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dimanche, 04 novembre 2007

K. Leontiev: précurseur russe de Spengler

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Konstantin Leontiev: précurseur russe de Spengler

Réflexions sur la vie et l'œuvre de K. Leontiev

 

Aldo FERRARI

 

Bien que peu connu en Occident, Konstantin Nicolaïevitch Leontiev est, selon l'opinion de tous ceux qui se sont penchés sur sa vie et son œuvre, l'un des principaux phénomènes humains et spirituels de la Russie du siècle passé. Né en 1831 dans une famille noble de la Russie centrale, Leontiev, au cours de son existence pittoresque et tourmentée, fut tour à tour médecin, nar­rateur et critique littéraire, penseur historico-politique et, dans ses dernières années, moine. Il est l'auteur de nouvelles et de narrations originales  —publiées dans un recueil intitulé “De la vie des Chrétiens en Turquie”—  que “seul un siècle trop riche en littérature comme le XIXième russe peut se permettre d'oublier”, écrit lke célèbre Mirsky. Leontiev est aussi l'interprète lucide et très pertinent d'une critique littéraire attentive principalement aux valeurs esthétiques et formelles de l'art. Son essai “Analyses, styles et atmosphère” est dédié aux romans de Tolstoï et constitue véritablement le chef-d'œuvre de la critique lit­téraire russe du siècle passé. Il se montre hostile au journalisme utilitaire et “progressiste” qui, depuis Belinsky jusqu'à la re­naissance esthétique de la période symboliste, s'est toujours efforcé d'instrumentaliser et d'avilir la grande littérature russe. En ce sens, Leontiev est isolé dans ce XIXième siècle russe, mais sa position demeure néanmoins d'une incontestable perti­nence.

 

D'un point de vue religieux, Leontiev est devenu un défenseur passionné et intransigeant de la tradition orthodoxe et, plus parti­culièrement, de la vie monastique, après une extraordinaire conversion  —admirablement décrite dans sa correspondance avec Rozanov, récemment rééditée à Londres—  qui a mis fin à une longue période de perception exclusivement esthétique de la réalité. Intimement lié aux grands centres de la spiritualité chrétienne-orientale du Mont Athos et d'Optina Poustynia, il a polémiqué intensément contre tous ceux qui tentaient, plus ou moins de bonne foi, de rénover et de moderniser l'Eglise ortho­doxe. Leontiev estimait qu'ils minaient ainsi la vérité et reniaient la complexité de la religion chrétienne. L'élément dominant dans la religiosité léontievienne consiste en une aspiration sincère et très intense au salut individuel, que l'on atteint en obser­vant de façon très stricte les traditions ecclésiastiques et en dominant sévèrement ses passions: c'est là un idéal ascétique, certes bien éloigné des expériences religieuses de Khomiakov, Dostoïevsky et Tolstoï qui furent tous, comme Leontiev, au centre de la culture religieuse russe de cette période, mais qui, somme toute, est beaucoup plus conforme à l'esprit de la tra­dition orthodoxe.

 

Toutefois, malgré la valeur des écrits littéraires et critiques et malgré le caractère extraordinaire de son expérience religieuse, le noyau central de l'œuvre de Leontiev doit être séparé de sa conception de l'histoire. Il fut, à l'instar de Herzen dans le camp progressiste, le penseur religieux et conservateur le plus original et le plus profond. Il nous paraît opportun de dire d'emblée que sa pensée ne peut d'aucune façon être définie comme slavophile ou panslaviste. Dans l'orbite de l'idéologie comme dans celui de la littérature, la position de Leontiev est totalement atypique. Quoi qu'il en soit, cette pensée s'inscrit pleinement dans cette querelle complexe qui a pour objet la signification et le destin de la Russie, surtout par rapport à la civilisation euro­péenne avec laquelle elle a des affinités mais qui lui est néanmoins fondamentalement antagoniste. C'est là une question cen­trale qui a tourmenté la pensée, la littérature et l'historiographie russes de Tchaadaïev à Soljénitsyne.

 

Au cours d'une première période “optimiste”, Leontiev affirme que la Russie devrait se mettre à la tête d'une nouvelle civilisa­tion slave-orientale, centrée sur les valeurs religieuses et politiques héritées de Byzance qu'il oppose en toute conscience à l'évolution de la modernité européenne dans un sens d'irreligion et de matérialisme. Mais, à la suite de cette phase “optimiste”, il devine, avec grandes lucidité et clairvoyance, supérieures à celles de Dostoïevsky dans Les démons,  l'avènement en Russie d'une révolution socialiste et athée, suivie de l'instauration d'un système despotique, inconcevable pré­cédemment.

 

Ces “prophéties” historico-politiques de Leontiev proviennent en réalité d'une saisie inédite des particularités culturelles, so­ciales et psychologiques du peuple russe, ainsi que d'une intuition pointue de l'essence totalitaire et arbitrairement destructrice des diverses utopies socialistes, intuition partagée non seulement par Dostoïevsky, mais par de nombreux et célèbres repré­sentants de la pensée européenne du XIXième siècle, comme Rosmini, Donoso Cortés et Kierkegaard.

 

Byzantinisme et monde slave  (dont une traduction italienne est parue en 1987 aux éditions All'Insegna del Veltro à Parme) est un ouvrage qui s'inscrit, lui, dans la phase finale de la pensée historique leontievienne et qui en constitue l'expression le plus complexe et la plus suggestive. La première partie de cet ouvrage, écrit en 1873, nous décrit les fondements historiques et culturels de la Russie que l'auteur place non pas dans l'appartenance ethnique au monde slave (là, il polémique directement avec la pensée des slavophiles et des panslavistes) mais dans l'héritage religieux et politique de Byzance. L'importance de l'héritage byzantin a été décisive pour la Russie, ce que confirment des historiens de grande valeur tels Toynbee ou Obolensky, mais c'est à leontiev qu'il revient d'avoir mis, le premier, cette importance en exergue. De plus, Leontiev est aussi le premier, en Russie, à avoir jugé Byzance de façon autonome, en abandonnant ce travail conventionnel et stérile de compa­raison avec le monde classique et avec l'Europe occidentale. Dans l'œuvre de Leontiev, Byzance est donc revalorisée, consi­dérée comme une civilisation originale, féconde sur le plan culturel et politique.

 

Ensuite, dans Byzantinisme et monde slave, nous avons une analyse historico-sociale et psychologique attentive des diverses nationalités slaves et balkaniques. Mais, surtout, Leontiev esquisse dans ce travail une conception originale de l'histoire, tout en prenant le contre-pied des thèses de Danilevsky, exprimées dans La Russie et l'Europe. Leontiev en effet dépasse le pré­jugé conventionnel d'eurocentrisme et plaide en faveur d'une vision nouvelle de l'histoire humaine: celle-ci serait l'addition d'une pluralité de “types historico-culturels”, vivant sur base de principes spécifiques et autonomes en matières religieuses, politiques et éthiques.

 

Ces mondes historico-culturels  —qui sont dix dans le typologie systématisée par Danilevsky—  constituent, selon Leontiev, des entités organiques soumises, comme tout ce qui existe dans l'espace et dans le temps, à un processus de développement en trois phases, partant d'une simplicité initiale indifférenciée pour aboutir à une complexité riche, multiforme et finalement unifiée-uniforme, puis, dans une troisième phase, pour retourner à un état primitif de mélanges et de simplifications.

 

Comme tous les organismes vivants, les civilisations, elles aussi, connaîtraient une enfance (sociétés archaïques, tribales et féodales), une maturité (sociétés de types “renaissancistes”) et une sénilité (sociétés décadentes).

 

Dans Byzantinisme et monde slave, Leontiev expose une conception de l'histoire qui annonce le morphologisme du XXième siècle de Spengler et de Toynbee. La conception leontievienne de l'histoire (et de l'histoire russe) trouve ses accents les plus forts dans le refus radical des évolutions récentes des sociétés européennes, entrées, malgré ses triomphes d'ordres techno­logique et économique, dans une phase ultime, pré-mortelle, de leur développement historique. Dans sa critique de l'Europe occidentale, Leontiev mêle curieusement un traditionalisme religieux orthodoxe à un dédain esthétique qui rappelle Baudelaire et Herzen.

 

Il me parait en outre utile de rappeler que la littérature critique et universitaire sur Leontiev relève principalement des écrits de la renaissance religieuse russe du début de notre siècle, notamment Rozanov, Soloviev, Berdiaev et Boulgakov ainsi qu'à certains exposants de l'émigration post-révolutionnaire. Enfin, je souhaite relever l'intérêt profond que portent quelques cher­cheurs italiens à la personnalité et à l'œuvre de Leontiev, parmi lequels Evel Gasparini et Divo Barsotti. Récemment, Leontiev a fait l'objet d'études, surtout en France et dans les pays anglo-saxons, où l'on a republié ses livres et où l'on a consacré de nombreux essais à son œuvre.

 

Prof. Aldo FERRARI.

(article paru dans “Intervento”, n°82-83, 1987).

 

jeudi, 01 novembre 2007

Introduction à l'oeuvre de Ludwig F. Clauss

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Robert STEUCKERS:

Introduction à l'œuvre de Ludwig Ferdinand CLAUSS  (1892-1974)

Né le 8 février 1892 à Offenburg dans la région du Taunus, l'anthropologue Ludwig Ferdinand Clauss est rapidement devenu l'un des raciologues et des islamologues les plus réputés de l'entre-deux-guerres, cumulant dans son œuvre une approche spirituelle et caractérielle des diverses composantes raciales de la population européenne, d'une part, et une étude approfondie de la psyché bédouine, après de longs séjours au sein des tribus de la Transjordanie. L'originalité de sa méthode d'investigation raciologique a été de renoncer à tous les zoologismes des théories raciales conventionnelles, nées dans la foulée du darwinisme, où l'homme est simplement un animal plus évolué que les autres. Clauss renonce aux comparaisons trop faciles entre l'homme et l'animal et focalise ses recherches sur les expressions du visage et du corps qui sont spécifiquement humaines ainsi que sur l'âme et le caractère.

Il exploite donc les différents aspects de la phénoménologie pour élaborer une raciologie psychologisante (ou une «psycho-raciologie») qui conduit à comprendre l'autre sans jamais le haïr. Dans une telle optique, admettre la différence, insurmontable et incontournable, de l'Autre, c'est accepter la pluralité des données humaines, la variété des façons d'être-homme, et refuser toute logique d'homologation et de centralisation coercitive.

 

Ludwig Ferdinand Clauss était un disciple du grand philosophe et phénoménologue Edmund Husserl. Il a également été influencé par Ewald Banse (1883-1953), un géographe qui avait étudié avant lui les impacts du paysage sur la psychologie, de l'écologie sur le mental. Ses théories cadraient mal avec celles, biologisantes, du national-socialisme. Les adversaires de Clauss considéraient qu'il réhabilitait le dualisme corps/âme, cher aux doctrines religieuses chrétiennes, parce que, contrairement aux darwiniens stricto sensu, il considérait que les dimensions psychiques et spirituelles de l'homme appartenaient à un niveau différent de celui de leurs caractéristiques corporelles, somatiques et biologiques. Clauss, en effet, démontrait que les corps, donc les traits raciaux, étaient le mode et le terrain d'expression d'une réalité spirituelle/psychique. En dernière instance, ce sont donc l'esprit (Geist)  et l'âme (Seele)  qui donnent forme au corps et sont primordiaux. D'après les théories post-phénoménologiques de Clauss, une race qui nous est étrangère, différente, doit être évaluée, non pas au départ de son extériorité corporelle, de ses traits raciaux somatiques, mais de son intériorité psychique. L'anthropologue doit dès lors vivre dans l'environnement naturel et immédiat de la race qu'il étudie. Raison pour laquelle Clauss, influencé par l'air du temps en Allemagne, commence par étudier l'élément nordique de la population allemande dans son propre biotope, constatant que cette composante ethnique germano-scandinave est une “race tendue vers l'action” concrète, avec un élan froid et un souci des résultats tangibles. Le milieu géographique premier de la race nordique est la Forêt (hercynienne), qui recouvrait l'Europe centrale dans la proto-histoire.

 

La Grande Forêt hercynienne a marqué les Européens de souche nordique comme le désert a marqué les Arabes et les Bédouins. La trace littéraire la plus significative qui atteste de cette nostalgie de la Forêt primordiale chez les Germains se trouve dans le premier livre évoquant le récit de l'Evangile en langue germanique, rédigé sous l'ordre de Louis le Pieux. Cet ouvrage, intitulé le Heliand (= Le Sauveur), conte, sur un mode épique très prisé des Germains de l'antiquité tardive et du haut moyen âge, les épisodes de la vie de Jésus, qui y a non pas les traits d'un prophète proche-oriental mais ceux d'un sage itinérant doté de qualités guerrières et d'un charisme lumineux, capable d'entraîner dans son sillage une phalange de disciples solides et vigoureux. Pour traduire les passages relatifs à la retraite de quarante jours que fit Jésus dans le désert, le traducteur du haut moyen âge ne parle pas du désert en utilisant un vocable germanique qui traduirait et désignerait une vaste étendue de sable et de roches, désolée et infertile, sans végétation ni ombre. Il écrit sinweldi, ce qui signifie la «forêt sans fin», touffue et impénétrable, couverte d'une grande variété d'essences, abritant d'innombrables formes de vie. Ainsi, pour méditer, pour se retrouver seul, face à Dieu, face à la virginité inconditionnée des éléments, le Germain retourne, non pas au désert, qu'il ne connaît pas, mais à la grande forêt primordiale. La forêt est protectrice et en sortir équivaut à retourner dans un “espace non protégé” (voir la légende du noble saxon Robin des Bois et la fascination qu'elle continue à exercer sur l'imaginaire des enfants et des adolescents).

L'idée de forêt protectrice est fondamentalement différente de celle du désert qui donne accès à l'Absolu: elle implique une vision du monde plus plurielle, vénérant une assez grande multiplicité de formes de vie végétale et animale, coordonnée en un tout organique, englobant et protecteur.

L' homo europeus ou germanicus n'a toutefois pas eu le temps de forger et de codifier une spiritualité complète et absolue de la forêt et, aujourd'hui, lui qui ne connaît pas le désert de l'intérieur, au contraire du Bédouin et de l'Arabe, n'a plus de forêt pour entrer en contact avec l'Inconditionné. Et quand Ernst Jünger parle de “recourir à la forêt”, d'adopter la démarche du Waldgänger, il formule une abstraction, une belle abstraction, mais rien qu'une abstraction puisque la forêt n'est plus, si ce n'est dans de lointains souvenirs ataviques et refoulés. Les descendants des hommes de la forêt ont inventé la technique, la mécanique (L. F. Clauss dit la  Mechanei), qui se veut un ersatz de la nature, un palliatif censé résoudre tous les problèmes de la vie, mais qui, finalement, n'est jamais qu'une construction et non pas une germination, dotée d'une mémoire intérieure (d'un code génétique). Leurs ancêtres, les Croisés retranchés dans le krak des Chevaliers, avaient fléchi devant le désert et devant son implacabilité. Preuve que les psychés humaines ne sont pas transposables arbitrairement, qu'un homme de la Forêt ne devient pas un homme du Désert et vice-versa, au gré de ses pérégrinations sur la surface de la Terre.

 

A terme, la spiritualité du Bédouin développe un “style prophétique” (Offenbarungsstil), parfaitement adapté au paysage désertique, et à la notion d'absolu qu'il éveille en l'âme, mais qui n'est pas exportable dans d'autres territoires. Le télescopage entre ce prophétisme d'origine arabe, sémitique, bédouine et l'esprit européen, plus sédentaire, provoque un déséquilibre religieux, voire une certaine angoisse existentielle, exprimée dans les diverses formes de christianisme en Europe.  

 

Clauss a donc appliqué concrètement —et personnellement—  sa méthode de psycho-raciologie en allant vivre parmi les Bédouins du désert du Néguev, en se convertissant à l'Islam et en adoptant leur mode de vie. Il a tiré de cette expérience une vision intérieure de l'arabité et une compréhension directe des bases psychologiques de l'Islam, bases qui révèlent l'origine désertique de cette religion universelle.

 

Sous le IIIième Reich, Clauss a tenté de faire passer sa méthodologie et sa théorie des caractères dans les instances officielles. En vain. Il a perdu sa position à l'université parce qu'il a refusé de rompre ses relations avec son amie et collaboratrice Margarete Landé, de confession israélite, et l'a cachée jusqu'à la fin de la guerre. Pour cette raison, les autorités israéliennes ont fait planter un arbre en son honneur à Yad Vashem en 1979. L'amitié qui liait Clauss à Margarete Landé ne l'a toutefois pas empêché de servir fidèlement son pays en étant attaché au Département VI C 13 du RSHA (Reichssicherheitshauptamt), en tant que spécialiste que Moyen-Orient.

 

Après la chute du IIIième Reich, Clauss rédige plusieurs romans ayant pour thèmes le désert et le monde arabe, remet ses travaux à jour et publie une étude très approfondie sur l'Islam, qu'il est un des rares Allemands à connaître de l'intérieur. La mystique arabe/bédouine du désert débouche sur une adoration de l'Inconditionné, sur une soumission du croyant à cet Inconditionné. Pour le Bédouin, c'est-à-dire l'Arabe le plus authentique, l'idéal de perfection pour l'homme, c'est de se libérer des “conditionnements” qui l'entravent dans son élan vers l'Absolu. L'homme parfait est celui qui se montre capable de dépasser ses passions, ses émotions, ses intérêts. L'élément fondamental du divin, dans cette optique, est l' istignâ, l'absence totale de besoins. Car Dieu, qui est l'Inconditionné, n'a pas de besoins, il ne doit rien à personne. Seule la créature est redevable: elle est responsable de façonner sa vie, reçue de Dieu, de façon à ce qu'elle plaise à Dieu. Ce travail de façonnage constant se dirige contre les incompétences, le laisser-aller, la négligence, auxquels l'homme succombe trop souvent, perdant l'humilité et la conscience de son indigence ontologique. C'est contre ceux qui veulent persister dans cette erreur et cette prétention que l'Islam appelle à la Jihad. Le croyant veut se soumettre à l'ordre immuable et généreux que Dieu a créé pour l'homme et doit lutter contre les fabrications des “associateurs”, qui composent des arguments qui vont dans le sens de leurs intérêts, de leurs passions mal dominées. La domination des “associateurs” conduit au chaos et au déclin. Réflexions importantes à l'heure où les diasporas musulmanes sont sollicitées de l'intérieur et de l'extérieur par toutes sortes de manipulateurs idéologiques et médiatiques et finissent pas excuser ici chez les leurs ce qu'ils ne leur pardonneraient pas là-bas chez elles. Clauss a été fasciné par cette exigence éthique, incompatible avec les modes de fonctionnement de la politicaille européenne conventionnelle. C'est sans doute ce qu'on ne lui a pas pardonné.

 

Ludwig Ferdinand Clauss meurt le 13 janvier 1974 à Huppert dans le Taunus. Considéré par les Musulmans comme un des leurs, par les Européens enracinés comme l'homme qui a le mieux explicité les caractères des ethnies de base de l'Europe, par les Juifs comme un Juste à qui on rend un hommage sobre et touchant en Israël, a récemment été vilipendé par des journalistes qui se piquent d'anti-fascisme à Paris, dont René Schérer, qui utilise le pseudonyme de «René Monzat». Pour ce Schérer-Monzat, Clauss, raciologue, aurait été tout bonnement un fanatique nazi, puisque les préoccupations d'ordre raciologique ne seraient que le fait des seuls tenants de cette idéologie, vaincue en 1945. Schérer-Monzat s'avère l'une de ces pitoyables victimes du manichéisme et de l'inculture contemporains, où la reductio ad Hitlerum devient une manie lassante. Au contraire, Clauss, bien davantage que tous les petits écrivaillons qui se piquent d'anti-fascisme, est le penseur du respect de l'Autre, respect qui ne peut se concrétiser qu'en replaçant cet Autre dans son contexte primordial, qu'en allant à l'Autre en fusionnant avec son milieu originel. Edicter des fusions, brasser dans le désordre, vouloir expérimenter des mélanges impossibles, n'est pas une preuve de respect de l'altérité des cultures qui nous sont étrangères.

 

Robert STEUCKERS.  

 

-Bibliographie: Die nordische Seele. Artung. Prägung. Ausdruck, 1923; Fremde Schönheit. Eine Betrachtung seelischer Stilgesetze, 1928; Rasse und Seele. Eine Einführung in die Gegenwart, 1926; Rasse und Seele. Eine Einführung in den Sinn der leiblichen Gestalt, 1937; Als Beduine unter Beduine, 1931; Die nordische Seele, 1932; Die nordische Seele. Eine Einführung in die Rassenseelenkunde, 1940 (édition complétée de la précédente); Rassenseelenforschung im täglichen Leben, 1934; Vorschule der Rassenkunde auf der Grundlage praktischer Menschenbeobachtung,  1934 (en collaboration avec Arthur Hoffmann); Rasse und Charakter, Erster Teil: Das lebendige Antlitz, 1936 (la deuxième partie n'est pas parue); Rasse ist Gestalt, 1937; Semiten der Wüste unter sich. Miterlebnisse eines Rassenforschers, 1937; Rassenseele und Einzelmensch, 1938; König und Kerl, 1948 (œuvre dramatique); Thuruja,  1950 (roman); Verhüllte Häupter, 1955 (roman); Die Wüste frei machen, 1956 (roman); Flucht in die Wüste, 1960-63 (version pour la jeunesse de Verhüllte Häupter); Die Seele des Andern. Wege zum Verstehen im Abend- und Morgenland, 1958; Die Weltstunde des Islams, 1963.

 

- Sur Ludwig Ferdinand Clauss: Julius Evola, Il mito del sangue,  Ar, Padoue, 1978 (trad.franç., Le mythe du sang, Editions de l'Homme Libre, Paris, 1999); Julius Evola, «F. L. Clauss: Rasse und Charakter», recension dans Bibliografia fascista, Anno 1936-XI (repris dans Julius Evola, Esplorazioni e disamine. Gli scritti di “Bibliografia fascista”, Volume I, 1934-IX - 1939-XIV, Edizioni all'Insegna del Veltro, Parma, 1994);  Léon Poliakov/Joseph Wulf, Das Dritte Reich und seine Denker. Dokumente und Berichte, Fourier, Wiesbaden, 1989 (2ième éd.) (Poliakov et Wulf reproduisent un document émanant du Dr. Walter Gross et datant du 28 mars 1941, où il est question de mettre Clauss à l'écart et de passer ses œuvres sous silence parce qu'il n'adhère pas au matérialisme biologique, parce qu'il est «vaniteux» et qu'il a une maîtresse juive); Robert Steuckers, «L'Islam dans les travaux de Ludwig Ferdinand Clauss», in Vouloir, n°89/92, juillet 1992.       

mercredi, 31 octobre 2007

El socialisme ético de Henri De Man

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Infokrisis.blogia.com / Ernesto Mila

La revision idealista del marxismo: el socialismo ético de Henri De Man

http://infokrisis.blogia.com/2007/092701-la-revision-idea...

lundi, 22 octobre 2007

L'itinéraire d'Erich Wichman

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Frank GOOVAERTS (†):

Sur l’itinéraire d’Erich WICHMAN (1890-1929)

Un isolé anarchisant de la “révolution conservatrice” néerlandaise

La gauche et la droite ne se combattent qu’en apparence. En réalité, elles te combattent, toi!

(Erich Wichman).

◊ 1. INTRODUCTION : esquisse d’un chaos

Si, pendant l’entre-deux-guerres, il y avait en Europe un pays où la  “révolution de droite”, telle que l’a définie le sociologue allemand Hans Freyer (1887-1969), n’avait aucune chance de réussir, et même se dressait contre l’âme populaire, c’étaient bien les Pays-Bas! Ce pays tranquille de moulins et de cyclistes, de tulipes et de polders, appartenait indubitablement aux pays les plus stables du vieux continent. Cela n’implique pas que les divers défis, auxquels les démocraties libérales se voyaient confrontées, ne se manifestaient pas aux Pays-Bas. Bien au contraire! Il y avait simplement que la si célèbre “sobriété” néerlandaise (que nous pouvons désormais mettre en doute depuis les “Golden Sixties”...) générait un bourgeoisisme typique et induisait la population à réagir différemment du gros de celles des pays voisins.

Pourtant, la “révolution de droite” s’y est manifestée, notamment avec le NSB (“Nationaal-Socialistische Beweging” ou “Mouvement national-socialiste”) de l’ingénieur Antoon Mussert (1894-1946), qui est le mouvement  de loin le plus connu à l’étranger. Ce qui fait la caractèristique unique des Pays-Bas, dans l’univers des fascismes ou para-fascismes d’avant 1940, c’est qu’à côté de ce parti fort structuré qu’était le NSB, il y avait là-bas encore au moins quarante petites formations fascisantes en activité, dont l’idéologie s’inspirait davantage des régimes autoritaires circum-méditerranéens que du “grand frère” allemand. Cette mosaïque politique nous donne l’impression d’une complication extrême, où règnent le chaos, l’incompétence et la dissolution, les querelles et les suspicions, si bien qu’aucune force politique ne s’est jamais dégagée d’elle. Il semble que seuls les éléments négatifs unissaient les hommes: les Pays-Bas déclinent parce qu’ils n’ont aucun réflexe national et ne veulent pas vraiment se débarrasser d’une démocratie corrompue. Si l’on examine ce conglomérat de petits partis et groupuscules, on tire la conclusion suivante: leur préoccupation principale était de concevoir des uniformes rutilants pour leurs diverses milices. Ils brûlaient aussi littéralement leurs fonds en publiant des revues ineptes. Wim Zaal notait non sans ironie et à juste titre: “Mystique, discipline, unité, figure du chef, vie dangereuse, le regard vers le futur... on peut s’imaginer ce que devenaient ces ingrédients du fascisme quand ils tombaient aux mains des Néerlandais, avec leur héritage séculaire de querelles politiques et théologiques. Ce qui aurait dû devenir une tempête ne devint qu’un vague trouble dans autant de verres d’eau; chacun avait sa doctrine sublime, son interprétation personnelle et ses propres galons à son uniforme de combat, à la facture unique. Au cours des années, nous avons vu défiler aux Pays-Bas des fascistes intellectuels en chambre, des fascistes issus du vieux libéralisme, des fascistes prolétariens, des fascistes croyants, des fascistes qui se piquaient d’aristocratisme et des fascistes synthétiques (1). Le rideau s’était levé sur ce qui aurait dû déboucher sur un drame martial; ce ne fut qu’un vaudeville...

