième siècle. » (Lettre à Louis Bouilhet, 30 septembre 1855) L’objectif ? « Ahurir tellement le lecteur qu’il devienne fou ». Pour combattre la bêtise, qui ramène le monde au néant, l’issue n’est pas dans le Moi. Il faudrait au contraire s’oublier. L’issue serait dans la vie, si elle n’amenait pas tant de souffrances (on entrevoit Houellebecq). Il faudrait être mort, ou bien, mais c’est plus difficile, être plus fort que la bêtise. « Le comble de la civilisation sera de n’avoir besoin d’aucun bon sentiment » (Lettre à Louise Colet, 26 mai 1853), écrit encore Flaubert. Nous serons, loin, alors, de l’homme actuel, de l’homme occidental, « qui veut mourir, qui veut revenir au néant ». Flaubert (comme Nietzsche) est tenté par un certain bouddhisme. Il interroge : « Connaissez-vous Schopenhauer ? J’en lis deux livres. Idéaliste et pessimiste, ou plutôt bouddhiste. Ca me va. » (Lettre à Edma Roger des Genettes, 13 juin 1879). Ce n’est pas le culte du moi qui nous sauvera. Oublions-nous. Travaillons comme des forçats. Ainsi pense Flaubert.
 

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   « Mortelle fatigue de vivre », écrivait Paul Bourget à propos du nihilisme. Paul Bourget voyait dans le nihilisme la conséquence d’une « nausée universelle devant les insuffisances de ce monde » (Essais de psychologie contemporaine, 1885). Taedium vitae : tiédeur des émotions. Nous sommes blasés de tout. Rien ne nous atteint, sauf notre propre fatigue. Tout nous ennuie. C’est le nihilisme de l’acédie (a-kedia : privé de quiétude). Cela annonçait Alain Ehrenberg et ses travaux sur la dépression et le mal de vivre cent ans plus tard (La fatigue d’être soi, 1998). Si on enlève toute valeur au monde, c’est, d’abord, parce que l’on est fatigué de soi. Mais celui qui n’aime pas le monde n’est pas obligé d’en dégoûter les autres. En général, le nihiliste ne croit pas à ce qui est au nom de ce qui devrait être. Le nihiliste nie le monde parce que le monde lui paraît sans valeur ni sens. Pour le coup, le nihiliste n’a pas tout à fait tort. Le monde est muet. Pour être exact, le monde sans l’homme est muet. C’est l’homme qui pose des questions, pas le monde. « La solution de l’énigme, c’est qu’il n’y a pas d’énigme », écrit Wittgenstein. Le monde n’a besoin ni de nos questions, ni de nos réponses. Nous avons, nous, humains, par contre besoin de questions et de réponses. La négation de tous les universaux, sociaux ou physiques, est une forme de nihilisme. C’est logiquement que l’on retrouve cette position chez les ultras de l’individualisme, comme Max Stirner et Georges Palante. Le nominalisme absolu est un nihilisme. Dans l’époque moderne où rien n’est considéré comme pire que les essences, Jorge Luis Borges a pu écrire : « Personne ne se déclare nominaliste parce que personne n'est autre chose ». Pour Emanuele Severino, être, dans l’Occident moderne, signifie être à partir de rien. Cela signifie être créé. La racine de l’Occident, chrétien, puis techniciste serait nihiliste. Les choses n’existeraient et ne seraient bonnes qu’à partir d’un faire. C’est le règne de la faisabilité. C’est justement ce règne qui serait nihiliste. Il y a un germe de nihilisme dans l’Occident. Un autre visage du nihilisme est la négation de l’expérience. Il faut noter que nous allons alors au-delà d’un certain nominalisme qui, justement, ne reconnait que les expériences et non les idées générales, avec Hobbes, Locke, Hume, Berkeley et sa fameuse formule : « être, c’est être perçu ou percevoir ». Mais le nominalisme actuel n’est pas de cet ordre. Toute expérience, dans notre monde, devient un spectacle. Le réel est nié. Rien ne nous affecte vraiment. Tout est spectacularisé.
 
Ontologie du nihilisme
 
   Pour Heidegger, le nihilisme est l’oubli de l’être, oubli dont les différentes métaphysiques ont été des étapes. Le nihilisme est de nos jours le nom que l’on peut donner à l’engloutissement du monde par la technique. « Le nihilisme est le mouvement universel des peuples de la terre engloutis dans la sphère de puissance des temps modernes » (Chemins qui ne mènent nulle part, 1950). Il y a un nihilisme partiel ou, bien plutôt, un nihilisme relatif à l’être. C’est ce nihilisme qui nie tout être. Alors, rien n’est, tout devient. Alors, oublions Parménide, affirmons Héraclite. Mais le vrai nihilisme ne tranche ni pour Parménide, ni pour Héraclite. Si rien n’existe, pas plus l’être que le devenir n’existent. La dernière des métaphysiques de l’oubli de l’être serait la volonté de puissance de Nietzsche. La volonté de puissance est bien plutôt, pourtant, volonté de volonté, donc effort contre le nihilisme, et volonté de vérité, exigence de dévoilement de tout ce qui travestit la vérité. C’est une mise à nue de la vérité. La question de Nietzsche n’est pas celle de la vérité de l’être et de son rapport à l’étant. Ce n’est pas la question du rapport entre l’ontologique et l’ontique. La question de Nietzsche est celle de la vérité du monde. C’est en même temps celle de la vérité de l’homme comme être au monde. Pour Nietzsche, ce qui est vrai, c’est ce à quoi on donne de la force. Pour Nietzsche, le nihilisme sera le phénomène majeur des deux prochains siècles. Mais on sait que selon lui il y a un bon et un mauvais nihilisme, celui qui fait tomber ce qui doit tomber, et celui qui nie toute construction possible, toute possibilité d’autodépassement. Surmonter le nihilisme, pour Nietzsche, c’est ne pas le confondre avec ses symptômes. Le vrai nihilisme peut avoir un style non nihiliste. Une énergie qui tourne à vide est du nihilisme. C’est aussi s’interroger sur ses causes. On sait que Nietzsche incrimine Socrate, fatigué de la vie, anticipation du « Dieu en croix, une malédiction de la vie, l’indication d’avoir à s’en détacher » (Fragments posthumes). C’est le christianisme qui est mis en cause. Il est la logique de notre histoire, et cette histoire conduit au nihilisme. Le mal étant profond, la solution doit être radicale : « renverser les anciennes valeurs ». Il s’agit de « surmonter le nihilisme par lui-même » (Jean-Paul Ferrand, Magazine littéraire, oct-nov. 2006, hors-série "Le nihilisme"). Nietzsche écrit : « La forme extrême du nihilisme serait que toute croyance, tout tenu-pour-vrai soit nécessairement faux : parce qu’il n’y a aucun monde vrai ». On retrouve ici la radicalité coutumière de Nietzsche.
 

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   Schopenhauer, de son côté, prétend, non pas connaître l’essence du bouddhisme, mais en tirer des conséquences pratiques. C’est une méthode, le « ne pas vouloir », l’« asthénie de la volonté » comme l’écrit Nietzsche au sujet de Schopenhauer : « Les valeurs les plus basses, nihilistes, règnent sous les noms les plus sacrés » (L’Antéchrist). Elles règnent du côté du christianisme, « cette unique grande calamité », poursuit Nietzsche. Il faut donc traquer le nihilisme là où il se cache, et pas seulement là où il se proclame. Nietzsche devient ainsi « le tueur de dragons de son temps » (Thomas Mann). Du reste, selon Nietzsche, le bouddhisme comme repos de l’âme après le combat n’est pas complétement négatif. Le bouddhisme ainsi entendu consiste à se sauver du nihilisme par une dialectique de l’action et du lâcher-prise. C’est peut-être ce qui va produire une « Chine européenne ». Ou une Europe néo-bouddhiste, ou encore, un épicurisme après la lutte, les excès, le tragique. Mais, si ce moment de fatigue est inévitable, voire salutaire, nous ne pouvons pas nous y complaire. Nous devons retrouver le sens de la vie, et de la lutte, et du tragique. « Seule la tragédie peut nous sauver du bouddhisme », note Nietzsche (Fragments posthumes). Notre époque ne manquera pas de tragédies. Nous ont-elles sauvé du nihilisme ? Rien n’est moins sûr.

   Pour sa part, avant d’envisager un sauvetage, Hugo von Hofmannsthal faisait un constat. « Tout se décomposait en fragments, et ces fragments ne se laissaient plus enfermer dans un concept » (Une lettre de Lord Chandos, 1902). La solution ? L’art, la poésie ? Sans doute. L’authenticité, le choix de la vérité, nous disait pour sa part Hermann Broch, l’endurcissement par la science et le dépouillement de soi, répondait Robert Musil. Pour sa part, Ernest Renan pensait que le bouddhisme ne consiste pas à surmonter le nihilisme mais à y tomber. C’est, selon lui, « l’Église du nihilisme », une « machine à faire le vide dans l’âme », « une doctrine qui assigne à la vie pour but suprême le néant. » (Premiers travaux sur le bouddhisme, 1851). C’est un point de vue marqué par une vision hégélienne voyant le bouddhisme comme moment de la négativité.
 
Noirceur et nihilisme
 
   Le problème du nihilisme contemporain est qu’il n’y a plus rien à nier dans un monde qui se nie lui-même. Il y a dans le nihilisme un rapport au désespoir qui nous dit aussi ce qui a fait faillite dans notre monde. Le nihilisme fait l’apologie du rien. Et ce rien est ce qui ne peut être produit, échangé. Ce rien est aussi l’essentiel. C’est l’amour, le sacrifice, la perte, la dépense. En un sens, ce qui ne vaut rien dans notre monde, c’est ce qui n’a pas de prix. Et ce qui n’a pas de prix, c’est justement ce qui a de la valeur. C’est la gratuité même. « Peut-être, l’essence du nihilisme réside-t-elle dans le fait que l’on ne prend pas au sérieux le néant », écrit Heidegger (Nietzsche II). Pourtant, il y a pour Nietzsche un monde vrai : c’est tout ce qui est la vie. Et ce qu’a produit la vie, c’est le monde tel qu’il existe. (Y compris avec ses illusions. Nietzsche, qui voit tant de choses, voit-il cela ?). C’est à ce monde qu’il convient de dire oui.
 

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   Noirceur et nihilisme. De même que la gaité apparente peut être nihiliste, la noirceur peut ne pas l’être. Céline écrivait : « La vérité, c’est la mort » (Semmelweis, 1924). « Ce corps à nous, traversé de molécules agitées et banales, tout le temps se révolte contre cette farce atroce de durer ». « C’est naître qu’il aurait pas fallu », écrit Céline dans Mort à crédit. De son côté, Houellebecq dit : « c’est foutu depuis longtemps, depuis l’origine » (Extension du domaine de la lutte). Il faut « nettoyer la vie de la vie », dit François Begaudeau à propos de la pensée de Houellebecq, On pourrait multiplier les citations de l’un comme de l’autre (voir Nicolas Bonnal dans son Céline, la colère et les mots). Mais cela ne prouve rien quant au nihilisme de Céline et de Houellebecq. Si la vérité est la mort, il faut d’autant plus donner de la beauté, et de la vigueur à la vie. Céline n’était-il pas médecin ? Si nous sommes « cocus d’infini », il faut faire vivre l’infini. Reste que, si un combat est nécessaire pour faire danser le monde, ce combat est aussi désespéré : les pamphlets témoignent de la lutte intérieure de Céline. Un pur nihiliste n’aurait pas écrit les pamphlets. Il suffirait de s’éloigner de ce que Céline déteste si fortement pour retrouver la grande santé. Tel est le sens des pamphlets. Paradoxalement, les pamphlets témoignent du non nihilisme de Céline. De la même façon que le nazisme était à la fois un positivisme et un romantisme, Céline oscille entre ces deux pôles. Mais, dans une telle compétition, c’est le positivisme qui mange le romantisme. La méthode Céline, c’est de congédier (provisoirement) la mort en lui opposant d’un côté l’ironie, le comique cynique, la grande farce, d’un autre côté un scientisme positiviste. « Ma camarde, c’est un effet comique. Et aussi la réalité d’où elle sort, qu’elle éclaire… » (Céline, Lettre à Robert Poulet). Par rage devant ce qui nous affaiblit, Céline veut « hâter cette décomposition ». Quitte à ce que tout soit foutu, « vivement la purification par les Mongols ». Dans le même genre, il pense que ce qu’il pourrait y avoir de bien chez les communistes (de son époque), ce pourrait être qu’ils viennent de l’est, qu’ils ne soient pas encore civilisés, pas encore dégénérés donc (une idée à la Drieu). Des communistes à peine humains, pré-humains, ce serait épatant. Des sauvages, des féroces, des méchants. C’est Céline-Rousseau, et c’est Céline-Drieu. C’est le mythe du « bon sauvage », et il est bon en tant qu’il est méchant. Si Céline est « fasciste », et bien plutôt pro-nazi, c’est en voulant surmonter le nihilisme par le racisme biologique. Céline choisit romantiquement un positivisme. C’est bien sûr incohérent. Et alors ? Comme il est écrit dans Le Voyage : « qu’on n’en parle plus ». De son côté, Gottfried Benn veut surmonter le nihilisme avec Nietzsche mais sans Darwin, ce qui suffit à l’éloigner définitivement du national-socialisme. G. Benn veut une éthique fondée sur l’esthétique. Cela reste une éthique, et le met à distance du nazisme, dont il se fit, un temps, une fausse idée (très peu de temps : de mars à juin 1933).

   Les nihilistes ne sont pas seulement athées. Ils sont en guerre contre Dieu. Ils se demandent comment il peut y avoir un Dieu dans un monde où le mal est tellement présent. Ils enragent de la subsistance de cette croyance. On peut tout aussi légitimement qu’eux ressentir un étonnement inverse : comment peut-il ne pas exister un Dieu dans un monde aussi merveilleux que le nôtre ? Le monde est en effet un mélange de merveilles et d’horreurs. Eugène Ionesco écrit : « Ce monde est à la fois merveilleux et atroce, un miracle et l’enfer et ces deux sentiments contradictoires constituent la toile de fond de mon existence et de mon œuvre littéraire… » (Présentation de La soif et la faim, 1964). Et encore : « D’abord vint l’Etonnement premier, dur, sans jugement sur le monde. La prise de conscience de l’Existence, dans la joie et la lumière… Puis vint un jugement étonné sur le monde et la constatation que le Mal existe. Ou plus simplement : cela va mal ! Le Mal est notre quotidien. C’est insoluble. Le malheur universel me fait vivre dans le pessimisme. Nous sommes tous voués à la Mort ! Soyons gais, mais ne soyons pas dupes ! »

   Chez beaucoup d’écrivains, le nihilisme s’enracine dans le sens de l’immense. Quand on sait combien il y a de milliards d’étoiles, « à quoi bon se laver encore ? », écrit Cioran (Aveux et anathèmes). On ne peut pas prendre le nihilisme de Cioran au premier degré. C’est bien plutôt une excellente psychologie du nihilisme. « Le lot de celui qui s’est trop révolté est de n’avoir plus d’énergie que pour la déception ». Ce n’est pas là une philosophie nihiliste. Du reste, Cioran était de bonne humeur. « Je vis parce que les montagnes ne savent pas rire, ni les vers de terre chanter », écrit-il dans son premier livre (Sur les cimes du désespoir). C’est, ainsi, dire que le propre de l’homme est de rire et chanter. Ce n’est pas rien. Cioran est un faux nihiliste. Cioran le sait et il le dit : pour vivre, il faut être un peu « barbare », c’est-à-dire qu’il faut ne pas s’interroger tout le temps et sur tout. Il faut mettre entre parenthèses le doute pour vivre. C’est le contraire de la position de Descartes qui pensait qu’il fallait mettre entre parenthèses les évidences naturelles pour trouver ce qui résiste au doute. Si on cherche ce qui résiste au doute, on ne trouve rien, et certainement pas Dieu ni le cogito. Le doute, c’est ce qui dévitalise les civilisations. C’est ce qui prépare leur ruine. Pour vivre, individuellement et collectivement, il faut ne pas douter de tout. Il faut appliquer à nous-mêmes un régime mental de despotisme éclairé, consistant à avoir des croyances, fussent-elles absurdes (et elles le sont).
 

