vendredi, 26 septembre 2025
Les destins de l’Europe se décideront à Paris (et ce n’est pas une bonne nouvelle)
Les destins de l’Europe se décideront à Paris (et ce n’est pas une bonne nouvelle)
Crise française, conflit européen et nature de l’UE
par Giuseppe Masala
Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/31288-gius...
L’un des enseignements fondamentaux de l’histoire est que, pour comprendre le destin de l’Europe, il faut regarder vers la France. Une vérité qui est probablement valable depuis la naissance de l’État-nation français, mais qui est devenue de plus en plus évidente au fil des siècles, alors que s’y sont produits — précisément en France — des phénomènes particuliers comme les Lumières, la Révolution française et l’épopée napoléonienne.
C’est encore le cas aujourd’hui: la France est le seul pays de l’UE à disposer de la dissuasion nucléaire et à siéger au Conseil de sécurité de l’ONU, donnant à Paris un rôle fondamental dans la définition des destins de l’Europe continentale. Néanmoins, à cette époque historique-ci, ce pays traverse une crise industrielle, économique et politique très profonde, qui s’est désormais transformée en une crise politique aiguë et, de plus en plus, sociale.
Le point clef pour comprendre la genèse de la crise actuelle de la France doit être recherché — comme d’habitude ! — dans la naissance de l’euro. Comme Rome, Paris n’a pas réussi à résister à la concurrence des pays d’Europe du Nord et de leurs chaînes de valeur mondiales bien conçues. En effet, la France a elle aussi vécu le drame de la désindustrialisation, auquel s’est ajoutée la fin de la Françafrique, c’est-à-dire la domination de Paris sur ses anciennes colonies africaines, qui garantissait un débouché sûr pour les produits français et un flux constant de capitaux vers Paris grâce au mécanisme du franc CFA.
Un autre phénomène, intrinsèquement lié au processus d’intégration européenne, a également aggravé la situation française. Je fais naturellement référence au soi-disant axe franco-allemand, qui ne doit pas être vu uniquement sous l’aspect politique, mais aussi économique et financier. Sous ce dernier aspect, l’axe doit être compris en des termes très simples et particuliers: Berlin a toujours — et de plus en plus — couvert les déficits croissants de Paris au niveau de la balance courante. En d’autres termes, l’Allemagne, grâce à sa puissance économique énorme, portée par un système productif hyper-compétitif à l’échelle mondiale, réglait l’addition des dépenses de Paris, évitant ainsi à cette dernière la confrontation finale avec des comptes nationaux de plus en plus hors de contrôle. Évidemment, Berlin ne faisait pas cela par philanthropie, mais parce qu’ainsi elle obtenait le soutien de la France au niveau des politiques européennes, renforçant ainsi son hégémonie sur les institutions de l’Union. Du point de vue français, il faut dire que les injections continues de capitaux de la part de Berlin et de ses pays satellites se sont révélées être des doses massives de morphine qui ont permis de maintenir un État social de super-luxe pendant des décennies, évitant que la crise industrielle ne se transforme en crise sociale.
Mais si ces doses de morphine financière venues d’outre-Rhin ont été un remède pour Paris d’un côté, de l’autre elles se sont révélées être une damnation qui a empêché la politique française de prendre la mesure de la gravité de la situation, lui permettant de végéter dans le confort.
Tout cela jusqu’à la confrontation finale que nous vivons ces mois-ci. La position financière nette de la France est totalement hors de contrôle avec environ 900 milliards d’euros de dettes nettes envers l’étranger. Un chiffre colossal, si l’on considère que l’Italie a été placée sous tutelle par l’UE sous le gouvernement Monti alors qu’elle avait une position financière nette négative de « seulement » 300 milliards d’euros. Un tiers de celle de la France, alors que Paris n’a pas une économie trois fois plus grande que celle de l’Italie.
La position financière nette française est donc hors de contrôle, et en outre doit être considérée comme totalement instable car elle a perdu son principal parachute, à savoir le flux de capitaux provenant de l’Allemagne et de ses pays satellites, qui garantissaient la stabilité tant du système financier de Paris que de la dette publique française. Pour démontrer que la situation financière de la France est instable, il suffit de citer un chiffre: les obligations à dix ans de Paris ont désormais atteint un rendement de 3,5%, ce qui est objectivement très élevé et montre que la France doit offrir des rendements plus importants si elle ne veut pas voir s’évaporer ses capitaux et subir une crise financière et bancaire. À cet égard, la déclaration de la gouverneure de la BCE, Mme Lagarde, affirmant que « le système bancaire français n’est pas en danger », est révélatrice du malaise du secteur. Existe-t-il une plus grande certitude qu’un système bancaire est en danger que lorsque le banquier central est obligé de jurer le contraire ?
L’agence de notation Fitch a aussi pris acte de la gravité de la situation, en dégradant la dette publique française à la note A+ contre AA-. Bref, la voie que suit le pays transalpin est très similaire à celle des années passées, avec trois facteurs aggravants:
- Dorénavant, les pays d’Europe du Nord pourront difficilement soutenir le système financier français avec les importantes injections de capitaux de ces dernières décennies;
- La position financière nette de la France est extrêmement grave compte tenu de la taille de son économie;
- Très probablement, l’Europe traversera dans les prochaines décennies une grave crise due au fait qu’elle est devenue une zone économique marginale, exclue des grands flux financiers et d’innovation technologique, et dépourvue de tout poids politique. Par conséquent, Paris aura encore plus de mal à assainir ses finances, précisément parce que cela devra se faire dans une phase de difficultés systémiques pour tout le continent.
Comme il arrive toujours lorsque la situation économique d’un pays est aussi instable, le cadre institutionnel entre lui aussi dans une grave instabilité: les gouvernements à Paris se succèdent très rapidement et surtout végètent, impuissants et incapables de concevoir une stratégie de sortie de cette crise « à l’italienne ».
C’est dans ce contexte complexe que les élites françaises semblent avoir choisi la voie la plus facile (et la plus irresponsable) pour sortir de la crise: celle de la création d’un ennemi extérieur. Évidemment, il ne pouvait s’agir que de "l’autocrate du Kremlin", Vladimir Poutine.
Les déclarations tonitruantes de Macron, qui a qualifié le président russe d’« ogre » et de « prédateur », en disent long sur la position de Paris: de l’autre côté des Alpes, on veut la guerre ou du moins un état de tension avec la Russie, afin de cacher les problèmes internes et dramatiques du pays.
C’est seulement dans cette logique que l’on peut donner un sens à l’idée soutenue par Macron d’envoyer des contingents militaires en Ukraine comme troupes d’interposition et d’instaurer une zone d’exclusion aérienne dans l’ouest de l’Ukraine, afin d’abattre les essaims de drones russes qui sévissent dans le ciel ukrainien.
Des idées irresponsables qui alimentent l’escalade, à tel point que le porte-parole du Kremlin, Peskov, a déjà déclaré qu’il considère l’OTAN en guerre contre la Russie. Sans parler de l’ancien président Medvedev, qui lui aussi parle désormais de guerre entre la Russie et l’OTAN avec ses habituels accents à la Jirinovski.
En conclusion, une chose est certaine : une fois encore, le destin de l’Europe se joue à Paris. La paix en Europe ne sera possible qu’avec une France pacifiée.
12:03 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, france | |
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