◊ 2. Les racines du fascisme néerlandais

Certains ont défini le fascisme comme un mouvement de “rancuneux”, ce qui n’est pas entièrement faux. Mais cette idée ne peut toutefois pas être généralisée. Pour le cas des Pays-Bas, elle ne convient pas du tout. Le pays était resté neutre pendant la première guerre mondiale et n’a donc pas connu, après la fin des hostilités, le problème insoluble d’une masse de chômeurs et d’anciens soldats inadaptés à la société civile, cultivant des aspirations révolutionnaires. Le Dr. Joosten, qui est l’historien qui a examiné le plus attentivement le phénomène du fascisme chez nos voisins du Nord, conclut ses investigations en disant que des forces bien différentes se tenaient autour du berceau de la “révolution de droite” aux Pays-Bas (2). L’historien néerlandais estime que ce  sont surtout des idéaux réactionnaires, conservateurs, intégristes, etc. qui ont alimenté le fascisme local. Il oublie cependant l’influence d’un leader socialiste, Troelstra (1860-1930), qui avait appelé à la révolution en 1918, une révolution qui échoua, parce que la base l’avait laissé tombé, par manque d’élan révolutionnaire, par petit-bourgeoisisme ou, mieux, par les deux à la fois.

Si l’on veut donner un nom au père spirituel du fascisme néerlandais, alors, généralement, on désigne, pour ce titre, un philosophe, professeur d’université, G. J. P. J. Bolland (1854-1922), une figure très particulière de la pensée, qui a commencé comme autodidacte pour se frayer un chemin jusqu’aux plus hauts sommets du monde universitaire néerlandais. Il estimait que la “raison pure”, corrigée par Hegel, ne s’était incarnée que dans son seul cerveau. Il s’opposait avec vigueur à la démocratie et au socialisme, parce que ces deux forces politiques ne visaient qu’à hisser les “masses de travailleurs stupides” au pouvoir. Dans les tissus d’injures qu’il débitait à l’adresses de la “juiverie” et de la franc-maçonnerie, il nous rappelle les ntionaux-socialistes ultérieurs. Pourtant, il me paraît impossible de le décrire et de le stigmatiser comme un fasciste sans plus; il était beaucoup trop réactionnaire pour mériter ce titre, beaucoup trop conservateur et bien trop peu révolutionnaire. Mais ses professions de foi hégéliennes et son anti-sémitisme ont inspirés une jeune génération d’adeptes, dont H. A. Sinclair de Rochemont (1901-1942), qui allaient plus tard se retrouver au sein du VVA (“Verbond van Actualisten” ou “Alliance actualiste”), qui fut, grosso modo, la première tentative de concentrer les forces fascistes aux Pays-Bas.

Autre foyer de mécontentement, qui allait tendre ultérieurement vers le fascisme: la loi électorale de  1894, qui effrayait certains libéraux, qui, en 1907, créent le “Bond van Vrije Liberalen” ou “Ligue des Libéraux Libres”, pour se donner une structure. De ce milieu se dégage un homme, qui fut à la fois journaliste et professeur d’université en sciences politiques, le Prof. J. H. Valckenier-Kips (1862-1942). Pendant toute une période, il fut l’étudiant de Bolland mais infléchit le futur fascisme néerlandais vers des positions idéologiques plus solides, permettant de parler véritablement de “pères fondateurs”. Pendant la première guerre mondiale, Valckenier était déjà pro-allemand et antisémite (ce qui n’était nullement une rareté dans les Pays-Bas de l’époque) mais, en plus, il se posait comme un “anti-démocrate” virulent. Le corpus d’idées qu’il défendait, allait plus loin et était bien plus vaste que celui de ses amis du départ, qui, pour l’essentiel, n’étaient que des libéraux braqués, devenus anxieux devant l’évolution de la société. Dans la revue conservatrice “De Tijdspiegel” (= “Le miroir du temps”), il esquissait, entre 1910 et 1918, l’idée d’un Etat organique, où l’individu devait être soumis au tout, sujet sur lequel il revenait sans cesse, en l’abordant de mutliples façons. Après la première guerre mondiale, il s’est quelque peu éclipsé, a quitté les feux de la rampe, pour revenir à l’avant-plan au début des années 30, d’abord dans les rangs du NSB, ensuite dans ceux du “Zwart Front” (= “Front Noir”) d’Arnold Meijer.

Mais celui qui tint véritablement le fascisme néerlandais sur les fonds baptismaux fut sans contexte le Dr. Emile Verviers (1886-?), un enseignant libre en sciences économiques à Leiden, lui aussi ancien étudiant de Bolland. Il était issu d’une famille catholique-romaine, mais cette famille politico-religieuse ne rencontrait pas son approbation, car elle s’était montrée trop paternaliste devant le danger de révolution rouge en 1918. Bien qu’il ait défendu, dans les colonnes de sa revue, “Katholieke Staatkunde” (= “Politique catholique”), des idées qui correspondaient pleinement à celles de l’aile conservatrice du “Rooms-Katholieke Staatspartij” (= “Parti Etatiste Catholique-Romain”), Verviers évolua graduellement vers l’idée d’un Etat fortement anti-démocratique et autoritaire, pour l’avènement duquel il préconisait de plus en plus souvent l’usage de la violence. Après la Marche sur Rome de Mussolini, il déclara  —ce qui n’était nullement injustifié—  que les Italiens suivaient ainsi une voie qu’il avait théorisée depuis plus de dix ans. Mais Verviers n’est jamais devenu un Duce néerlandais. Il n’avait pas d’adeptes, ce qui est dû, principalement, à son désir insatiable de controverses. Pourtant, ses théories n’ont pas été sans influence. Le jeune Mussert a sans doute suivi les leçons du Prof. Verviers. Celui-ci, à qui on peut sûrement reproché des tentations intégralistes, se mit à avoir de réelles difficultés avec la hiérarchie catholique de l’évêché du Brabant à partir de 1924, ce qui entraîna sa quasi disparition pendant des années. Ce n’est qu’en 1934 qu’il réémergera, devenant rédacteur-en-chef  d’une revue du NSB, le mensuel “Nieuw Nederland” (“Les Pays-Bas nouveaux”). Deux années plus tard, il disparait à nouveau, quitte l’avant-plan, bien entendu après une querelle.

D’après les informations que nous avons glanées et reproduites dans la première partie de cet article, on pourrait en déduire que la “révolution de droite” aux Pays-Bas a été essentiellement l’apanage de fascistes intellectuels, de théoriciens en chambre. On remarquera dès lors que ce milieu, aux Pays-Bas, n’a pas apporté grand chose de substantiel au corpus idéologique du fascisme européen. Dans la plupart des cas, on s’est borné à emprunter aux voisins, d’abord en Italie, ensuite en Allemagne et plus tard en Flandre. Ce milieu fascisant néerlandais est donccaractérisé par une effarante absence d’inventivité, sauf si nous nous penchons sur une figure originale et unique, celle d’Erich Wichman.

◊ 3. Un vitaliste délirant !

Pol Vandromme a remarqué un jour : “Brasillach n’était pas amoureux du fascisme, mais de la poésie fasciste” (3). On peut formuler une remarque semblable à propos d’Erich Wichman, le “premier des fascistes néerlandais”, simultanément “alcoolique de principe”, comme il le disait de lui-même, lui, le”gangmaker” et la “prima donna” de la “révolution de droite”, couleur locale; disons que, chez lui, l’admiration pour l’élan fasciste vers l’action primait. Dans leur appréciation du fait fasciste, on peut tracer plus d’un parallèle entre Brasillach et Wichman: tous deux aiment l’aventure, la camaraderie, l’expression de la volonté vitale, la jeunesse. Tout comme chez Brasillach, le fascisme n’était pas davantage, chez Wichman, un programme politique, mais, écrivait-il, “une atmosphère, un ton, un rythme des sentiments, une mentalité, une attitude devant la vie; c’est briser en mille miettes les certitudes qui ont perdu tout sens, toute vitalité, c’est rendre toutes choses fluides, c’est tout recommencer à nouveau, c’est la jeunesse” (4).

Wichman n’a jamais, par exemple, pris au sérieux la forme de l’Etat corporatif; en fin de compte, il ne croyait en aucun système et le fascisme réellement existant, tel qu’il était vécu en Italie, ne lui convenait pas: “Pas un seul cheveu de mon crâne, qui devient chauve, ne songe à transplanter aux Pays-Bas le fascisme italien, tel qu’il est aujourd’hui, tel qu’il a été et tel qu’il deviendra, sans y apporter des changements” (5).

La vie d’Erich Wichman est tout, sauf une vie sans tache, est une suite ininterrompue d’actions tapageuses et d’incidents provoqués; elle est un vaudeville comique, elle révèle tous les aspects d’un drame de Sophocle. Erich Wichmann (ce n’est qu’au cours de son existence qu’il abandonna le dernier “n” de son patronyme pour lui donner un air plus néerlandais), est né le 11 août 1890 à Utrecht, une ville qu’il a toujours haïe, à cause de son petit bourgeoisisme grégaire. Sa famille était originaire d’Allemagne du Nord. Sa mère, Johanna Zeise, était issue d’une famille fortunée d’inventeurs et de pharmaciens, où l’on trouvait souvent un attrait pour la littérature. Son père, Arthur Wichmann, était professeur à l’université d’Utrecht. C’était un homme pragmatique, un géologue et un vulcanologue respecté, connu pour ses voyages outre-mer.

Ses parents lui ont légué l’intelligence, ses prédispositions pour les arts et les sciences, mais aussi ce goût de l’aventure, qui prit, plus tard, des proportions effrayantes. A peine âgé de onze ans, il perdit un oeil après une intervention chirurgicale rendue nécessaire par la présence d’un glaucome à l’oeil droit. Cette opération l’a défiguré, rendu extrêmement laid, ce qui ne l’empêcha pas de devenir plus tard un fameux bourreau des coeurs. Enfant, il utilisait son handicap pour donner libre cours à son originalité: il jetait son oeil de verre dans la piscine municipale en criant “un p’tit doublon pour celui qui le repêche!” [ndt: un doublon correspond ici à dix cents néerlandais].

Wichman disposait donc d’une intelligence phénoménale, couplée à une maturité précoce et exceptionnelle. Dès l’âge d’environ dix ans, tous s’accordait à considérer qu’il était une sorte d’enfant prodige, qui ferait parler de lui plus tard. Cependant, à l’école, il ne faisait pas grand chose de bon. Il n’étudiait qu’exceptionnellement, mais, en même temps, semblait disposer d’une inspiration inépuisable pour agacer ses condisciples et ses professeurs. Un jour, il se présente à l’école, muni d’un revolver chargé (plus tard il disait de lui-même: “Est-ce que je ressemble à un type qui circulerait avec un revolver non chargé?”). Cet incident fit qu’il fut renvoyé de l’école (6). Après en avoir fréquenté une série d’autres, où son comportement très rebelle lui créa toute sortes d’embûches, il aboutit dans un pensionnat très sévère en Thuringe. Mais là aussi, étudier sérieusement était le cadet de ses soucis, car il avait bien sûr d’autres préoccupations: il découvrait Nietzsche et Baudelaire (la lecture de ce poète français le conduisit à expérimenter toutes sortes de drogues). A  cette époque, il eut une seule fois l’occasion d’écrire une petite contribution pour le célèbre hebdomadaire satirique allemand, le “Simplicissimus”.

En 1909, il arrête les frais dans son pensionnat allemand et s’en va étudier la biologie et la chimie à Utrecht. Il y étonne par son érudition. Un jour, quelqu’un s’adressa à son père pour lui dire: “Votre fils est si exceptionnel qu’il pourrait réussir dans n’importe quelle faculté”. Avec les deux pieds bien sur terre, le père Wichman répondit laconiquement : “J’aimerais qu’il soit un peu moins exceptionnel et qu’il réussisse au moins dans une seule faculté”. En effet, l’objectif d’Erich Wichman n’était pas d’obtenir des diplômes, car il n’en n’eut jamais aucun, mais d’accumuler le maximum de savoir en tous domaines. Au lieu de potasser ses cours, il peignait ou écrivait des poèmes et, au moment de passer ses examens, sa mémoiure extraordinaire lui venait en aide. Il eut ainsi un jour l’idée d’apprendre par coeur le volumineux cycle de “Mathilde” de J. Perk, uniquement pour prouver que l’art poétique de cet auteur lui plaisait!

Il était surtout une star dans la vie nocturne des étudiants. Dans les cercles de fêtards, il  mit au point ses premières aspirations politiques et artistiques. A partir de 1912, il commença à s’adonner corps et âme à l’art pictural. L’expressionnisme allemand  —il correspondait avec Kadinsky—  et le futurisme italien suscitaient son intérêt, ce qui eu pour résultat de le faire écrire quelques articles sur l’art moderne dans les revues étudiantes.

En 1914, Wichman déménage et se fixe à Amsterdam, où il est rapidement accepté dans la bohème locale, très turbulente. C’est là qu’il devint cet “alcoolique de principe”, car, disait-il, “l’alcool est justement le contre-poison naturel contre la hollandite” (7). Ce type de déclarations témoigne de l’intense rapport amour/haine que Wichman cultivait envers son pays natal, une attitude qui lui était caractéristique. Wichman aimait la Hollande, mais à sa manière: pour lui, elle était trop petite d’esprit, trop égocentrique, trop axée sur elle-même; il en haïssait la “stopverfmentaliteit”, la “mentalité-mastic”, qu’il repérait partout. “Qu’elle s’assèche la main, qui voudra ériger ma statue plus tard en Hollande”, avait-il coutume de dire!

Wichman se plaisait énormément à Amsterdam, même s’il ne fut pas capable d’y prendre racine,  vu sa nature de bohème et de juif errant. Des nuits entières, il faisait la fête avec ses copains, et, le jour, il s’adonnait comme un possédé à ses oeuvres d’art. Le temps qu’il lui restait, il l’employait à mettre la ville sens dessus dessous, avec ses amis. En plus, il se querellait avec tous les critiques d’art et l’on sait, avec  certitude, qu’il en prit un jour un par le col pour le secouer. La victime eut le nez en sang, sans doute pour la première fois, et Wichman essuya sa première condamnation.

Wichman aurait aimé servir sa patrie pendant la première guerre mondiale, mais la disparition de son oeil droit l’empêcha d’être mobilisé. Libéré de ses obligations, il put consacrer tout son temps à d’autres initiatives. Dès mars 1916, il fonde avec son ami Louis Saalborn la  société “De Anderen” [= “Les Autres”], une association d’artistes plastiques dont l’objectif principal était de défendre les intérêts professionnels et sociaux des artistes modernes. Du point de vue politique, cette association représentait une brochette de radicaux, de nihilistes, de communistes, de futuristes et surtout d’anarchistes. Wichman, qui publia bon nombre de brochures auprès des éditions de “De Anderen”, a reçu là le virus de l’anarchisme, dont il n’a jamais pu se débarrasser ultérieurement.

Sur le plan financier, sa situation était devenue très précaire. Il a connu des temps fort durs, il a souffert de la  faim, surtout après que son père ait cessé de lui verser une somme mensuelle, pour son entretien. Qu’importe: Wichman s’est montré un virtuose dans l’art de faire des dettes. Il l’exprima un jour en vers:

“Tot tranen toe ben ik bekommerd,

nu kan ik nooit meer naar de lommerd,

omdat mijn hele inventaris

al daar is”. [“J’ai souci jusqu’aux larmes, car au mont-de-piété jamais ne pourrai plus aller, car là-bas se trouve d’ores et déjà tout mon inventaire”].

Pour échapper à ses créanciers, Wichman imaginait les idées les plus folles. Des années plus tard, il installa près de son logis, proche du “Molenpad” à Amsterdam, une série de flèches indicatrices, sur lesquelles étaient inscrits les mots suivants : “Chez Erich Wichman”. Malheur à ceux qui suivaient le chemin indiqué par l’artiste! Après tout un trajet, où il s’agissait de gravir des escaliers, puis de les redescendre, le candidat visiteur, exténué, se retrouvait à son point de départ. En 1924, après avoir brûlé la chandelle par les deux bouts, après avoir bamboché des nuits entières, après avoir souffert de la faim, Wichman craque physiquement, pour la première fois. Il s’effondre et on l’envoie à l’hôpital, avec, pour mention, “danger: suicidaire”. Il réagit avec cynisme: “C’est très grave n’est-ce pas? Mais crever de faim ne les émeut pas!” (8).

En septembre 1916, il épouse Leni Kampfraath, une tailleuse de diamant, avec laquelle il vivait depuis un certain temps. La légende affirme qu’Erich Wichman, qui avait été jusque là un fameux coureur de jupons, est resté fidèle après son mariage...  à sa femme et à sa maîtresse... Le  couple a rapidement un enfant, ce qui oblige Wichman à trouver un emploi stable: il devient d’abord chef émailleur dans une fabrique d’argenterie à Utrecht, ensuite concepteur et réalisateur de nacelles en béton insubmersibles. Dans le cadre de ce travail, il tentera en vain d’attirer l’attention d’une firme américaine!

En 1919, Wichman met en émoi la bourse du diamant à Amsterdam, en vociférant en public que la “démocratie  est un mensonge”et en tentant d’expliquer “à un troupeau de deux mille ânes huant et sifflant” qu’il vaut mieux lire Goethe, son auteur favori, que d’aller voter (9). Un an auparavant, il avait écopé de trois jours de prison, parce qu’il avait circulé dans la ville en portant un écriteau sur le ventre, sur lequel il était inscrit: “Ne votez pas, lisez Goethe!”. Il incitait ainsi  les Néerlandais à faire une “révolution aristocratique”.

Autre déception de grande envergure: l’échec de l’exposition et du livre, tous deux intitulés “Erich Wichman tot 1920” [= “Erich Wichman jusqu’en 1920”]. Toutes les réactions avaient été  négatives, bien que le grand médiéviste et philosophe Huizinga (1872-1945) ne s’était exprimé qu’en termes critiques couverts. Le seul homme qui réagit avec un enthousiasme sans partage fut le poète expressionniste Hendrik Marsman (1899-1940), qui apporta plus tard son propre concours à certaines actions politiques.

Le coup qui fit entrer Wichman dans la légende, fut la création du “Rapaille-Partij”, du “Parti de la Canaille”. La raison qui a motivé la création de cette étonnante formation politique fut, pour être bref, le fait que les Néerlandais étaient obligé de voter sous peine de poursuites judiciaires. Cette loi était impopulaire, surtout parce que beaucoup de Néerlandais la considéraient comme coercitive. Wichman et sa bande pensaient, en revanche, que l’électeur n’était tout simplement pas capable, par définition, de choisir le moindre candidat convenable. Le 28 avril 1921, des élections municipales ont lieu à Amsterdam et la bande à Wichman saisit l’occasion pour se moquer ouvertement du système démocratique. Au départ, l’idée émanait d’un groupe d’ouvriers bateliers anarchistes,  que l’on appelait les “Veelbelovers” [= “ceux qui promettent beaucoup”]. Il n’a pas fallu longtemps pour que Wichman en tire toutes les ficelles. Dans une taverne bien connue, l’”Uilenkelder”[= “La cave aux hiboux”] et dans son propre logis, le long du “Prinsengracht” [= “Le Canal des Princes”] à Amsterdam, Wichman et ses sympathisants de “De Anderen” préparèrent l’émergence d’un parti anti-tout, qui allait faire fureur (10).

Le programme du parti n’avait guère de contenu, mis à part la plantation d’arbres pour  remplacer les urinoirs publics qu’il convenait de démolir, le petit verre de genièvre à cinq cents et le droit de pêcher et de chasser dans le Parc Vondel. Seuls étaient retenus les candidats qui souligneraient encore davantage le ridicule de l’entreprise. Le premier d’entre eux fut Cornelis de Gelder, alias “Had-je-me-maar” [= “Si-tu-pouvais-m’attraper”]. Ce surnom bizarre rappelait une chansonette des kermesses hollandaises. Cornelis de Gelder était un ivrogne notoire, un “idiot professionnel”, qui gagnait sa croûte en déambulant le long des terrasses des cafés de la Place Rembrandt, armé d’un lourd bâton et muni d’une boîte à cigares déguisée en instrument de musique, à l’aide de quelques cordes tendues. A certains moments, il frappait la boîte de son bâton, faisait l’idiot et terminait immanquablement ce qu’il estimait être une représentation culturelle de haut vol par le cri “Had-je-me-maar”. On raconte que ce hère original, quand il était à jeun, faisait bonne impression, était fort aimable, mais finalement peu se souviennent de lui. Le deuxième candidat était aussi un spécimen très original: Bertus Zuurbier (1880-1962), un monomane mi-anarchiste mi-bolchevique, qui avait longtemps travaillé comme ouvrier batelier, puis était devenu rinceur de bouteilles, mais demeurait surtout un chômeur permanent. Il errait ainsi dans la vie, vendant pendant toute l’année des numéros souvent fort anciens de “De vrije Socialist” [= “Le Socialiste libre”]. Quand on lui faisait remarquer que ces numéros dataient, il répondait: “Vieux, dis-tu? Mais pour toi, tout cela est bien nouveau, vilain bourgeois!”. Lorsque la Reine Wilhelmina participa au lancement d’un sous-marin de la flotte néerlandaise et plongea avec lui, Zuurbier circulait dans la ville, vendant un journal de son cru en criant : “Lisez ici combien bas a sombré Sa Majesté!”. A plusieurs reprises, il fut condamné pour trouble à l’ordre public.

Le public attendait le résultat de ces élections avec impatience, surtout que tous les partis avaient fait campagne contre le “Groep van Gelder” [= “Le Groupe de Gelder”]. Le “Kristelijk Historisch Dagblad” [= “Le Quotidien historique chrétien”] s’est voulu original et vexant tout à la fois en proposant d’appeler la nouvelle formation le “Rapaille-Partij”. Wichman accepta avec gratitude ce qui était censé être une insulte: “Exactement comme vous avez jadis repris à votre compte l’injure de “Gueux” et en avez fait un titre de gloire, nous acceptons, nous, ce nom que vous nous donnez comme une distinction honorifique”. Pour faire connaître leurs idées et leur programme à l’homme de la rue, le groupe disposait d’une revue, “De Raad” [= “Le Conseil”], qui paraissait affublé du slogan: “Gardez cette feuille, plus tard elle vaudra de l’argent”!

Le “Rapaille-Partij” fit force propagande et, rappelons-le aussi, les candidats ne furent pas en reste : Zuurbier maudissait dans ses colportages la démocratie, le suffrage universel et demandait à ceux qui l’écoutaient de voter pour lui, parce que, lui au moins, allait pouvoir bien utiliser l’argent de ses honoraires de conseiller. “Had-je-me-maar”, pour sa part, se fit photographier assis devant une table pleine de bouteilles et de verres vides, le cruchon de genièvre bien en évidence dans la main, chantant à pleine poitrine les chansons qu’il avait lui-même composées.

Wichman et ses amis voulaient démontrer que la démocratie conduisait à l’absurdité. L’entreprise était considérée comme une protestation bouffonne  —quasi dadaïste— mais elle  se mua en réalité bien tangible, dans la mesure où, après dépouillement des bulletins de vote, il s’avèra que 14.246 citoyens avaient voté pour les deux clochards, qui, du coup, étaient devenus des élus du peuple!

“Had-je-me-maar” posa immédiatement problème. L’hebdomadaire “Het Leven” avait mis une limousime à sa disposition après les élections. Il en profita pour se faire conduire en état d’ébriété dans toute la ville, ce qui ligua l’ensemble du collège municipal contre lui. Celui-ci décida de faire arrêter dès que possible le bambocheur, qui, à cause d’une condamnation précédente avait perdu son droit de vote. Motif: ivresse sur la voie publique. Wichman était au courant de ce projet et décida de fournir à l’ivrogne quelques gardes du corps, pour l’empêcher de faire sa tournée des bistrots. Ce dont il n’avait nulle envie. Notre fêtard roula donc ces gardes du corps dans la farine: “Had-je-me-maar” se plaignit d’avoir une soif terrible et amena sa garde prétorienne au bistrot pour s’envoyer un petit rafraichissement dans le gosier. La suite est facile à deviner : le soifard professionnel saoûla copieusement ses gardes, qui roulèrent sous les tables. Il en profita pour s’éclipser et visiter d’autres lieux. Il n’alla pas loin. La police l’arrêta et le força à signer une déclaration dans laquelle il renonçait à son poste de conseiller municipal.

Quant à Bertus Zuurbier, il s’intéressait surtout à l’argent qu’il pouvait tirer de son modeste poste et ne manquait jamais une séance du conseil. L’homme avait des talents déclamatoires avérés, mais il n’en fit pas souvent usage dans le cadre du conseil. D’après des témoins, sa seule intervention fut celle-ci: “Fermez la fenêtre car il y a un courant d’air”. Quand on lui reprocha  un jour son silence, il répondit que les temps étaient durs et qu’on ne devait pas exiger de lui de prononcer de longs discours pour les cinq florins de cachet qu’il touchait.

Le résultat final de toute cette aventure fut vraiment très minime. Les autorités votèrent une petite loi, à la vitesse éclair, destinée à empêcher ultérieurement que des initiatives dans le genre du “Rapaille-Partij” participent aux élections. Wichman, qui voulait en ultime instance autre chose qu’éveiller l’appétence des Amstellodamois pour le rire et la moquerie, était très déçu. Il partit pour l’Allemagne, où, selon certaines sources, il étudia la physique nucléaire à Munich. Il se rendit ensuite en Italie, où il fit connaissance avec le fascisme et noua vraisemblablement des contacts avec le futuriste Marinetti. Sans doute découvrit-il dans le fascisme ce qu’il cherchait depuis longtemps: “Je ne me suis pas trompé, c’était ce dont j’avais besoin: être plus proche des animaux et en même temps plus proche des dieux et, à travers tout cela, la florissante luxuriance d’un pays bien gouverné. Oui, l’ami, c’était là l’oeuvre de l’homme fort” (11).