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L’horizon de ce despotisme ne peut être qu’une forme, un style. Le fond nous échappe, et il nous échappera toujours. « Restent cependant les apparences, pourquoi ne pas les hausser au niveau d’un style ? C’est là définir toute époque intelligente », explique Cioran (Précis de décomposition). À la manière de Nietzsche, Cioran défend l’idée que la façon dont les choses apparaissent, se manifestent, se montrent comme phénomène, est plus importante que ce qu’elles sont vraiment (à supposer qu’on puisse le savoir), le noumène (les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes et que nous ne pouvons connaître car, dit Kant, nous sommes limités par notre subjectivité). L’esthétisme de Cioran, c’est-à-dire la recherche d’une allure (qui est bien autre chose qu’un dandysme), est la seule façon de sortir du nihilisme par une autre voie que le cynisme et le relativisme.

   Moins de deux siècles après l’assomption philosophique du sujet avec Descartes, il a été question, avec Nietzsche, puis avec Foucault, de sa disparition. On a appelé cela la « mort du sujet ». Il y a dans ce vertige qui nous saisit face au trou créé par l’idée de la mort de l’homme l’effet d’une fatigue. C’est la fatigue d’être soi, et plus encore sans doute, la fatigue d’être en lien, amicaux et conflictuels à la fois, avec les autres. Stendhal écrivait : « Ils prennent l’étiolement de leur âme pour de la civilisation et de la générosité. » Il visait, en décembre 1830, les bourgeois blasés, ancêtres de nos bourgeois-bohèmes (Écrits intimes, Hachette, 1961).

   Face au coup d’État philosophique de Descartes, un contre coup d’État vise l’excès inverse : de « tout dans le sujet et par le sujet », nous passons à la disparition du sujet, analysée notamment par Christa Burger (Tradition et subjectivité) et Peter Burger (La prose de la modernité). Cet excès inverse n’est pas le contraire d’un excès. Voilà qui met à mal notre connaissance du monde, et notre expérience du monde. Nous naissons avec le monde et ne pouvons entièrement le connaître puisque nous en faisons partie. Nous nous trompons si nous nous croyons extérieur au monde. Mais nous nous trompons aussi si nous ne croyons pas à notre propre existence. Le nihilisme est une impasse. Écoutons Nietzsche. Défions nous du nihilisme passif, qui est un laisser-aller « à quoi boniste », pratiquons, si possible, un nihilisme actif, consistant à laisser tomber ce qui s’affaisse. Pour laisser la place à ce qui surgit.
 
Journaliste, essayiste et philosophe, Pierre Le Vigan est chroniqueur à Éléments et sur différents sites internet comme Boulevard Voltaire et Euro Libertés. On consultera sa bio-bibliographie sur son site La barque d'or. Il vient de publier Métamorphoses de la ville (disponible sur amazon Format numérique ou broché https://www.amazon.fr/M%C3%A9tamorphoses-ville-Romulus-Corbusier-Postface/dp/1549785710/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1507141968&sr=1-3&keywords=pierre+vigan )
 

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dimanche, 27 août 2017

Die Entzauberung der Welt

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Die Entzauberung der Welt

Stefan Martin

Ex: http://aka-blaetter.de

Immer deutlicher treten die Fehlentwicklungen der Moderne zu Tage. Werner Kunze beschäftigt sich mit der Frage, ob die Moderne noch zukunftstauglich ist. Herausgekommen ist eine brillante Analyse des herrschenden Zeitgeistes.

Das Unbehagen an der Moderne wächst. Es mehren sich die Stimmen derer, die eine kritische Bestandsaufnahme fordern. „Die herrschende Kultur des Westens ist ganz ersichtlich an immanente Grenzen gestoßen, sie ist erschöpft, wie nach einer durchtanzten Nacht, ihr Make-up rissig“ konstatiert der Bundesverfassungsrichter Udo Di Fabio in seinem 2005 erschienen Buch „Die Kultur der Freiheit“.

Die Epoche der Moderne beginnt mit der Französischen Revolution und ihrer populären Forderung nach Freiheit, Gleichheit und Brüderlichkeit. Der Königsberger Philosoph Immanuel Kant gibt den Leitspruch der Aufklärung „Sapere aude. Habe Mut, dich deines eigenen Verstandes zu bedienen“ aus. Fortan soll der Mensch ein selbstbestimmtes, von allen gesellschaftlichen und religiösen Zwängen befreites Leben führen. Ratio und Vernunft stehen im Zentrum der Bewegung. Die Aufklärer glauben zutiefst an die Veränderbarkeit der politisch-sozialen Verhältnisse. Nicht wenige, wie der Franzose Auguste Comte (1798–1867) sehen in dem aufkeimenden Zeitalter der Moderne das finale, unübertreffliche Stadium der Geschichte.

Und heute, so fragt Werner Kunze: Haben sich die weitreichenden Hoffnungen und Erwartungen der Gesellschaftsingenieure von 1789 erfüllt? Zweifellos hat der wissenschaftlich-technische Fortschritt eine bewundernswerte Verbesserung unserer materiellen Lebensverhältnisse bewirkt. Wir leben gesünder, behaglicher und komfortabler als jemals zuvor. Aber sind wir auch glücklicher? Augenscheinlich ist dem nicht so. Die rapide Abnahme der Geburtenzahl in Deutschland, das Auseinanderbrechen der Familienbande – von der Politik oft verharmlosend als Patchwork-Glück dargestellt – und die drastische Zunahme psychischer Erkrankungen wie Burn-Out und Depression sprechen für sich und können, so Werner Kunze, von Menschen guten Willens nicht länger ignoriert werden. Ein ganzes Heer von Psychologen, Psychiatern und Sozialarbeitern ist mittlerweile nötig, um die psychischen Schäden in unserer Gesellschaft wenigstens oberflächlich zu behandeln.

Der Fortschritt wird’s schon richten!

Wie stellt sich die Moderne uns heutigen Zeitgenossen dar? Der Autor nähert sich der Frage aus der Vogelperspektive, um das große Ganze besser in den Blick nehmen zu können. Er hofft so, zu übergeordneten Erkenntnissen zu gelangen, denn „wer sich nur in der Froschperspektive bewegt, braucht sich nicht zu wundern, wenn er zumeist nur Schlamm und Dreck sieht“. Zu den Charakteristika der Moderne zählt Kunze die enthemmte Beschleunigung, die Ausrichtung des einzelnen an der Masse, eine nie da gewesene Konzentration auf das Materielle mit Geld als universellem Bewertungsmaßstab sowie die offenkundige Orientierungs- und Ziellosigkeit der gesellschaftlichen Eliten. Der Fortschritt wird’s schon richten!

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Die Beschleunigung hat nahezu alle Lebensbereiche erfasst. Das Rad der Moderne dreht sich schneller und schneller. Wo das Ziel abhanden kommt, werden Tempo und Schnelligkeit zum Selbstzweck erhoben.  Besonders offenkundig wird dies in der Politik. Was heute noch im Brustton der Überzeugung verkündet wird (die Renten / die Banken etc. sind sicher, der Mindestlohn / die Wehrpflicht / die Atomkraft etc. stehen nicht zur Debatte), ist schon morgen Schnee von gestern.

Ein weiteres Kennzeichen der Moderne sieht Kunze in der Vermassung: Massenmedien, Massengeschmack, Massenverhalten. Niemand zwingt uns, groteske Casting-Shows anzuschauen und Dieter Bohlen dabei zu beobachten, wie er vor laufender Kamera Minderjährige bloßstellt. Auch unsere Daten im „sozialen Netzwerk“ Facebook hinterlegen wir ganz freiwillig. Der allseits propagierte Individualismus steht dabei in krassem Gegensatz zur freiwilligen Ausrichtung des Individuums an der Masse. Trashfernsehen, Facebook & Co. sind auffälliger Ausdruck dieses Zeitgeist-Phänomens.

Nicht zuletzt ist es die einseitige Betonung des Materiellen, die den Zeitgeist prägt. Mehr als 200 Jahre nach dem Beginn der Aufklärung hat die materialistische Weltanschauung, nach der nur das als existent gilt, was sich nach naturwissenschaftlichen (und damit vermeintlich objektiven) Gesetzmäßigkeiten erklären lässt, auf ganzer Linie gesiegt. Längst ist der Materialismus in den Bereich des Privaten übergeschwappt. Von der Beherrschung der Natur durch den wissenschaftlich-technischen Fortschritt ist es nur noch ein kleiner Schritt zur Beherrschung der zwischenmenschlichen Angelegenheiten. Menschliche Beziehungen werden verzweckt. Oder wie es der Soziologe Aldo Haesler jüngst in der ZEIT ausdrückte: „Heute dienen menschliche Beziehungen als Rohstoff, um einen künstlichen Mehrwert herzustellen. In unserer Vorstellung ist jede Beziehung ein potentielles Win-Win-Spiel.“ Networking nennt man das auf Neudeutsch.

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Immaterielle menschliche Bedürfnisse wie Geborgenheit, Liebe, Gefühle, Ästhetik und Phantasie bleiben zunehmend auf der Strecke. Völlig zu Recht beklagt der Autor eine Halbierung des Menschen: „Heute gilt es als chic, cool zu sein, nüchtern, distanziert, emotionsfrei. Wir sprechen vom falschen Pathos, kennen aber auch kein richtiges mehr. Wir sind innerlich ärmer, weil rationaler geworden.“ Den Preis für die unser gesamtes Leben durchdringende Intellektualisierung und Rationalisierung hat Max Weber bereits 1919 benannt: Die Entzauberung der Welt. Wehmütig erinnert Kunze an die nach zwei verlorenen Weltkriegen verschüttet gegangene Tradition des deutschen Idealismus. Noch Fichte, Hölderlin, Hegel und Schelling sahen den Menschen als ganzheitliches Wesen mit einem elementaren Bedürfnis nach Sinn und Methaphysik. Besonders angetan haben es ihm die deutschen Romantiker. Hier gerät Kunze nachgerade ins Schwärmen:  „Der Romantik gebührt das Privileg, sich als erste Bewegung mit den grundsätzlichen Fragen der Moderne kritisch auseinandergesetzt zu haben. Sie behält einen Ehrenplatz als eine der schönsten und sympathischsten Blüten am prächtigen Baum der deutschen Kultur- und Geistesgeschichte“. In der romantischen Hinwendung zu Gemüt, Gefühl, Freundschaft und Liebe erblickt er einen nach wie vor existenten, heute jedoch leider fast ausgetrockneten Teil der deutschen Volksmentalität. Sehr früh habe sich die deutsche Romantik gegen den kalten Rationalismus gewandt und mit Leidenschaft versucht, der Tradition, der Gefühlsseite des Menschen, der Poesie und der Musik ihren Platz zu geben.

Wie anders die heutigen Zeiten! Von Transzendenz und Religion erwarten wir schon lange keinen Halt mehr. Das letzte soziale Band in unserer Gesellschaft scheint das Geld zu sein. Wo menschliche Nähe, Empathie und Geborgenheit zum knappen Gut verkommen und Gefühle bestenfalls als peinlich gelten, fungiert das immer unsichtbarer werdende Geld als letztes Schmiermittel im Räderwerk der modernen Gesellschaft. Man mag sich gar nicht vorstellen, was passiert, wenn sich die materiellen Lebensverhältnisse – beispielsweise in Folge einer  weiteren Eskalation an den Finanzmärkten oder der plötzlichen Verknappung fossiler Energieressourcen – merklich verschlechtern.

Zu den Paradoxien der Moderne gehört, dass sich viele der aufklärerischen Ideen in ihr Gegenteil verkehrt haben. Stichwort: freie Meinungsäußerung. Heutzutage wird jeder, der gegen die vom Zeitgeist verordneten Dogmen verstößt, an den medialen Pranger gestellt. Zu diesem Dogmenbestand zählen: Das Individuum hat Vorrang vor der Gemeinschaft, alle Menschen sind prinzipiell gleich, der Mensch ist von Natur aus gut, Prägungen durch Herkunft, Abstammung, Begabung, Vererbung existieren nicht oder sind irrelevant. Wer vom vorgegebenen Tugendpfad (Thilo Sarrazin, Eva Herman) abweicht, wird zum Abschuss freigegeben. Mit Meinungsfreiheit hat das freilich nichts mehr zu tun. Die modernen Tugendwächter, die ständig auf der Lauer liegen, um Verstöße gegen die Political Correctness aufzuspüren und anzuprangern, haben augenscheinlich ihren John Stuart Mill (1806–1874) nicht gelesen. In seiner Schrift „Über die Freiheit“ weist Mill eindringlich auf die Gefahr des Despotismus über das Individuum hin: „In der Diskussion darf keine Meinung, mag sie noch so vereinzelt sein, unterdrückt werden. Denn wie können wir sicher sein, ob die Meinung, die wir uns anschicken zu unterdrücken, eine falsche Meinung ist?“ Vor der Gefahr des „Despotismus der Gesellschaft über das Individuum“ sind auch so genannte offene Gesellschaften nicht gefeit.

Eindrucksvoll führt Kunze dem Leser die Kollateralschäden der Moderne vor Augen. Jede dritte Ehe in Deutschland wird geschieden, in Großstädten gar jede zweite. 37 % aller erwachsenen Frauen leben als Single. Die Zahl der Patchwork-Familien steigt kontinuierlich. Logische Folge der Auflösung der Familienbande (im Zusammenspiel mit der rasenden Beschleunigung des Lebens) ist die starke Zunahme psychischer Erkrankungen wie Burn-Out und Depression, deren Behandlung 2008 Kosten von knapp 15 Milliarden Euro verursachte. Neben Managern, Sozialarbeitern und Akademikern sind in zunehmendem Maße Kinder und Jugendliche davon betroffen.

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Die Bilanz der 68er „Kultur“-Revolution ist verheerend

Auch die Bevölkerungsentwicklung gibt Anlass zur Sorge: Die Geburtenrate in Deutschland ist seit der 68er-Kulturrevolution um die Hälfte (!) gesunken. Demographieforscher können die weitere Entwicklung ziemlich genau vorhersagen: In 100 Jahren werden noch ca. 25 Millionen Deutsche in unserem Land leben. Der eigentliche Skandal besteht laut Kunze darin, dass „unsere Volksvertreter mitsamt den öffentlichen Medien kein Wort des Entsetzens oder auch nur des Bedauerns über die Katastrophe verlieren, dass die jahrhundertelange Geschichte der Deutschen im 21. Jahrhundert endgültig und unwiderruflich zu Ende geht.“

Die düstere Stimmungslage in Deutschland drückt sich nicht zuletzt in der wachsenden Distanz der Menschen zur Demokratie aus. Nach einer im September 2009 veröffentlichten Umfrage sind gut zwei Drittel der Deutschen überzeugt, „von den Parteien belogen zu werden.“ Jeder dritte Deutsche hat kein Vertrauen mehr in die Demokratie.

Wie konnte es dazu kommen? Die Ursachen für die besorgniserregende Entwicklung in Deutschland sieht Kunze in der 68er Bewegung, an der er kein gutes Haar lässt. Keineswegs handele es sich dabei um eine längst vergangene Protestbewegung Flower Power bewegter Studenten, sondern um manifestierten Zeitgeist. Dieser trete als „unsichtbarer Dirigent auf, den niemand ausdrücklich gerufen hat, dem sich aber fast alle beugen.“ Als Ahnherren der 68er Bewegung macht Kunze den Philosophen Jean Jacques Rousseau (1712–1778) aus. In dessen 1755 veröffentlichter Schrift „Abhandlung über den Ursprung der Ungleichheit unter den Menschen“ stellt Rousseau die Behauptung auf, der Mensch sei von Natur aus gut und erst durch Kultur und Zivilisation verdorben worden. Anders ausgedrückt: Wenn wir den guten Menschen wieder auffinden wollen, müssen wir zur Natur zurück. Die 68er-Adepten der Frankfurter Schule um Adorno, Horkheimer und Marcuse griffen Rousseaus These vom „guten Menschen im Naturzustand“ begierig auf und verleibten sie ihrer verqueren Philosophie ein. Seither gehört es zur festen Überzeugung der 68er und ihrer Nachfahren im Geiste, den Menschen von den Zwängen und Verpflichtungen des Staates, der Arbeit, der Familie, der Gesellschaft etc. zu befreien.

Tatsächlich trifft Kunze hier einen wunden Punkt. Das Gesellschaftsbild der 68er beruht auf einem naiven und vollkommen realitätsfremden Menschenbild. Die Mär vom „edlen Wilden“ ist durch moderne Forschung längst widerlegt (selbst den Hippies ist es mit Drogenunterstützung nicht gelungen, dem paradiesischen Naturzustand näher zu kommen). In der Abrechnung mit der 68er Generation entfacht Kunze einen wilden Furor. Ihre Weigerung, die Ambivalenz des Menschen anzuerkennen, zeuge von mangelndem Realitätssinn und ideologischer Verblendung. Der Mensch sei eben nicht nur vernünftig und gut, sondern bisweilen auch egoistisch, verantwortungslos und niederträchtig. Mit Verve prangert er die Radikalität an, mit der die 68er gewachsene kulturelle Errungenschaften, angefangen von bürgerlichen Tugenden bis hin zu staatlichen Institutionen, zerstört haben.

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Es gibt sie noch, die blaue Blume

Die Symptome sind damit benannt. Doch welche Therapie empfiehlt Kunze? Es geht nicht ohne die Ergänzung durch die Kant’sche Pflichtethik, insbesondere nicht ohne die Ausrichtung am Gemeinwohl. Es geht nicht ohne die Reaktivierung von bürgerlichen Tugenden wie Fleiß, Anstand, Verlässlichkeit und Verantwortungsbewusstsein. Es geht nicht ohne die Rückbesinnung auf bewährte Traditionen. Es geht zuallerletzt nicht ohne die Rückeroberung der Meinungsmacht im Lande.

Und des Autors persönlicher Wunsch? „Eine gewisse Rückbesinnung auf die Romantik. Von Zeit zu Zeit und bei passender Gelegenheit. Es gibt sie noch, die blaue Blume, sie hat sich nur vor den profanen Blicken versteckt.“

Werner Kunze: „Die Moderne. Ideologie, Nihilismus, Dekadenz”.  Bublies Verlag 2011, 336 S., 19,80 Euro.

Stefan Martin

geb. 1979, Ingenieur, VDSt Freiberg.

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lundi, 17 août 2015

Nihilisme, mal de vivre et crise de la modernité

Nihilisme, mal de vivre et crise de la modernité

Chaque fois qu’un peuple fait sa révolution industrielle et se modernise, il sombre dans un nihilisme de masse, comme en témoigne alors l’explosion des courbes statistiques du suicide et de la dépression. Pourquoi l’entrée dans la modernité s’accompagne-t-elle visiblement toujours de la généralisation du spleen et du mal-être ? En quoi les modes de vie actuels sont-ils susceptibles d’entretenir cet état de déprime ? L’individualisme et la solitude, qui sont désormais le lot quotidien de milliards d’hommes et de femmes à travers le monde, ne forment-ils pas en définitive les contours d’un nouveau mal du siècle ?

Plan de l'exposé :
1/ Etat des lieux : le suicide et la dépression sont des problèmes majeurs aujourd’hui
2/ Le mal-être se développe avec la richesse économique des nations
3/ Les modes de vie modernes favorisent la solitude
4/ Les pauvres souffrent plus que les riches de la modernité, au XXIe siècle
5/ La mondialisation des menaces rend toute action individuelle ou collective impossible et nous déprime
6/ Notre ère se caractérise par le désenchantement et la fin des idéaux
7/ La société de consommation aggrave le processus, en valorisant le présent plutôt que l’avenir
8/ La modernité comporte malgré tout de nombreux mérites, comme le goût pour la réalisation personnelle

www.thibaultisabel.com
www.leblogdethibaultisabel.blogspot.fr

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mercredi, 25 mars 2015

Heidegger on Nietzsche, Metaphysics, & Nihilism

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Heidegger on Nietzsche, Metaphysics, & Nihilism

By Greg Johnson 

Ex: http://www.counter-currents.com

Heidegger’s central philosophical topic has a number of names: the sense (Sinn) or meaning of Being, the truth (Wahrheit) of Being, the clearing (Lichtung) of Being, the “It” that “gives” Being, and the “Ereignis” (“event” or “appropriation”) of Being, referring to the mutual belonging of man and Being.[1] All of these words refer to that-which-gives and that-which-takes-away different “epochs” in the history of Being, which are comprehensive, pervasive, and fundamental ways of interpreting the world and our place in it. 

Heidegger’s topic is shrouded in mystery, for that-which-gives each epoch in the history of Being is hidden by the very epoch that it makes possible. This mystery is built right into the dual meanings of Heidegger’s names for his topic.

The word “Lichtung” refers both to Being (that which lights up beings) and also to the clearing that makes it possible for the light to illuminate beings—and the light attracts our attention to itself while leaving the clearing that makes it possible in darkness. The “it” that gives Being is hidden behind Being, its gift. Ereignis is the mutual belonging of man and Being, in which man in enthralled by the world opened up by the event and thus oblivious to the event itself. Heidegger even hears the mystery of Being in the word “epoch,” which refers both to the historical spans of particular dominant ways of interpreting the world, and, when heard in the Greek as “epoche,” refers to the withholding of that which grants the epochs, the giver that hides behind its gift.

Now we are in the position to begin to think through the connection that Heidegger draws between metaphysics and nihilism. Heidegger’s thesis is that nihilism is the consummation of Western metaphysics. To this end, I wish to comment on one of my favorite texts by Heidegger, the two lectures entitled “The Eternal Recurrence of the Same and the Will to Power.” These lectures beautifully epitomize Heidegger’s vast two-volume work on Nietzsche, and they gather together and display the unity of themes discussed by Heidegger over a period of more than 50 years.

Heidegger’s thesis is that “Nietzsche’s philosophy is the consummation of Western metaphysics.”[1] For Heidegger, Nietzsche’s philosophy represents the epitome of modern nihilism, the ultimate manifestation of the nihilistic impulse built into Western metaphysics from the very beginning. Heidegger’s thesis that Nietzsche is the last metaphysician of the West is a stunning thesis, a thesis very difficult to defend, for Nietzsche is widely regarded as the first post-metaphysical thinker, not the last and ultimate metaphysical thinker.

Traditional metaphysics is constructed around the dualisms of permanence and change and of appearance and reality. The permanent is identified with Being, which is said to be a reality that lies beyond the world of appearances, the world of change, the realm of becoming. Nietzsche seems to overcome these dualisms by collapsing the distinctions between permanence and change, appearance and reality, Being and becoming. Therefore, Nietzsche seems to go beyond metaphysics.

How, then, does Heidegger establish Nietzsche as the last metaphysician of the West? Another way of putting this question is: How does Heidegger establish that Nietzsche’s attempt to overcome metaphysics is a failure? What does Heidegger think that a genuine overcoming of metaphysics requires?

Nietzsche’s Metaphysics

When Heidegger uses the word “metaphysics” pejoratively, he refers to the metaphysics of presence: “These positions take the Being of beings as having been determined in the sense of permanence of presence” (p. 162). Another word for the metaphysics of presence in the Heidegger lexicon is “Platonism.” Platonism is a view that cannot necessarily be identified with Plato’s own views. Platonism, rather, is the pervasive interpretation of Plato’s views in the tradition. Platonism identifies Being with permanence as opposed to change, presence as opposed to absence, identity as opposed to difference.

The latter terms of these pairs—change, absence, difference—are identified with non-being. In the world around us, rest and motion, presence and absence, identity and difference are all mixed together.

Thus the Platonist concludes that this world is not the true world; it is not the realm of Being, but the realm of becoming, which is a mere blurred image or decayed manifestation of Being. Becoming is merely a veil of appearances which cloaks and hides that which is real, namely Being.

The Platonic realm of Being is identified as the place of forms or essences. The world of becoming is the world in which we find individual men, individual dogs, individual chairs, individual tables. All of these individuals come into being, change, and pass out of existence. The world of Being contains not individual men, but the essence of man, or “manhood.” It does not contain individual dogs, but the essence of dog, “doghood.”

Forms or essences, unlike individuals, do not come into being; they do not change; and they do not pass away. While particulars that become exist in time, forms of essences exist outside of time in eternity. Because particulars in time are infected with change, absence and difference, we cannot have certain knowledge of them; at best, we can have only tentative opinions about things in the world around us. We can have certain knowledge only of the forms or essences that make up the realm of Being.

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Heidegger holds that the metaphysics of presence—the interpretation of Being as presence—and also the Platonic distinction between the world of Being and the world of becoming is retained in Nietzsche’s allegedly post-metaphysical doctrines of the Will to Power and the Eternal Recurrence of the Same. What is the Will to Power? And what is the Eternal Recurrence of the Same?

Nietzsche called the ultimate constituent of the world Will to Power. This is a highly anthropomorphized name for something that is neither a will (for there is no agent behind it that wills); nor is it “to power” (for it is not directed toward the goal of power, or any other goal). Will to Power is Nietzsche’s name for chaos, which he conceived of as a virtual infinity of points of force charging and discharging entirely without pattern or purpose. Heidegger defines the “Will to Power” as “the essence of power itself. It consists in power’s overpowering, that is, its self-enhancement to the highest possible degree” (p. 163).

The Will to Power is the constant exercise of power as an end in itself.

The Will to Power makes possible the constant exercise of power by positing limits for itself and then exceeding them; Will to Power first freezes itself into particular forms and then overcomes and dissolves them.

The Will to Power is Nietzsche’s account of what the world is.

The Eternal Recurrence of the Same is a concept derived from the ancient Epicureans and Stoics. Both the Stoics and Epicureans believed that the cosmos is finite. The cosmos consists of matter and void, and there is only so much matter and so much void. Matter, however, is not fully inert. Matter has both inert and animate dimensions. Matter has the tendency to remain at rest or in motion, which the Epicureans represented by matter falling through the void. But matter also has a non-inert aspect that causes it to swerve from its fall or to move from rest to motion by its own power. The Epicureans represented this aspect of matter as the famous “clinamen” or “swerve” of the atoms. The Stoics represented this as divine logos, which following Heraclitus, they represented as fire. Matter, in short, is in some sense vital and animate; it is alive and ensouled. Matter’s vital principle allows order to form out of chaos. Matter’s inert dimension allows order to dissolve back into chaos.

Given a finite amount of matter and a finite void, given that matter has both a tendency to give rise to order and dissolve order, and given that time is infinite, the Epicureans and Stoics argued that the random play of chaos within a finite cosmos over an infinite amount of time not only gives rise to order, but gives rise to the same order an infinite number of times. Everything that is happening now has already happened an infinite number of times before and will happen an infinite number of times in the future. The Same events will Recur Eternally, hence the Eternal Recurrence of the Same. As Woody Allen once put it, “Eternal Recurrence of the Same. Does that mean I’ll have to sit through the Ice Capades again?” And the answer is: “Yes.” Not only will he have to sit through it again an infinite number of times, he already has sat through it an infinite number of times. It’s deja-vu all over again.

Nietzsche takes this argument over completely. The Will to Power corresponds precisely to the two aspects of matter discussed by the Epicureans and Stoics.

The animate aspect of matter that gives rise to form and organization corresponds to the Will to Power’s tendency to posit order.

The inert aspect of matter that causes form and organization to dissolve back into chaos corresponds to the Will to Power’s tendency to overpower and dissolve the very order that it posits.

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Nietzsche holds that the Will to Power is finite and that time is infinite. Given the possibility of endlessly rearranging a finite Will to Power over an infinite amount of time, the same kinds of order will inevitably repeat themselves, and they will repeat themselves and infinite number of times: Eternal Recurrence of the Same.

Just as Will to Power is Nietzsche’s account of what the world is, The Eternal Recurrence of the Same is Nietzsche’s account of how the world is.

Nietzsche claims to have abolished metaphysics because he abolishes the dualism between appearance and reality, Being and becoming, presence and absence, identity and difference, etc. All of these pairs of opposites are found blended together in the Will to Power and the Eternal Recurrence of the Same. There is no realm of pure presence, pristine identity, total rest, and separate essences, lying behind the world that appears to us.

Heidegger’s critique of this claim is twofold. First, he argues that the basic elements of Platonism are still at work in Nietzsche. Second, he argues that Nietzsche really does not understand what it would take to overcome metaphysics.

How is Nietzsche a Metaphysician?

Heidegger argues that Nietzsche’s doctrines of Eternal Recurrence and Will to Power are metaphysical in two ways. First, the accounts of Eternal Recurrence and Will to Power still buy into the metaphysics of presence. As Heidegger puts it:

“Recurrence” thinks the permanentizing of what becomes, thinks it to the point where the becoming of what becomes is secured in the duration of its becoming. The “eternal” links the permanentizing of such constancy in the direction of its circling back into itself and forward toward itself. What becomes is not the unceasing otherness of an endlessly changing manifold. What becomes is the same itself, and that means the one and selfsame (the identical) that in each case is within the difference of the other. . . . Nietzsche’s thought thinks the constant permanentizing of the becoming of whatever becomes into the only kind of presence there is–the self-recapitulation of the identical. (pp. 164–65)

Elsewhere, Heidegger writes:

Will to Power may now be conceived of as the permanentizing of surpassment, that is of becoming; hence as a transformed determination of the guiding metaphysical projection. The Eternal Recurrence of the Same unfurls and displays its essence, so to speak, as the most constant permanentizing of the becoming of what is constant. (p. 167)

Will to Power and the Eternal Recurrence of the Same, in short, think Being in terms of presence too, by making becoming itself permanent, by making becoming recapitulate the identical, by making the motion of becoming circular, thus bringing a kind of eternity into time itself.

The second way in which Heidegger argues that Nietzsche is a metaphysician is somewhat more elusive and difficult. Heidegger writes on page 168:

From the outset, the Eternal Recurrence of the Same and Will to Power are grasped as fundamental determinations of beings as such and as a whole—Will to Power as the peculiar coinage of “what-being” . . . and Eternal Recurrence of the Same as the coinage of “that-being.”

Heidegger claims that this distinction is “co-extensive” with the basic distinction that defines and sustains metaphysics. “What-being” or “whatness” refers to the identity of beings. “What-being” or “thatness” refers to the existence of beings. To talk about the identity of a thing is to talk about what it is in contrast to the identity of different things, the things that it is not. When we talk about the existence of something, we are talking about the fact that it is, as opposed to the idea of its non-existence.

Now, in Platonism, the identity of a particular being is endowed by its form. A particular dog has its identity as a dog because it is related to the Form of dog, or “dogness.” A particular man has his identity as a man because he is related somehow to the essence of man, or “manhood.” A particular dog has his existence as a concrete individual dog because a bit of the material world has been informed by the essence of dog. So, for Platonism, the identity or whatness of a particular being is explained by its essence and its individual existence or thatness is explained by its materiality.

Heidegger holds that this Platonic distinction is present in the distinction between the Will to Power and the Eternal Recurrence of the Same. Will to Power names the whatness or identity of all beings. Therefore, it corresponds to the Platonic form. Eternal Recurrence names the thatness or existence of beings. Therefore, it corresponds to the instantiation of the Platonic Form in a bit of the spatio-temporal world. Will to Power is the principle of identity. Eternal Recurrence is the principle of existence. This dualism, Heidegger claims, is not overcome by Nietzsche, so Nietzsche does not overcome metaphysics.

Indeed, Heidegger claims that Nietzsche represents the culmination of metaphysics. To understand this, we must understand how, precisely, Nietzsche fails to overcome metaphysics. And to understand this, we need to know what Heidegger thinks a genuine overcoming of metaphysics would require.

What Constitutes a True Overcoming of Metaphysics?

Heidegger thinks that a genuine overcoming of metaphysics requires that we think his distinctive topic, the distinctive matter of his thinking: that which gives and that which takes away the different epochs of the history of Being. It requires that we think the Truth of being, the Meaning of Being, the Clearing of Being, the Event of Being, etc. Heidegger mentions his distinctive topic in a number of places in these lectures:

It first appears on page 164 (second paragraph):

What this unleashing of power to its essence is [i.e., that which grants the interpretation of Being as Will to Power], Nietzsche is unable to think. Nor can any metaphysics think it, inasmuch as metaphysics cannot put the matter [die Sache, the topic] into question.