Sa situation financière demeurait précaire. Pour y remédier, il accepta un modeste poste de traducteur au consulat des Pays-Bas à Milan. Il y rencontra le prêtre et moraliste néerlandais Wouter Lutkie (1887-1968), qui jouera plus tard un rôle de premier plan dans le mouvement fasciste néerlandais, que Wichman décrit comme suit : “Son oeil unique, largement écarquillé, nous regardait fixement. Il était vêtu d’une chemise de sport, d’un veston et d’un pantalon. Sa chemise était grande ouverte, dévoilant son torse nu. Le pantalon était large, avait la forme d’un entonnoir, comme ceux des marins; il marchait sur le bas de ses pantalons qui s’effilochaient. Il y avait une ouverture dans sa manche droite, par où passait un coude. Il avait l’air d’un vagabond”. (12).

Vers la moitié de l’année 1924, Wichman revient au pays natal, ses valises pleines à craquer de chianti, de macaroni, de spaghetti et de ravioli (13). Dans la revue “Katholieke Staatkunde” du Dr. Verviers venait de paraître un appel “aux hommes du Rapaille-Partij”. Wichman y répond par la voie d’une lettre ouverte, qu’on peut désormais “disposer de sa personne, de sa plume et de son pinceau et, s’il le faut, sans phrase, de ses poings et de sa vie” (14). Cette lettre, au ton résolument martial, montre qu’il est dévoré par le feu révolutionnaire et qu’il n’hésiterait pas à passer à l’acte terroriste: “Je ne ferai pas de dégâts pour moins de cinq millions : ce n’est pas  pour rien que je suis chimiste. Ils en auront une bonne avec moi! Et alors j’irai en prison pour bien bouffer à leurs frais!” (15).

Dans une collection de brochures bien connues à l’époque, intitulée “Pro en Contra” [= “Le Pour et le Contre”], Wichman fait paraître “Het fascisme in Nederland” [= “Le fascisme aux Pays-Bas”], où il polémique contre Henk Eikeboom, un ancien collaborateur du “Rapaille-Partij”: “Il n’y a plus de place en ce monde”, écrit-il, “pour l’aventure, l’imprévu, l’élasticité, la fantaisie et la ‘démonie”. Seule a droit au chapitre la raison la plus stupide. Dieu s’est mis à vivre tranquille” (16).

Il se fit ensuite membre du “Verbond van Actualisten”, une ligue que nous avons déjà citée ici, mais qui faisait de l’oeil au système démocratique et cultivait un pacifisme de principe, deux démarches qui lui déplaisaient. Pour répondre à ces lacunes, Wichman fonde alors le “Bond van Rebelsche Patriotten in een Ondergaand Volk” [= “Ligue des patriotes rebelles au sein d’un peuple en déclin”]. Dans une “lettre ouverte à S. M. Albert, Roi des Belges” [“Open brief aan Z. M. Albert, Koning der Belgen”], il remarque que les Pays-Bas pourraient parfaitement être annexés tout de suite à la Belgique, vu les réactions molles des Néerlandais vis-à-vis de certaines revendications territoriales belges. Cette lettre, empreinte d’ironie grinçante, a quasiment été le seul fait d’arme de ces “patriotes rebelles”. Wichman rédige ensuite un pamphlet anti-communiste, intitulé “Lenin stinkt” [= “Lénine pue”, ce qui signifie aussi “Lénine est corrompu”], qui critique surtout le culte de la personnalité qui s’est instauré autour du leader bolchevique. Cette critique est sans concession. Elle paraît à la fin de l’année 1924.

Apparemment, Wichman ne supportait plus, une fois de plus, sa patrie et, au début janvier 1926, on le retrouve à Paris, où il a failli crever de faim. Il passa le plus clair de son temps à étudier, dans les bibliothèques de la ville, les ouvrages qui traitaient de la vie des ascètes chrétiens et des saints mendiants, dans l’intention de rédiger un petit ouvrage, qu’il voulait d’abord intituler “De Kunst van het Armoedzaaien” [= “De l’art de répandre la pauvreté”]. Plus tard, il débaptise ce manuscrit et l’appelle “Verrekken – Een handleiding voor beginners en meer gevorderden” [= “Crever – Un vade-mecum pour débutants et pour ceux qui ont déjà fait des progrès”]. L’ouvrage est resté inachevé.

En 1927, il publie dans “De Vrije Bladen” [= “Feuilles libres”] un essai satirique très étonnant sur les habitudes de boire aux Pays-Bas. Titre de l’essai: “Het witte gevaar” [= “Le danger blanc”]. Nous avons affaire là à un écrit très peu conventionnel, où Wichman, qui, rappelons-le, est “un alcoolique de principe”, engage le combat contre les idéaux sociaux en faveur du lait et contre l’alcool, idéaux qui se manifestaient par des campagnes publicitaires dans tous les Pays-Bas, pour inciter les Néerlandais à boire du lait. Wichman: “Plus encore que pour l’absence de bouteille, ou s’il le faut, de carafe de vin rouge; plus que pour la présence de fleurs (Degas: “Les fleurs d’une table sont les bouteilles”), de la boîte ronde en fer blanc pleine de biscuits, du pot de confiture ou de sirop, du beurre de cacahuètes, de grains d’anis, de granulés, de pépites en chocolat et d’autres horreurs (brrr), la table d’un lunch hollandais est une chose si repoussante surtout à cause de ces récipiants blancs, en forme de quille renversée, faits de céramique, qui sont censés contenir un liquide trouble, une émulsion sale, oui sale, qui n’est rien d’autre qu’une sécretion de pis de vache (...). “Melk is goed voor elk” [= “le lait est bon pour chacun”, dit la publicité]. Cette phrase, qui ne compte que cinq petits mots contient:

◊1. Une faute de langue (grosse comme une vache),

◊2. Une manoeuvre , qui équivaut à un coassement, comme celle que tente le “Comité de défense contre la boisson” d’Amsterdam  —quelles vaches!—  [ndt: en français dans le texte] qui oeuvre en étroite coopération avec l’administration municipale pour tapisser nos voies publiques d’affiches telles “Niet drinken, niet schenken, een goede raad zou’k denken”, etc. [= “Ne trinque pas, ne verse pas, voilà le bon conseil, je crois”]. Mais tout cela n’est pas vrai, “bij de luier hoort de uier” (“pis et couche-culottes vont ensemble”), “zulke ezels praten voor kwezels” (“de tels ânes ne causent que pour les bigots”), “dat gekwek maakt iemand gek” (“ces coins-coins vous rendent fou”), je vais donc donner à ces messieurs une autre leçon: “cieder is goed voor ieder” (“le cidre est bon pour tous”), “wijn is goed voor de pijn” (“le vin est bon pour vos douleurs”), “rode is goed voor de noden” (“le gros rouge est bon pour vos misères”), “witte is goed voor de hitte” (“le blanc est bon pour la fièvre”), “oude is goed voor de  koude” (“le vieux [genièvre] est bon contre le froid”) et “jonge is goed voor de longen” (“le jeune [genièvre] est bon pour les poumons”], “bieren zijn goed voor de nieren” (“les bières sont bonnes pour les reins”), “jenever is goed voor de lever” (“le genièvre est bon pour le foie”), “klare is je ware” (“le genièvre pur [le schiedam] est digne de toi”)!” (17).

En décembre 1927, eut lieu, en Hollande, un événement qui déterminera le reste de la vie de Wichman, et accélèrera aussi sa fin. C’est en effet l’année où paraît le premier numéro de “De Bezem” (“Le Balai”), qui fut vraiment la première revue fasciste “pur sang” des Pays-Bas. Wichman y apporte immédiatement sa collaboration, ainsi qu’au petit parti qui se constitue en marge de la publication. Il y fait paraître des articles et des dessins satiriques, dirige les réunions où l’on boit sec d’impressionnantes quantités de genièvre, organise des exercices de tir, de combat au gourdin et aux poings nus, afin de transformer les membres en une version locale des squadri fascistes italiens. A ce moment-là, Wichman cesse de travailler comme artiste. Il devient un agitateur, en dépit de sa santé qui ne cesse de décliner. Lorsque la radio libre de gauche, VARA, annonce le 20 avril, jour des “petits princes” en Hollande, qu’il organisera une fête du 1 mai, Wichman se rend dans ses locaux, accompagné de son “écuyer” Couveld, qui sera son camarade dans toutes ses folies, et qui se fera remarquer plus tard en tirant en l’air un coup de pistolet dans le théâtre Carré, qui faisait, ce jour-là, salle comble. Sans faire trop de façons, Wichman escalade le podium, s’empare du microphone et crie “Vive la Princesse Juliana”. Ensuite il débranche l’émetteur VARA, en le renversant. Dans la bagarre qui s’ensuivit, il eut le bras droit déboîté.

Un mois plus tard, Wichman provoque une nouvelle fois tumulte et sensation. Des annexionnistes belges venaient par bateau en rade de Hansweert pour jeter de petits drapeaux belges dans les eaux du Wielingen [bras de l’estuaire de l’Escaut, ndt], acte symbolique censé réclamer l’annexion à la Belgique de la Flandre zéelandaise. Les autorités néerlandaises n’entreprenaient rien pour contrer ces actions. Wichman décide alors de se rendre sur place avec trois ou quatre de ses équipes du “Bezem”. La Maréchaussée néerlandaise avait barricadé le port, si bien que les “Bezemers” devaient rester derrière la digue. Les Belges ne pouvaient donc pas voir leurs adversaires, mais ceux-ci firent un tintamarre de tous les diables, faisaient claquer fièrement leurs étendards orange tandis que Wichman tirait à qui mieux mieux des coups de pistolet, qu’ils s’imaginèrent qu’une masse impressionnante de contre-manifestants néerlandais se massait derrière la digue. Ils préférèrent faire demi-tour!

Il est symbolique de constater que la mort de Wichman est due à un vieil ennemi de la nation néerlandaise, une ennemi qu’elle n’a jamais cessé de combattre. En décembre 1928, Wichman devait prononcer une conférence devant une corporation étudiante de l’université d’Utrecht. Il se rend sur place et constate que ces auditeurs sont tous partis à Breukelen, pour aider la population en détresse à cause d’une digue qui était sur le point de se rompre. Sans hésiter, Wichman se porte à son tour volontaire, se rend sur place et y travaille toute la nuit pour conjurer le danger. Il y attrapa une méchante fièvre et comme sa santé était précaire, son corps n’a pu y résister et il est mort, inopinément, le matin du Nouvel An 1929 d’une pneumonie, peu de temps après avoir levé un verre de vin en l’honneur de l’an neuf... Trois jours plus tard, ces amis le portent à “son premier et dernier lieu de repos” (18), avec, sur le cercueil, le drapeau des “Princes”.

◊ 4. Conclusion:

L’itinéraire d’Erich Wichman est un exemple d’école pour nous dire comment il NE faut PAS faire de politique! Il était un individualiste accompli et donc incapable d’oeuvrer sérieusement en politique, pour quelqu’idéologie que ce soit. Nous avons déjà posé la question, mais indirectement: dans quelle mesure Wichman peut-il être considéré comme un “fasciste”? Il était depuis longtemps un “anti-démocrate”, avant qu’il ne devienne “fasciste”. Au lieu de lui coller l’étiquette, devenue infâmante, de “fasciste”, il conviendrait plutôt de le baptiser “anarcho-nationaliste” ou de l’étiqueter d’une façon différente mais similaire. Wichman était d’inspiration “grande-néerlandaise”. Il entretenait des contacts avec ce nationaliste flamand emblématique que fut le Dr. August Borms, ainsi qu’avec le poète expressioniste flamand, engagé dans le camp nationaliste, Wies Moens. Cees de Doodt remarqua un jour que le fascisme disparaissait de la scène aux Pays-Bas, chaque fois que Wichman partait à l’étranger. Cees de Doodt rend ainsi honneur, en quelque sorte, à cet homme inclassable, qui ne cessait de lutter contre tout. Bien que le NSB, plus tard, voulut revendiquer pour lui la mémoire de Wichman, nous pouvons poser la question: cet homme se serait-il senti à l’aise dans ses rangs? Car, au bout du compte, on peut dire qu’il ne se sentait nulle part chez lui...

Frank GOOVAERTS.

(Texte inédit de Frank Goovaerts, collaborateur de la revue nationaliste flamande “Dietsland-Europa”, assassiné par un voyou en septembre 1990. Sur cette figure poignante et fascinante du mouvement flamand, disparue trop tôt, lire “Adieu à Frank Goovaerts”, in “Vouloir”, n°73/75, printemps 1991).

mardi, 16 octobre 2007

Sur G. Grass et l'affaire G. Grass

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Sur Günther Grass et l' "Affaire Günther Grass"

16 octobre 1927: Naissance à Danzig de l’écrivain allemand Günther Grass. Il devra sa célébrité à un roman, qui inspirera un film, à connotations anti-nazies, le « Crabe tambour ». Grass deviendra une sorte de conscience morale (autoproclamée) dans l’Allemagne d’après 1945.

L’écrivain sera sans cesse sur la brèche pour dénoncer des résurgences réelles ou imaginaires du mouvement bien défunt d’Adolphe Hitler. Il s’est taillé ainsi une réputation solide de moraliste insoupçonnable. Coup de théâtre à la fin de l’été 2006 : ce moraliste, si prompt à dénoncer la moindre parcelle ou particule de proto- ou de paléo-nazisme en puissance ou en acte, a été engagé dans une unité de Waffen SS, dans les derniers mois de la seconde guerre mondiale. Le scandale, soixante ans après les faits, a été planétaire.

L’historien Joachim Fest, qui avait servi de conseiller scientifique pour le film « La Chute », racontant les derniers jours du nazisme dans le bunker de Berlin en avril 1945, avait clairement manifesté son agacement face à cette nouvelle fabrication « ritournellique » de scandales à la sauce nazie. Notamment dans un article du Spiegel, quelques jours avant de décéder, Fest avait expliqué que les jeunes s’engageaient dans les rangs de la Waffen SS, sans réfléchir outre mesure, et que cet engagement, autre ritournelle de l’époque, n’impliquait nullement une adhésion idéologique au nazisme. A notre sens sa réponse était moins satisfaisante que celle que fit naguère, il y a une dizaine d’années, l’écrivain et germaniste Dieter Wellershoff en rédigeant et publiant ses mémoires.

Celui-ci explique le dilemme qui se posait aux jeunes de plus de 17 ans qui terminaient leurs études secondaires dans les « Gymnasia » allemands. Ou bien ils rejoignaient les rangs de la Wehrmacht, démonétisée depuis le putsch de juillet 1944, et subissaient seulement deux mois d’entraînement avant d’être envoyés au front. Ou bien ils rejoignaient les rangs de la Waffen SS, survalorisée après le putsch des officiers traditionalistes et aristocrates, et subissaient six mois d’entraînement, véritable assurance-vie à la fin du conflit. Dans le cas du jeune Wellershoff, dont la famille, comme celle de Fest, était conservatrice et anti-nazie, le subterfuge à la Waffen SS a été de servir dans la division « Hermann Goering » de la Luftwaffe, qui garantissait également six mois d’instruction et un service en Hollande, protégée par les canaux et les fleuves après le désastre allié d’Arnhem en automne 1944.

L’objectif de Himmler et de Goering, qui ne croyaient plus à la victoire finale du Reich, était de sauver un maximum de jeunes vies pour reconstruire l’Allemagne après le conflit. Servir dans la Waffen SS, après juillet 1944, n’était donc nullement la preuve d’un engagement fanatique au service du régime national socialiste, mais une manière d’échapper à l’ordalie du peuple allemand.

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dimanche, 14 octobre 2007

Th. Mann : un apolitique contre l'esprit occidental

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Thomas Mann: un apolitique contre l'esprit occidental

Peter Rosenow

Il y a plus de 75 ans, pendant l'automne de 1918, alors que les soldats allemands commencent à battre en retraite sur le front occidental, les intellectuels allemands lancent une dernière offensive, non militaire mais littéraire. Tandis que les troupes de l'Entente se rapprochent des frontières du Reich et qu'éclate là-bas la ³Grève générale de l'armée vaincue², plus connue sous le nom de ³Révolution de Novembre², un écrivain allemand attaque littéralement au corps à corps la notion occidentale de ³démocratie mondiale² et défend bec et ongles la dignité de l'Obrigkeitsstaat allemand. Son nom? Thomas Mann (1875-1955), le célèbre auteur des Buddenbrooks, un bourgeois cultivé, de tradition libérale et éclairée, pour qui la défense et le maintien de la culture doit être l'objectif du politique.

Ses Considérations d'un apolitique   ont été la réaction à un choc culturel, ressenti par d'autres intellectuels allemands, lorsque l'Allemagne en 1914 est non seulement encerclée par des armées ennemies, mais est aussi victime d'une campagne planétaire de diffamation, ³comme s'il lui pleuvait de la m... dessus². Ensuite, ces Considérations  étaient le produit d'une querelle philosophique qui l'opposait à son frère Heinrich, un ³littérateur de civilisation² francophile, qui couvrait l'Empire allemand de ses sarcasmes.

Après avoir publié quelques travaux préparatoires, comme Gedanken im Kriege (= Pensées de guerre), Friedrich und die große Koalition  (= Frédéric et la Grande Coalition), Briefe an die Zeitung ³Svenska Dagebladet²  (= Lettres au journal ³Svenska Dagebladet²), Gedanken zum Kriege  (= Pensées sur la guerre), Thomas Mann, ³en guerre au service des idées depuis plus de deux ans², frappe un grand coup pour ³soutenir l'héroïsme des soldats allemands par des arguments intellectuels et des formules efficaces². L'écrivain, qui avait été réformé et en avait gardé mauvaise conscience, estimait que ses écrits étaient des contributions à la mobilisation intellectuelle et constituaient une montée au front symbolique. La virulence de la polémique littéraire avec son frère Heinrich et quelques écrivains des puissances de l'Entente lui a fait deviner l'horreur de la bataille de matériel: "Me voilà au milieu d'une pluie de terre sale, d'une grêle de fer, de la fumée asphyxiante et jaunâtre d'une bombe au gaz". Pourtant, Thomas Mann était tout simplement dans ses papiers, et non dans les ³orages d'acier².

Mais l'³effet² qu'eut cet essai volumineux de plus de 600 pages, paru peu avant la fin de la guerre, sur toute une génération fut tel, qu'Armin Mohler a compté le Thomas Mann des Considérations... comme l'une des figures de proue de la ³Révolution Conservatrice². Pour en comprendre toute la portée, nous devons quelque peu ³oublier² ce ³maître² qu'il est devenu plus tard, ce ³maître² qui se taillait un costume de ³libéral éclairé². Examinons ses premières idées, celles d'un ³apolitique².

Pour Thomas Mann, comme pour la plupart des écrivains allemands de sa génération, c'est-à-dire ceux qui ont commencé leur carrière vers 1900, cette guerre est davantage que la collision entre les égoïsmes concurrents des grandes puissances; elle est bien plutôt une ³nouvelle irruption... de ce très vieux combat allemand contre l'esprit occidental². Cette guerre actualise dès lors une vieille opposition inscrite dans l'histoire: l'opposition vitale entre la Kultur et la Zivilisation, soit l'opposition entre l'Allemagne et le monde occidental, anglo-français.

En s'appuyant sur Dostoïevski, Thomas Mann décrit l'esprit occidental comme un avatar de l'³idée universelle romaine d'unifier l'humanité toute entière². Le catholicisme, dans cette optique, aurait conservé la ³tradition politique impériale [romaine]² et la révolution française n'aurait été qu'un changement de forme, si bien que la ³colonisation de l'écoumène habité² par l'impérialisme de la civilisation n'aurait été que ³la dernière forme de l'idée unificatrice romaine². La lutte contre l'Entente, alliance mondiale, a connu ses prémices dans le combat livré par Arminius contre Rome, dans la longue opposition des Empereurs germaniques à la Papauté, dans les mouvements de libération nationale de 1813 contre Napoléon et dans le processus d'unification de l'Allemagne qui aboutit en 1870, pendant la guerre contre la France.

L'esprit germanique est un esprit de protestation contre les ³idées de l'Ouest, contre les Lumières qui sont une pensée dissolvante et contre la civilisation qui détruit les ressorts naturels des peuples². La lutte engagée par l'Allemagne contre l'Entente est une lutte au corps à corps contre le ³libéralisme mondialiste², est un acte de résistance ³contre la décomposition, par le rationalisme, des cultures nationales² et contre leur nivellement ³en vue de former une civilisation homogène². Si cette ³planète espérantiste et pacifiée²   ‹ce que l'on appelle aujourd'hui le ³One World²‹  se réalise un jour, nous sombrerons dans un ennui mortel: "Des autobus volants hurleraient au-dessus d'une humanité vêtue de blanc, adoratrice bigote de la raison, unifiée après la mort de tous les Etats, unilingue, arrivée par la technique au dernier stade de souveraineté, télévisualisant tout par des procédés électriques (!)".

Au conflit politique opposant l'Entente à l'Allemagne, correspond le conflit spirituel entre une civilisation qui entend se globaliser et une pluralité de cultures qui entendent conserver leurs ancrages nationaux, lesquelles se sentent menacés dans leur spécificité par la dynamique égalisante, éradiquante et niveleuse de cette civilisation de flux et de vagabondages. A la base de la dynamique de la civilisation, nous avons un cocktail idéologique mêlant l'eudémonisme social au désir de s'assurer un confort personnel par le biais de toutes sortes d'artifices techniques. Si cette dynamique de civilisation est facilement définissable, en revanche, qu'est-ce qu'une ³culture², aux yeux de Mann?

D'après Nietzsche, la culture est ³avant tout l'unité de style esthétique, plastique et artistique dans toutes les expressions vitales d'un peuple². Thomas Mann reprend cette définition à son compte et explicite la culture comme l'expression d'une ³unité compacte, d'un style, d'une forme, d'une attitude mentale, d'un goût²; ensuite, explique-t-il, la culture ³reflète une certaine organisation du monde par l'esprit². Comme chez Nietzsche, où cette idée était implicite, la culture, pour Thomas Mann, n'est pensable qu'en termes de différAnce, c'est-à-dire qu'elle n'est pensable que sous une multiplicité de modalités sans cesse en devenir. A ce propos il écrit: "L'instance porteuse de l'universel, c'est-à-dire de l'humain en général, n'est pas l'³humanité² en tant qu'addition d'individus, mais la nation; et la valeur de ce produit national, ancrée dans le spirituel, l'esthétique, le religieux, non captable par des méthodes scientifiques mais se déployant sans cesse au départ des profondeurs organiques de la vie nationale, c'est ce que l'on appelle la culture nationale. Dans ces profondeurs résident la valeur intrinsèque, la dignité, l'attrait et la séduction de toutes les cultures nationales. La valeur d'une culture se situe précisément dans ce qui la différencie des autres, car c'est justement cette différence, cette différenciation permanente qui fait que la culture est culture, est originalité, se démarque de ce qui est commun, simplement commun, à toutes les nations et n'est par là même que simple civilisation".

Dans les langues anglaise et française, ³culture² et ³civilisation² sont synonymes. En Allemagne, l'usage différent et différenciant de ces concepts signale un contraste, que l'on repére depuis Kant et que les tenants des diverses formes de conservatisme ont instrumentalisé dans leurs critiques de la société moderne. La tension que ces divers conservatismes perçoivent entre culture et civilisation est différemment appréciée et jugée par les uns et par les autres. Chez Thomas Mann, l'opposition culture/civilisation est un conflit éternel, incontournable et récurrent, tandis qu'Oswald Spengler, dans son Déclin de l'Occident, paru à peu près au même moment que les Considérations..., estime que la civilisation prend logiquement le relais de la culture. Pour Spengler, effectivement, la culture obéit à des réflexes organiques et vivants, alors que la civilisation obéit à des ressorts abstraits, construits, mécaniques et techniques, mais toute culture finit par sombrer dans un stade de civilisation, ce qui la conduit au déclin, voire à la disparition.

Pour Spengler, c'est une fatalité historique qui conduit au déclin de la culture au profit de la civilisation; pour Mann, ce sont des circonstances actuelles qui menacent la culture allemande; le déclin, apporté par la civilisation, menace la ³culture bourgeoise essentiellement apolitique² de l'Allemagne en imposant une politisation croissante de tous les domaines de l'existence ainsi qu'une démocratisation progressive de la vie publique; hyper-politisation et démocratisation sont pour Mann de quasi synonymes car la ³politique est la participation à l'Etat, est zèle et passion du plus grand nombre pour l'Etat². Pour Mann, un tel engagement n'est pas souhaitable car la vocation de l'homme n'est nullement de s'épuiser complètement dans la politique et dans le social. La culture et la Bildung   allemandes, justement, mettent plutôt l'accent sur la religion, la philosophie, les arts, la poésie et la science. Thomas Mann adhère à un principe qu'avait énoncé le jeune Nietzsche: "Les Etats où d'autres que les politiciens doivent s'impliquer dans la politique sont mal agencés et méritent de périr de ce trop-plein de politiciens".

Cet hypertrophie du rôle des politiciens est typique des démocraties occidentales, surtout de la France de la Troisième République, si chère à Heinrich Mann, le frère francophile qui suscite la polémique; aux yeux de Thomas Mann, cette Troisième République est victime ³de la concurrence éc¦urante entre les cliques, du déclin de la moralité politique, du grouillement épais de la corruption et des scandales². Dans un tel système, il n'y a pas d'autre principe que ³malheur au vaincu, qu'il paie!² et ceux qui ont du bagoût et savent jouer des coudes tentent leur chance pour aller s'abreuver dans l'auge de la politique. Ces messieurs n'ont nul besoin de trimbaler un bagage culturel ni d'être des héritiers obligés. Au lieu de s'efforcer d'introduire en Allemagne le sordide commerce des parlementaires, des politiciens et des partis, ³qui empesteront toute la vie nationale avec leurs politicailleries², on ferait mieux, pensait Mann, de conserver le maximum de l'Obrigkeitsstaat  monarchique, parce que celui-ci garantit au moins un ³gouvernement indépendant², davantage capable de protéger les ³intérêts de tous² et de ³soustraire l'administration au désordre des querelles créées par les partis².