It also appears on page 165 (second paragraph):

This “selfsame” [Being interpreted as Eternal Recurrence] is separated as by an abyss from the singularity of the unrepeatable enjoining of all that coheres. Out of that enjoining alone does the difference commence.

Here Heidegger contrasts Nietzsche’s metaphysics of history (which encloses becoming in the circle of Being through the idea of the eternal recurrence of the same) with his own view of the history of Being as a sequence of unrepeatable contingent singularities in which new epochs in the history of Being displace one another.

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One can ask, however, if Heidegger himself does not ultimately subscribe to a kind of cyclical history, since he seems to believe that (1) the pre-Socratic Greek sense of Being as the dynamic interplay of presence and absence is correct, even though it overlooked the conditions of its own emergence, and (2) that it is possible to return to this correct interpretation of Being, either (a) reflectively, with an appreciation of its importance in the light of the subsequent tradition, or (b) naively, though the liquidation of the present civilization and a return to barbarism, which may be the meaning of Heidegger’s famous claim that “only a god can save us now,” meaning a return to naive belief.

Heidegger’s topic shows up again in the very next paragraph:

Thought concerning truth, in the sense of the essence of aletheia, whose essential advent sustains Being and allows it to be sheltered in its belonging to the commencement, is more remote than ever in this last projection of beingness.

Here aletheia refers to that which both grants a new epoch in the history of Being and shelters its advent in mystery.

There is also an extensive discussion of the topic from the bottom of page 166 throughout the entirety of page 167.

Heidegger claims that Nietzsche does not overcome metaphysics because the overcoming of metaphysics requires that one think that which grants different epochs in the history of Being and Nietzsche does not think this topic. Heidegger adds, furthermore, that Nietzsche not only fails to overcome metaphysics, he actually make this overcoming more difficult because he fosters the illusion that metaphysics is already overcome, thereby enforcing our oblivion to that which grants metaphysics, thereby making us less likely to think this topic and thus to effect a genuine overcoming of metaphysics. As Heidegger writes on 166:

Inadequate interrogation of the meaning of Nietzsche’s doctrine of Return, when viewed in terms of the history of metaphysics, shunts aside the most intrinsic need that is exhibited in the history of Western thought [i.e., the need to think that which grant metaphysics]. It thus confirms, by assisting those machinations that are oblivious to Being, the utter abandonment of Being.

It is at this point that we can understand why Heidegger thinks that Nietzsche is not only a metaphysician, but the culmination of metaphysics. Metaphysics thinks the Being of beings, but does not think the meaning of Being, the clearing of Being, etc. Nietzsche is the culmination of metaphysics because Nietzsche’s metaphysics not only fails to think that which grants Being, but actually makes this altogether impossible because it fosters the illusion that metaphysics has been finally overcome.

A further reason for regarding Nietzsche as the culmination of metaphysics can be appreciated by examining Heidegger’s definition of nihilism. Heidegger defines the modern technological age, the age of nihilism as “the age of consummate meaninglessness” (p. 174). Consummate meaninglessness is equivalent to the interpretation of Being in terms of man’s own subjective needs: Being as certainty; Being as intelligibility; Being as availability and deployability for human purposes. The world is meaningless because wherever we look, we only encounter projections of our own overweening subjectivity and will to power. The essence of modernity is the idea that everything can be understood and controlled.

This view of the world is made possible by our failure to think about what grants it, what makes it possible, the source of this epoch in the history of Being. Heidegger claims that we cannot understand the origin of the idea that we can understand everything. We cannot control the emergence of the idea that we can control everything. Trying to understand the origins of nihilism forces us to recognize that there is a mystery that cannot be explained or controlled. And this encounter with mystery is alone sufficient to break the spell that everything can be understood and controlled. It is thus a real overcoming of metaphysics and of its culmination in the nihilism of technological modernity.

Notes

1. See my essay “Heidegger’s Question Beyond Being,” http://www.counter-currents.com/2014/10/heideggers-question-beyond-being/ [4]

2. Martin Heidegger, Nietzsche, vol. III: The Will to Power as Knowledge and as Metaphysics, ed. David Farrell Krell, trans. Joan Stambaugh, David Farrell Krell, and Frank A. Capuzzi (New York: Harper and Row, 1987), p. 161.


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2015/03/heidegger-on-nietzsche-metaphysics-and-nihilism/

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[4] http://www.counter-currents.com/2014/10/heideggers-question-beyond-being/ : http://www.counter-currents.com/2014/10/heideggers-question-beyond-being/

jeudi, 19 février 2015

Notes on Nihilism

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Notes on Nihilism

By Greg Johnson 

Ex: http://www.counter-currents.com

It is often said that nihilism is one of the leading characteristics of the modern age, but what is nihilism? Nihilism means something like the “death” of God, the denial of objective meaning and value, the erasure of moral distinctions and hierarchies, the dissolution of a common world into individual perspectives, and the dissolution of a common culture into subjective “given preferences.” 

Nietzsche defines nihilism as the devaluation of the highest values, the core values, of a civilization. On that account, to understand nihilism we must, therefore, grasp: (1) the nature of values, (2) the role of values in life, (3) the nature of the claim that values make upon us, and (4) how it is possible for values to lose their claim upon us. I propose that we answer these questions through an examination of four thinkers: Giambattista Vico (1668–1744), Søren Kierkegaard (1813–1855), Friedrich Nietzsche (1844–1900), and Ernst Jünger (1895–1998).

Nietzsche on Life and Values

Nietzsche called the ultimate constituent of the world Will to Power. This is a highly anthropomorphized name for something that is neither a will (for there is no agent behind it that wills) nor is it “to power” (for it is not directed toward the goal of power, or any other goal). Will to Power is Nietzsche’s name for chaos, which he conceived of as a virtual infinity of points of force charging and discharging entirely without pattern or purpose.

Chaos somehow gives rise to life, life to consciousness, and consciousness to self-consciousness. Self-consciousness, however, presents a problem for life, because self-conscious beings demand reasons for continuing to live; they demand meaning and purpose in life. And this is a demand that chaos cannot meet. In a world of chaos, all options are equal. Nothing is any better or any worse than anything else. No option is preferable to any other. Choosing is not preferable to not choosing. Action, therefore, is fundamentally irrational. There is no reason to get out of bed in the morning. There is no reason to prefer continued existence to non-existence. Nothing matters. Nothing makes a difference. This is a condition so terrifying to self-conscious beings that they are annihilated when they encounter it directly.

Life, however, goes on. It preserves itself behind the back of consciousness by manufacturing values. These manufactured values are fictions which consciousness mistakenly thinks it discovers as objective facts. Fictional though they may be, values change everything. Once values are created, some things show up as better than others; some actions show up as better than others; some things show up as goals to be pursued; others show up as evils to be avoided. Life takes on meaning, purpose, and structure. Things begin to make a difference. One suddenly has a reason to get out of bed in the morning. Life can go on. The truth of chaos is a truth that kills. But the lie of values is a lie that we can live with. It is a necessary lie, a noble lie.

For Nietzsche, nihilism results when the core values of a culture cease being believed. There are two types of nihilism: passive and active. The passive nihilist deeply identifies with the core values of his civilization. Thus be experiences their loss as demoralizing and devitalizing. The active nihilist primarily experienced the reigning values as impediments to the freedom of his desires and imagination. Therefore, he experiences their downfall as liberating. For Nietzsche, the age of nihilism will be terminated by a particular kind of active nihilism: setting up and imposing new core values for a new civilization.

Vico & Cassirer

At this point, I wish to add an aside on the accounts of the origins of language, myth, and culture offered by Giambattista Vico (1668–1744) and Ernst Cassirer (1874–1945), for I think that these naturalistic accounts are broadly compatible with Nietzsche’s account of the origins of values and they supplement it nicely by describing the concrete embodiment of values in language, myth, and culture. Vico and Cassirer give essentially the same account of the origin of language and myth, for both hold that the first words were proper names of gods, and around these names grew up mythologies and languages which formed the cores of cultures.

Vico-223x300.jpgVico offers a wonderful myth to illustrate the origins of language and myth. After the biblical flood, when the Earth was drying out and slowly re-populating, the sons and grandsons of Noah went back to nature, becoming very much like the Natural Man described in Rousseau’s Discourse on the Origins of Inequality. They lost all arts and sciences, organized families and communities, myth and religion, and even the use of language. And, because they also lost personal cleanliness and wallowed in their own urine and feces, Vico claimed—in accordance with an old wives’ tale then current in his hometown of Naples—they grew to a gigantic stature. Thus Vico offers us a picture of giants, devoid of language and culture, without families or cities, wandering alone in a vast forest that covered the drying Earth, occasionally bumping into one another and fornicating and then going their separate ways.

Eventually, though, evaporation from the drying Earth brewed up huge thunderstorms—thunderstorms greater than any seen before or since, thunderstorms that blanketed the entire Earth, and from the storm came a flash of lightning that lighted up the entire world and a mighty clap of thunder that shook it to its foundations, and the giants cried out in their terror a single word: “Jove.”

Jove was the first word. It is a proper name. And what it names is a terrifying force of nature. But when this force is named Jove and personified, something remarkable happens. The storm is no longer such a terrifying mystery. Rather, it is the product of a deity who has his reasons for sending it. The storm suddenly becomes intelligible. Furthermore, if we can discover the reasons behind the storm, then perhaps we can avoid riling Jove up. Or, if we can find his price, we can bribe him. Either way, we gain some control over our world. Myth and language, then, are man’s first attempts to master and understand an otherwise chaotic, inscrutable, and terrifying world.

But note that the origins of language and myth are pre-rational or irrational. They are not deliberately constructed, but spontaneous and automatic reactions to environmental stimuli. Nobody sat down and created languages and myths as conventions. Rather, the existence of conventions already presupposes the existence of a common language and a common community which can discuss and agree upon the adoption of certain conventions.

But if language and myth, culture and values are pre-rational fictions, then what kind of claim can they make upon us? What would motivate us to believe and follow them? What is the source of their authority and allure? For an answer to these questions, we turn to Kierkegaard.

Kierkegaard on the Claim of Values

Kierkegaard_4480.jpegSøren Kierkegaard was the first self-proclaimed “existentialist.” Kierkegaard, like many skeptics and fideists, reverses the traditional philosophical valorization of theory over practice. Kierkegaard holds that it is practical, engaged activity, not disengaged theoretical reflection, that gives us access to the true and the good. We learn what is true and what is good through being socialized into a community and culture, and the process of socialization is primarily a practical matter.

We learn by doing—by doing as others do around us, by imitating authoritative persons and following their commands. We learn what is true and what is good by apprenticeship in the concrete institutions and practices of a society, and the true and the good are accessible to us only so long as we participate in these concrete institutions and practices and recognize their authority.

In short, the primary locus of values is culture. The primary means of disseminating values is enculturation. And the authority of values derives from our pre-reflective, pre-rational identification with our culture and way of life.

Because values are disclosed through practice, not theory, their claim upon us is pre-rational. Therefore, the attempt to use reason to reflect upon, criticize, and perhaps give a foundation for our values, serves instead only to alienate us from them by weakening our pre-rational commitments to them.

In his 1846 work, The Present Age, Kierkegaard described how reason and reflection had undermined all authoritative institutions and practices of Western culture, thereby undermining commitment to its core values, leading to the collapse of moral distinctions, the flattening out of moral hierarchies, and the subjectivization of values. He prophesied the coming of a nihilistic age.

Kierkegaard’s question was how to regain a meaningful existence, how to save values from withering away from a sickly and effeminate rationalism, how to claw our way out of the quicksand of passive nihilism. Kierkegaard’s answer was simple: Each individual must make a conscious and absolute commitment to some form of life and its constitutive values. Once we make such a commitment, the world is no longer a matter of indifference to us; things again show up as good or bad, right or wrong—so long as we maintain our commitment unwaveringly. In short, for Kierkegaard the cure for passive nihilism is active nihilism—and the fact that Kierkegaard’s own commitment was to Christianity makes that commitment no less nihilistic.

Jünger on Technology and the Death of Values.

Ernst-Jünger-1954-1.jpgErnst Jünger is in essential agreement with Nietzsche on the origin and nature of values and with Kierkegaard on the nature and cure for nihilism, but he adds a significant new dimension to our understanding of the means by which nihilism comes to reign. It is an account that profoundly influenced Heidegger, and with which Heidegger was in essential agreement.

The central concept of Jünger’s account of nihilism is technology. If values are fictions posited by life to sustain itself, and if values are encoded in and transmitted through concrete cultural institutions and practices, then one can see culture as a protective wall that we erect against the enervating terrors of a chaotic reality. For Jünger, modern technology is the Trojan Horse that leads us to open the gates of culture to the overwhelming forces of chaos.

Modern technological civilization is a form of culture. But it is a form of culture that undermines all other forms of culture—and also undermines itself as a culture—for the modern technological worldview is premised on the use of reason, science, and technology to progressively liberate mankind from all external and irrational impediments to the satisfaction of his desires.

While the ancients experienced nature as a fixed an eternal order founding and bounding the realm of human action, moderns experience nature as simply a pile of resources that are, in principle, infinitely transparent to human knowledge and infinitely malleable to human ends. From the technological point of view, there are no fixed boundaries to human action; there are only temporary impediments that will eventually yield, in time, to better science and better technology.

Unfortunately, however, the technological mentality regards values and their concrete cultural and institutional embodiments in religion, myth, and practice as such impediments. Values, after all, arise out of pre-rational or irrational sources. They are by necessity falsifications of reality. And they impose limitations on the technological satisfaction of our desires.

How many of us sigh and shake our heads bitterly when we hear of people refusing their children blood transfusions and vaccinations “merely” on religious grounds, merely in the name of something sacred? Technological civilization must, therefore, set itself at war with myth, religion, tradition, custom, values, and the kind of pre-rational attachments that, for instance, make us want to help our own children even though other people’s children might need our help more.

However, as we progressively bargain away more and more of the sacred and the moral for the benefits of technological culture, we also bargain away the sanctity and dignity of our own humanity; we find ourselves slowly transformed from sovereign subjects employing technology to satisfy our desires, into passive objects of technology.

For instance, we find that more and more of our desires are supplied by the imperatives of the very technological system that was designed to satisfy them. Once our activities are determined not by ideals and values, but by bodily desires—by our pre-cultural, naturalistic selves—the body, not the soul, becomes the subject, the driving agent, of the technological system.

But the body’s agency is illusory, for the body is—and always has been—primarily the object, not the subject, of technological manipulation. From makeup and fashion to piercing and tattooing, from diet and exercise regimens to plastic surgery to genetic engineering, the body is the object of technological manipulation, largely in response to imperatives generated by the technological system itself.

In our pursuit of freedom through the mastery of our environment, we soon discover that each one of us is an object in somebody else’s environment, and that the other side of mastery is domination. But it is a form of domination in which everybody is an object and nobody is a subject, i.e., it is domination without a dominator, domination by an impersonal technological machine that grew as an unintended consequence of individual actions, that was not consciously designed by anyone, and that cannot be consciously controlled by anyone.

Domination without a dominator is another way of speaking of will without a willer; it is another way of speaking of the Will to Power. The Will to Power is the very chaos that culture was supposed to protect us from. But technological culture, by undermining the pre-rational origins, necessary falsehoods, and constitutive values of culture, has brought the Will to Power into the heart of human world and installed it as our master.

The most chilling image of the triumph of the technological Will to Power are the “Borg” in Star Trek—The Next Generation. The Borg are humanoid creatures whose lives became so intertwined with technology—including technological implants in their own bodies—that they lost all individual consciousness and became almost literally mere cogs in their own machines They became objects, not subjects, of an autonomous technological system. And although this system had attained a collective consciousness of its own, which drowned out the individual consciousnesses of its humanoid components, the Borg collective mind is driven by a single imperative: to assimilate all other technologies and all other living beings into its technological system. Why? There is no ultimate end beyond the simple continuation of the process itself. The Borg assimilate only in order to continue to assimilate. The Will to Power wills only one thing: the continuation of its willing.

What is Jünger’s solution to technological nihilism? Jünger believed that the technological Will to Power is unstoppable, that it will subjugate the entire Earth and the entire universe, that nothing can stand in its way. Jünger’s experiences in the trenches of the First World War led him to believe that the war was an autonomous technological system, a human creation that quickly escaped the control of its creators and subjected them to the technological imperatives of its own continued existence. All moral and political motivations, all policy objectives, all means-ends rationality became moot, but the war went on; it carried itself on, simply for the sake of carrying on. Jünger became convinced that the only way to understand the phenomenon of total and autonomous war is to view it as an expression of the Will to Power, as its unstoppable volcanic eruption into the human world.

And, if you can’t beat it, join it. Jünger was convinced that the only way to salvage some meaning from the unfolding of technological nihilism was to submit oneself to it, to will the inevitable, and thus to internalize it and make it one’s own. In Battle as Inner Experience, he writes:

All goals are past, only movement is eternal, and it brings forth unceasingly magnificent and merciless spectacles. To sink into their lofty goallessness as into an artwork or as into the starry sky, that is granted only to the few. But he who experiences in this war only negation, only inherent suffering and not affirmation, [not] a higher movement, experiences it like a slave. He has no inner, but only an external experience.

Like Kierkegaard, Jünger holds that the solution to passive nihilism is active nihilism, which still leaves us within the realm of nihilism.

Heidegger

heidegger-1.jpgIs there a fundamental alternative to nihilism? Is there an alternative to strong wills positing or negating values? Is there an alternative to weak wills receiving or losing the values imposed or negated by others? Is there an alternative to all this willing? For the root of nihilism is the will—specifically, the inflation of the will to the point that it becomes the defining trait of Being itself. Martin Heidegger’s philosophical project can be understood as an attempt to overcome nihilism at its root, the inflation of the will into the meaning of Being.

Heidegger’s account of nihilism agrees with Nietzsche’s account of the origins and the nature of values, with Kierkegaard’s account of the cultural embodiment and transmission of values, with Kierkegaard’s account of the role of reason in the undermining of commitment, and with Jünger’s account of technology as the Trojan Horse that allows the Will to Power to invade and conquer the human world. But Heidegger does not agree with their solutions, which all boil down to replacing passive nihilism with active nihilism. For active nihilism is still nihilism.

Overcoming nihilism, however, is no simple task. For Heidegger traces the metaphysics of the will back to the origins of Western metaphysics. Thus to overcome nihilism, we must overcome metaphysics. But Heidegger does not see the metaphysical tradition as merely a record of human errors, but as the product of Being’s self-concealment. Thus trying to overcome nihilism, or trying to overcome metaphysics—as if they are merely human errors that can be corrected by human means—is itself essentially nihilistic. We may only be done with nihilism when we accept the possibility that nihilism may not yet be done with us.

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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jeudi, 25 décembre 2014

Le néo-nihilisme, nouveau mal français

histoire-du-nihilisme.jpg

Le néo-nihilisme, nouveau mal français: quelles réponses?
 
par Jean-Yves Le Gallou
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr

Les Français sont abrutis par la propagande médiatique. Celle-ci véhicule un néo-nihilisme ahurissant.

Ce néo-nihilisme repose sur une négation des réalités. Négation des origines et de leur importance. Négation du Grand Remplacement de populations. Négation de l’existence même d’un peuple français historique. Négation de l’échec de tout processus d’assimilation des immigrés venus de loin. Négation de l’islamisation de la société et des mœurs. Négation de l’échec de la « conception citoyenne de la nation » devenue simple paravent du communautarisme.

Ce néo-nihilisme nie aussi les réalités anthropologiques. Il prétend déconstruire les différences de sexe. Tout en promouvant un « homosexualisme » militant, négateur du mariage et des liens de filiation. Sa vision est celle de l’immédiateté, du grand carnaval de l’Homo festivus et de la Gay Pride.

NIHILISME ARROSE003.jpgPromu par les médias de l’oligarchie, ce néo-nihilisme est devenu l’idéologie dominante de la classe politique. Par connivence d’abord : journalistes et politiques déjeunent ensemble, voyagent ensemble, dînent ensemble… et plus si affinités. Par désir mimétique aussi : pour un politique, la recette pour se faire inviter à la télévision, c’est de tenir un discours média-compatible. Résultat : ceux qui devraient donner du sens se rallient – peu ou prou – au néo-nihilisme de l’État-spectacle et de l’Homo festivus. D’où le discrédit des partis politiques : Front de gauche, écolos, PS, UMP. À force de rechercher la dédiabolisation/banalisation, c’est le Front national lui-même qui pourrait perdre le crédit de sa différence. Or, suivre le vent n’est rien d’autre qu’« une ambition de feuille morte ».

Face à cette verticale du pouvoir médias/politiques, les réactions viennent des profondeurs du peuple. D’où l’ampleur des manifestations sociétales : de la Manif pour tous, du Printemps français, des Bonnets rouges et peut-être demain d’un PEGIDA (les mouvements anti-islamisation en Allemagne) à la française.

Les réactions viennent aussi des intellectuels. D’hommes et de femmes qui savent qu’ils ont le « devoir de vérité ». D’hommes et de femmes qui osent penser la radicalité : des essayistes comme Éric Zemmour ou Hervé Juvin, des écrivains comme Renaud Camus ou Richard Millet, des artistes ou critiques d’art comme Aude de Kerros, des esprits indépendants comme Robert Ménard ou Béatrice Bourges.

À eux de donner du sens. À eux de rappeler que la patrie (la terre des pères) n’a de sens que si elle porte une identité charnelle et civilisationnelle. À eux de rappeler qu’il n’y a pas de communauté nationale sans réalité substantielle, croyances communes, valeurs morales et sociales partagées et leur hiérarchie. À eux de rappeler qu’il y a des permanences anthropologiques et culturelles à respecter. À eux de rappeler que la souveraineté n’a de sens que si elle est enracinée.

Le renouveau ne passera pas par les structures anciennes tributaires des conformismes. Il viendra de la mise en forme par les intellectuels dissidents des aspirations profondes du peuple. Il sera possible grâce au contournement des médias par Internet et les réseaux sociaux.

dimanche, 18 mai 2014

Sur le nihilisme européen...

Sur le nihilisme européen...

Nous vous signalons la parution du septième numéro (Hiver 2014) de la belle revue Figures de proues, dirigée par Pierre Bagnuls. On y découvrira des textes choisis et une foule de citations sur le thème de l'Europe et du nihilisme européen, agrémentés par de superbes illustrations en couleurs. Du beau travail !

Il est possible de s'abonner ou de commander ce numéro (ainsi que les numéros précédents) sur le site de la revue : Figures de proues

Figures de proues 7.jpg

Au sommaire :

Éditorial

Europe - 9 novembre 1989: la cicatrice concentrationnaire fut
symboliquement refermée
par Pierre Bagnuls

L'auteur, la société, la liberté

La pensée remonte les fleuves par Charles-Ferdinand Ramuz

Figure

Face au soleil de minuit: un solstice d'été septentrional d'après Marc Augier, par Pierre Bagnuls

Hommage

En mémoire de Dominique Venner par Pierre Bagnuls

Les sources vives

Le nihilisme est devant la porte: d'où nous vient ce plus inquiétant de tous les hôtes? par Pierre Bagnuls

Textes fondateurs

Changement de paradigme et crise de la conscience européenne par Alexandre Koyré

Commencer avec le soleil par David Herbert Lawrence

Le monde paraît sans valeur par Friedrich Nietzsche

Fondements du nihilisme européen par Jean-Edouard Spenlé

Tout est venu à l'Europe et tout en est venu par Paul Valéry

Quels rêves a faits l'homme? par Paul Valéry

Ce que nous savons, ce que nous pouvons, a fini par s'opposer à ce que nous sommes par Paul Valéry

Texte dé-fondateur

Extraits des discours sur l'Europe de Julien Benda

Propos sur la dé-fondation européenne

Des dangers d'une intelligence désincarnée et inorganique:
le nihilisme en pensées et en actes
par Pierre Bagnuls

lundi, 26 décembre 2011

Generation Lovecraft: Die Flucht in den konservierten Raum

Generation Lovecraft: Die Flucht in den konservierten Raum


Geschrieben von: Dietrich Müller   

 Ex: http://www.blauenarzisse.de/

Meine Generation dankt langsam ab. Sie hat ihren Part gespielt, ihre Aufgabe an der Geschichte vollzogen. Hedonisten ohne Plan, die der großen Symbolzertrümmerung den nötigen Schub gaben, damit alles über die Kante fiel. Es war wohl nötig. Die Kinder der „Generation Kohl“, welche ihre Lektion aus der „geistig-moralischen Wende“ gezogen hatten. Das es nämlich keine Geistigkeit und keine Moral gebe und auch keine Wende, sondern nur einen sinnlosen Trott, dem der Mensch folgt. Wir waren eine materialistische, eine nihilistische Generation. Das Produkt und die Gegenwart waren uns alles, denn alles war im Überfluss vorhanden. Der Westen war Trumpf im drögen Spiel, es galt nur zu kollaborieren und zufrieden zu verwesen. Alles gemacht.

Heute ist nichts mehr im Überfluss vorhanden. Das Wort Freizeit, vorher noch Gebot der Stunde, hat einen schalen Klang bekommen, sogar einen leicht despektierlichen. Von meinen Bekannten und Freunden gleichen Alters sind ungefähr ein Viertel durch Suizid abgetreten, ein großer Teil hat immerhin hart dorthin gearbeitet.

Die Party ist vorbei!

Der Rest wurde eskapistisch oder verschwand in ominösen Berufen fernab der Gegenwart. Eine ganze Generation auf dem Rückzug, in Auflösung begriffen wie eine geschlagene Armee. Was wir der Jugend kurz hinter uns lassen, ist ein zweifelhaftes Geschenk: Das früher alles besser, alles leichter war. Das der beste Teil gelaufen sei und man nicht mehr so einfach durchs Leben komme. Das es nun mühevoll sei. Doch keine Party.

Ich stehe hier ein bisschen zwischen den Stühlen. Ich war nicht richtig meiner Generation angeschlossen, aber ich teilte wohl doch mehr Punkte mit ihr, als mir lieb ist. Freilich lehnte ich den Hedonismus ab. Meine Exzesse hatten immer etwas Verbissenes an sich, zeugten von einer durchaus masochistischen Neigung; sich mit Lust selbst zu zerstörten, weil man keinen Sinn kannte und keine Autorität akzeptierte.

Es war der Schrei, der ein Echo verlangte: Gewaltig, versessen und ohne ein Gefühl von Verantwortung. Pure gegenwärtige Energie. Ein Kraftakt gegen sich selbst und die verlornen Ordnungen. Ein Verlangen nach elementarer Antwort im Ausdruck absoluter Katastrophe. Schön und dumm – wie die Jugend eben ist. Ich vermisse sie nicht.

Die neuen Ordnungshüter kamen wie Phoenix aus der Asche

Heute ist aber eine Generation schneidiger Erneuerer angetreten und hebt sich – scheinbar wie Phoenix aus der Asche – aus den Ruinen einer ruinierten Gesellschaft. Den kaputten Kollektiven wird da mit einem trotzigen Ordnungswahn entgegengegangen, der jeder Beschreibung spottet. Man ist bereit einen Unterschied zu machen und betet einen Katalog an Forderungen und an Leistungswille hinunter: Der Mensch muss arbeiten, er muss glauben, er muss bereit sein sich zu fügen im Großen, in seinem Umfang aber die irre gewordene Welt zur Ordnung rufen.

Lauter selbst ernannte Kreuzritter, die den Katalog der Sekundärtugenden ebenso aufsagen können wie Stellen aus der Bibel. Man hißt alte Symbole: Das Kreuz Christi, die Fahne der BRD, die Fahne Preußens, man hat das „Buch der Bücher“ am Nachttisch und übt sich in früher Monogamie (so gut es geht...). Ausgezogen, aufgezogen den Weltenlauf gerade zu rücken. Konservative Revolution mit dem Ruf nach Autorität; dem Anspruch darauf?

Es regiert Lovecraft und keine Konservative Revolution: Über den negativen Pessimismus

Alles Mumpitz. Was regiert ist das „Prinzip Lovecraft“. Gestorben ist der seltsame, bittere Mann im Jahre 1937 mit gerade mal 46 Jahren. Gelebt hat er nicht, aber viel geschrieben. Eine Ehe geführt, welche wie ein peinlicher Zufall wirkt. Die Migrantenströme im New York der 20er-Jahre besehen und für rassischen Dreck befunden. Zurückgeflohen in die nicht vorhandene Idylle der Provinz, wo er sich vor dem Leben versteckte und von der Epoche abkapselte, die er so sehr hasste. Bis er endlich unter den qualvollen Schmerzen des in ihm wuchernden Krebses verstarb und damit seiner puritanischen Meinung scheinbar nachdrücklich Gewicht gab, dass der Körper, das Fleisch widerlich seien.

Was da nach den ruinösen Resten meiner Generation verglühend vergangenen Träumen hinterherjagt, ist keine Konservative Revolution, denn das bedürfte eines offensiven Gestus, eines aggressiven Optimismus mit Sendungsbewusstsein. Das ist nicht vorhanden, sondern der Wille zur erzwungenen Ordnung im beschränkten Kreis des eigenen Selbst. Es ist kein Aufstand, sondern ein Angstruf gegenüber einer Zeit, die man nicht versteht und nicht kontrollieren kann. Was man vertritt, ist Ruhe und Ordnung beim Tanz auf dem Vulkan. Pardon. Natürlich beim Gleichschritt hin zum Krater.

Die schöne Bundesrepublik, das Altersheim

Man verlangt sich selbst und andere zur Ordnung zu rufen, weil man das Chaos als unerträglich empfindet und die Zeit als Barbarei. Man huldigt der Xenonphobie. Europa als bedrängte Welt und Deutschland als Schlachtfeld zerfallender Kultur, die man quasi im Wohnzimmer konservieren muss.

Reformieren: Ja. Revoltieren: Nein. Das Alte soll bewahrt werden. So schön ist die BRD, wenn nur nicht so viele Idioten und Türken da wären. Sehnsucht nach dem „Eisernen Besen“ in der Stille der musealen Eigentumswohnung. Ruhe muss gewahrt werden durch die leise Reform abseits vom Leben. Sich selbst zügeln, damit man andere hoffentlich zügelt. Und hoffen, dass der große Umbruch an einem selbst noch einmal vorbeizieht. Denn eigentlich will man nur in Ruhe und Frieden leben. Ähnlich wie in einem Altersheim. Niemals aufgeschreckt durch Veränderung oder vitale Energieentladung.

Die konservierenden Konservativen sind in Wahrheit Nihilisten

Das ist kein Konservatismus, das ist ein konservierter Raum, bestückt mit Symbolen und Werten, die man Marken gleich übernommen hat. Es wird eine Scheinwelt konstruiert mittels derer man sich auf der Flucht vor dem Leben befindet. In diesen Raum hinein soll dann die Saat geworfen werden: Die Familienplanung als Keimzelle zur Rettung bedrohter Ordnung. Lächerlich. Versponnen. Feige.

Wie Lovecraft ist diese Generation nicht wirklich konservativ, sondern im Kern nihilistisch. Sie erkennt die Macht der Sinnlosigkeit absolut an und setzt dieser ein Gemälde entgegen, gegenständlich im Ausdruck. Bitte nicht berühren, nicht interpretieren. Bewegungslosigkeit als Kraftprobe. Jesus als Pantomime. Disziplin im Stilstand. Preußen als ewiger Haltbefehl – auf dem Friedhof.

Wie Lovecraft auch, so hat diese Generation etwas nekrophilies an sich. Ghule, die sich an der deutschen und europäischen Geschichte vergreifen und das faulige Fleisch von den alten Knochen ziehen. Schamlos. Peinlich. Neurotisch.

Scham vor der eigenen Lebensunfähigkeit

Deshalb reagieren sie auch aufgeschreckt und verlegen, wenn man ihre Grabschändungen ans Licht zerrt. Sie kümmert die Geschichte nicht, weil sie das Leben und die Menschen lieben, sondern weil sie nach Ausreden suchen, um sich an der Historie zu vergreifen um der Gegenwart zu entgehen. Selbst für einen rauschhaften Totentanz sind sie noch zu träge, darin den leichenfressenden Guhlen, die nicht umsonst die niedrigsten Kreaturen der Nacht darstellen, gleich. Kein deutscher Furor, kein römischer Stoizismus. Nicht Pracht, nicht Herrlichkeit von geistiger Aristokratie. Nur morbide Gärgase einer Bewegung auf mikroskopischer Ebene.