Déjà dans ses Gedanken im Kriege, Thomas Mann avait défendu avec acharnement la monarchie constitutionnelle allemande contre ses critiques de l'intérieur et de l'étranger; il avait défendu le point de vue ³que l'Allemagne avec sa jeune et forte organisation, avec son système d'assurance sociale pour les ouvriers au chômage, avec la modernité de toutes ses institutions sociales, était en fait un Etat bien plus avancé² que la République bourgeoise française, ³malpropre et ploutocratique².

Bien sûr, toute cette polémique contre l'Occident en général et contre la France en particulier n'était par très originale. Mais Thomas Mann ne visait pas l'originalité. Au contraire: il se réfère sans cesse à Schopenhauer, à Wagner, à Nietzsche et à Paul de Lagarde, qu'il cite abondamment, lorsqu'il évoque ³la falsification de la germanité par l'importation d'institutions politiques totalement étrangères et non naturelles². Cette ³avancée brutale de la démocratie², mise en branle par le libéralisme du XIXième siècle, apparaît à Thomas Mann définitivement victorieuse, inéxorable.

Thomas Mann admet cependant la nécessité et la légitimité d'une démocratisation bien dosée des institutions de l'Etat, car il faut tirer les conclusions irréfragables de tous les changements qui sont intervenus en économie et en politique internationale. Il souhaite la réalisation d'un ³Volksstaat² taillé à la mesure du peuple allemand, au lieu de l'importation d'une ³mauvaise et déficiente démocratie² de modèle occidental. La solution optimale aux yeux de Mann, serait de forger une nouvelle mouture de ³l'alliance entre la monarchie et le césarisme², selon le modèle bismarckien. En effet, l'ère bismarckienne a imposé en Allemagne le régime politique qui lui convenait le mieux et a rendu le peuple heureux et prospère. Quant à la démocratie, elle est depuis toujours l'³humus sur lequel croît le césarisme²; puisse-t-elle dès lors, par l'action d'³un grand homme de trempe germanique², recevoir un ³visage acceptable². Parce qu'il n'y a plus un Bismarck et parce qu'on en attend un second, ³il faut faire du Maréchal Hindenburg le Chancelier du Reich², car il est ³une figure de fidélité immense de réalisme et de sobriété². Thomas Mann déclare dans les Considérations...  qu'il ne s'opposerait pas à un tel régime fondé sur l'épée.

Pour le Thomas Mann des Considérations...,   il s'agit de contrer ³l'invasion intellectuelle et politique de l'Entente², après l'³invasion militaire². Il craint un ³changement structurel dans l'âme allemande, une transformation de fond en comble du caractère national germanique². Depuis ces réflexions, une autre guerre mondiale, menée par l'Occident, a terrassé l'Allemagne; l'occidentalisation politique y a progressé de façon plus fondamentale encore. Mais cette deuxième occidentalisation a reçu le plein aval d'un Thomas Mann, exilé sous le nazisme en Californie. Mais cela c'est une autre histoire...

Dans cet article, j'ai voulu mettre l'accent sur son conservatisme d'inspiration nationaliste, qu'il a résumé lui-même: "Etre ³conservateur², c'est vouloir maintenir la germanité de l'Allemagne".

(article extrait de Junge Freiheit,   n°40/1994).
 

[Synergies Européennes, Junge Freiheit (Berlin) / Vouloir (Bruxelles), Octobre, 1996]

samedi, 13 octobre 2007

Une biographie de Carl Schmitt

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Une biographie de Carl Schmitt

Robert Steuckers

Analyse: Paul NOACK, Carl Schmitt. Eine Biographie, Ullstein/Propyläen, Berlin, 1993, 360 p., ISBN 3-549-05260-X.

Si les exégèses de l'¦uvre de Carl Schmitt sont fort nombreuses à travers le monde depuis quelques années, si les interprétations de sa notion de ³décision² ou de sa ³théologie politique² se succèdent à un rythme ahurissant, personne ne s'était encore attelé à écrire une biographie personnelle du prince des politologues européens. Paul Noack (*1925), germaniste, romaniste et historien, ancien rédacteur des rubriques politiques de la Frankfurter Allgemeine Zeitung  et du Münchener Merkur, actuellement professeur d'université à Munich, vient de combler cette lacune, en suivant chronologiquement l'évolution de Schmitt, en révélant sa vie de famille, en évoquant ses souvenirs personnels, consignés dans des journaux, des lettres et des entretiens inédits, et en replaçant l'émergence des principaux concepts politologiques dans le vécu même, dans l'existentialité intime, de l'auteur. Noack sait qu'il est difficile de périodiser une existence, a fortiori quand elle s'étend presque sur tout un siècle, entrecoupé de guerres, de bouleversements, de violences et d'effondrements. Mais dès le départ, toutes les tranches de la première moitié de la longue vie de Schmitt sont marquées par des coupures: l'enfance (1888-1890) par l'arrachement à la patrie de ses ancêtres, l'Eifel mosellan profondément catholique, et l'exil en Sauerland; l'adolescence (1900-1907), elle, est imprégnée d'une éducation humaniste dans une ambiance cléricale édulcorée, qui a abandonné cette ³totalité² mobilisatrice et exigeante, propre du catholicisme intransigeant; la jeunesse (1907-1918) de Schmitt baigne, quant à elle, dans une Grande Prusse dés-hégélianisée, de facture wilhelmienne, où l'engouement philosophique dominant va au néo-kantisme; le premier âge adulte (1919-1932) se déploie dans une germanité dé-prussianisée, où règne la démocratie parlementaire de Weimar contestée par les divers mouvements nationaux et par la gauche musclée.

Bref, cette périodisation claire, qu'a choisie Noack, indique que les bouleversements, les abandons, les relâchements se succèdent pour aboutir au chaos des dernières années de la République de Weimar et du grand ³Crash² de 1929. Cette effervescence, de la Belle Epoque au Berlin glauque où s'épanouisent au grand jour toutes les perversités, est peut-être féconde sur le plan des ruptures, des idées, des modes, des variétés, des innovations artistiques, des audaces théâtrales: elle plaît assurément aux Romantiques de tous poils qui aiment les originalités et les transgressions. Mais Schmitt reproche aux Romantiques, ceux de la première vague comme leurs héritiers à son époque, de s'engouer temporairement pour telle ou telle beauté ou telle ou telle originalité: ils sont ³occasionalistes², ³irresponsables², incapables de développer, affirmer et approfondir des constantes politiques ou conceptuelles. Toute pensée fondée sur le goût ou le plaisir lui est étrangère: il lui faut de la clarté et de l'efficacité. Sa conviction est faite, il n'y changera jamais un iota: le ³moi² n'est pas, ne peut pas être, un objet du penser. Celui qui hisse le ³moi² au rang d'objet du penser, participe à la dissolution du monde réel. Ne sont réels et dignes de l'attention du penseur que les hommes qui s'imbriquent dans une histoire, s'en déclarent les héritiers et sont porteurs d'une attitude immuable, éternelle, qui incarnent des constances, sans lesquelles le monde et la cité tombent littéralement en quenouille.

Cette option, constate Noack, est le meilleur antidote contre le nihilisme et le désespoir. Pour y échapper, l'homme Schmitt entend ne pas être autre chose que lui-même et ses circonstances, notamment un Catholique impérial et rhénan, comme l'ont été ses ancêtres. C'est dans ces circonstances-là que Schmitt s'imbrique pour ne pas être emporté par le flot des modes de la Belle Epoque ou du Berlin décadant des années 20. La politique, dès lors, doit être servie par une philosophie du droit fondée sur des concepts durs, impassables, éprouvés par les siècles, comme l'ont été ceux de la théologie jadis. Les concepts politiques qu'il s'agit d'élaborer pour sortir de l'ornière doivent être résolument calqués sur ceux de la théologie, s'ils n'en sont pas des reflets résiduaires, inconscients ou non. Schmitt, au seuil de sa maturité, demeure quelque peu en marge de la ³révolution conservatrice², dont l'objectif majeur, dans le sillage de Moeller van den Bruck et des autres nationalistes de tradition prusso-protestante, était d'approfondir les fondements de l'³idéologie allemande², née dans le sillage du romantisme et de la guerre de libération anti-napoléonienne. Cette ³idéologie allemande² véhicule, aux yeux de Schmitt, trop de linéaments de ce romantisme et de cet occasionalisme qu'il abomine. Ses références seront dès lors romanes et non pas germaniques, plus exactement franco-espagnoles: Donoso Cortès, de Bonald, de Maistre. C'est dans leurs ¦uvres que l'on trouve les matériaux les plus solides pour critiquer et déconstruire la modernité, pour jeter bas les institutions boîteuses et délétères qu'elle a générées, reponsables des bouleversements et des arrachements que Schmitt a toujours ressenti dans son propre vécu, quasiment depuis sa naissance. Ces institutions libérales, insuffisantes selon Schmitt, sont défendues avec brio, à la même époque, par Hans Kelsen et son école positiviste. Schmitt juge ce libéral-positivisme d'une manière aussi pertinente que lapidaire: "Kelsen résout le problème du concept de souveraineté en le niant. La conclusion de ses déductions est la suivante: le concept de souveraineté doit être radicalement refoulé". S'il n'y a plus de souveraineté, il n'y a plus de souverain, c'est-à-dire plus de pouvoir personnalisé par des hommes charnellement imbriqués dans une continuité historique précise. par le truchement de ce positivisme froid, le pouvoir devient abstrait, incontrôlable, incontestable. Son épine dorsale n'est plus une forme héritée du passé, comme la forme catholique pour laquelle opte Schmitt. Sans épine dorsale, le pouvoir chavire dans l'³informalité²: il n'a plus de conteneur, il s'éparpille. Dans ce contexte, quelle est la volonté de Schmitt? Forger un nouveau conteneur, créer de nouvelles formes, restaurer ou re-susciter les formes anciennes qui ont brillé par leur rigueur et leur souplesse, par leur solidité et leur adaptabilité.

Quand paraît le ³concept du politique² en 1927, il est aussitôt lu par un autre maître des formes et des attitudes, Ernst Jünger, tout aussi conscient que Schmitt de la liquéfaction des formes anciennes et de la nécessité d'en restaurer ou, mieux, d'en forger de nouvelles. Enthousiasmé, Ernst Jünger écrit une lettre à Schmitt le 14 octobre 1930, qui sera l'amorce d'une indéfectible amitié personnelle. Pour Jünger, l'homme des ³orages d'acier² de 1914-1918, la démonstration de Schmitt dans le "concept du politique² est une ³évidence immédiate² qui ³rend toute prise de position superflue² et balaie ³tous les bavardages creux qui emplissent l'Europe². "Cher Professeur", ajoute Jünger, "vous avez réussi à découvrir une technique de guerre particulière: la mine qui explose sans bruit". "Pour ce qui me concerne, je me sens vraiment plus fort après avoir ingurgité ce repas substantiel". Les deux hommes étaient pourtant fort différents: d'une part le guerrier décoré de l'Ordre Pour le Mérite; de l'autre, un pur intellectuel qui n'avait jamais livré d'autres batailles que dans les livres. Jünger essaiera avec un indéniable succès d'introduire la clairvoyance de Schmitt dans les cercles néo-nationalistes, notamment les revues Die Tat, de Hans Zehrer et Erich Fried, et Deutsches Volkstum  de Wilhelm Stapel. La participation des deux hommes aux activités littéraires, philosophiques et journalistiques de la ³Konservative Revolution² n'efface par leurs différences: Armin Mohler, nous rappelle Paul Noack, écrit très justement qu'ils sont demeurés chacun dans leur propre monde, qu'ils ont continué à chasser chacun dans leur propre forêt. Césure qui s'est bien visibilisée à l'époque du national-socialisme: retrait hautain et aristocratique de l'ancien combattant, engagement sans résultat du jursite.

Mais, souligne Paul Noack, une grande figure de la gauche, en l'occurrence Walter Benjamin, écrivit aussi à Schmitt en 1930, quelques semaines après le ³néo-nationaliste² Jünger, exactement le 9 décembre. Benjamin envoyait ses respects et son nouveau livre au juriste catholique et conservateur, admirateur de Mussolini! Il soulignait dans sa lettre des similitudes dans leur approche commune du phénomène du pouvoir. Cette approche est interdisciplinaire et c'est l'interdisciplinarité qui doit, aux yeux du Benjamin lecteur de Schmitt, transcender certains clivages et rapprocher les hommes de haute culture. Effectivement, l'interdisciplinarité permet seule de pratiquer un véritable ³gramscisme², non un ³gramscisme de droite² ou un ³gramscisme de gauche², mais un gramscisme anti-établissement, anti-installations. Paul Noack écrit: "[Schmitt et Benjamin] sont tous deux adversaires de la pensée en compromis. Benjamin disait que tout compromis est corruption. Tous deux sont aussi adversaires du parlementarisme, du libéralisme politique et du système politique qui en procède. Tous deux pensent que ce n'est que dans l'état d'exception de l'esprit d'une époque se dévoile véritablement; tous deux manifestent une tendance pour l'absolu et la théologie". Et de citer Rumpf: "Benjamin et Schmitt se rencontrent dans leur rejet et leur mépris d'une bourgeoisie qui s'encroûte dans ce culte générateur du Moi". Ce rapport entre Schmitt et l'un des plus éminents représentants de la ³Nouvelle Gauche², voire de l'³Ecole de Francfort², permet d'accréditer la thèse longtemps contestée d'Ellen Kennedy, spécialiste américaine de l'¦uvre de Schmitt, qui a toujours affirmé que ce dernier a bel et bien influencé en profondeur cette fameuse ³Ecole de Francfort² en dépit de ce que veulent bien avouer ses tristes légataires contemporains.

Avec l'avènement du national-socialisme, les positions vont se radicaliser. L'effondrement de la République de Weimar laisse un vide: Schmitt croit pouvoir instrumentaliser le nouveau régime, sans assises intellectuelles, s'en servir comme d'un Cheval de Troie pour introduire ses idées dans les hautes sphères de l'Etat. Ses anciennes accointances avec le Général von Schleicher, liquidé lors de la ³nuit des longs couteaux² en juin 1934, la nationalité serbe de son épouse Duchka Todorovitch (les services secrets se méfiaient de tous les Serbes, accusés de fomenter des guerres depuis l'attentat de Sarajevo) et son catholicisme affiché (son ³papisme² disaient les fonctionnaires du ³Bureau Rosenberg²): autant de ³tares² qui vont freiner son ascension et même précipiter sa chute. Schmitt laisse des textes compromettants, qui le marqueront comme autant de stigmates, mais échoue face à ses adversaires dans les rangs du nouveau parti au pouvoir. Pire, à cause de son zèle intempestif, il traîne parfois aussi une réputation de naïf ou, plus grave encore, d'opportuniste sans scrupule qui souhaite toujours et partout être le ³Kronjurist², le ³juriste principal². Plus tard, en 1972, dans un interview à la radio, Schmitt a avoué avoir agi sous l'impulsion d'un bon vieil adage français: "On s'engage et puis on voit". Paul Noack croit déceler dans cette attitude collaborante une certitude de type hégélien: Schmitt, l'homme des livres, l'homme de culture, était persuadé, est demeuré persuadé, qu'au bout du compte, l'esprit finit toujours par triompher de la médiocrité. Le national-socialisme, pour ce catholique de Prusse, pour ce catholique frotté à une idéologie d'Etat de facture hégélienne, était une de ces médiocrités propre de l'homme pécheur, de l'homme imparfait: elle devait forcément succomber devant la lumière divine de l'esprit. Erreur fatale et contradiction étonnante chez ce pessimiste qui n'a jamais cru en la bonté naturelle de l'homme, commente Noack.

[Synergies Européennes, Vouloir, Mars, 1995] 