Die Generation Lovecraft. Lovecraft starb am Ende aus Scham ob der eigenen Lebensunfähigkeit.

mercredi, 07 juillet 2010

Sobre el Nihilismo y la Rebeldia en Ernst Jünger

Sobre el Nihilismo y la Rebeldía en Ernst Jünger

 
Por Ricardo Andrade Ancic
 (Tomado de "El Valor de las Ruinas")
 
Ex: http://elfrentenegro.blogspot.com/

I

ernst_junger_en_1948.jpgErnst Jünger (1895-1998), autor de diarios claves sobre lo que se llamó la estética del horror, así como de un importante ensayo -El Trabajador- acerca de la cultura de la técnica moderna y sus repercusiones, está considerado, incluso por sus críticos más acerbos, como un gran estilista del idioma alemán, al que algunos incluso ponen a la altura de los grandes clásicos de la literatura germánica. Fue el último sobreviviente de una generación de intelectuales heredada de la obra de Oswald Spengler, Martin Heidegger, Carl Schmitt y Gottfried Benn. Apasionado polemista, nunca estuvo ajeno de la controversia política e ideológica de su patria; iconoclasta paradójico, enemigo del eufemismo, "anarquista reaccionario" en sus propias palabras, abominador de las dictaduras (fue expulsado del ejército alemán en 1944 después del fracaso del movimiento antihitlerista) y las democracias (dictaduras de la mayoría, como las llamó Karl Kraus, líder espiritual del círculo de Viena). En 1981, Jünger recibió el premio Goethe en Frankfurt, máximo galardón literario de la lengua germana. Sus obras, varias de ellas de carácter biográfico, giran sobre el eje de protagonistas en cuyas almas el autor intenta plasmar una cierta soledad y desencantamiento frente al mundo contemporáneo; al tema central, intercala disquisiciones acerca del origen y destino del hombre, filosofía de la historia, naturaleza del Estado y la sociedad. Por sobre esto, sus obras constituyen un llamado de denuncia y advertencia ante el avance incontenible y abrasador del nihilismo como movimiento mundial, a la vez que se convierten en guías para las almas rebeldes ante este proceso avasallador.

II

Pero, ¿qué es el nihilismo? Jünger, en un intercambio epistolar con Martin Heidegger, expuso sus conceptos sobre el nihilismo en el ensayo Sobre la línea (1949). Basándose en La voluntad de poder de F. Nietzsche, lo define, en primer término, como una fase de un proceso espiritual que lo abarca y al que nada ni nadie pueden sustraerse. En sí mismo, es un proceso determinado por "la devaluación de los valores supremos", en que el contacto con lo Absoluto es imposible: "Dios ha muerto". Nietzsche se caracteriza como el primer nihilista de Europa, pero que ya ha vivido en sí el nihilismo mismo hasta el fin. De esto Jünger recoge un Optimismo dentro del Pesimismo característico de este proceso, en el sentido de que Nietzsche anuncia un contramovimiento futuro que reemplazará a este nihilismo, aun cuando lo presuponga como necesario. También recoge síntomas del nihilismo en el Raskolnikov de Dostoievski, que "actúa en el aislamiento de la persona singular", dándole el nombre de ayuntamiento, proceso que puede resultar horrible en su epílogo, o ser la salvación del individuo luego de su purificación "en los infiernos", regresando a su comunidad con el reconocimiento de la culpa. Entre las dos concepciones, Jünger rescata un parentesco, el hecho de que progresan en tres fases análogas: de la duda al pesimismo, de ahí a acciones en el espacio sin dioses ni valores y después a nuevos cometidos. Esto permite concluir que tanto Nietzsche como Dostoievski ven una y la misma realidad, sí bien desde puntos muy alejados.

Jünger se encarga de limpiar y desmitificar el concepto de nihilismo, debido a todas las definiciones confusas y contradictorias que intelectuales posteriores a Nietzsche desarrollaron en sus trabajos, problema para él lógico debido a la "imposibilidad del espíritu de representar la Nada". Como problema principal, distingue el nihilismo de los ámbitos de lo caótico, lo enfermo y lo malo, fenómenos que aparecen con él y le han dado a la palabra un sentido polémico. El nihilismo depende del orden para seguir activo a gran escala, por lo que el desorden, el caos serían, como máximo, su peor consecuencia. A la vez, un nihilista activo goza de buena salud para responder a la altura del esfuerzo y voluntad que se exige a sí mismo y los demás. Para Nietzsche, el nihilismo es un estado normal y sólo patológico, por lo que comprende lo sano y lo enfermo a su particular modo. Y en cuanto a lo malo, el nihilista no es un criminal en el sentido tradicional, pues para ello tendría que existir todavía un orden válido.

El nihilismo, señala Jünger, se caracteriza por ser un estado de desvanecimiento, en que prima la reducción y el ser reducido, acciones propias del movimiento hacia el punto cero. Si se observa el lado más negativo de la reducción, aparece como característica tal vez más importante la remisión del número a la cifra o también del símbolo a las relaciones descarnadas; la confusión del valor por el precio y la vulgarización del tabú. También es característico del pensamiento nihilista la inclinación a referir el mundo con sus tendencias plurales y complicadas a un denominador; la volatización de las formas de veneración y el asombro como fuente de ciencia y un "vértigo ante el abismo cósmico" con el cual expresa ese miedo especial a la Nada. También es inherente al nihilismo la creciente inclinación a la especialización, que llega a niveles tan altos que "la persona singular sólo difunde una idea ramificada, sólo mueve un dedo en la cadena de montaje", y el aumento de circulación de un "número inabarcable de religiones sustitutorias", tanto en las ciencias, en las concepciones religiosas y hasta en los partidos políticos, producto de los ataques en las regiones ya vaciadas.

Según lo expresado en Sobre la línea, es la disputa con Leviatán -ente que representa las fuerzas y procesos de la época, en cuanto se impone como tirano exterior e interior-, es la más amplia y general en este mundo. ¿Cuáles son los dos miedos del hombre cuando el nihilismo culmina? "El espanto al vacío interior, obligando a manifestarse hacia fuera a cualquier precio, por medio del despliegue de poder, dominio espacial y velocidad acelerada. El otro opera de afuera hacia adentro como ataque del poderoso mundo a la vez demoníaco y automatizado. En ese juego doble consiste la invencibilidad del Leviatán en nuestra época. Es ilusorio; en eso reside su poder". La obra de Jünger trastoca el tema de la resistencia; se plantea la pregunta sobre cómo debe comportarse y sostenerse el hombre ante la aniquilación frente a la resaca nihilista.
"En la medida en que el nihilismo se hace normal, se hacen más temibles los símbolos del vacío que los del poder. Pero la libertad no habita en el vacío, mora en lo no ordenado y no separado, en aquellos ámbitos que se cuentan entre los organizables, pero no para la organización". Jünger llama a estos lugares "la tierra salvaje", lugar en el cual el hombre no sólo debe esperar luchar, sino también vencer. Son estos lugares a los cuales el Leviatán no tiene acceso, y lo ronda con rabia. Es de modo inmediato la muerte. Aquí dormita el máximo peligro: los hombres pierden el miedo. El segundo poder fundamental es Eros; "allí donde dos personas se aman, se sustraen al ámbito del Leviatán, crean un espacio no controlado por él". El Eros también vive en la amistad, que frente a las acciones tiránicas experimenta sus últimas pruebas. Los pensamientos y sentimientos quedan encerrados en lo más íntimo al armarse el individuo una fortificación que no permite escapar nada al exterior; "En tales situaciones la charla con el amigo de confianza no sólo puede consolar infinitamente sino también devolver y confirmar el mundo en sus libres y justas medidas". La necesidad entre sí de hombres testigos de que la libertad todavía no ha desaparecido harán crecer las fuerzas de la resistencia. Es por lo que el tirano busca disolver todo lo humano, tanto en lo general y público, para mantener lo extraordinario e incalculable, lejos.

Este proceso de devaluación de los valores supremos ha alcanzado, de algún modo, caracteres de "perfección" en la actualidad. Esta "perfección" del nihilismo hay que entenderla en la acepción de Heidegger, compartida por Jünger, como aquella situación en que este movimiento "ha apresado todas las consistencias y se encuentra presente en todas partes, cuando nada puede suponerse como excepción en la medida en que se ha convertido en el estado normal." El agente inmediato de este fenómeno radica en el desencuentro del hombre consigo mismo y con su potencia divina. La obra de Jünger, en este sentido, da cuenta del afán por radicar el fundamento del hombre.

III

Uno de los síntomas de nuestra época es el temor. Aquel temor que hace afirmar al autor que toda mirada no es más que un acto de agresión y que hace radicar la igualdad en la posibilidad que tienen los hombres de matarse los unos a los otros. A lo anterior, hay que agregar la inclinación a la violencia que desde el nacimiento todos traemos, según lo señalado en su novela "Eumeswil" (1977). . Por eso el mundo se torna en imperfecto y hostil. Su historia no es sino la de un cadáver acechado una y otra vez por enjambres de buitres. Esta visión lúgubre de la realidad, en la que se encuentra una reminiscencia schopenhaueriana, fue sin duda alimentada por la experiencia personal del autor, testigo del horror de dos guerras implacables que no hicieron más que coronar e instaurar en el mundo el culto a la destrucción, al fanatismo y la masificación del hombre. El avance de la técnica, a pesar de los beneficios que conlleva, a juicio de Jünger tiene la contrapartida de limitar la facultad de decisión de los hombres en la medida en que a favor de los alivios técnicos van renunciando a su capacidad de autodeterminación conduciendo, luego, a un automatismo generalizado que puede llevar a la aniquilación. La pregunta que surge entonces es cómo el hombre puede superarlo, a través de que medios puede salvarse. La respuesta de Jünger, en boca de uno de sus personajes principales, el anarca Venator: la salvación está en uno mismo. El anarca, que nada tiene que ver con el anarquista, expulsa de sí a la sociedad, ya que tanto de ésta como del Estado poco cabe esperar en la búsqueda de sí mismo. El no se apoya en nadie fuera de su propio ser; su propósito es convertirse en soberano de su propia persona, porque la libertad es, en el fondo, propiedad sobre uno mismo.

Aparecen en este momento dos afirmaciones que pueden aparecer como contradictorias: el hombre inclinado a la violencia desde su nacimiento, y el hombre que debe penetrar en un conocimiento interior con el fin de descubrir su forma divina. Jünger afirma que la riqueza del hombre es infinitamente mayor de lo que se piensa. ¿Cómo conciliar esto con el carácter perverso que le atribuye al mismo? Al responder esto, el escritor apela a una instancia superior a la que denomina Uno, Divinidad, lo Eterno, según lo que se colige sobre todo en su obra posterior a 1950. La relación entre el hombre y lo Absoluto, expuesta por el maestro alemán, se entiende del siguiente modo: el ser, forma o alma de cada uno de nosotros ha estado, desde siempre, es decir, antes de nacer, en el seno de la Divinidad, y, después de la muerte, volverá a estar con ella. Antes de nacer, es tal el grado de indeterminación de esa unidad en lo Uno que el hombre no puede tener conciencia de la misma. Sólo cuando el nacimiento se produce, el hombre se hace consciente de su anterior unidad y busca desesperadamente volver a ella, al sentirse un ser solitario. Es allí cuando debe dirigirse hacia sí mismo, penetrar en su alma que es la eterna manifestación de lo divino. En el conócete a ti mismo, el hombre puede acceder a la forma que le es propia, proceso que para Jünger es un "ver" que se dirige hacia el ser, la idea absoluta. Señala en El trabajador que la forma es fuente de dotación de sentido, y la representación de su presencia le otorga al hombre una nueva y especial voluntad de poder, cuyo propósito radica en el apoderamiento de sí mismo, en lo absoluto de su esencia, ya que el objeto del poder estriba en el ser-dueño... En consecuencia, en ese descubrimiento de ser atemporal e inalterable que le confiere sentido, el hombre puede hacerse propietario de éste y convertirse en un sujeto libre. En caso contrario, quien no posea un conocimiento de sí mismo es incapaz de tener dominio sobre su ser no pudiendo, por tanto, sembrar orden y paz a su alrededor. En conclusión, esta inclinación a la violencia que surge con el nacimiento del hombre, en otras palabras, con su separación de lo Uno en la identidad primordial y primigenia dando lugar a la negación de la Divinidad, puede ser dominada y contrarrestada en la medida que el hombre se convierta en dueño de sí mismo, para lo cual es fundamental el conocimiento de la forma que nos otorga sentido.

La sustancia histórica, señala Jünger, radica en el encuentro del hombre consigo mismo. Ese encuentro con el ser supratemporal que le dota de sentido lo simboliza con el bosque. En su obra El tratado del rebelde afirma: "La mayor vigencia del bosque es el encuentro con el propio yo, con la médula indestructible, con la esencia de que se nutre el fenómeno temporal e individual". Es, entonces, el lugar donde se produce la afirmación de la Divinidad, al adquirir el sujeto la conciencia misma como partícipe de la identidad con lo Eterno.

El Verbo, entendido como "la materia del espíritu", es el más sublime de los instrumentos de poder, y reposa entre las palabras y les da vida. Su lugar es el bosque. "Toda toma de posesión de una tierra, en lo concreto y en lo abstracto, toda construcción y toda ruta, todos los encuentros y tratados tienen por punto de partida revelaciones, deliberaciones, confirmaciones juradas en el Verbo y en el lenguaje", enuncia en El tratado del rebelde. El lenguaje es, en definitiva, un medio de dominación de la realidad, puesto que a través de él aprehendemos sus formas últimas, en la medida en que es expresión de la idea absoluta. En una época tan abrumadoramente nihilista como la contemporánea, el propio autor describe como el lenguaje va siendo lentamente desplazado por las cifras.

En la obra de Jünger, el hombre que no acepta el "espíritu del tiempo" y se "retira hacia sí mismo" en busca de su libertad, es un rebelde. A partir de un ensayo de 1951, Jünger había propuesto una figura de rebelde a las leyes de la sociedad instalada, el Waldgänger que, según una antigua tradición islandesa, se escapa a los bosques en busca de sí mismo y su libertad. Posteriormente, el autor desarrolla la figura del rebelde en la novela Eumeswil, publicada en 1977, definiendo la postura del anarca, tipo que encarnaría el distanciamiento frente a los peores aspectos del nihilismo actual; o como el único camino digno a seguir para los hombres de verdad libres.

IV

Como en Heliópolis, en Eumeswil, Jünger nos presenta un mundo aún por llegar: se vive allí el estado consecutivo a los Grandes Incendios -una guerra mundial, evidentemente- y a la constitución y posterior disolución del Estado Mundial. Un mundo simplificado, en que aparecen formas semejantes a las del pasado: los principados de los Khanes, las ciudades-estados. El autor marca el carácter postrero del ambiente que da a su novela, comparándola a la época helenística que sigue a Alejandro Magno, una ciudad como Alejandría, ciudad sin raíces ni tradición. De modo análogo, en la sociedad de Eumeswil las distinciones de rangos, de razas o clases han desaparecido; quedan sólo individuos, distinguidos entre ellos por los grados de participación en el poder. Se posee aún la técnica, pero como algo más bien heredado de los siglos creadores en este dominio. La técnica permite, por ejemplo -siendo esto otro rasgo alejandrino-, un gran acopio de datos sobre el pasado, pero este pasado ya no se comprende.

Se enfrentan en Eumeswil dos poderes: el militar y el popular, demagógico, de los tribunos. Del elemento militar ha salido el Cóndor, el típico tirano que restablece el orden y, con él, las posibilidades de la vida normal, cotidiana, de los habitantes. Pero se trata de un puro poder personal, informe, que ya no puede restaurar la forma política desvanecida. Por lo demás tampoco en Eumeswil se tiene la ilusión de la gran política; no se trata siquiera de una potencia, viviendo como vive bajo la discreta protección del Khan Amarillo. En suma, son las condiciones de la civilización spengleriana, las de toda época final en el decurso de las culturas. "Masas sin historia", "Estados de fellahs", como señala Jünger.

El protagonista y narrador de la novela es Martín Venator, "Manuelo" en el servicio nocturno de la alcazaba del Cóndor. Es un historiador de oficio: aplica al pasado sus cualidades de observador, y de allí las reflexiones sobre el tiempo presente. Su modelo es, sin duda, Tácito: senador bajo los Césares, celoso del margen de libertad que aún puede conservar, escéptico frente a los hombres y frente al régimen imperial.

Venator también es camarero, barman en la alcazaba: como en las cortes de otra época, el servicio personal y doméstico al señor resulta ennoblecido. El camarero suele ser asimismo un observador, y en este terreno se encuentra con el historiador.

El historiador se retira voluntariamente al pasado, donde se encuentra en realidad "en su casa", y en este modo se aparta de la política. La derrota, el exilio, han sido a veces la condición de desarrollo de una vocación historiográfica -Tucídides en la Antigüedad, por ejemplo-, pero en otras ocasiones el historiador ha tomado parte activa de las luchas de su tiempo. En la novela, tanto el padre como el hermano del protagonista también son historiadores, pero, a diferencia de éste, están ideológicamente "comprometidos": son buenos republicanos, liberales doctrinarios, cautos enemigos del Cóndor más ajenos al mundo de los hechos que éste representa. Ellos deploran que "Manuelo" haya descendido a tan humilde servicio al tirano. Servicio fielmente prestado, pero en ningún caso incondicional. Entre los enemigos del Cóndor están los anarquistas: conspiran, ejecutan atentados... nada que la policía del tirano no logre controlar. De ellos se diferencia claramente Venator: no es un anarquista, es un anarca.

V

La mejor definición para la posición del anarca pasa por su relación y distinción de las otras figuras, las otras individualidades que se alzan, cada una a su modo, frente al Estado y la sociedad: el anarquista, el partisano, el criminal, el solipsista; o también, del monarca absoluto, como Tiberio o Nerón. Pues en el hombre y en la historia hay un fondo irrenunciable de anarquía, que puede aflorar o no a la superficie, y en mayor o menor grado, según los casos. En la historia, es el elemento dinámico que evita el estancamiento, que disuelve las formas petrificadas. En el hombre, es esa libertad interior fundamental. De tal modo que el guerrero, que se da su propia ley, es anárquico, mientras que el soldado no. En aparente paradoja, el anarquista no es anárquico, aunque algo tiene, sin duda. Es un ser social que necesita de los demás; por lo menos de sus compañeros. Es un idealista que, al fin y al cabo, resulta determinado por el poder. "Se dirige contra la persona del monarca, pero asegura la sucesión".

El anarca, por su parte, es la "contrapartida positiva" del anarquista. En propias palabras de Jünger: "El anarquista, contrariamente al terrorista, es un hombre que en lo esencial tiene intenciones. Como los revolucionarios rusos de la época zarista, quiere dinamitar a los monarcas. Pero la mayoría de las veces el golpe se vuelve contra él en vez de servirlo, de modo que acaba a menudo bajo el hacha del verdugo o se suicida. Ocurre incluso, lo cual es claramente más desagradable, que el terrorista que ha salido con bien siga viviendo en sus recuerdos...El anarca no tiene tales intenciones, está mucho más afirmado en sí mismo. El estado de anarca es de hecho el estado natural que cada hombre lleva en sí. Encarna más bien el punto de vista de Stirner, el autor de El único y su propiedad ; es decir, que él es lo único. Stirner dice: "Nada prevalece sobre mí". El anarca es, de hecho, el hombre natural". No es antagonista del monarca, sino más bien su polo opuesto. Tiene conciencia de su radical igualdad con el monarca; puede matarlo, y puede también dejarlo con vida. No busca dominar a muchos, sino sólo dominarse a sí mismo. A diferencia del solipsista, cuenta con la realidad exterior. No busca cambiar la ley, como el anarquista o el partisano; no se mueve, como éstos en el terreno de las opciones políticas o sociales. Tampoco busca trasgredir la ley, como el criminal; se limita a no reconocerla. El anarca, pues, no es hostil al poder, ni a la autoridad, ni a la ley; entiende las normas como leyes naturales.

No adhiere el anarca a las ideas, sino a los hechos; es en esencia pragmático. Está convencido de la inutilidad de todo esfuerzo ("tal vez esta actitud tenga algo que ver con la sobresaturación de una época tardía"). Neutral frente al Estado y a la sociedad, tiene en sí mismo su propio centro. Los regímenes políticos le son indiferentes; ha visto las banderas, ya izadas, ya arriadas. Jünger afirma, además, que aquellas banderas son sólo diferentes en lo externo, porque sirven a unos mismos principios, los mismos que harán que " toda actitud que se aparte del sistema, sea maldita desde el punto de vista racional y ético, y luego proscrita por el derecho y la coacción." No obstante, el anarca puede cumplir bien el papel que le ha tocado en suerte. Venator no piensa desertar del servicio del Cóndor, sino, por el contrario, seguir lealmente hasta el final. Pero porque él quiere; él decidirá cuando llegue el momento. En definitiva, el anarca hace su propio juego y, junto a la máxima de Delfos, "conócete a ti mismo", elige esta otra: "hazte feliz a ti mismo".

La figura del anarca resplandece verdaderamente, como la del hombre libre frente al Estado burocrático y a la sociedad conformista de la actualidad. Incluso aparece en algunas ocasiones en forma más bien mezquina, a la manera del egoísmo de Stirner: "quien, en medio de los cambios políticos, permanece fiel a sus juramentos, es un imbécil, un mozo de cuerda apto para desempeñar trabajos que no son asunto suyo". "(El anarca) sólo retrocede ante el juramento, el sacrificio, la entrega última". "Sólo cabe una norma de conducta" -dice Attila, médico del Cóndor, anarca a su modo- "la del camaleón..."

VI

La cuestión es si el anarca se constituye en una figura ejemplar para cierto tipo de hombres que no se reconozcan en las producciones sociales últimas. Pues si el anarca es la "actitud natural" -"el niño que hace lo que quiere"-, entonces nos hallamos ante simples situaciones de hecho que no tienen ningún valor normativo ni ejemplar. Desde siempre los hombres han querido huir del dolor y buscar lo agradable; por otro lado, apartarse de una sociedad decadente y que llega a ser asfixiante es una cosa sana. Venator invoca a Epicuro como modelo; debería referirse más bien a Aristipo de Cirene, discípulo de Sócrates y fundador de la escuela hedonista, quien proponía una vida radicalmente apolítica, "ni gobernante ni esclavo", con la libertad y el placer como únicos criterios. Jünger reconoce, y muy de buena gana, que el tipo de anarca se encuentra, socialmente hablando, en el pequeño burgués, piedra de tope de más de una corriente de pensamiento: es ese artesano, ese tendero independiente y arisco frente al Estado. La figura del anarca es más familiar al mundo anglosajón, especialmente al norteamericano, con su sentido ferozmente individualista y antiestatal: del cowboy solitario o del outlaw al "objetor de conciencia". Están en la mejor línea del anarca y el rebelde contra la masificación burocrática. Se sabe, por supuesto, en qué condiciones sociales han florecido estos modelos.

Pero las sociedades "posmodernas" actuales se distinguen por el más vulgar hedonismo; su tipo no es el del "superhombre", sino el del "último hombre" nietzscheano, el que cree haber descubierto la felicidad. El tipo del "idealista" y del "militante" pertenecen a etapas ya superadas; hoy, es el individuo de las sociedades "despolitizadas", soft, que toma lo que puede y rehusa todo esfuerzo. ¿Cuál es la diferencia de este tipo de hombre con el anarca? La respuesta radica en que el segundo está libre de todas las ataduras sentimentales, ideológicas y moralistas que aún caracterizan al primero. En verdad, la figura de Venator está históricamente condicionada: aparece en una de esas épocas postreras en la cuales nada se puede ya esperar. Lo que hay que esclarecer es si efectivamente nuestra propia época es una de ellas. Pero lo dicho sobre el anarca tiene un alcance mucho más universal: en cualquier tiempo y lugar se puede ser anarca, pues "en todas partes reina el símbolo de la libertad".

La senda del anarca termina en la retirada. Venator ha estado organizando una "emboscadura" temporal -según lo que el mismo Jünger recomendaba en Der Waldgang (1951)-, para el caso de caída del Cóndor. Al final, seguirá a éste, con toda su comitiva, en una expedición de caza a las selvas misteriosas más allá de Eumeswil: una emboscadura radical, o la muerte, no se sabe el desenlace. Del mismo modo, en Heliópolis, el comandante Lucius de Geer y sus compañeros se retiran en un cohete, con destino desconocido. Pero eso sí, después de haber luchado sus batallas, al igual que los defensores de la Marina en Sobre los Acantilados de Mármol no buscan refugio sino después de dura lucha con las fuerzas del Gran Guardabosques. Pero ¿de qué se trata esta "emboscadura"?

El anarca hace lo que Julius Evola, el gran pensador italiano, recomienda en su libro Cabalgar el tigre: "La regla a seguir puede consistir, entonces, en dejar libre curso a las fuerzas y procesos de la época, permaneciendo firmes y dispuestos a intervenir cuando el tigre, que no puede abalanzarse sobre quien lo cabalga, esté fatigado de correr". Lo que Evola llama "tigre", Jünger lo denomina "Leviatán" o "Titanic".
El anarca se retira hacia sí mismo porque debe esperar su hora; el mundo debe ser cumplido totalmente, la desacralización, el nihilismo y la entropía deberán ser totales: lo que Vintila Horia llama "universalización del desastre". Jünger enfatiza que emboscarse no significa abandonar el "Titanic", puesto que eso sería tirarse al mar y perecer en medio de la navegación. Además: "Bosque hay en todas partes. Hay bosque en los despoblados y hay bosque en las ciudades; en éstas, el emboscado vive escondido o lleva puesta la máscara de una profesión. Hay bosque en el desierto y hay bosque en las espesuras. Hay bosque en la patria lo mismo que lo hay en cualquier otro sitio donde resulte posible oponer resistencia... Bosque es el nombre que hemos dado al lugar de la libertad... La nave significa el ser temporal; el bosque, el ser sobretemporal...". En la figura del rebelde, por tanto, es posible distinguir dos denominaciones: emboscado y anarca. El primero presentaría las coordenadas espirituales, mientras el segundo da luces sobre su plasmación en el "aquí y ahora". Jünger lo define más claramente: "Llamamos emboscado a quien, privado de patria por el gran proceso y transformado por él en un individuo aislado, está decidido a ofrecer resistencia y se propone llevar adelante la lucha, una lucha que acaso carezca de perspectiva. Un emboscado es, pues, quien posee una relación originaria con la libertad... El emboscado no permite que ningún poder, por muy superior que sea, le prescriba la ley, ni por la propaganda, ni por la violencia".

VII

El nihilismo y la rebeldía... La figura del anarca es la de quien ha sobrevivido al "fin de la historia" ("carencia de proyecto: malestar o sueño"). El último hombre no puede expulsar al anarca que convive junto a él. Su poder radica en su impecable soledad y en el desinterés de su acción. Su sí y su no son fatales para el mundo que habita. El anarca se presenta como la victoria y superación del nihilismo. Las utopías le son ajenas, pero no el profundo significado que se esconde tras ellas. "El anarca no se guía por las ideas, sino por los hechos. Lucha en solitario, como hombre libre, ajeno a la idea de sacrificarse en pro de un régimen que será sustituído por otro igualmente incapaz, o en pro de un poder que domine a otro poder".

El anarca ha perdido el miedo al Leviatán, en el encuentro con la médula indestructible que le dota de sentido para luego proyectarse y reconocerse en el otro, en la amada, en el hermano, en el que sufre y en el desamparado, puesto que Eros es su aliado y sabe que no lo abandonará...

La actitud del anarca puede ser interpretada desde dos perspectivas, una activa y otra pasiva. Esta última verá en la emboscadura, y en el anarca que la realiza, la posibilidad de huir del presente y aislarse en aquella patria que todos llevamos en nuestro interior; al decir de Evola, la que nadie puede ocupar ni destruir. Pero no debe confundirse la actitud del anarca como una simple huida: "Ya hemos apuntado que ese propósito no puede limitarse a la conquista de puros reinos interiores". Mas bien se trata de otro tipo de acción, de un combate distinto, "donde la actuación pasaría entonces a manos de minorías selectas que prefieren el peligro a la esclavitud". Minorías que entiendan que emboscarse es dar lucha por lo esencial, sin tiempo y acaso sin perspectivas. Minorías que, como el propio Jünger lo expresa, sean capaces de llevar adelante la plasmación de una "nueva orden", que no temerá y, por el contrario, gustará de pertenecer al bando de los proscritos, pues se funda en la camaradería y la experiencia; orden que pueda llevar a buen término la travesía más allá del "meridiano cero", y se prepare a dar una lucha en el "aquí y ahora"...

"En el seno del gris rebaño se esconden lobos, es decir, personas que continúan sabiendo lo que es la libertad. Y esos lobos no son sólo fuertes en sí mismos: también existe el peligro de que contagien sus atributos a la masa, cuando amanezca un mal día, de modo que el rebaño se convierta en horda. Tal es la pesadilla que no deja dormir tranquilos a los que tienen el poder".

mardi, 30 mars 2010

From Nihilism to Tradition

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

From Nihilism to Tradition


VennerHTrEur.jpgBook Review of Dominique Venner,
Histoire et tradition des Européens: 30 000 ans d'identité, (Paris: Editions du Rocher, 2002) 18.50 euros, 274 pages

by Michael O' Meara

 

I. Race of Blood, Race of Spirit


In the United States, we nationalists take our stand on the question of race, arguing that it denotes meaningful differences between subspecies, that these differences have significant behavioral and social ramification, and that the present threat to white racial survival constitutes the single, most vital issue facing our people. In Europe, by contrast, our counterparts pursue a somewhat different strategy.   Against the anti–white forces of multiculturalism, Third World immigration, feminism, and globalization, European nationalists tend to privilege not race per se, but the defense of their cultural/historical identity.

This identitarian emphasis might be explained by the absence of First Amendment rights and hence the freedom to treat racial questions forthrightly. But there is, I think, another, more interesting reason for these transatlantic differences: namely, that European nationalists define race not simply as a matter of blood, but also as a spiritual – that is, as a historical and cultural –– phenomenon. Implicit in this view is the assumption that the body is inseparable from the spirit animating it, that biological difference, as a distinct vitality, is another form of spiritual difference, and that the significance of such differences (given that man is a spiritual being, not merely an animal) is best seen in terms of culture and history rather than 19th–century biological science. Race, then, may be the necessary organic substratum to every historically and culturally distinct people, but its biological properties, however primordial, are only the form, not the substance, of its spiritual manifestation. Thus, whilst we Americans search for psychological, sociological, conspiratorial, or political explanations to account for the racially self–destructive behavior of our people, Europeans look to the loss of their culture and tradition –– and the identity they define.

These distinctions reflect not just strategic differences between US and continental nationalisms, but also the larger civilizational divide separating America from Europe –– and hence their different historical trajectories. This is especially evident in the fact that Europeans of all political persuasions are presently embarked on an epoch–making project –– a politically united Europe –– that promises them dominance in tomorrow's world. There is, moreover, real debate about how the European project is to be realized, especially in France, where the will to power is most developed. The New Class forces in control of the European Union, as might be expected, favor the liberal, economic, and quantitative principles that are leading white people everywhere to ruin, envisaging Europe as a multiracial civilization based on free markets, unguarded borders, and an ethnocidal humanitarianism. Against them, the various anti–system parties challenging the liberal–democratic order of money imposed on Europe in 1945, along with hundreds of New Right, far Right, revolutionary-nationalist, and revolutionary conservative formations making up the Right's extra-parliamentary wing, marshall an array of persuasive counter–arguments and do so not simply in the language of race. For unlike their New World homologues, these anti-liberals have the millennia–long tradition of Europe's race–culture to buttress their opposition.