vendredi, 05 octobre 2007

K.Hamsun: l'irremovibile forza

Knut Hamsun, il poeta dell’irremovibile forza
 

di Roberto Alfatti Appetiti - 21/09/2007



Quando il 26 maggio del 1945 venne arrestato, con l’accusa infamante di tradimento nei confronti del proprio paese, Knut Hamsun aveva ottantacinque anni ed era uno dei più famosi scrittori norvegesi, senza dubbio il maggiormente amato ed il più rappresentativo dell’intera letteratura nordeuropea contemporanea.
L’intera vicenda della sua vita fu frutto di una serie di equivoci, a cominciare dal suo stesso nome, Knut Pedersen, che, come vuole una delle leggende che lo riguardano, a causa di un errore di stampa nella firma apposta in calce ad un articolo giornalistico, venne modificato in Knut Hamsun, da Hamsund, suo luogo d’origine.
I suoi antichi sentimenti filotedeschi (che lo avevano visto schierato con la Germania già nella prima guerra mondiale) e anglofobi («un giorno la Germania castigherà l’Inghilterra a morte, perché è una necessità della natura»), erano largamente condivisi da molti conterranei. La Norvegia era infatti un paese giovane e, come tale, animato da un diffuso nazionalismo (l’autonomia politica dalla Danimarca risaliva soltanto al 1814). Altrettanto forte era l’influenza che il romanticismo tedesco esercitava sulla letteratura europea. Non c’è da sorprendersi, pertanto, se Hamsun guardò con fiducia ad una politica di dialogo (non sempre facile) con la Germania nazista e individuò in Vidkun Quisling, il leader populista che si proponeva di portare la Norvegia all’interno di una grande confederazione germanica, e nel Nasjonal Samling, i suoi interlocutori naturali.
Sarebbe però erroneo e superficiale definire Hamsun, come è stato fatto, tout court uno scrittore fascista. E’ più corretto dire che, come altri intellettuali della sua epoca, è stato “tentato” dal fascismo. O, meglio, che il suo fascismo «non è stato un fenomeno semplicemente politico. Sul piano politico, essi non sono interamente fascisti. […] Il loro fascismo è esistito soprattutto nella loro fantasia di artisti».
Ad affermare questa tesi è stato un professore finlandese, Tarmo Kunnas, che, su tale argomento, ha scritto un bellissimo libro, La tentazione fascista (Akropolis 1981), nel quale approfondisce con scrupolosa serietà le idee di quegli scrittori come Knut Hamsun, Ezra Pound, Pierre Drieu La Rochelle, Louis Ferdinand Céline, Ernst Jünger, Gottfried Benn, Robert Brasillach e Alphonse de Châteaubriant, che guardarono con simpatia alla nascita dei fascismi europei.
Nell’opera, definita da Renzo De Felice «il più bel libro scritto su quel tema difficile e irto di trabocchetti che è il discorso sull’ideologia fascista», sostiene che è stato «l’antidemocraticismo» dei movimenti fascisti ad attrarli, pur nella diversità dei singoli approcci e nelle differenti sensibilità culturali. L’avversione alla democrazia non significa necessariamente, però, condivisione del classismo borghese o del corporativismo fascista. Al contrario «lo spirito antidemocratico di questi intellettuali non esclude comunque una simpatia per il popolo minuto, per la gente più umile».
L’adesione al fascismo di questi artisti non è dettata da contingenze ed opportunità, meno che mai da utilità personali, considerando il prezzo che ognuno di loro ha pagato alla storia scritta dai vincitori. Nella politica credono di trovare lo strumento per affermare un’etica, una concezione del mondo e della vita prefascista, diversa rispetto a quella moderna.
«L’opera letteraria di Hamsun», spiega Kunnas, «riflette una specie di ideale patriarcale della società. Le diverse classi sociali non sono ostili l’una all’altra, sono piuttosto le ideologie del XIX secolo a far nascere una tensione sociale». «Non è forse un fatto che molto, molto tempo fa, gli uomini erano più felici di esistere di adesso?», si domanda lo stesso Hamsun.
La ricerca di Kunnas si pone e pone al lettore una questione: «potevano uomini educati ad una concezione tragica ed eroica dell’esistenza, toccati dal relativismo morale nietzscheano, in rivolta contro lo spirito borghese del tempo, sottrarsi al fascino epocale di quel progetto di trasgressione dei valori meramente sociali e secolari che prometteva, nello sforzo colossale e solenne di una nazionalizzazione delle masse, cattedrali di luce e imperi per un nuovo millennio?».
Con particolare riferimento a Hamsun, ricorda, a chi sostiene che la veneranda età dello scrittore norvegese abbia, per così dire, inciso nelle sue scelte (quasi si trattasse di una patologia o fossero state determinate da un capriccio senile), che lo scrittore «già da giovane era furiosamente antidemocratico. Nel 1893 criticava severamente la democrazia americana, che rappresentava secondo lui la mediocrità e una cultura massificata. Egli pensava che un processo di democratizzazione formasse un vero e proprio pericolo per la cultura europea. Il giovane Hamsun non si entusiasma per la libertà democratica, perché a suo giudizio essa non è che una libertà astratta per la massa, e non una libertà concreta per un vero individuo».
Era convinto che, in un’Europa governata da Hitler, la Norvegia avrebbe conservato e persino rafforzato la propria identità nazionale e reagito ad una decadenza che diversamente sarebbe stata irreversibile. Come scrive Kunnas è proprio «l’idea di decadenza» ciò che è «realmente unificante fra i diversi intellettuali fascisti». «Anche se ciascuno di loro ha visto un po’ alla propria maniera la decadenza della società occidentale, sono stati d’accordo nell’essenziale. Il mondo moderno occidentale è in piena decadenza. Non si tratta semplicemente di una decadenza sociale o politica, ma anche biologica e culturale. E’ lo stesso nucleo della vita che è stato colpito. L’uomo ha perso il contatto con le forze mitiche della vita, con l’istinto, con l’intuizione. E’ interessante constatare come gli scrittori ritenuti pessimisti diventino ottimisti nel momento in cui cominciano a credere in una rigenerazione fascista della civiltà europea».
Knut Hamsun vide nel nazionalsocialismo «una manifestazione della vitalità, di una possibile rinascita della civiltà occidentale minacciata da una democrazia plutocratica e da un comunismo tirannico. Come gli altri, egli ha sognato un nuovo sentimento della vita, autentico, antimaterialistico, che sapesse rispettare anche l’irrazionale e l’istintivo. Egli ha sperato che il fascismo riuscisse a ristabilire le gerarchie naturali, un modo di vita sano, rurale, naturale».
Nelle sue opere c’è l’esaltazione del mondo contadino e della società preindustriale, ancora non corrotta dalle ideologie moderne. Ne Il risveglio della Terra, il romanzo che gli fruttò il Premio Nobel, dà vita al personaggio che rappresenta meglio di ogni altro il suo modello antropologico. Isak, prima ancora di essere un contadino, è un uomo semplice ma non sprovveduto, rude ma non freddo, ostinato e resistente di fronte alle avversità della vita, un uomo disposto a lottare per ciò in cui crede, per la sua famiglia prima di ogni altra cosa. E’ un uomo che vive in sintonia con la natura, che non ha bisogno di consumare per sentirsi appagato. Non è schiavo delle apparenze, non deve necessariamente esibire i suoi sentimenti, è un uomo tutta sostanza, spirituale. Così lo descrive Hamsun nelle prime pagine del romanzo: «Dorme la notte su un letto di legna di pino accatastata; già si sente a casa lì, con un letto di pino sotto la roccia sporgente».
«Se consideriamo l’opera di Knut Hamsun come politicamente sospetta», conclude Kunnas la sua prefazione alla traduzione italiana, «ci troviamo nello stesso momento di fronte ad una tradizione culturale che diventa sospetta» ed è, quest’osservazione dell’intelletuale finlandese, assolutamente condivisibile.
Di certo le simpatie hamsuniane per il nazionalsocialismo non furono motivate da ambizioni personali, né dall’aspettativa di alcun tornaconto, come pure qualche impudente provò ad adombrare. Lo stesso Hamsun, presentandosi davanti ai giudici, rinunciando ad avvalersi di un difensore e senza chiedere clemenza, l’affermò con forza: «Chi osa affermare che io, a quest’età, andassi alla ricerca di onori? Giovani giudici, che avete già pronunciato cinquantamila condanne per collaborazionismo, in una terra di tre milioni di abitanti, volete punire il vostro vecchio poeta nazionale?».
E il termine “punire” si dimostrerà solo un delicato eufemismo. Subì, come gli altri grandi scrittori europei accusati di collaborazionismo, l’avvilente trafila di una penosa pantomima giudiziaria: accuse generiche, processi farsa, senza riscontri, senza prove, le cui sentenze erano già scritte ben prima della conclusione dei procedimenti. «Il tribunale», come ha scritto Luigi De Anna nel “profilo” Le illusioni di un viandante (pubblicato sul numero 8 dalla rivista quadrimestrale di cultura politica Trasgressioni, diretta dal professore fiorentino Marco Tarchi), «aveva già deciso la condanna, o meglio essa era stata già emessa dalla stampa norvegese e da una parte dell’opinione pubblica».
Davanti alla Corte si difese dalle accuse, pur senza fare abiure e rinnegare se stesso, anzi rivendicando di essere sempre stato «onesto e sincero»: «Ciò che io scrivevo non era sbagliato nella sua essenza, e nemmeno era sbagliato nel momento che lo scrivevo. Era giusto ciò che scrivevo e quando lo scrivevo [...] Mi era stato detto che la Norvegia avrebbe occupato un posto eminente nella grande società mondiale germanica in gestazione; chi più, chi meno, allora tutti quanti ci credevano. E anch’io ci avevo creduto. Quindi è chiaro che, scrivendo, dicevo quello che credevo. […] Perché scrivevo? Scrivevo per impedire che la Norvegia, ossia i giovani e gli uomini adulti, si comportassero stoltamente verso la potenza occupante, che la provocassero inutilmente col solo risultato di portare se stessi alla perdizione e alla morte».
Posizione condivisa da altri intellettuali: Pierre Drieu La Rochelle auspicava: «ogni occupazione da parte della Germania doveva mutuarsi in rivoluzione nazionale, ogni rivoluzione doveva costituire un palpito della rivoluzione europea»
Hamsun avrebbe potuto uccidersi, come fece Drieu: «Si, sono un traditore. Sì, ho collaborato con il nemico. Non è colpa mia se quel nemico non era intelligente. Sì, non sono un patriota qualunque, un nazionalista con il paraocchi, sono un internazionalista. Non sono soltanto un francese, ma un europeo. Anche voi lo siete, coscientemente o incoscientemente. Ma abbiamo giocato ed io ho perduto, esigo la morte».
Ma il vecchio norvegese era uomo troppo orgoglioso per farlo e con la coscienza troppo tranquilla. Robert Brasillach venne fucilato, nonostante la mobilitazione in sua difesa di buona parte del mondo culturale francese. Ezra Pound, prima di essere scagionato da ogni accusa, subì per oltre un anno l’onta del manicomio criminale. Ferdinand Céline fu costretto alla fuga e all’esilio. Anche Hamsun avrebbe potuto scappare, «in Svezia, come hanno fatto tanti altri […] Vi avevo molti amici, vi si trovavano i miei grandi e potenti editori […] Senza poi contare che avrei potuto trovare il verso di sgaiattolarmela in Inghilterra, come facevano molti altri. I quali sono poi tornati da eroi, per il fatto che avevano abbandonato il loro paese, per il fatto che se n’erano scappati. Io non feci nulla del genere; io non mi mossi. Una simile fuga non mi sarebbe mai venuta in mente. Credetti di poter servire meglio il mio paese restando dov’ero […] La Norvegia doveva avere un posto eminente fra i paesi germanici europei. […] E mi pareva che, per quell’idea, valesse la pena di faticare, di lottare».
Rispettava «l’autorità giudiziaria» del suo paese, ma «non più in alto» di quanto rispettasse la sua «coscienza del bene e del male, di ciò che è giusto e di ciò che è ingiusto. Credo d’essere abbastanza vecchio per aver diritto a possedere una linea di condotta». Dagli arresti domiciliari venne tradotto in un ospedale psichiatrico e poi in un ospizio, subendo un trattamento indegno, fatto di una esecrabile violenza morale e fisica. Era ormai un uomo vecchio, quasi del tutto sordo, giunto al termine della vita, eppure furono innumerevoli le vessazioni e le umiliazioni che fu costretto a subire nei quattro anni in cui fu privato della libertà, non ultima la curiosità invadente e morbosa di alcuni medici (che si spinsero sino a pretendere informazioni dettagliate sulla sua vita sessuale con la moglie).
Contrariamente a quanto avrebbe voluto, evitò il processo penale perché le sue facoltà mentali vennero certificate come «indebolite». Hamsun si “vendicò” di questo mortificante giudizio scrivendo un ultimo capolavoro, Sui sentieri dove cresce l’erba (l’opera, che contiene tra l’altro l’autodifesa di Hamsun, venne tradotta per la prima volta in Italia nel 1962 per i tipi del Borghese, poi da Ciarrapico, con il titolo Io, traditore e con la bella prefazione di Adriano Romualdi, ed oggi è ripubblicata dall’editore Fazi).
Ma non sfuggì al procedimento civile, che quantificò i danni provocati alla Norvegia (per i suoi articoli politici, sic!) in trecentoventicinquemila corone, spogliandolo così di ogni bene.
Una persecuzione crudele, ben resa nei suoi dettagli da Thorkild Hansen nell’imponente (per documentazione) Il processo Hamsun (1978). Quest’opera è stata «il punto di partenza» del più recente Processo a Hamsun (Iperborea 1996), come ha dichiarato l’autore Per Olov Enquist. Quest’ultimo lavoro era nato come sceneggiatura per il film Hamsun di Jan Troell, interpretato da Max von Sydow e presentato con un discreto successo al Festival di Venezia nel 1996, ma possiede una certa forza letteraria. L’interpretazione dello scrittore svedese, anche se si muove da valutazioni diverse da quelle di Hansen (a differenza del quale giudica «giusto» il processo di Hamsun), è fondamentalmente onesta, sino a riconoscere la buona fede del grande norvegese quando afferma: «personalmente credette di giocare il ruolo di chi vuole salvare la patria». E’ un libro pieno di dettagli, ma mai invadente, anzi è persino delicato quando descrive gli ultimi giorni di vita dello scrittore, la ritrovata complicità con la seconda moglie Marie, condannata anche lei per collaborazionismo.
La colpa di Hamsun? Come scrive Goffredo Fofi nella prefazione, è quella di essere stato un grande scrittore, tanto da aver ottenuto il Premio Nobel per la letteratura nel 1920, e di essere stato (e rimasto) filotedesco fino alla fine dei suoi giorni: «La colpa di Hamsun fu enorme anche per questo, per la sua notorietà, per il fatto che l’autore più amato e considerato del suo paese, orgoglio e vanto della Norvegia, si fosse posto dalla parte dell’occupante».
Subì un vero «processo alle idee», come Diorama Letterario (mensile di attualità culturali e metapolitiche diretto da Marco Tarchi) titolò uno dei due numeri monotematici che ha dedicato, oltre dieci anni fa, allo scrittore norvegese: Il caso Hamsun, un processo alle idee, n. 131 del novembre 1989, e Sui sentieri di Knut Hamsun, n. 121 del dicembre 1988. Il merito di Diorama Letterario è stato proprio quello di aver affrontato con serietà, e con un approccio diremmo “scientifico”, un ampio studio della vita e delle opere di Hamsun, affiancando ad articoli “divulgativi” anche numerosi contributi di “specialisti”, senza scegliere, anzi evitando di percorrere, la scorciatoia del ricorso a facili apologie ad uso di “fedeli”, come nelle cattive abitudini della pubblicistica di destra. L’intento di Diorama non era quello, riduttivo e strumentale, di ribadire la collocazione politica di Hamsun “a destra” e magari di rivendicarne la continuità in una comune battaglia di idee, ma piuttosto di sottolinearne la complessità del pensiero, di offrire maggiori informazioni ed elementi sull’intera opera dello scrittore, al fine di costringere la cosiddetta cultura ufficiale a confrontarsi «con l’uomo, con le sue idee e le sue scelte».
Il modo più efficace per conoscere Hamsun rimane senz’altro quello di avvicinarsi ai personaggi, tutti autobiografici, delle sue opere. Nel 1890 raggiunse il successo letterario, prima ancora di compiere trent’anni di età, con Fame. Il protagonista è un giovane che, in una Oslo che ancora si chiamava Cristania, combatte per affermarsi come giornalista. Per scrivere affronta mille difficoltà di carattere pratico, facendo persino la «fame» e vivendo come un “viandante”. Lo stesso Hamsun, scrisse che così conobbe «l’infinita varietà dei movimenti della mia piccola anima, la stranezza originale della mia vita mentale, il mistero dei nervi in un corpo affamato». E’ il primo dei personaggi hamsuniani, tutti simili nel temperamento. Sono sognatori, uomini selvatici e primitivi, sinceri, imprevedibili, alteri e beffardi, impulsivi e capricciosi, sempre con i nervi scoperti, irrequieti, dispettosi, a tratti fanfaroni, lunatici, infantili, ribelli e impetuosi, dei veri vagabondi animati dalla volontà di liberarsi della civiltà moderna. Vivono a loro agio solo fuori dalla città, a contatto con una natura spesso aspra, ma mai ostile. Sono uomini che non subiscono il fascino delle illusioni moderne, pronti ad innamorarsi di un’idea, di una immagine, di una donna, mai cinici e quasi sprovveduti di fronte all’amore e alle inesorabili disillusioni che la modernità finisce per infliggergli, chiamandoli brusamente ad un’arida attualità. «Sono comete, stelle strappate alla loro orbita», annota Robert Steuckers nel suo contributo su Diorama Letterario. In Pan, il tenente Glahn, protagonista di questo straordinario romanzo (pubblicato per la prima volta nel 1894 e da poche settimane tornato nelle nostre librerie in una bella edizione Adelphi), eroe malato di nordica malinconia, sceglie di lasciare l’uniforme di ufficiale per stabilirsi in una piccola capanna del Nordland, dove la caccia rappresenta il migliore pretesto per godere una solitudine immersa in una natura che sola può donargli un po’ di sollievo, lontana com’è dalla disprezzata società mercantile e industrializzata. Però è proprio nel momento in cui Glahn cede alle lusinghe dell’amore di una ragazza del vicino villaggio, che, come ha efficacemente scritto Luigi De Anna nel richiamato Le illusioni di un viandante, finisce per «cedere alle lusinghe della civiltà. E si perde. Respinto va a cercare la morte in India». E si uccide anche Nagel, il protagonista di Misteri, uomo “tutta anima”, istintivo e intuitivo, complicato e incoerente, pronto a sfidare con il suo ostentato anticonformismo il mondo intero, a scandalizzarlo e a provocarlo. Ma è sufficiente che la dolcissima Dagny, simile a «neve purissima e spessa come seta», di cui si innamora perdutamente, lo respinga, per non trovare più alcun interesse nella vita. Il loro destino è, come ha colto Steuckers, «quello di quei vagabondi che non hanno la forza di tornare definitivamente alla terra o che, per stupidità, lasciano la foresta che li aveva accolti, come fece Hamsun all’epoca del suo breve sogno americano» (dall’esperienza statunitense trasse un saggio, fortemente critico, La vita culturale dell’America moderna, tradotto da Arianna Editrice).
Il drammatico epilogo riservato ai personaggi può essere letto anche come la metafora della vita di Hamsun, grande scrittore e magnifico interprete di una grande tradizione culturale, quale quella neoromantica germanica, fino a quando non cedette alla tentazione fascista. Sempre per rimanere alle intelligenti considerazioni di Kunnas, pagò l’errore di «aver identificato una concezione del mondo con una politica», con un marchio d’ignominia che ancora è ben impresso su ogni sua opera. Non c’è editore o critico, infatti, che al momento della pubblicazione di un romanzo di Hamsun non avverta, ancora oggi, l’esigenza di mettere in guardia l’umanità della “stranezza politica” di cui si ammalò in vecchiaia lo scrittore.
Eppure basterebbe leggere meglio le sue opere, osservare con attenzione i protagonisti dei suoi romanzi muoversi a loro agio nelle foreste del Nord, ascoltare le loro anime insofferenti, per comprendere come Hamsun abbia solo voluto «recare testimonianza a una precisa scala di valori», irrinunciabili per lui.
«La mia unica amica era la foresta», in queste parole di Thomas Glahn, si evince la personalità dell’autore, di questo scrittore norvegese romantico e irrazionalista. «Il poeta dell’irremovibile forza», lo definì Ernest Hemingway. Non può esserci migliore omaggio a questo grandissimo scrittore, di quello che gli rivolse Thomas Mann, suo devoto ammiratore, per “festeggiarne” il settantesimo compleanno: «Lo ho sempre amato, sin dalla mia gioventù […] Gli incanti incomparabili dei suoi mezzi artistici mi ammaliavano già quando avevo diciannove anni e non dimenticherò mai quello che hanno significato allora per la mia recettività di giovanotto Fame, Misteri, Pan, Victoria, le sue novelle e il diario dei suoi viaggi. La gloria mondiale che è ricaduta sul suo nome con l’attribuzione del premio Nobel mi ha riempito di una soddisfazione veramente personale; trovavo che mai esso fosse capitato ad un poeta più degno di averlo […] E’, dicevo, uno di quegli autori la cui lettura fa nascere un riso solitario, scaturito dalle profondità».
E’ alla terra che Hamsun apparteneva intimamente: «Io sono della terra e del bosco con tutte le mie radici. Nelle città vivo solo una vita artistica con Caffè, spiritosaggini e fantasticherie d’ogni specie, ma appartengo alla terra». Quando scrive il libro-testamento Sui sentieri dove cresce l’erba è un uomo sfinito, consumato, eppure non ha smesso di amare la natura, tanto da scrivere: «Quando mi sono stancato di me stesso e sono vuoto, e mi sento inutile, vado nei boschi. Non aiuta, ma nemmeno rende la situazione peggiore. Non posso più, ormai, ascoltare il mormorio degli alberi, ma posso vedere i rami che dondolano, e anche questo è qualcosa di cui essere grati».
E noi che non ci siamo stancati di leggerlo e amarlo e che gli siamo riconoscenti per le splendide pagine di letteratura che ci ha lasciato, lo salutiamo con affetto. Knut Hamsun, lo scrittore contadino, l’uomo che alla terra è tornato, cinquanta anni fa, la sera del 19 febbraio 1952.

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jeudi, 04 octobre 2007

En souvenir de Julien Freund

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En souvenir de Julien Freund

par Alessandra COLLA

Le 10 septembre 1993, Julien Freund nous a quitté silencieusement. En Europe, il était l'un des plus éminents philosophe de la politique, une référence obligée pour tous ceux qui voulaient penser celle-ci en dehors des sentiers battus. La presse n'en a pas fait écho.

Né à Henridorff, en Alsace-Lorraine, en 1921, il s'engage dans les rangs de la résistance au cours de la seconde guerre mondiale. Dans l'immédiat après-guerre, il enseigne d'abord la philosophie à Metz, puis devient président de la faculté des sciences sociales de l'université de Strasbourg, dont il assurera le développement.

Inspiré initialement pas la pensée de Max Weber, un auteur peu connu dans la France de l'époque, Freund élabore petit à petit une théorie de l'agir politique qu'il formule, en ses grandes lignes, dans son maître-ouvrage, L'essence du politique (1965).

«Le politique est une essence, dans un double sens: d'une part, c'est l'une des catégories fondamentales, constantes et non éradicables, de la nature et de l'existence humaines et, d'autre part, une réalité qui reste identique à elle-même malgré les variations du pouvoir et des régimes et malgré le changement des frontières sur la surface de la terre. Pour le dire en d'autres termes: l'homme n'a pas inventé le politique et encore moins la société et, d'un autre côté, en tous temps, le politique restera ce qu'il a toujours été, selon la même logique pour laquelle il ne pourrait exister une autre science, spécifiquement différente de celle que nous connaissons depuis toujours. Il est en effet absurde de penser qu'il pourrait exister deux essences différentes de la science, c'est-à-dire deux sciences qui auraient des présupposés diamétralement opposés; autrement, la science serait en contradiction avec elle-même».

Ou encore: «La politique est une activité circonstancielle, causale et variable dans ses formes et dans son orientation, au service d'une organisation pratique et de la cohésion de la société [...]. Le politique, au contraire, n'obéit pas aux désirs et aux fantaisies de l'homme, qui ne peut pas ne rien faire car, dans ce cas, il n'existerait pas ou serait autre chose que ce qu'il est. On ne peut supprimer le politique  - à moins que l'homme lui-même, sans se supprimer, deviendrait une autre personne».

Freund, sur base de cette définition de l'essence du politique, soumet à une critique serrée l'interprétation marxiste du politique, qui voit ce dernier comme la simple expression des dynamiques économiques à l'œuvre dans la société. Freund, pour sa part, tient au contraire à en souligner la spécificité, une spécificité irréductible à tout autre critère. Le politique, dans son optique, est «un art de la décision», fondé sur trois types de relations: la relation entre commandement et obéissance, le rapport public/privé et, enfin, l'opposition ami/ennemi.

Ce dernier dispositif bipolaire constitue l'essence même du politique: elle légitimise l'usage de la force de la part de l'Etat et détermine l'exercice de la souveraineté. Sans force, l'Etat n'est plus souverain; sans souveraineté, l'Etat n'est plus l'Etat. Mais un Etat peut-il cessé d'être «politique»? Certainement, nous répond Freund:

«Il est impossible d'exprimer une volonté réellement politique si l'on renonce d'avance à utiliser les moyens normaux de la politique, ce qui signifie la puissance, la coercition et, dans certains cas exceptionnels, la violence. Agir politiquement signifie exercer l'autorité, manifester la puissance. Autrement, l'on risque d'être anéanti par une puissance rivale qui, elle, voudra agir pleinement du point de vue politique. Pour le dire en d'autres termes, toute politique implique la puissance. Celle-ci constitue l'un de ses impératifs. En conséquence, c'est proprement agir contre la loi même de la politique que d'exclure dès le départ l'exercice de la puissance, en faisant, par exemple, d'un gouvernement un lieu de discussions ou une instance d'arbitrage à la façon d'un tribunal civil. La logique même de la puissance veut que celle-ci soit réellement puissance et non impuissance. Ensuite, par son mode propre d'existence, la politique exige la puissance, toute politique qui y renonce par faiblesse ou par une observation trop scrupuleuse du droit, cesse derechef d'être réellement politique; elle cesse d'assumer sa fonction normale par le fait qu'elle devient incapable de protéger les membres de la collectivité dont elle a la charge. Pour un pays, en conséquence, le problème n'est pas d'avoir une constitution juridiquement parfaite ou de partir à la recherche d'une démocratie idéale, mais de se donner un régime capable d'affronter les difficultés concrètes, de maintenir l'ordre, en suscitant un consensus favorable aux innovations susceptibles de résoudre les conflits qui surviennent inévitablement dans toute société».

On perçoit dans ces textes issus de L'essence du politique  la parenté évidente entre la philosophie de Julien Freund et la pensée de Carl Schmitt.

Particulièrement attentif aux dynamiques des conflits, ami de Gaston Bouthoul, un des principaux observateurs au monde de ces phénomènes, Freund fonde, toujours à Strasbourg, le prestigieux Institut de Polémologie  et, en 1983, il publie, dans le cadre de cette science de la guerre, un essai important: Sociologie du conflit, ouvrage où il considère les conflits comme des processus positifs: «Je suis sûr de pouvoir dire que la politique est par sa nature conflictuelle, par le fait même qu'il n'y a pas de politique s'il n'y a pas d'ennemi».

Ainsi, sur base de telles élaborations conceptuelles, révolutionnaires par leur limpidité, Freund débouche sur une définition générale de la politique, vue «comme l'activité sociale qui se propose d'assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d'une unité politique particulière, en garantissant l'ordre en dépit des luttes qui naissent de la diversité et des divergences d'opinion et d'intérêts».

Dans un livre largement auto-biographique, publié sous la forme d'un entretien (L'aventure du politique, 1991), Freund exprime son pessimisme sur le destin de l'Occident désormais en proie à une décadence irrémédiable, due à des causes internes qu'il avait étudiées dans les page d'un autre de ses ouvrages magistraux, La décadence (1984). Défenseur d'une organisation fédéraliste de l'Europe, il avait exprimé son point de vue sur cette question cruciale dans La fin de la renaissance (1980). Julien Freund est mort avant d'avoir mis la toute dernière main à un essai sur l'essence de l'économique. C'est le Prof. Dr. Piet Tommissen qui aura l'insigne honneur de publier la version finale de ce travail, à coup sûr aussi fondamental que tous les précédents. Le Prof. Dr. Piet Tommissen sera également l'exécuteur testamentaire et le gérant des archives que nous a laissé le grand politologue alsacien.

Dott. Alessandra COLLA.

(la version italienne originale de cet hommage est paru dans la revue milanaise Orion, n°108, sept. 1993; adresse: Via Plinio 32, I-20.129 Milano; abonnement pour 12 numéros: 100.000 Lire).

lundi, 01 octobre 2007

Hommage à Hellmut Diwald

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Hommage à Hellmut Diwald

 

Né le 13 août 1924 dans le pays des Sudètes, plus précisément à Schattau en Moravie méridionale, le professeur Hellmut Diwald a quitté la vie le 26 mai 1993. Fils d'ingénieur, il s'était d'abord destiné à suivre les traces de son père: il suit les cours de l'école polytechnique de Nuremberg et y décroche son premier diplôme. Mais c'est à l'université d'Erlangen qu'il trouvera sa véritable vocation: l'histoire, l'événémentielle et celle des religions et des idées. De 1965 à l'année de sa retraite, il a enseigné l'histoire médiévale et moderne dans l'université qui lui avait donné sa vocation. Auparavant, il avait travaillé sur les archives d'Ernst Ludwig von Gerlach, un homme politique conservateur et chrétien de l'époque de Bismarck, avait rédigé une monographie sur le philosophe Dilthey et publié plusieurs études, notamment sur Ernst Moritz Arndt, père de la conscience nationale allemande (mais qui a eu un grand retentissement en Flandre également, si bien qu'il peut être considéré à Anvers, à Gand et à Bruxelles comme un pater patriae), et sur l'évolution des notions de liberté et de tolérance dans l'histoire occidentale.

 

Ces premiers travaux scientifiques permettent de comprendre quel homme fut Hellmut Diwald, quelle synthèse il a incarnée dans sa vie intellectuelle et militante: homme de progrès dans le sens où il s'inscrit dans la tradition émancipatrice des Lumières et de la Prusse, il ne conçoit pas pour autant cette émancipation comme un pur refus de tout ancrage historique et politique, mais au contraire, à l'instar du romantique Arndt et du conservateur von Gerlach, comme la défense d'un ancrage précis, naturel, inaliénable, dont l'essence est de générer de la liberté dans le monde et pour le monde. Cet ancrage, ce sont les nations germaniques, nations d'hommes libres qui se rebiffent continuellement contre les dogmes ou les institutions contraignantes, contre les coercitions improductives. Cette notion germanique de l'homme libre a donné la réforme, les lumières pratiques du XVIIIième siècle frédéricien ou joséphien, ou, chez nous, le mythe d'Uilenspiegel. Elle est donc à la base du progressisme idéologique, avant que celui-ci ne deviennent fou sous l'impact de la révolution française et du messianisme marxiste.

 

Hellmut Diwald doit sa notoriété à un ouvrage paru en 1978: une «histoire des Allemands» inhabituelle, où notre auteur inverse la chronologie en commençant par l'histoire récente pour remonter le cours du temps. Cette originalité n'est pas une simple facétie de professeur. En effet, les historiens allemands de notre après-guerre n'ont cessé de juger l'histoire allemande comme le préliminaire à l'horreur nationale-socialiste. Tous les événements de cette histoire étaient immanquablement jugés à l'aune du national-socialisme, ramenés à l'une ou l'autre de ses facettes. Reductio ad Hitlerum: telle était la manie, lassante, répétitive, morne, de tous les zélotes de la profession qui travaillaient à réaliser une seule obsession: tenir leur peuple à l'écart de l'histoire qui se jouait désormais à Washington ou à Moscou, à Pékin ou à Tel Aviv. Tout retour de l'Allemagne sur la scène de l'histoire réelle aurait signifié, pour ces savants apeurés, le retour d'une tragédie à l'hitlérienne. On peut évidemment comprendre que les Allemands, après deux défaites, aient été échaudés, dégoûtés, rassis. Mais ces sentiments sont justement des sentiments qui ne permettent pas un regard objectif sur les faits historiques. En inversant la chronologie, Diwald se voulait pédagogue: il refusait d'interpréter l'histoire allemande comme une voie à sens unique débouchant inévitablement sur la dictature nationale-socialiste. S'il y a pourtant eu ce national-socialisme au bout de la trajectoire historique germanique, cela ne signifie pas pour autant qu'il ait été une fatalité inévitable. L'histoire allemande recèle d'autres possibles, le peuple allemand recèle en son âme profonde d'autres valeurs. C'est cela que Diwald a voulu mettre en exergue.

 

Du coup, pris en flagrant délit de non-objectivité, les compères de la profession, ont crié haro sur Diwald: en écrivant son histoire des Allemands, il aurait «banalisé» le national-socialisme, il l'aurait traité comme un fragment d'histoire égal aux autres. Pire: il ne l'aurait pas considéré comme le point final de l'histoire allemande et aurait implicitement déclaré que celle-ci demeurait «ouverte» sur l'avenir. Pendant deux ans, notre historien a subi l'assaut des professionnels de l'insulte et de la délation. Sans changer sa position d'un iota. Meilleure façon, d'ailleurs, de leur signifier le mépris qu'on leur porte. Mesquins, ils ont voulu «vider» Diwald de sa chaire d'Erlangen. Ils n'ont pas obtenu gain de cause et se sont heurtés au ministre de l'enseignement bavarois, Maier, insensible aux cris d'orfraie poussés des délateurs et des hyènes conformistes.

 

Diwald n'a pas cessé de travailler pendant que ses ombrageux collègues vitupéraient, complotaient, s'excitaient, pétitionnaient. En 1981, avec Sebastian Haffner, un homme de gauche éprouvé et un anti-fasciste au-dessus de tout soupçon, et Wolfgang Venohr, historien et réalisateur d'émissions télévisées, il participe en 1981 à la grande opération de réhabilitation de l'histoire prussienne, dont le point culminant fut une grande exposition à Berlin. Parallèlement à cette série d'initiatives «prussiennes», Diwald travaillait à un sujet qui nous intéresse au plus haut point dans le cadre de notre souci géopolitique: une histoire de la conquête des océans. Deux volumes seront les fruits de cette recherche passionnante: Der Kampf um die Weltmeere  (1980) et Die Erben Poseidons. Seemachtpolitik im 20. Jahrhundert  (1987). Conclusion de Diwald au bout de ces sept années de travail: l'Allemagne a perdu les deux guerres mondiales sur l'Atlantique, parce que sa diplomatie n'a pas compris le rôle essentiel de la guerre sur mer.

 

Au cours de toute sa carrière, Diwald, auteur classé arbitrairement à droite à cause de son nationalisme d'émancipation, n'a jamais perdu la réunification allemande de vue. Cet espoir le conduisait à juger très sévèrement tous les ancrages à l'Ouest qu'essayait de se donner la RFA. Chacun de ces ancrages l'éloignait de sa position centre-européenne et des relations privilégiées qu'elle avait eu l'habitude de nouer avec la Russie. Diwald était donc un critique acerbe de la politique du Chancelier Adenauer, dont l'objectif était l'intégration totale de la RFA dans la CEE et dans le binôme franco-allemand. Inlassablement, Diwald a critiqué le refus adénauerien d'accepter les propositions de Staline en 1952: neutralisation de l'Allemagne réunifiée. Ce refus a conduit au gel des positions et condamné la RDA à la stagnation communiste sous la houlette d'apparatchiks pour lesquels le Kremlin n'avait que mépris.

 

La vie exemplaire de Diwald, clerc au service de sa patrie, nous lègue une grande leçon: l'historien ne peut en aucun cas faire des concessions aux braillards de la politique. Sa mission est d'être clairvoyant en toutes circonstances: dans l'euphorie du triomphe comme dans la misère de la défaite. Pour l'un de ses amis proches, venu lui rendre visite peu de temps après le diagnostic fatidique qui constatait la maladie inéluctable, Diwald a prononcé cette phrase qui fait toute sa grandeur, qui scelle son destin de Prussien qui conserve envers et contre tout le sens du devoir: «Pourvu que je puisse régler toutes les affaires en suspens qui traînent sur mon bureau avant de m'en aller». Hellmut Diwald, merci pour votre travail.

 

Robert STEUCKERS.