It is as part of this larger debate on Europe that Dominique Venner's Histoire et tradition des européennes: 30 000 ans d'identité (History and Tradition of the Europeans: 30,000 Years of Identity) is to be situated. Few living writers are better qualified than Venner to speak for the white men of the West. For five decades, on paper and on numerous battlefields, he has earned the right to do so. His first arena in service to the European cause was French Algeria, where he served as an elite paratrooper. Later, in the 1960's, after discovering that the cosmopolitan forces of international capital had captured all the seats of power, he fought on another front, playing a leading role in the period's far–Right campaigns. Besides getting to know more than one French prison, he helped launch the metapolitical career of the "European New Right"(or 'New Culture'), which has since become the chief ideological opponent of the Judeo–liberal forces allied with le parti Americain . But more than courage and integrity under fire, Venner is a favorite of the muses, having authored more than forty books and innumerable articles on the most diverse facets of the European experience.

In a Histoire et tradition des europeennes, this gifted European turns to his people's distant past to answer the great questions posed by their uncertain future.

II. Nihilism


Writing at the advent of the new millennium, Venner notes that for the first time in history, Europeans no longer dominate the land of their fathers, having lost control of their borders, their institutions, and the very means of reproducing themselves as a people. He characterizes the present period as one of cultural chaos and racial masochism. No fluke of fate, this dark age culminates a long period of spiritual upheaval, in which Europeans have been severed from their roots and forced to find themselves in all the wrong places, including the negation of themselves. The loss of meaning and purpose fostered by this upheaval in which traditional forms of identity have given way to false ones, Venner calls 'nihilism'.

For Nietzsche, the most prominent popularizer of the term, nihilism is a productof God's death, which undermines Christian belief and leaves the world without a sense of purpose. Venner sees it in somewhat broader terms, designating not simply the loss of religious belief, but the loss of the larger cultural heritage as nihilism's principal source. In this sense, nihilism subverts those transcendent references that formerly oriented the Occident, leaving modern man with a disenchanted world of materialist satisfactions and scientific certainties, but indifferent to 'all the higher values of life and personality'. Given its focus on the physical basis of existence, nihilism fosters a condition devoid of sense, form, or order and hence one deprived of those standards that might aid us in negotiating the great trials of our age. An especially dire consequence of this loss of transcendence is a civilizational crisis in which the survival of our race becomes a matter of general indifference. Venner traces nihilism's roots to the advent of Spengler's Faustian civilization, which began innocently enough when Saint Thomas introduced Aristotelian logic to Christian theology, privileging thereby the forces of rationality. Because Christianity held that there was a single truth and a single spiritual authority (the Church), reason in this Thomist makeover was made the principal means of accessing the divine. Once the Christian God became dependent on reason, He risked, however, eventually being reputed by it. This came with Descartes, the founder of modern philosophy, who turned reason into a purely instrumental and calculative faculty. In the form of science, technology, and industry, Cartesianism reduced everything to a mechanical causality, associating reason with the progressive mastery of nature, a belief in progress (soon to supplant the belief in Providence), and, ultimately, the rule of money.

Venner claims a desiccated mathematicized reason, no matter how technologically potent, is no substitute for transcendent references, for a disenchanted world governed by its principles is a world devoid of meaning and purpose. The on–going mechanization of human existence and the quantitative, economic priorities it privileges are, indeed, premised on the eradication of those transgenerational structures of history, tradition, and culture which inform all traditional belief systems. And once such structures give way to rationalism's anti–organic propositions, so too does the significance of those qualities distinguishing Europeans from other members of the human family. In this spirit, the world born of nihilism takes as its ideal an abstract, uniform, and coffee colored humanity indifferent to pre–rational life forms based on Europe's organic heritage.

The greater the barrenness of the encroaching nihilism, the greater, Venner contends, is the need to reconnect with the primordial sources of European being. This, however, is now possible only through research and reflection, for these sources have been largely extirpated from European life. In uncovering the principal tropes of Europe's history and tradition, Venner does not, then, propose a literal return to origins (which, in any case, is impossible), but rather a hermeneutical encounter that seeks out something of their creative impetus. From this perspective, Homer's Iliad,written 30 centuries ago, still has the capacity to empower us because it expresses something primordial in our racial soul, connecting us with who we were at the dawn of our history and with what we might be in the adventures that lie ahead. Whenever Europeans reconnect with these primordial sources, they take, thus, a step toward realizing an identity –– and a destiny –– that is distinctly their own.

 

III. Tradition


When Venner speaks of tradition he refers not to the customary rites and practices which anthropologists study; nor does he accept the utilitarian approach of Edmund Burke and Russell Kirk, who treat it as the accumulated wisdom of former ages; nor, finally, does he view it as that transhistorical body of principles undergirding the world's religions, as René Guenon and Julius Evola do. Tradition in his view is that which is immutable and perpetually reborn in a people's experience of its history, for it is rooted in a people's primordial substratum. It ought not, then, to be confused with the traditions or customs bequeathed by the past, but, instead, seen as the enduring essence of a particular historical community, constituting, as such, the infrastructural basis –– the cultural scaffolding –– of its spirit and vitality.

From this perspective, Europe was born not with the signing of certain free–trade agreements in the late 20th century, but from millennia of tradition. Nowhere is this clearer than in the themes linking the Iliad,the medieval epics, the Norse sagas, even the national poem of the Armenian Maherr, where we encounter the same warrior ethic that makes courage the ultimate test of a man's character, the same aristocratic notions of service and loyalty, the same chivalric codes whose standards are informed by beauty, justice, and harmony, the same defiance in face of unjust authority and ignoble sentiments, but, above all, the same metaphysical rebellion against an unexamined existence. From these Aryan themes, Venner claims the organic legacy that is Europe takes form.

The word itself –– 'Europe' –– is nearly three millennia old, coined by the Greeks to distinguish themselves from the peoples of Africa and Asia. Not coincidentally, Hellenic Europe was forged –– mythically in Homer, historically in the Persian wars –– in opposition to Asia. The roots of Europe's tradition reach back, though, beyond the Greeks, beyond even the Indo–Europeans, who shaped the linguistic and cultural structures of its root peoples. It begins 30,000 years, at the dawn of Cro–Magnon man, whose cultural imagery lingers in the extraordinary cave paintings of Chauvet (France) and Kapova(Ukraine), in that region stretching from the Pyrannies to the Urals, where, for nearly 20,000 years, until the last Ice Age arrived, the germ of European civilization took form, as race and culture fused in a uniquely brilliant synergy. Every subsequent era has passed on, reframed, and added to this traditional heritage –– every era, that is, except the present nihilist one, in which liberals and aliens dominate.

IV. History


Darwin may have been right in explaining the evolution of species, but, Venner insists, history operates irrespective of zoological or scientific laws. As such, history is less a rectilinear progression than a spiral, without beginning or end, with cycles of decay and rebirth intricate to its endless unfoldings. No single determinism or causality can thus conceivably grasp the complexity of its varied movements. Nor can any overarching cause explain them. Given, therefore, that a multitude of determinisms are at work in history, each having an open–ended effect, whose course and significance are decided by the historical actor, human freedom regains its rights. And as it does, history can no longer be seen as having an in–built teleology, as 'scientific' or ideological history writing, with its reductionist determinisms, presumes. This means there is nothing inevitable about the historical process –– for, at any moment, it can take an entirely newÜ Üdirection. What would the present be like, Venner asks, if Hitler had not survived the Battle of Ypres or if Lee had triumphed at Gettysburg? None of the great events of the past, in fact, respond to necessity, which is always an aposteriori invention.

In conditioning a people's growth, the existing heritage constitutes but one determinant among many. According to Venner, the existing heritage enters into endless combination with the forces of fortune(whose classic symbol is a woman precariously balanced on a spinning wheel) and virté (a Roman quality expressive of individual will, audacity, and energy) to produce a specific historical outcome. In this conjuncture of determinism and fortune, the virté of the historical actor becomes potentially decisive. Lenin, Hitler, Mussolini –– like Alexander, Ceasar, and Arminus before them –– or Frederick II, Peter, Napoleon –– were all men whose virté was of world historical magnitude. Without their interventions, in an arena organized by the heritage of the past and subject to the forces of chance, history might have taken a different course. This suggests that history is perpetually open. And open in the sense that its unfolding is continually affected by human consciousness. History's significance, therefore, is not to be found in the anonymous currents shaping its entropic movements, but in the meanings men impose upon them. For in face of the alleged determinisms justifying the existing order, it is the courage –– the virté –– of the historical actor that bends the historical" process in ways significant to who we are as a people.

In Venner's view, the European of history is best seen as a warrior bearing a sword, symbol of his will. The virté of this warrior is affirmed every time he imposes his cosmos(order) upon a world whose only order is that which he himself gives it. History, thus, is no immobilizing determinism, but a theater of the will, upon whose stage the great men of our people exert themselves. Both as intellectual discipline and individual act of will, it seems hardly coincidental that history is Europe's preeminent art form.

V. In Defense of Who We Are


Like history, life has no beginning or end, being is a process of struggle, an overcoming of obstacles, a combat, in which the actor's will is pivotal. While it inexorably ends in death and destruction, from its challenges all our greatness flows. The Hellenes enter history by refusing to be slaves. Bearing their sword against an Asiatic foe, they won the right to be who they were. If a single theme animates Venner's treatment of Europe's history and tradition, it is that Europeans surmounted the endless challenges to their existence only because they faced them with sword in hand –– forthrightly, with the knowledge that this was just not part of the human condition, but the way to prove that they were worthy of their fate. Thus, as classical Greece rose in struggle against the Persians, the Romans against the Carthagians, medieval and early modern Europe against Arab, then Turkish Islam, we too today have to stand on our borders, with sword in hand, to earn the right to be ourselves.

Europeans, Venner concludes, must look to their history and tradition ––especially to the honor, heroism, and heritage Homer immortalized –– to rediscover themselves. Otherwise, all that seeks the suppression of their spirit and the extinction of their blood will sweep them aside. The question thus looms: in the ethnocidal clash between the reigning nihilism and the white men of the West, who will prevail? From Venner's extraordinary book, in which the historian turns from the drama of the event to  the scene of our longue duré)À we are led to believe that this question will be answered in our favor only if we remain true to who we are, to what our forefathers have made of us, and to what Francis Parker Yockey, in the bleak years following the Second World War, called the primacy of the spirit.

Notes


1.Most of his books are works of historical popularization. His books on Vichy France, however, rank with the most important scholarly contributions to the field, as do his numerous books on firearms and hunting (one of which has been translated into English). His military history of the Red Army (Histoire de la Arme Rouge 1917–1924) won the coveted prize of the Academie Francaise. His Le couer rebel, a memoire of his years as a paratrooper in Algeria and a militant in the thick of Parisian nationalist politics during the 60s, I think is one of the finest works of its kind. Venner has also founded and edited several historical reviews, the latest being the Nouvelle Revue d'Histoire, whose web address is http://www.nrh.fr

Michael O'Meara, Ph.D., studied social thought at the Ecole des Hautes Etudes and modern European history at the University of California. He is the author of New Culture, New Right: Anti–Liberalism in Postmodern Europe.

 

[The Occidental Quarterly IV: 2 (Summer 2004)]

lundi, 04 mai 2009

Tocqueville contre le nihilisme moderne

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Tocqueville contre le nihilisme moderne

par Pierre Le Vigan - http://europemaxima.com/


On sait que Benjamin Constant distinguait dans un célèbre discours de 1819 la liberté des Anciens et la liberté des Modernes. La première réside dans la participation aux affaires publiques, la seconde dans la garantie des jouissances privées. Dans la première, il y a selon Constant « asservissement de l’existence individuelle au corps collectif ». C’est pourquoi il défend la seconde conception de la liberté, celle des Modernes. En un sens, la conception de Benjamin Constant a fondé un certain libéralisme. Il est toutefois patent qu’une autre grande figure libérale, ou plutôt peut-être devrait-on dire conservatrice, a souligné que la liberté des Modernes ne suffisait pas. Cette figure c’est Tocqueville. Il est constant que pour Tocqueville la liberté des Modernes même corrigée par la morale chrétienne ne suffit pas. « Les devoirs des hommes entre eux en tant que citoyens, les obligations des citoyens envers la patrie me paraissent mal définis et assez négligés dans la morale du christianisme. C’est là, ce me semble, le coté faible de cette admirable morale de même que le seul coté vraiment fort de la morale antique. » note Tocqueville (Lettre à Arthur de Gobineau, 5 septembre 1848).

Si la morale civique tend à disparaître c’est encore pour une raison que Tocqueville a parfaitement analysée. C’est du fait de la montée de l’individualisme. L’égalité de principe des hommes « abolit le prestige des noms pour lui substituer la force du nombre » note Finkielkraut. En conséquence se développe l’esprit moutonnier et le conformisme de masse dont nous voyons aujourd’hui les effets poussés à l’extrême. Plus les hommes sont égaux en principe plus se manifeste l’envie, la recherche du bien-être, l’hédonisme. Le régime des désirs tend à être la loi de l’économie. Ce « chacun pour soi » et ce désinvestissement de l’engagement civique et politique donne au despotisme toutes les chances de s’imposer. Il aggrave alors l’individualisme. « Il retire aux citoyens toute passion commune, tout besoin mutuel, toute nécessité de s’entendre, toute occasion d’agir ensemble ; il les mure, pour ainsi dire, dans la vie privée […]. La liberté seule, au contraire, peut combattre efficacement dans ces sortes de sociétés les vices qui leur sont naturels et les retenir sur la pente où elles glissent. Il n’y a qu’elle en effet qui puisse retirer les citoyens de l’isolement dans lequel l’indépendance même de leur condition les fait vivre, pour les contraindre à se rapprocher les uns des autres, qui les réchauffe et les réunisse chaque jour par la nécessité de s’entendre, de se persuader, et de complaire mutuellement dans la pratique d’affaires communes. Seule elle est capable de les arracher au culte de l’argent et aux petits tracas journaliers de leurs affaires particulières pour leur faire apercevoir et sentir à tout moment la patrie au-dessus et à côté d’eux ; seule elle substitue de temps à autre à l’amour du bien-être des passions plus énergiques et plus hautes, fournit à l’ambition des objets plus grands que l’acquisition des richesses, et crée la lumière qui permet de voir et de juger les vices et les vertus des hommes. » (L’Ancien régime et la Révolution).

Si chacun ne se saisit pas de la liberté, une liberté de faire, une liberté des Anciens, et non une simple liberté de ne pas être contrôlé, encadré par l’État, la liberté des Modernes, alors le despotisme menace d’autant plus fortement que la société est justement démocratique. Tocqueville remarque : « Je pense que l’espèce d’oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l’a précédée dans le monde ; nos contemporains ne sauraient en trouver l’image dans leurs souvenirs. Je cherche en vain en moi-même une expression qui reproduise exactement l’idée que je m’en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer. Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux et ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. Au-dessus d’eux s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? » (De la démocratie en Amérique). Tocqueville peut ainsi conclure : « Le despotisme me parait particulièrement à redouter dans les âges démocratiques. » Face au triomphe conjoint de l’individualisme et du despotisme, la société s’atomise, comme avait bien vu Tocqueville. C’est ce que le « Comité invisible » aura bien défini quelque cent cinquante ans après sa mort, dans L’insurrection qui vient (La Fabrique, 2007) : « Le couple est comme le dernier échelon de la grande débâcle sociale. C’est l’oasis au milieu du désert humain. On vient y chercher sous les auspices de l’« intime » tout ce qui a si évidemment déserté les rapports sociaux contemporains : la chaleur, la simplicité, la vérité, une vie sans théâtre ni spectateur. » Avant de préciser que le couple n’échappe pas à la tourmente de la société-machine et marchandise.

Notre monde, Tocqueville nous a aidé à le penser. Tocqueville n’est ni libéral – il ne croit pas que l’intérêt général soit la simple somme des intérêts particuliers, ni rousseauiste – il ne croit pas à l’unanimité du peuple qui ne parlerait que d’une seule voix. Tocqueville est bien plutôt un ancêtre de Hannah Arendt et de sa notion d’une démocratie excédant radicalement toute idéologie des droits de l’homme. C’est aussi avec cent cinquante ans d’avance un formidable critique du nihilisme du règne contemporain de la marchandise et de l’équivalence généralisée des biens culturels et des œuvres d’art.

Pierre Le Vigan