 

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samedi, 29 septembre 2007

Bernanos, l'homme habité

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Bernanos,

  

l’homme habité

1998 aura été, littérairement parlant, l'année Bernanos. Alors que de toutes parts, patiemment érigé sur vingt siècles d'histoire euro­péen­ne, l'imposant édifice catholique s'effrite, les plus grandes maisons d'édition parisiennes ont tenu l'an durant à célébrer la mémoire du plus fameux de nos « catholiques écrivant », mort il y a tout juste cinquante ans, par la réédition de quelques-uns de ses meilleurs brû­lots: Français si vous saviez, La liberté pour quoi faire, La grande peur des bien-pensants. Le tout assorti de quelques nouvelles iné­di­tes. Sans oublier, en ces temps où, misère de l'esprit, l'on s'intéresse davantage aux petits secrets de nos auteurs qu'à ce qu'ils ont pu é­crir­e (que penser de « l’affaire » Marguerite Duras?), l'inévitable cor­tè­ge de biographies, plus ou moins littéraires et bien troussées. Iro­nie de l'histoire, pour une des rares plumes libres du siècle, guère plus connue aujourd'hui que pour ses trois volumes de la Pléiade.

 

Le don, cette force sur laquelle fut élevée notre civilisation

 

Et pourtant. Une fois n'est pas coutume, de toutes ces publications, celles qui retinrent le plus notre attention ne furent pas tant Français si vous saviez ou Dialogue d'Ombres, mais bien deux courtes biographies, éclectiques, passionnées, de VRAIS LECTEURS chez qui Bernanos a signifié plus encore sans doute que la vision très personnelle qu’ils nous en donnent. Georges Bernanos encore une fois, de Sébastien Lapaque, et Georges Bernanos, une parole libre, de Claire Daudin rendent chacun à sa manière le juste hommage qui revenait au dernier «chrétien de combat ». Si le premier, journaliste au Figaro Littéraire, eut volontiers été des jeunes camelots du Roi qui suivirent Bernanos dans ses échauffourées estudiantines, la seconde eut fourni pour sa part une confidente attentive et pleine de réserve au Bernanos des soirs de doute. Chaleureux et engagés, les deux dis­cours se complètent et se répondent: pourquoi donc «une telle rencontre est-elle souhaitable aujourd'hui? Dans un monde envahi par la violence, où chacun, tant bien que mal, essaie de lui échapper, à quoi bon nous proposer ce rendez-vous avec la colère d’un hom­me?» (Claire Daudin). Parce que précisément, l’homme moderne est abandonné à la satisfaction de ses (seuls) égoïsmes. A son âme, il a substitué une conscience. A Dieu, il préfère les vertus. Il ne songe pas à préserver ce qui le dépasse. Le don, cette folie sur laquelle fut élevée notre civilisation, lui est aussi étranger qu'aux robots, ses maîtres. Renonçant à sa liberté, il n'obéit qu'à celui qui le programme. La télévision, le travail et les loisirs, les joies et les pei­nes, tout est programmation » (Sébastien Lapaque). Au milieu de l'a­pathie généralisée, sous laquelle étouffe notre vieille Europe, Ber­na­nos nous enseigne l'insurrection de l'esprit, sa violence se fait a­mour, des siens, des hommes, de Dieu. «L'homme de ces temps a le cœur dur et trop sensible» écrivait-il déjà en 1937.

 

«Vieillir, c'est se renier»

 

Fanatique, il le fut, c'est certain. Mais pas de ce fanatisme qui tue au nom d'un dogme, d'une idéologie. Le  «scandale de la vérité», sa croisade personnelle, fut d'abord d'affirmer le primat du cœur guidé par la foi sur le vile confort matériel. Ni conservateur ni révolutionnaire, ni de droite ni de gauche, mais royaliste jusqu'à la racine, «de cet écrivain contestataire, l'histoire littéraire a fait un marginal, utopiste ou réactionnaire, nostalgique d'âges d'or, éternel inadapté dans un monde qu'il refuse » note Claire Daudin. C'est ne rien comprendre à l'essence-même de son œuvre qu'il a située dans tous les engagements de son temps. «Rester fidèle aux grandes passions de l'adolescence ou périr avec elles. Vieillir c'est se renier». Faire face, l'esprit en alerte, prêt à bondir. «Romancier des vertiges de l'âme, Bernanos fut également un écrivain qui ne se sentait bien que dans l'Histoire » (S. Lapaque). Le présent, et plus encore l'avenir, furent sa préoccupation constante, ce qui explique qu'il se soit tou­jours adressé en priorité à la jeunesse. Car pour Bernanos la chré­tienté ne pouvait rimer qu'avec la jeunesse, époque d'aventure et de pauvreté par excellence (rien n'horripilait davantage Bernanos que la bourgeoisie catholique, repue et replète), l'âge où se conquiert la sainteté, puis le monde.

 

Dictature et démocratie tendent au même dirigisme universel

 

Antidémocrate par conviction: «Je ne comprendrai jamais, confiait-il à un ami prêtre en 1906, qu'on se désintéresse d'une lutte dont l'enjeu est le pays et qu'on se contente de mettre un billet dans l'urne», sa constante fidélité à ses principes premiers reste exemplaire dans le tumulte. Goguenard, Lapaque écrit: «Il est vrai que la veulerie de l'Episcopat espagnol, la lâcheté de Munich et le cynisme de Pétain le firent bondir. (« on ne va tout de même pas nous faire croire que c'était au nom de la démocratie et des droits de l'homme!»). Militant royaliste épris d'action (une photo le montre perturbant, canne en main, le transfert des cendres de Zola au Panthéon), et forcément déçu par l'AF (à lire absolument, sa participation au complot avorté de restauration de la monarchie portugaise), l'écriture s'impose bientôt à lui comme le support idéal à son message. Une fois Sous le Soleil de Satan paru, remarqué par Daniel Halévy («Vous aurez en France cinq cent lecteurs. Vous arrivez trop tôt ou trop tard»!) et André Gide («C'est la même chose que Bloy et Barbey d'Aurevilly, et cette chose m'est contraire»), la machine littérature, une fois lancée, ne s'arrêtera plus. On est en 1926, Bernanos a 38 ans. Des romans aux essais (L’Imposture, La Joie, Les Grands Cimetières sous la Lune, Nous Autres Français, Les Enfants Humiliés, Le Dialogue des Carmélites et tant d'autres), son appel en faveur d'un «Front chrétien» est inchangé. Sans Dieu présent dans chacun de nos actes, le monde est réduit à son absurdité.

 

Avant comme après 1945, la situation reste la même, et elle le navre. «Je n'ai jamais cru à la guerre des démocraties contre les dictatures, la formule n'ayant jamais été qu'un slogan (...) Dictature et dé­mo­cratie tendaient au dirigisme universel, à l'univers totalierté sera son drapeau, celle qui prescrit d'agir en son âme et conscience. Si ses ex­hortations restèrent lettre morte, des figures littéraires aussi diverses qu'estimables salueront son indépendance, son refus de la glo­riole (il refusa par trois fois la Légion d'Honneur), sa soif de ju­stice: Camus, Weil, Claudel, Artaud. De Gaulle lui-même, qui re­con­naîtra : «Celui-là, je n'ai pas réussi à l'atteler ».

 

A mille lieues de Mauriac mais frère en Péguy, Georges Bernanos de­meure aujourd'hui encore un cas dans la littérature française. Seul Malraux daignera assister à ses obsèques, le 13 juin 1948. Aucun représentant de la République, et pour cause, ne fera acte de pré­sence. Sans optimisme bêlant, Bernanos fut jusqu'au bout l'homme de l'espérance, jusqu'à l'hérésie. Brasillach avait bien raison, qui le surnommait «l'anar chrétien ».

 

Laurent SCHANG.

 

- Georges Bernanos une parole libre, de Claire DAUDIN, éditions Des­clée de Brouwer, collection Témoins d'humanité, 1998.

- Georges Bernanos encore une fois, de Sébastien LAPAQUE, Essai, éditions L'Age d'Homme / Les Provinciales, 1998.

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vendredi, 07 septembre 2007

Du maoïsme au national-populisme

Pasteur Jean-Pierre BLANCHARD :

Du Maoïsme au National Populisme [03/06/2002]

Allocution du Pasteur Blanchard au Colloque de l'antenne d'Ile-de-France d'UR, Paris, 6 avril 2002

 

Il était de tradition dans les familles populaires de considérer que les enfants qui n'étaient pas spontanément "doués" pour les études, devaient travailler en usine. Il n'y avait là rien de péjoratif, à cette époque le vieux mythe de gauche (au sens Sorélien du terme) de la classe ouvrière avec sa dignité, son sens du devoir, sa droiture, sa moralité, opposée à la décadence bourgeoise a engendré des générations de militants ouvriers à la vie exemplaire. Mon père, sorti de son statut d'ouvrier agricole en raison de la précarité et de l'irrégularité des revenus ( les jours d'intempérie ne permettant pas de travailler la vigne, étaient rémunérés à moitié, ce qui représentait déjà un progrès énorme, car avant guerre ils n'étaient pas payés du tout !) Pour échapper à une vie médiocre, il suivit le même parcours qu'un nombre impressionnant de personnes du midi à cette époque qui partirent pour rejoindre les emplois fonctionnarisés de la SNCF, la poste, la police, la gendarmerie afin de connaître des conditions matérielles différentes et de " mieux vivre ", mais au prix de quel renoncement : mon père ne pouvait écouter la chanson de Ferrat " La montagne" et surtout le passage où il est dit " Ils quittent un à un le pays pour aller gagner leur vie ….ils seront flics ou fonctionnaires en attendant que l'heure de la retraite sonne "sans avoir une larme à l'œil. Il entra donc dans la gendarmerie où il restera durant toute sa carrière simple gendarme.

 

Peut être lié au fait que mon père, en sa qualité de gendarme mobile fut soumis à de multiples mutations et déplacements, ma scolarité fut très perturbée, et c'est avec beaucoup de peine que je réussis à décrocher mon certificat d'études à l'âge de 14 ans. Pour fêter cet " exploit " mon père m'offrit un verre au café et me dit : " Maintenant que tu es plus diplômé que moi, tu es bon pour l'apprentissage ou l'usine ". Je choisis la première proposition et je rentrai comme garçon de restaurant au " Grand Balcon " à Mazamet, mais cela ne dura pas et comme la majorité du milieu ouvrier mazamétain je me retrouvai dans le délainage. C'est là que Mai 68 me prit, bouleversant ma vie. Jusque là j'avais une vie rangée, l'éducation stricte que j'avais reçue ne m'aurait jamais laissé entrevoir, sans ces circonstances, la possibilité de me rebeller contre l'autorité parentale et contre les systèmes en place.

Mon père voyant que je lui échappais pensa que je ne suivais pas un bon chemin et que je n'arriverais à rien, il fit pression pour que je m'engage dans l'armée, ce qui fut une catastrophe ! Je fus de retour à Mazamet à la fin de l'année 1969, plus révolté que je ne l'étais au départ, j'allais vivre dans une communauté qui reproduisait le mode de vie hippie californien dans le village de Calmont, proche de Mazamet, tombant dans la marginalité. Je m'enfuis pour errer à travers l'Europe pour assister au festival de l'île de Wight où j'eus la chance de voir, Hendrix, les Doors, Dylan et à partir de là j'ai écumé tous les rassemblements musicaux et alternatifs de France et d'Europe.

 

Mon flirt avec les trotskistes

 

Mon point d'attache était la région de Mazamet mais je passais la moitié de mon temps sur les routes, dans notre communauté les débats politiques fusaient, nous connaissions les communistes mais notre sympathie allait vers l'ultra gauche. Nous rencontrâmes à Castres le responsable de la Ligue Communiste (L.C.). du sec­teur, et nous commençâmes à fréquenter les colloques, séminaires, tant régionaux que nationaux. On ne rentrait pas facilement à la ligue communiste, il fallait être formé, devenir un vrai " bolchevik ", un vrai révo­lu­tionnaire pour être accepté comme membre. J'ai souvenir d'avoir assisté à la toute première fête de Lutte Ou­vrière à Prailles, et quelques années plus tard d'avoir rencontré et dialogué avec ceux qui venaient de créer le journal Mao "Libération". Les années 1970 furent celles où Sartre rallia bruyamment le Maoïsme. Mon flirt avec les Trotskistes s'étiolait, leur dogmatisme, l'attitude haineuse et sectaire des petits chefs me révulsaient, pour nous " ils étaient pires que les Stal ".

 

Je me renseignai auprès de la gauche prolétarienne à Paris qui me mît en contact avec un groupe de Toulouse, du jour au lendemain je devins un renégat pour les trotskistes. Ma chance fut de tomber sur l'aile spontex (spontanésite ) proche des situ (situationnistes) du mouvement Mao, pour qui la révolution était un " happening " permanent, la révolution culturelle étant conçue comme une libération. L'aile spontex était très mal vue des doctrinaires parisiens de la gauche prolétarienne., mais cela n'entamait en rien notre sens festif et notre goût pour les canulars. Je me revois avec le groupe de Toulouse aller saluer les Mao stal (staliniens) qui avaient un stand à la fête de lutte ouvrière, où pour nous amuser et provoquer le service d'ordre Trotskiste, nous vendions les œuvres du petit père des Peuples, et c'était à celui qui criait le plus fort pour vanter ses mérites !

 

C'est tout naturellement que je me retrouvai dans l'aventure de Lutte Occitane dont une des composantes essentielles lors de sa constitution étaient les Mao de Montpellier et de Toulouse. Je fus partie prenante de toutes les grandes manifestations de l'époque : Le Larzac, Béziers, Montpellier, les festivals occitans de Montségur et du plateau des Mille Vaches. Je faisais partie de ces très nombreux jeunes qui suivaient tout ce qui se passait sans être réellement militant, mais mon engagement était si fort qu'il ne passa pas inaperçu., à tel point qu'un jour arriva à la gendarmerie de Mazamet un message signalant qu'un certain Jean-Pierre Blanchard faisait partie des activistes extrémistes de gauche les plus dangereux, mon père fut inquiété par sa hiérarchie.

 

Le désenchantement de la fin des années 70

 

La fin des années 1970 furent celle du désenchantement : Le mouvement occitaniste se trouvait dans une impasse, se radicalisant en devenant " vollem viure al païs ", il se transformait en une minorité incapable de prendre en compte les aspirations réelles du peuple d'Oc, s'enfermant dans une logique groupusculaire sectaire, de moins en moins nombreux leurs membres étaient convaincus de détenir la vérité. Quant à l'extrême gauche, les hommes sortis de ses rangs démontraient que, contrairement aux déclarations de Sartre, le Marxisme n'était pas la science insurpassable, mais bel et bien une métaphysique, une religion sécularisée. Mais pour moi le choc révélateur fut la lecture du livre d'André Glucksman : " La cuisinière et le mangeur d'homme " qui m'amena à une douloureuse autocritique et à une remise en cause de mes visions politiques. La grande et glorieuse révolution bolchevik ne s'avérait être en fait qu'un coup de mains d'activistes sans scrupules qui se drapaient dans l'imagerie des journées d'octobre.

 

Le choc fut tellement violent que je renonçais immédiatement à toute activité politique et ce, pendant des années, désabusé, ne croyant plus à rien. Mais à la lueur d'un contre choc, l'enseignement reçu à l'Ecole de formation des Educateurs, j'investis alors un nouveau champ. Je le raconte dans la préface de " Aux sources du National Populisme ".Alors que j'assistais lors de ma formation d'éducateur à un séminaire sur l'économie dispensé par un brillant économiste qui présentait les différents systèmes en vigueur, il démonta en pièce le premier jour le système libéral, j'attendis avec impatience le lendemain pour qu'il m'apporte enfin une réponse alternative à cette question, hélas, trois fois hélas, il ressorti l'ancienne cantilène de l'ultra gauche et des situationnistes : si les bolcheviks avaient préféré les soviets à l'électricité la révolution n'aurait pas été dévoyée. Connaissant par cœur ce type d'argument fallacieux et ayant fait ma révision définitive du marxisme, j'en arrivai par ce travail de remise en question à la conviction fondamentale que je n'avais pas changé, que je restais, comme dans ma jeunesse, toujours contre le système, la bourgeoisie et le capital, j'étais un révolutionnaire. Ce thème était hélas associé au sein de la gauche et de l'ultra gauche au postulat égalitaire et internationaliste. Je m'aperçus qu'en enlevant ces deux éléments centraux je pouvais garder le reste et comme beaucoup d'anti-conformistes des années 30 je cheminais vers la seule réponse véritablement alternative : le National Populisme.

 

Le déclic se produisit un peu par hasard, un peu par chance, beaucoup par quête, lors d'un inter cours alors que je m'étais rendu sur les quais de Seine, j'y découvris les " Idées à l'endroit " de Alain de Benoist, ce fut le début d'une construction intellectuelle qui m'a conduit au Front National, à la création de l'Entraide Nationale et à la rédaction d'ouvrages. Pour le reste : ma formation théologique et mon ministère, c'est une autre histoire qui n'a rien à voir avec notre propos.

 

Jean-Pierre BLANCHARD.

http://www.unite-radicale.com/Archives_actu/article_actu030602_2.htm

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jeudi, 30 août 2007

Ernst von Wolzogen

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30 août 1934: Mort à Munich du Baron Ernst von Wolzogen, considéré comme le fondateur du cabaret allemand, imité du cabaret parisien, notamment par la fondation du Cabaret “Überbrettl” à Berlin en 1901.

Ses romans et ses pièces de théâtre relèvent du même style : humour, rire et légèreté. Avant de marquer l’histoire des lettres allemandes par la fondation de ce cabaret, Ernst von Wolzogen avait étudié la philologie germanique, la philosophie et la biologie à Strasbourg et à Leipzig. Tous ses romans sont empreints d’humour et se déroulent, le plus souvent, dans la bonne société aristocratique. Rapidement von Wolzogen acquiert un vaste public et son théâtre connaît un succès fou dans toute l’Allemagne. On doit le mettre en parallèle avec deux autres grands écrivains et cabaretistes allemands : Otto Julius Bierbaum (1865-1910) et Frank Wedekind (1864-1918).

Bierbaum participera à la revue satirique Pan de Munich (la revue satirique bruxelloise Pan, après 1945, doit son nom à cette publication munichoise), ensuite au cabaret de Wedekind, “Die Elf Scharfrichter”, et, enfin, à la célèbre revue satirique Simplicissimus (dont Robert Steuckers a brossé brièvement l’histoire et énuméré les positions politiques dans sa conférence sur la vie culturelle munichoise de 1890 à 1914, lors de l’Université d’été de “Synergies Européennes”, en Allemagne, en août 2002).

Wedekind deviendra ce révolu­tion­naire excentrique, à l’humour plus pessimiste, plus noir, qui influencera le théâtre allemand de ce siècle. Ar­min Mohler considère Ernst von Wolzogen comme une figure de la révolution conservatrice car, outre ses sa­ti­res et ses œuvres relevant des variétés, il a également été un pamphlétaire folciste (= völkisch), critique du chris­tianisme et théoricien d’une religiosité autochtone, qu’il voulait “germanique et faustienne”. Dans l’espace lin­guistique francophone, ceux qui n’ont que le mot “révolution conservatrice” à la bouche escamotent en gé­né­ral cette dimension fondamentale de leurs horizons, condamnant du même coup la “révolution conserva­tri­ce” à n’être qu’une sinistre parodie à relents militaristes (Robert Steuckers).

samedi, 18 août 2007

Ernst zu Reventlow

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18 août 1869 : Naissance à Husum dans le Schleswig-Holstein du Comte Ernst zu Reventlow qui débuta sa carrière comme officier de la marine impériale allemande, pour la terminer comme écrivain politique et protagoniste du mouvement religieux a-chrétien de l’Allemagne des premières décennies de ce siècle. Il demeure un auteur important dans la mesure où il a défendu la nécessité, pour l’Allemagne (et partant pour toutes les autres nations européennes) de construire une flotte, capable de damer le pion à la flotte anglaise.

Pendant la première guerre mondiale, il rédige un ensemble de textes, articles, essais et livres contre l’impérialisme britannique et contre la politique anglaise qui consiste à armer les peuples les plus faibles du continent contre la puissance hégémonique, de façon à détruire celle-ci et à plonger l’ensemble du continent dans le chaos et à le contrôler ainsi indirectement. Tous ces textes demeurent d’une actualité fondamentale et aident à comprendre les mécanismes de fonctionnement des impérialismes anglo-saxons. A noter aussi, dans ce vaste ensemble de textes, les avances voilées à la France que formule Ernst zu Reventlow, notamment en rappelant que la France a été, sous Napoléon, la première victime de ces politiques anglaises. La France de Louis XVI avait créé une flotte aguerrie, pour contrer les projets anglais sur les océans : elle a été détruite, comme le voulait l’Angleterre et comme la flotte de Tirpitz sera détruite à son tour.

Ernst zu Reventlow a été clairvoyant : lors du Traité de Washington en 1922, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne imposent à la France de réduire le tonnage de sa flotte à 175.000 tonnes, de façon à ce qu’elle ne puisse jamais s’opposer et s’imposer aux flottes anglo-saxonnes. Un million et demi de poilus ont donné leur vie pour une France puissante : quatre ans après la “victoire”, ses alliés lui coupent l’accès au large. L’alternative aérienne, tentée par Mermoz, Saint-Exupéry, etc., ne parviendra pas à contourner l’interdit fatidique de Washington, énoncé en 1922. Pendant la première guerre mondiale, la France n’a donc pas écouté cette voix allemande de la sagesse; gouvernée par des fous délirants, elle a dû sacrifier le meilleur de sa paysannerie, sa véritable substance ethnique, pour les mirages d’une idéologie illuministe, qui n’a jamais été qu’un instrument au service de l’Angleterre.

En 1920, Ernst von Reventlow fonde la revue Der Reichswart et adhère ensuite à la Deutsche Glaubensbewegung de l’indianiste et sanskritologue Wilhelm Hauer (= Mouvement de la Foi Allemande). Pendant l’entre-deux-guerres, ses positions sont celles d’un “socialisme allemand”, prélude à une “Civitas Dei Germanica”. Ernst zu Reventlow était aussi le frère de Franziska zu Reventlow, la muse du Cercle de Stefan George et l’inspiratrice du philosophe Ludwig Klages. Il meurt le 21 novembre 1943 à Munich (Robert Steuckers).

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jeudi, 09 août 2007

Leo Frobenius

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9 août 1938 : Mort à Biganzolo sur les rives du Lac Majeur en Lombardie du grand africaniste et préhistorien allemand Léo Frobenius, né à Berlin en 1873.

Pour lui, la seule méthode valable en ethnologie est l’approche culturaliste et historique. L’évolution culturelle, pensait-il, se développe en trois stades. Frobenius a mené douze expéditions en Afrique entre 1904 et 1935. Parallèlement à sa connaissance profonde de l’Afrique noire, il était aussi un spécialiste de l’art préhistorique européen, ce qui le conduisit à effectuer des recherches sur les contreforts des Alpes, en Norvège et en Espagne. L’objectif de sa vie de recherches était de comprendre les lois qui ont présidé à la naissance des cultures humaines. Il a procédé à une classification des cultures humaines en “complexes culturels” (en all. : Kulturkreise), chacun de ces complexes étant une entité vivante, biologique, qui connaît trois âges : la jeunesse, la maturité et la sénescence. Chaque culture possède son “noyau”, son centre spirituel, son âme, qu’il appelait, en grec, la “paideuma”.

Les Africains, qui admirent son œuvre, se réfèrent essentiellement aux trois volumes parus en 1912-13, Und Afrika sprach (Ainsi parla l’Afrique). Pour Frobenius, l’humanité a toujours connu des phases soudaines d’Ergriffenheit, de saisie émotionnelle et subite du réel, suivies de longues phases d’application. Les phases d’Ergriffenheit consistent à voir de manière soudaine les choses “telles qu’elles sont dans le fond d’elles-mêmes”, indépendamment de leur dimension biologique.

Pour Frobenius, il est probable que l’idée d’ordre et d’harmonie soit venue d’une observation du ciel et des lois cosmiques, observation qui conduit à vouloir copier cet ordre et cette harmonie, en inventant des systèmes religieux ou politiques. L’arrivée de facteurs nouveaux impulse de nouvelles directions à ces systèmes. Les systèmes ne sont donc pas seulement les produits de ce qui les a précédé objectivement, factuellement, mais le résultat d’un bilan subjectif, chaque fois original, dont la trajectoire ultérieure n’est nullement prévisible. Frobenius met ainsi un terme à cette idée de nécessité historique inéluctable.

Dans le cadre de la “révolution conservatrice” et de la tentative d’Armin Mohler de la réactiver, la vision de Frobenius a inspiré la fameuse conception sphérique de l’histoire, où la personnalité charismatique inattendue (que cette personnalité soit un homme, un peuple, une élite militaire ou civile) impulse justement une direction nouvelle, chaque fois imprévisible et, donc, diamétralement différente de la vision linéaire et vectorielle du temps historique, propre des progressismes, et de la vision cyclique, où il y a éternel retour du même, propre des visions traditionnelles figées (Robert Steuckers).

vendredi, 27 juillet 2007

Mon De Groeyse, leader étudiant

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Mon De Goeyse, leader étudiant

 

La Flandre célèbre le centième anniversaire de la naissance du leader étudiant Mon De Goeyse (1907-1998). Voici une esquisse biographique de cet étonnant personnage, qui marque encore de son empreinte la vie estudiantine de Louvain et de toutes les autres universités flamandes.

 

Il y a cent ans, naissait Mon De Goeyse, pionnier des émissions radiophoniques flamandes et animateur de la vie estudiantine flamande.

 

En fait, je n’aurais pas dû rédiger cet hommage à Mon De Goeyse, car hommage lui est rendu chaque jour dans toutes les villes universitaires flamandes. Chaque fois qu’un groupe d’étudiants utilise son fameux « Codex » et entonne les chansons qu’il contient, il rend hommage, souvent sans le savoir, à De Goeyse, père créateur du style propre aux festivités estudiantines flamandes.

 

Edmond, dit « Mon », De Goeyse est né à Anvers mais a passé toute sa jeunesse à Bruxelles. Dès l’âge de seize ans, il y fonde le « Vlaamsch Studentenverbond van Groot-Brussel », une fédération de collégiens qui allait faire partie de l’ « Algemeen Katholiek Vlaamsch Studentenverbond » (AKVS ; « Fédération générale des étudiants catholiques flamands »). Ensuite, ce jeune homme fort zélé fonde encore une autre fédération de collégiens, « De Ghesellen van den Drancke » (= « Les compagnons de la boisson »), qui, plus tard, après quelques transformations, deviendra le célèbre club étudiant « Bezem Lovania ». Cette association, fort populaire parmi les étudiants, qui s’y précipitaient, se distinguait de toutes les autres par son style superbe et par son empreinte flamande, sous l’impulsion de Mon De Groeyse.

 

Le « Seniorenconvent »

 

En octobre 1925, De Goeyse débarque à Louvain pour y entamer des études de philologie germanique. Il s’engage avec beaucoup d’enthousiasme dans le KVHV (« Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond » ou « Fédération des étudiants catholiques flamands des universités et hautes écoles ») et du club étudiant « Ons Hageland » (= « Notre Hageland » (*)). Très vite, De Goeyse s’aperçoit qu’il faudra, dans l’avenir, mieux ordonner la vie des clubs étudiants de Louvain. Seules des règles strictes et stylées dans les clubs pouvaient garantir, sur le long terme, une vie étudiante flamande de bon niveau.

 

Pour atteindre ce but, il va codifier les règles des traditions truculentes et polissonnes des étudiants dans un premier texte fondateur, le « biercomment ». Ces règles sont toujours connues et appliquées aujourd’hui et figurent dans les « pages bleues » du fameux recueil de chants des étudiants, le « Codex ». Le 19 novembre 1929, De Goeyse porte sur les fonds baptismaux le « Seniorenkonvent », soit la « Convention des Seniors » (SK), composée des présidents de fédération du KVHV, des présidents de guildes et des présidents de club. Ce SK existe toujours et, sous son impulsion, les traditions, le style, les vertus d’assiduité et de discipline et surtout la fidélité en amitié pour la vie, que doivent se jurer ses membres, constituent les piliers de la vie étudiante.

 

L’INR

 

En 1930, le leader étudiant devient docteur en philosophie et lettres. Son mémoire portait sur le chant populaire au temps de la « révolution brabançonne » et fut primé par l’Académie Royale de Langue et Littérature néerlandaises. Un an plus tard, De Goeyse devient journaliste auprès de l’Institut National de Radiodiffusion, ou INR (NIR en néerlandais), qui venait d’être créé. C’est lui qui lira, le 1 février 1931, les toutes premières informations radiodiffusées flamandes, soit ce que l’on appelait à l’époque le « journal parlé ». Dans ses émissions radiodiffusées, il consacrera toujours beaucoup d’attention à la culture et, si l’occasion s’en présentait, aux traditions étudiantes.

 

Pendant la seconde guerre mondiale, Mon De Groeyse ne quitte pas son poste et devient le chef du département « organisation » de la radio de Bruxelles (« Zender Brussel »), qui fonctionnait alors sous tutelle allemande. Son supérieur hiérarchique était le très célèbre poète expressionniste flamand Wies Moens. Il fut évidemment accusé de « collaboration culturelle » et, père de quatre jeunes enfants, on l’a fait croupir pendant un an dans une geôle du régime belge, qui ne reconnaissait plus la qualité indéniable de ses travaux, pourtant primés par l’Académie royale en des temps meilleurs... En octobre 1947, il retrouve la liberté, mais ne fut complètement réhabilité que dans les années 70.

 

Les archives de la vie étudiante

 

Les étudiants des corporations, porteurs des couleurs et de la casquette, n’ont jamais tenu compte de cette condamnation et de cet emprisonnement et ne lui ont jamais tourné le dos, bien au contraire. Personne n’avait oublié tout ce que cet homme signifiait et symbolisait pour la vie étudiante. Dans les années d’après-guerre, dès sa sortie de prison, de très nombreux clubs et associations l’ont nommé « président d’honneur » ou « commilito honoris causa ». Le vieux leader étudiant a profité de l’ostracisme que le régime lui infligeait pour constituer une collection unique de documents et de pièces concernant la vie et le folklore étudiants en Flandre. Cette collection impressionnante, plus encore que son « Codex » si célèbre, est l’œuvre de sa vie. Il l’a offerte en 1978 à la KUL, à l’Université de Louvain. Aujourd’hui, on peut visiter, après avoir pris rendez-vous, l’AMVS ou  « Les Archives et Musée de la vie étudiante flamande », qui se trouvent à la Bibliothèque centrale de l’Université, Place Ladeuze à Louvain (pour tous renseignements : centrale.bibliotheek@bib.kuleuven.be ). Rien que la collection de Mon De Goeyse vaut en soi un passage dans la capitale du Brabant flamand.

Mon De Goeyse meurt le 21 décembre 1998 dans la ville qu’il a aimé par-dessus tout : Louvain. Comme leader étudiant, il fut certainement aussi important, pour l’histoire culturelle flamande, que le légendaire Berten Rodenbach ou le prince-étudiant Jef Van Den Eynde.

Frederik PAS.

(article paru dans la revue « Vrij Vlaanderen », n°2/2007).

Note : (*) Le Hageland est une région idyllique au Nord-Est de l’ancienne province du Brabant.

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jeudi, 26 juillet 2007

Hans J. Freyer

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Hans Johannes FREYER (cf. http://www.uener.com/freyer.html )
(Lexikon Artikel im "Lexikon des Konservatismus", Leopold-Stocker-Verlag, Graz/Stuttgart 1996)

geb. 31.7.1887 Leipzig; gest. 18.1.1969 Ebersteinburg/Baden-Baden.

Deutscher Philosoph und Soziologe; Schwerpunkte historische politische Soziologie und Kulturtheorie der Industriegesellschaft.

Der Sohn eines sächsischen Postdirektors erhielt seine Gymnasialausbildung am königlichen Elitegymnasium zu Dresden-Neustadt, studierte von 1907 bis 1911 in Leipzig Philosophie, Psychologie, Nationalökonomie und Geschichte, u.a. bei Wilhelm Wundt und Karl Lamprecht, in deren universalhistorischer Tradition er seine ersten Arbeiten zur Geschichtsauffassung der Aufklärung (Diss. 1911) und zur Bewertung der Wirtschaft in der deutschen Philosophie des 19. Jahrhunderts (Habilitation 1921) verfaßte. Nach zusätzlichen Studien in Berlin mit engen Kontakten zu Georg Simmel und Lehrtätigkeit an der Reformschule der Freien Schulgemeinde Wickersdorf kämpfte F. mit dem Militär-St.-Heinrichs-Orden ausgezeichnet im Ersten Weltkrieg. Als Mitglied des von Eugen Diederichs initiierten Serakreises der Jugendbewegungverfaßte F. an die Aufbruchsgeneration gerichtete philosophischen Schriften: Antäus (1918), Prometheus (1923), Pallas Athene (1935). Von 1922 bis 1925 lehrte er als Ordinarius hauptsächlich Kulturphilosophie an der Universität Kiel, erhielt 1925 den ersten deutschen Lehrstuhl für Soziologie ohne Beiordnung eines anderen Faches in Leipzig und widmete sich von nun an der logischen und historisch-philosophischen Grundlegung dieser neuen Disziplin. In Auseinandersetzung mit dem Positivismus seiner Lehrer und mit der Philosophie Hegels sollten typische gesellschaftliche Grundstrukturen herausgearbeitet und ihre historischen Entwicklungsgesetze gefunden werden. Darüber hinaus ist für F. die Soziologie als konkrete historische Erscheinung, erst durch die abendländische Aufklärung möglich geworden, Äußerung einer vorher nie dagewesenen gesellschaftlichen Emanzipation zur wissenschaftlichen Selbstreflexion, drückt deshalb als "Wirklichkeitswissenschaft" in der Erfassung des gegenwärtigen gesellschaftlichen Wandels auch den kollektiven Willen aus, ist also als Wissenschaft zugleich politische Ethik, die die Richtung des gesellschaftlichen Wandels zu bestimmen hat.

F. war ab 1933 Direktor des Instituts für Kultur- und Universalgeschichte an der Leipziger Universität. Als neu gewählter Präsident der Deutschen Gesellschaft für Soziologie legte er diese 1933 still, um eine politische "Gleichschaltung" zu verhindern. Den damaligen europäischen politischen Umbrüchen brachte F. als Theoretiker des Wandels zunächst offenes Interesse entgegen, fühlte sich der theoretischen Erfassung dieser Entwicklungen verpflichtet und war deshalb nie aktives Mitglied einer politischen Partei oder Bewegung; er wurde später der "konservativen Revolution" der zwanziger Jahre als "jungkonservativer Einzelgänger" (Mohler) zugeordnet. Die vor 1933 noch idealistisch formulierte Konzeption des Staates als höchste Form der Kultur (1925) hat F. im Lauf der bedrohlichen politischen Entwicklung revidiert in seinen Studien über Machiavelli (1936) und Friedrich den Großen (Preußentum und Aufklärung 1944) durch einen realistischen Staatsbegriff, der ausschließlich durch Gemeinwohl, langfristige gesellschaftliche Entwicklungsperspektiven und durch prozessuale Kriterien der Legitimität gerechtfertigt ist: durch den Dienst am Staat, der aber den Menschen keinesfalls total vereinnahmen darf, sowie die Prägekraft des Staates, der dem Kollektiv ein gemeinsames Ziel gibt, aber dennoch die Freiheit und Menschenwürde seiner Bürger bewahrt. Insbesondere gelang F. in der Darstellung der Legitimität als generellem Gesetz jeder Politik eine dialektische Verknüpfung des naturrechtlichen Herrschaftsgedankens mit der klassischen bürgerlich-humanitären Aufklärung: Nur die Herrschaft ist legitim, die dem Sinn ihres Ursprungs entspricht - es muß das erfüllt werden, was das Volk mit der Einsetzung der Herrschaft gewollt hat.

Als Gastprofessor für deutsche Kulturgeschichte und -philosophie an der Universität Budapest (1938-45) verfaßte F. sein größtes historisches Werk, die "Weltgeschichte Europas", eine Epochengeschichte der abendländischen Kultur. Von den politischen Bestimmungen der Amtsenthebung nicht betroffen lehrte F. ab 1946 wieder in Leipzig, wurde 1947 nach einer durch G. Lukács ausgelösten ideologischen Debatte entlassen, war danach Redakteur des Neuen Brockhaus in Wiesbaden, lehrte 1955 bis 1963 Soziologie an der Universität Münster und nahm mehrere Gastprofessuren in Ankara und Argentinien wahr. 1958 leitete er als Präsident den Weltkongreß des Institut International de Sociologie in Nürnberg und wurde mit dem Ehrendoktor der Wirtschaftswissenschaften in Münster (1957) und der Ingenieurswissenschaften an der Technischen Hochschule in München (1961) ausgezeichnet.

Zentraler Gesichtspunkt seiner Nachkriegsschriften war die gegenwärtige Epochenschwelle, der Übergang der modernen Industriegesellschaft zur weltweit ausgreifenden wissenschaftlich-technischen Rationalität, deren "sekundäre Systeme" alle naturhaft gewachsenen Lebensformen erfassen. F. weist nach, wie diese Fortschrittsordnung zum tragenden Kulturfaktor wird in allen Teilentwicklungen: der Technik, Siedlungsformen, Arbeit und Wertungen. Seine frühere integrative Perspektive einer Kultursynthese wird ersetzt durch den Konflikt von eigengesetzlichen, künstlichen Sachwelten einerseits und den "haltenden Mächte" des sozialen Lebens andererseits, die im "Katarakt des Fortschritts" auf wenige, die private Lebenswelt beherrschende Gemeinschaftsformen beschränkt sind. Jedoch bleibt die Synthese von "Leben" und "Form", von Menschlichkeit und technischer Zivilisation für F. weiterhin unerläßlich für den Fortbestand jeder Kultur, im krisenhaften Übergang noch nicht erreicht, aber durchaus denkbar jenseits der Schwelle, wenn sich die neue geschichtliche Epoche der weltumspannenden Industriekultur konsolidieren wird. F.s Theorie der Industriekultur, kurz vor seinem Tode begonnen, ist unvollendet geblieben. Sein strukturhistorisches Konzept der Epochenschwelle hat in der deutschen Nachkriegssoziologie weniger Aufnahme gefunden, während es in der deutschen Geschichtswissenschaft wesentlich zur Überwindung einer evolutionären Entwicklungsgeschichte beigetragen hat und eine sozialwissenschaftlich orientierte Strukturgeschichtsschreibung einleitete, wofür F.s Konzept der Eigendynamik der sekundären Systeme ebenso ausschlaggebend war.

F. hielt andererseits an einem gegen die Sachgesetzlichkeiten gerichteten Begriff der Geschichte als souveräne geistige Verfügung über Vergangenheit fest. Die Annahme einer selbstläufigen Entwicklung ist nach F. dem Geschichtsdenken des 19. Jahrhunderts verhaftet, ein modernes historisches Bewußtsein hat solchen Chiliasmus abgetan. Geschichte als Reservoir von Möglichkeiten für konkrete Zielformulierungen kann Wege öffnen zur Bewältigung der Entfremdung durch sekundäre Systeme. Zugleich weist F. auf die Paradoxie eines rein konservativen Handelns hin: Ein Erbe nur zu hüten ist gefährlich, denn es wird dadurch zu nutzbarem Besitz, zum Kulturbetrieb entwertet; ebenso wird die Utopie, durchaus förderlich als idealtypische oder experimentelle Modellkonstruktion, als konkrete Zukunftsplanung zum Terror einer unmenschlichen wissenschaftlichen Rationalität. Diese Paradoxien beweisen für F. die Wirklichkeitsmacht der Geschichte, die weder bewahrt, geformt noch geplant, sondern nur spontan gelebt werden kann. F.s bleibender Beitrag besteht in der dialektischen Verschränkung und Nichtreduzierbarkeit der Dimensionen von politischer Herrschaft, wissenschaftlicher Rationalität und der sozialen Willens- und Entscheidungsgemeinschaft und in der Charakterisierung dieses dialektischen Verhältnisses als die eigentliche Dimension des "Politischen", die auch im gegenwärtigen "technisch-wissenschaftlichen Zeitalter" nicht an Bedeutung verloren hat.

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Literaturverzeichnis Hans Freyer bis etwa 1994

Bibliographie:

E. Üner: H. F.-Bibliographie, in: H. F.: Herrschaft, Planung und Technik. Hg. E. Üner, Weinheim 1987, S. 175-197.

Schriften:

Die Geschichte der Geschichte der Philosophie im achtzehnten Jahrhundert (Phil. Diss.), Leipzig 1911; Antäus. Grunlegung einer Ethik des bewußten Lebens, Jena 1918; Die Bewertung der Wirtschaft im philosophischen Denken des 19. Jahrhunderts (Habil.), Leipzig 1921; Theorie des objektiven Geistes, Leipzig-Berlin 1923; Prometheus. Ideen zur Philosophie der Kultur, Jena 1923; Der Staat, Leipzig 1925; Soziologie als Wirklichkeitswissenschaft, Leipzig-Berlin 1930; Revolution von rechts, Jena 1931; Pallas Athene. Ethik des politischen Volkes, Jena 1935; Das geschichtliche Selbstbewußtsein des 20. Jahrhunderts, Leipzig 1937; Machiavelli, Leipzig 1938; Weltgeschichte Europas, Wiesbaden 1948; Die weltgeschichtliche Bedeutung des 19. Jahrhunderts, Kiel 1951; Theorie des gegenwärtigen Zeitalters, Stuttgart 1955; Schwelle der Zeiten, Stuttgart 1965.

Editionen:

Gedanken zur Industriegesellschaft, Hg. A. Gehlen, Mainz 1970; Preußentum und Aufklärung und andere Studien zu Ethik und Politik, Hg. E. Üner, Weinheim 1986; Herrschaft, Planung und Technik. Aufsätze zur politischen Soziologie, Hg. E. Üner, Weinheim 1987.

Literatur:

J. Pieper: Wirklichkeitswissenschaftliche Soziologie, in: Arch. f. Soz.wiss. u. Soz.pol. 66 (1931), S. 394-407; H. Marcuse: Zur Auseinandersetzung mit H. F.s Soziologie als Wirklichkeitswissenschaft, in: Philos. Hefte 3 (1931/32), S. 83-91; E. Manheim: The Sociological Theories of H. F.: Sociology as a Nationalistic Paradigm of Social Action, in: H. E. Barnes, ed., An Introduction to the History of Sociology, Chicago 1948, S. 362-373; L. Stern: Die bürgerliche Soziologie und das Problem der Freiheit, in: Zs. f. Geschichtswiss. 5 (1957), S. 677-712; H. Lübbe: Die resignierte konservative Revolution, in: Zs. f. die ges. Staatswissensch. 115 (1959), S. 131-138; G. Lukacs: Die Zerstörung der Vernunft, Neuwied-Berlin 1962; H. Lübbe: Herrschaft und Planung. Die veränderte Rolle der Zukunft in der Gegenwart, in: Evang. Forum H. 6, Modelle der Gesellschaft von morgen, Göttingen 1966; W. Giere: Das politische Denken H. F.s in den Jahren der Zwischenkriegszeit, Freiburg i. B. 1967; F. Ronneberger: Technischer Optimismus und sozialer Pessimismus, Münster/Westf. 1969; E. Pankoke: Technischer Fortschritt und kulturelles Erbe, in: Geschichte i. Wiss. u. Unterr. 21 (1970), S. 143-151; E. M. Lange: Rezeption und Revision von Themen Hegelschen Denkens im frühen Werk H. F.s, Berlin 1971; P. Demo: Herrschaft und Geschichte. Zur politischen Gesellschaftstheorie H. F.s und Marcuses, Meisenheim a. Glan 1973; W. Trautmann: Utopie und Technik, Berlin 1974; R. König: Kritik der historisch-existentialistischen Soziologie, München 1975; W. Trautmann: Gegenwart und Zukunft der Industriegesellschaft: Ein Vergleich der soziologischen Theorien H. F.s und H. Marcuses. Bochum 1976; H. Linde: Soziologie in Leipzig 1925-1945, in: M. R. Lepsius, Hg., Soziologie in Deutschland und Österreich 1918-1945, Kölner Zs. f. Soziol. u. Sozialpsychol., Sonderh. 23, 1981, S. 102-130; E. Üner: Jugendbewegung und Soziologie. H. F.s Werk und Wissenschaftsgemeinschaft, ebd. S. 131-159; M. Greven: Konservative Kultur- und Zivilisationskritik in "Dialektik der Aufklärung" und "Schwelle der Zeiten", in: E. Hennig, R. Saage, Hg., Konservatismus - eine Gefahr für die Freiheit?, München 1983, S. 144-159;E. Üner: Die Entzauberung der Soziologie, in: H. Baier, Hg., H. Schelsky - ein Soziologe in der Bundesrepublik, Stuttgart 1986, S. 5-19; J. Z. Muller: The Other God That Failed. H. F. and the Deradicalization of German Conservatism. Princeton, N. J. 1987; E. Üner: H. F.s Konzeption der Soziologie als Wirklichkeitswissenschaft, in: Annali die Sociologia 5, Bd. II, 1989, S. 331-369; K. Barheier: "Haltende Mächte" und "sekundäre Systeme", in: E. Pankoke, Hg., Institution und technische Zivilisation, Berlin 1990, S. 215-230; E. Nolte: Geschichtsdenken im 20. Jahrhundert, Berlin-Frankfurt/M. 1991, S. 459-470; E. Üner, Soziologie als "geistige Bewegung", Weinheim 1992; H. Remmers: H. F.: Heros und Industriegesellschaft, Opladen 1994; E. Üner: H. F und A. Gehlen: Zwei Wege auf der Suche nach Wirklichkeit, in: H. Klages, H. Quaritsch, Hg., Zur geisteswissenschaftlichen Bedeutung A. Gehlens, Berlin 1994, S. 123-162.

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mercredi, 25 juillet 2007

Walter Flex

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Fritz FISCHER  (http://www.deutsche-stimme.de/)

Der Wanderer zwischen beiden Welten
Zum 120. Geburtstag des deutschen Dichters Walter Flex

»Ich lag als Kriegsfreiwilliger wie hundert Nächte zuvor auf der granatenzerpflügten Waldblöße als Horchposten und sah mit windheißen Augen in das flackernde Helldunkel der Sturmnacht, durch die ruhlos Scheinwerfer über deutsche und französische Schützengräben wanderten. Der Braus des Nachtsturms schwoll anbrandend über mich hin. Fremde Stimmen füllten die zuckende Luft. Über Helmspitze und Gewehrlauf hin sang und pfiff es schneidend, schrill und klagend, und hoch über den feindlichen Heerhaufen, die sich lauernd im Dunkel gegenüberlagen, zogen mit messerscharfem Schrei wandernde Graugänse nach Norden … Die Postenkette unseres schlesischen Regiments zog sich vom Bois des Chevaliers hinüber zum Bois de Vérines, und das wandernde Heer der wilden Gänse strich gespensterhaft über uns alle dahin. Ohne im Dunkel die ineinander laufenden Zeilen zu sehen, schrieb ich auf einen Fetzen Papier ein paar Verse:

»Wildgänse rauschen durch die Nacht
Mit schrillem Schrei nach Norden;
Unstete Fahrt habt Acht, habt Acht,
Die Welt ist voller Morden.

Fahrt durch die nachtdurchwogte Welt,
Graureisige Geschwader!
Fahlhelle zuckt und Schlachtruf gellt,
Weit wallt und wogt der Hader.

Rausch zu, fahr zu, du graues Heer!
Rauscht zu, fahrt zu nach Norden!
Fahrt ihr nach Süden übers Meer -,
Was ist aus uns geworden!

Wir sind wie ihr ein graues Heer
Und fahr'n in Kaisers Namen,
Und fahr'n wir ohne Wiederkehr,
Rauscht uns im Herbst ein Amen!«

Der Verfasser dieser äußerst bewegten Verse war der deutsche Kriegsfreiwillige Walter Flex, der im Frühjahr 1915 diese Zeilen an der Westfront liegend niederschrieb, die nur zwei Jahre später in der Novelle »Der Wanderer zwischen beiden Welten« der deutschen Jugend zugänglich gemacht wurden. In dieser Novelle hatte Walter Flex seine persönlichen Kriegserlebnisse aus dem Jahre 1915 zusammengetragen, eine Novelle, die später eine Auflage von über einer Million erzielen sollte und bis 1940 eines der meistgelesenen Werke im deutschen Kulturraum blieb. Am 6. Juli wäre Walter Flex 120 Jahre alt geworden, weshalb sein Leben und sein Werk eine ausführliche Würdigung erfahren soll.
Geboren wurde Walter Flex im Jahre 1887. Als Sohn des nationalliberalen Gymnasialprofessors Dr. Rudolf Flex und dessen Ehefrau Margarete wuchs er im thüringischen Eisenach auf, wo er das Karl-Friedrich-Gymnasium besuchte und dort 1906 das Abitur ablegte. Anschließend begann er an der Universität Erlangen sein Studium der Germanistik und Geschichte und wurde Mitglied in der Burschenschaft Bubenruthia. Im Jahre 1908 setzte der junge Flex sein Studium in Straßburg fort und veröffentlichte seine ersten Erzählungen, Novellen und Gedichte, eher er 1910 wieder nach Erlangen zurückkehrte und dort ein Jahr später seine Promotion ablegte. Aus dieser Zeit stammt auch die Bekanntschaft zwischen Walter Flex und der Familie des einstigen Reichsgründers Otto von Bismarck, wo er zwischen 1910 und 1913 als Hauslehrer für die Enkel Bismarcks tätig war. Hier wurde ihm auch der geistige Boden für seine Bismarck-Novellen sowie für das bekannte Drama »Klaus von Bismarck« gelegt. Nach dem Kriegsausbruch meldete sich Walter Flex 1914 als Kriegsfreiwilliger in Posen. Von dort verschlug es ihn mit seinem Regiment im Oktober 1914 schließlich nach Lothringen. Hier schrieb Walter Flex auch jene eingangs zitierten Verse nieder. Das Lied »Wildgänse rauschen durch die Nacht…« wurde schon bald mehrfach vertont und avancierte zu einem der bekanntesten deutschen Lieder überhaupt, welches nicht nur die damalige Jugend beigeisterte. Auch heute ist dieses Lied immer noch sehr bekannt, weil es nicht nur bei Wandervögeln, sondern auch bei Wehrdienstleistenden und Verbindungsstudenten nach wie vor beliebt ist und immer noch gerne gesungen wird. Doch was hat es mit diesen Versen eigentlich auf sich?
Im März 1915 wurde Walter Flex zur Offiziersausbildung in das Warthelager bei Posen beordert und dort im Mai zum Leutnant befördert. Hier knüpfte er enge Freundschaft mit dem kriegsfreiwilligen Studenten der Theologie Ernst Wurche, der als Führer des Nachbarzuges neben Walter Flex in Nordostpolen eingesetzt war. Beide verband ihr gleiches soldatisches Denken und Fühlen. Wie sich nach etlichen gemeinsamen Gesprächen an der Front herausstellen sollte, konnte sich auch Leutnant Wurche noch an genau jene Nacht erinnern, in der einst im Frühjahr die Wildgänse an der Westfront vorübergezogen waren. Doch der schnelle Tod, den Leutnant Wurche nach einem Patrouillengang im August 1915 heimsuchen sollte, wurde für Walter Flex zum traumatischen Erlebnis, da dieser in unmittelbarer Nähe auf Posten liegend, dem sterbenden Kameraden leider nicht mehr zur Hilfe kommen konnte. Der Tod des Kameraden sowie seine eigenen Kriegserlebnisse fanden daher in der autobiografischen Erzählung »Der Wanderer zwischen beiden Welten« ihren literarischen Niederschlag. Gegen Ende dieser Novelle beschreibt Walter Flex seine zweite, emotionsgeladene Begegnung mit den Wildgänsen:
»Die Pulse flogen mir. Ich stand auf und ging hinaus. Freie und Frische wehten mich an. Das Herz wallte mir leichter seit langem. Da – ein Rauschen in den Lüften, ein scharfes Schreien, ein Näherbrausen, ein wanderndes Gänseheer rauschte hoch über Winknobroscz nach Süden. Ihre Schatten flogen über mich hin. Eine Erinnerung drückte auf mich wie eine lastende Hand. Wie lange war es her, daß das Gänseheer wandernd nach Norden rauschte über die kriegswunden Wälder vor Verdun hin, über den Freund und mich? … Aus Frühling und Sommer war Herbst geworden. Die Graugänse wanderten nach Süden. Fernhin rauschte ihre Fahrt über das einsame Grab auf den stillen Höhen über dem Simno-See…«
Flex spricht hier vom einsamen Grab des toten Kameraden Ernst Wurche, das er diesem einst persönlich gegraben hatte. Vor diesem Hintergrund und der herbstlichen Wiederkehr der Wildgänse werden nun auch die letzten Zeilen des Gedichtes verständlich: »Und fahr'n wir ohne Wiederkehr, Singt uns im Herbst ein Amen.« Zeilen, deren Tiefe eine ganze deutsche Generation nachempfinden konnte, waren die eigenen Kriegserlebnisse zweifelsohne doch ebenso tragisch behaftet wie die in »Der Wanderer zwischen beiden Welten« geschilderten.
Diese erschienen erstmals im Oktober 1916. Die Novelle wurde anschließend das erfolgreichste Buch eines deutschen Schriftstellers im Ersten Weltkrieg und eines der sechs erfolgreichsten deutschen Bücher im 20. Jahrhundert überhaupt. Für mindestens zwei Generationen deutscher Jugendlicher wurde »Der Wanderer zwischen beiden Welten« zum Kultbuch schlechthin und Walter Flex bis 1945 zum Klassiker. Schließlich wurde Walter Flex im Jahre 1917 nach Berlin abkommandiert, um dort an der Publikation »Der Krieg in Einzeldarstellungen« mitzuwirken. Doch der Berlin-Aufenthalt in der Etappe sollte nur eine kurze Episode bleiben. Auf eigenem Wunsch wieder an die Ostfront versetzt, wurde Flex im Herbst 1917 bei einer deutschen Offensive an der Ostfront mit der Führung einer Infanteriekompanie betraut. Hier erhielt er kurz darauf auf der estnischen Insel Ösel durch einen Schuß seine tödliche Verwundung, die ihm am 16. Oktober 1917 den von ihm ersehnten Heldentod für das Vaterland brachte.
»Der Stahl, den Mutters Mund geküßt, Liegt still und blank zur Seite. Stromüber gleißt, waldüber grüßt, Feldüber lockt die Weite…« Verse, die einst Leutnant Wurche im Leben gedichtet und geliebt hatte und anschließend im Tode gelebt hatte, lebte nun auch Walter Flex. Dieses Schicksal der beiden gefallenen Gefährten leuchtet uns auch heute aus der Vergangenheit entgegen. Als Sinnbild für die Treue und Kameradschaft einer ganzen Frontgeneration, die heute ihresgleichen sucht.?

Fritz Fischer

Weiterführende Literatur zum Thema: Flex, Walter: Der Wanderer zwischen beiden Welten; 128 S., geb., 13,80 Euro (Art.-Nr. 100515); Walter Flex, Das Weihnachtsmärchen des 50. Regiments, Hörbuch, 1 CD mit 60 Minuten Spielzeit, 9,90 Euro (Art.-Nr. 103500)
Zu beziehen über den DS-Buchdienst, Postfach 100 068, 01571 Riesa, Tel.: 03525/5292-0, Fax: -23, Epost: bestellung@ds-verlag.de

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lundi, 02 juillet 2007

P. Lensch, théoricien socialiste de la Nation

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Le socialiste marxiste Paul Lensch, théoricien de la Nation comme sujet actif du progrès historique

Drei Jahre Weltrevolution [Trois ans de Révolution mondiale] : tel était le titre d’une publication due à la plume d’un député social-démocrate (SPD) du Reichstag, Paul Lensch, parue lors de la troisième année de la Grande Guerre. Cette publication constituait le troisième volet d’une trilogie, dont la première partie était sortie de presse en 1915, sous le titre de Die deutsche Sozialdemokratie und der Weltkrieg [La social-démocratie allemande et la Guerre mondiale], et dont la seconde partie, intitulée Die Sozialdemokratie, ihr Ende und ihr Glück [La social-démocratie, sa fin et sa chance], avait été publiée en 1916. Cette trilogie a été suivie, à la fin du conflit, par une autre brochure, dont le titre était Am Ausgang der deutschen Sozialdemokratie [Quand vient la fin de la social-démocratie allemande]. La lecture de cette trilogie et de cette brochure est fascinante, indépendamment du fait qu’il faille toujours étudier en toute autonomie les sources directes, sans passer sous les fourches caudines de la tutelle que veulent exercer les professionnels orwelliens de la correction systématique du passé. L’œuvre de Lensch nous montre comment un marxiste internationaliste devient un socialiste national, tout en conservant son mode d’argumentation de mouture marxiste. Si bien qu’il est possible de le considérer comme un précurseur du mouvement qui s’appelera —ce n’est évidemment pas un hasard— “national-socialiste”.

Paul Lensch appartenait à l’aile gauche de la SPD, c’est-à-dire à une minorité de la fraction social-démocrate du Reichstag, qui avait pour intention première de refuser de voter les crédits de guerre, qui voulait donner à la gestion allemande de la belligérance une légitimité démocratique. Dans ce contexte toutefois, Lensch va rapidement opérer un changement, comme on pouvait le prévoir pour tout le courant révisionniste de gauche au sein du parti, courant que le politologue Abraham Ascher nommera les “radical imperialists” au sein de la SPD.

L’argumentation des “révisionnistes de gauche”, dont Lensch, repose sur la théorie de l’impérialisme de Lénine. En réfléchissant à la substance des écrits de Lénine sur l’impérialisme, ce courant de gauche au sein de la SPD allemande en est venu à constater que l’Empire allemand, grâce à l’action politique des socialistes au cours des décennies qui ont précédé 1914, est un Etat progressiste, à la pointe du progrès social. Dans ce contexte, l’Allemagne de Guillaume II a une mission historique, estiment-ils : celle de mener à bien la révolution socialiste contre l’impérialisme mondialiste britannique. Lensch et ses camarades constatent, en partant de leur point de vue léniniste, que le service militaire généralisé, l’obligation de scolarité et les institutions démocratiques allemandes, sanctionnées par le suffrage universel qui permet à tous d’élire les députés du Reichstag, ont émancipé la classe ouvrière allemande bien plus que ses homologues dans le reste du monde. Le progrès a donc, à leurs yeux, été réalisé de manière bien plus complète en Allemagne qu’ailleurs.

L’émancipation ouvrière, amorcée sous le Reich de Bismarck, amènera la fin de la lutte des classes, comme l’annonce clairement l’émergence de facto d’une communauté populaire de combat, ainsi que l’attestent les événements vécus d’août 1914, où l’on a vu s’opérer la fusion du nationalisme et du socialisme. Ces événements ont nettement prouvé que la social-démocratisation de la vie politique allemande avant 1914 a induit une nationalisation de la classe ouvrière allemande.

La guerre mondiale, dans cette perspective, correspond bien à ce qu’avait prophétisé Marx, qui voyait en la guerre la sage-femme qui allait accoucher de la révolution, et même de la révolution mondiale. Se souvenant des écrits de Marx dans les années 1840-1850, Lensch et ses amis constate aussi que la guerre mondiale en cours va unir définitivement l’Allemagne et l’Autriche, même si les questions constitutionnelles n’étaient pas encore envisagées ; la guerre allait accoucher d’un Empire grand-allemand et réalisé de la sorte le rêve des révolutionnaires démocratiques de 1848. En outre, toujours selon la même logique tirée des écrits de Marx, la guerre mondiale en cours est la suite normale de la guerre d’unification de 1871.

Dans la mesure où l’Allemagne de 1914 affronte la Russie tsariste, le rêve de Karl Marx se réalise : une guerre révolutionnaire contre la Russie réactionnaire a enfin commencé! Celle-ci n’avait pas pu encore être détruite, pensent Lensch et ses camarades socialistes de gauche, parce que la situation de l’Allemagne était telle qu’elle devait tenir compte des intérêts russes. La victoire sur la Russie tsariste, pense Lensch, permettra aux socialistes allemands de vaincre l’“Angleterre intérieure”, représentée, à ses yeux, par les Junker prussiens (on s’étonne de constater que la liberté d’expression était largement accordée dans l’Empire allemand, même en pleine guerre!). Les Junker, en effet, veulent conserver un suffrage censitaire en Prusse, ce qui empêche la constitution d’une communauté populaire véritablement démocratique, donc national(ist)e. Vu les fortes positions de la social-démocratie en Allemagne, une victoire allemande dans la guerre en cours signifierait une victoire de la théorie marxiste, surtout vis-à-vis des partis socialites étrangers, dont les orientations politiques et sociales étaient nettement moins déterminées par l’œuvre de Marx. Pour Lensch, l’enjeu historique primordial de la guerre mondiale en cours était la lutte entre une Allemagne socialiste et le libéralisme britannique. Si celui-ci gagne la partie, le capitalisme organisé règnera sur le monde. C’est pourquoi le socialisme qui dépasse la lutte des classes est une forme d’organisation sociale supérieure qui conduira à l’émergence d’une véritable communauté populaire, qui devra rendre impossible le règne du capitalisme total à l’anglaise.

Au cœur de tous ses écrits, Lensch critique les positions pro-britanniques que prennent bon nombre de sociaux-démocrates. En ce sens, ses textes restent intéressants pour comprendre la critique récurrente de la politique anglaise. Ils méritent d’être encore lus et relus sous cet angle. En avançant ses arguments, Lensch applique avec pertinence à la politique étrangère les catégories conceptuelles forgées par Karl Marx et Friedrich Engels sur la lutte des classes, où l’Angleterre apparaît comme la puissance exploitrice et réactionnaire par excellence,dont l’immense empire doit être conduit à l’effondrement par la guerre mondiale qui, de fait, est une révolution mondiale.

Quand l’Allemagne perd finalement la partie, Lensch retombe sur les pattes, à sa manière. Il revient à l’anglophilie social-démocrate, qu’il avait pourtant critiquée. Sous la pression de la guerre mondiale, l’Angleterre avait changé, pensait-il. En politique intérieure, elle avait adopté les principes allemands du capitalisme organisé ; elle avait décrété le service militaire obligatoire, qui est d’essence démocratique ; elle était ainsi, à son tour, devenue une puissance progressiste. Malgré ces concessions positives, Lensch développe toutefois, dans son argumentation théorique d’après 1918, un point négatif, sur le plan de sa théorie générale du progrès : la victoire anglaise a certes porté la SPD au pouvoir sans partage, ce qui permettait d’ouvrir sans obstacle la voix au socialisme, mais elle avait simultanément détruit en Allemagne les éléments concrets qui en faisaient un pays totalement progressiste, dans une perspective marxiste. Pour réaliser un véritable socialisme, expliquait Lensch après 1918, il aurait fallu conserver l’armée prussienne-allemande et le gouvernement des fonctionnaires non partisans pour enrayer les tendances ploutocratiques du parlementarisme.

Les conditions dictées par le Traité de Versailles sanctionnent la victoire du capitalisme réactionnaire, ce qui, pour Lensch, implique, à l’évidence, qu’il faut dorénavant transposer les catégories marxistes de la lutte des classes dans la sphère de la politique internationale, de manière à penser la situation globale de manière féconde. Malgré les résultats contradictoires de la guerre mondiale, Lensch continuait à penser que l’Allemagne conservait son rôle de puissance sociale-révolutionnaire, dont l’importance était capitale, était d’une importance cruciale pour l’histoire future du monde. Elle pouvait d’autant mieux le jouer que la social-démocratie était victorieuse sur le plan intérieur et que la réaction avait été mise hors jeu. La “mascarade monarchique” avait disparu, ce qui rendait plus visible encore la disparition du facteur “réaction”. Pour pouvoir mener à bien cette lutte des classes au niveau international, il fallait d’abord, pensait Lensch, poursuivre la lutte des classes à l’intérieur, c’est-à-dire maintenir à flot cette idée concrète de communauté populaire, comme en août 1914.

Au fil des arguments avancés par Lensch, on constate, chez lui comme chez d’autres révisionnistes de gauche de l’époque, tel l’Italien Benito Mussolini, que la nation active, finalement, prend la place de la classe ouvrière en tant que sujet agissant du progrès historique. Il convient dès lors de mener une lutte internationale de libération contre le nouvel ordre imposé à Versailles, ce qui revient à poursuivre la guerre qui fut une révolution mondiale et à préparer une deuxième guerre, dès que la lutte des classes sur le front intérieur aura été parachevée sous l’égide d’un socialisme porté par un chef charismatique.

Paul Lensch fut pendant la “révolution de Novembre”, c’est-à-dire pendant les troubles qui ont immédiatement suivi l’armistice du 11 novembre 1918, l’intermédiaire entre les députés du peuple et l’état-major général des armées. Plus tard, il ne trouva pas de majortié au sein de la SPD pour appuyer ses projets révolutionnaires. En 1922, parce qu’il a coopéré à la neutralisation de la révolte spartakiste, il est exclu de la SPD. Son destin nous oblige toutefois à poser un question importante, dans le contexte du sort que l’on fait subir à la vérité historique en RFA aujourd’hui : n’était-ce qu’une foucade polémique de Crispien, porte-paroles de l’USPD pré-communiste et dissidente de la SPD jugée trop fade, d’avoir utilisé le vocable de “national-scoaliste” pour désigner cette SPD majoritaire, après l’élimination du spartakisme? La paternité du vocable ne revient pas à ce Crispien ; le terme a été utilisé pour la première fois en 1897 par les dissidents de la social-démocratie austro-hongroise dans l’espace tchèque (Bohème et Moravie) qui ont nommé leur parti Ceskoslovenska strana narodnescosocialisticka, soit “Parti national-socialiste tchécoslovaque”. En 1903, en réaction à la création de cette formation nationale-socialiste tchécoslovaque, les socialistes allemands de la région des Sudètes fondent un Deutsche Arbeiterpartei , soit un “Parti ouvrier allemand”, qui sera débaptisé en 1918 pour se nommer “Deutsche National-sozialistische Arbeiterpartei” [Parti ouvrier national-socialiste allemand], qui anticipera directement la NSDAP hitlérienne.

L’itinéraire personnel de Paul Lensch, député socialiste du Reichstag, explique pourquoi les figures de proue du socialisme allemand d’après 1945, tels Kurt Schumacher, qui fut Président de la SPD, ou Johann Plenge, n’ont jamais cessé de dire que l’émergence du national-socialisme n’a été possible qu’à cause de l’existence préalable du socialisme. Il existe donc bel et bien une évolution logique qui partirait du socialisme marxiste pour aboutir au national-socialisme. Cette évolution n’est pas purement dialectique, mais organique. Elle a été rendue possible en Allemagne après 1918, à cause des conditions trop contraingnantes du Traité de Versailles, qui ont obligé l’Allemagne vaincue à suivre une voie propre, particulière, que l’on ne peut comparer à celles des pays voisins.

Analyser les écrits de Paul Lensch, examiner le développement successif de sa vision politique, nous permet de mieux comprendre aujourd’hui quel a été le contexte idéologique et intellectuel purement socialiste —et marxiste-léniniste— dans lequel a émergé le national-socialisme allemand.

Josef SCHÜSSLBURNER.

(article tiré de Junge Freiheit, n°5/1998).

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dimanche, 24 juin 2007

Extraits de l'autobiographie d'A. Mohler

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Extraits de l'autobiographie d'Armin Mohler

Pour expliquer ses positions critiques à l'égard de l'histo­rio­graphie de la République Fédérale, Armin Mohler dans son ouvrage Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheits­be­wältigung (Heitz und Höffkes, Essen, 1989), évoque quel­ques péripéties de sa jeunesse. Pour fêter ses 80 ans, nous en donnons une toute première version française à nos lec­teurs. Pour les anciens abonnés à Vouloir, cf. Willy Pieters, «Les Allemands, leur histoire et leurs névroses», n°40/42, 1987.

Mes années d'étude: Marx, Freud & Cie

Rétrospectivement, je ne regrette pas la ligne en zigzag qu'a pris mon cheminement à cette époque-là. Elle m'a permis des expériences qui m'ont préservé ultérieurement de tout encroûtement. Pendant quelque temps, je me suis défendu con­tre cette vision (fort juste) que la vie est faite de para­do­xes. Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de voiler, de re­fouler, cette vision pertinente du paradoxal de l'existence qui s'installait pourtant lentement dans mes idées, mes sen­ti­ments et mes représentations. Je me suis soumis à une doc­tri­ne sotériologique et universaliste qui promettait de liquider tous les paradoxes et de révéler le sens du Tout. Ce fut une ex­périence qui, au moins, me préserva de fabriquer une au­tre doctrine sotériologique après m'être débarrassé d'une pre­mière.

Cette expérience a commencé quand j'avais seize ou dix-sept ans. Je voulais articuler ma révolte contre l'environ­ne­ment petit-bourgeois d'une façon “originale”, c'est-à-dire de “gauche”. Ce n'était pas si facile au milieu des années 30. La Suisse était déjà sur la voie de la “démocratie du consensus” (ou plus précisément: la démocratie des cartels). L'époque où la troupe avait tiré sur les ouvriers était passée, cela fai­sait au moins vingt ans. La couche de la population vivant dans le besoin s'amenuisait et se réduisait graduellement, pour rester confinée aux paysans des montagnes, dans les loin­taines vallées alpines. Les associations et les cartels des employeurs et des travailleurs avaient décidé de se partager pacifiquement le gâteau. Sur le plan physionomique, les bos­ses d'un camp comme de l'autre ne se distinguaient quasi­ment plus. Dans une telle situation, un marxisme radical se­rait mort de ridicule, car chaque besoin de la classe ouvrière était satisfait par la création d'une nouvelle association. Un anarchisme radical aurait tourné à vide dans un pays, où, certes, chaque autochtone ressent un malaise, mais où au­cun d'eux n'est vraiment opprimé. Personne ne pose des bom­bes contre soi-même.

S'introduire dans le monde des artistes

Parmi les mésaventures grotesques de mon existence: le fait que cette situation sociale, qui m'a fait fuir la Suisse, me rat­tra­pe dans ma nouvelle patrie d'adoption, l'Allemagne de l'Ouest. Des amis allemands, qui se moquent de moi, me po­sent malicieusement la question: «pensez-vous que certains signes permettent de dire qu'il y a “helvétisation” de la Ré­pu­blique Fédérale?». Je pense alors que peu avant la seconde guerre mondiale, seule une gauche intellectuelle avait ses chan­ces dans ma patrie suisse. Or cette chance était limitée à un domaine vraiment réduit: la caste des intellectuels, des lit­térateurs, des artistes avec leurs mécènes issus des clas­ses aisées de la société. C'est justement dans cette caste que je voulais m'introduire: elle me semblait être la porte ou­verte sur le vaste monde. En 1938, je m'inscris donc à l'uni­ver­sité de Bâle; branche principale: histoire de l'art; bran­ches secondaires: philologie germanique et philosophie.

Juste avant cette inscription, j'avais pénétré dans un nou­veau cercle de personnalités, celui des émigrés du Troisiè­me Reich, composés surtout de nombreux Juifs. Les familles juives bien établies à Bâle n'étaient pas trop ravies de cet apport nouveau. Moi personnellement, je me passionnais pour ces Juifs non assimilés. Ils nous apportaient de Berlin un petit reflet des Roaring Twenties, de Prague l'air qu'avait respiré Kafka, de Vienne un zeste de la décadence la plus fascinante de l'histoire récente. Avec les émigrés non juifs, ils prétendaient être “la meilleure Allemagne”. Mais ce furent également des émigrés juifs qui m'ont apporté les premiers éléments philosophiques et esthétiques qui contredisaient mes options libérales. Sur ce chapitre, je m'étais contenté jus­qu'alors d'étudier mon très proche compatriote, Carl Spit­te­ler, natif du Baselbiet, le pays rural autour de la ville de Bâ­le. Spitteler était un poète épique, le seul Suisse qui avait re­çu un Prix Nobel de littérature (sans compter Hermann Hes­se, qui est un naturalisé). Mais, avec la vague d'émigrés de 1938, la communauté poétique fondée par Stefan George, in­stallée à Bâle avant 1933, s'est trouvée renforcée numé­ri­que­ment, si bien que j'ai appris à connaître dans ce cercle des auteurs comme Rudolf Borchardt, Alfred Mombert, Lud­wig Derleth, et même Vladimir Jabotinsky, père fondateur d'un fascisme juif.

Mes intérêts se concentrèrent d'abord sur le plat principal, mitonné par des Suisses et des étrangers, des hommes de gauche, des avant-gardistes et des libéraux, pour être servi à cette gauche culturelle. C'était un savant mélange, parfois assez pertinent, de marxisme, de psychanalyse, de peinture abstraite, de musique atonale, d'architecture du Bauhaus, de films soviétiques, le tout nappé d'une sauce sucrée faite de pathos libéral. De ce côté du front, dans la guerre civile mon­diale, on trouvait ce qu'il y avait de meilleur dans les années 30, car on tentait de revalider le marxisme devenu un peu ca­duc en lui injectant de solides doses de psychanalyse. Wil­helm Reich n'a jamais été qu'un théoricien parmi beau­coup d'autres à avoir eu cette idée. C'était génial: faire entrer en scène de concert, Marx, le mage de la société, et Freud, le mage de l'âme, bras dessus bras dessous. Avec ce cou­pla­ge, le regard devenu un peu myope que jetait la gauche sur le monde, fut renforcé comme par un effet stéréo. A l'é­po­que aussi je croyais disposer, avec le psycho-marxisme, d'un code universel pour déchiffrer rationnellement le mon­de. Le tour de passe-passe scientifique, qui permit à cette doc­trine sotériologique nouvelle d'entrer en scène, la rendit si­multanément irrésistible. Voilà pourquoi, trois décennies plus tard, j'ai eu l'impression de voir des fantômes en Ré­pu­bli­que Fédérale quand les soixante-huitards se sont coiffés de ce vieux chapeau (mais, il est vrai, ils le portaient à la fa­çon californienne et non pas à la mode zurichoise).

Nous nous prenions pour de grands réalistes…

Chez les soixante-huitards, j'ai également découvert une ar­ro­gance élitaire identique à celle qu'affichaient mes amis a­vant-gardistes en 1938. Nous aussi avions commencé notre quê­te en évoquant la “dialectique” et le “refoulement”, nous avions forgé le jargon de notre petite clique pour nous dis­tancier des “masses”. Nous, nous savions “vraiment” ce qui se cachait “derrière” les choses. Une toile constructiviste de Piet Mondrian ne se composait pas seulement de traits droits qui formaient un angle droit, puis s'entrecoupaient, pour séparer agréablement et rythmiquement des carrés ou des rectangles rouges, bleus ou jaunes, le tout sur fond blanc (ce qui peut apaiser un individu hyper-stressé, tout com­me un beau tapis). Non, non, ce n'était pas que cette sim­ple géométrie, cela “signifiait” quelque chose. Ce que nous voyions n'était pas l'essentiel, mais ce que nous as­sociions dans l'image. Nous nous prenions pour de grands “réalistes”, mais nous n'étions que des “réalistes des uni­versaux” (et seulement, comme le veut la conditio humana, selon notre prétention).

Beaucoup d'entre nous pensaient avoir entre les mains la clef donnant accès aux énigmes de l'univers. En réalité, nous avions troublé notre regard sur le monde en usant d'un filtre d'abstractions. On devient ainsi la proie facile de ceux qui veulent nous faire gober que le vrai monde un jour vien­dra, mais dans le futur. Ou on devient la proie d'autres mar­chands d'illusions (moins nombreux mais plus dangereux) qui veulent nous faire croire que le vrai monde a déjà été, et qu'il est irrévocablement perdu. L'espoir existe, quand on com­mence à se rendre compte que l'on passe ainsi à côté de sa vraie vie, unique, spécifique et irremplaçable.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 34-37).


Quand mes premières convictions se sont érodées…

Quand ai-je cessé d'être étudiant de gauche? Je sais du moins le jour où j'ai pris conscience que tout cela était absolument faux: le 22 juin 1941. Toutefois ma conviction que le psycho-marxisme était la clef de l'univers avait déjà été ébranlée.

Je n'étais pas le type prêt à déployer des efforts pendant toute sa vie pour réaliser les lunes de l'universalisme. Dans tous les cas de figure, on peut difficilement évaluer ce que l'on reçoit en héritage avant sa naissance. Personnellement, après ma naissance, j'ai eu de la chance. Mes parents vi­vaient un mariage heureux. Mon père était un homme dis­cret, mais il possédait une autorité naturelle et incontestée. Ma mère, plus entreprenante, était son complément parfait dans la vie. La maison parentale était une maison où régnait l'ordre, mais elle n'était pas ennuyeuse. Je n'ai pas été gâté. Mes parents n'en avaient pas les moyens. Les petites misè­res quotidiennes, physiques ou psychiques, n'ont jamais don­né lieu à des excitations ou des émotions hors de l'ordi­nai­re: on savait qu'elles faisaient partie du lot de tous les vi­vants. Ainsi, j'ai hérité d'un état d'esprit que je ne qualifierais pas d'optimisme mais plutôt de “goût pour la vie” (Lebens­lust).

Le mouvement frontiste en Suisse

Quand je me suis dégagé du corset des idéologies de gau­che, c'est ce goût pour la vie qui a été le moteur principal. Mais ce n'était pas le seul. Quoi qu'il en soit, ce n'est cer­tainement pas la droite suisse de l'époque qui a constitué un moteur supplémentaire. Pour autant qu'il y ait eu des grou­pe­ments qualifiables de “conservateurs” en Suisse du temps de ma jeunesse, et pour autant que ces groupements n'aient pas été édulcorés, ils étaient de nature “patricienne” et/ou catholique. Ces deux fondements m'étaient étrangers. J'étais issu de la petite bourgeoisie, je ne me suis jamais senti chré­tien et, au jour de ma majorité, j'ai quitté volontairement l'é­gli­se réformée, dans laquelle j'avais été éduqué. Le maur­ras­sisme, représenté en Suisse romande, aurait pu m'attirer. Mais le Suisse alémanique a toujours été coupé de la Suisse francophone. En général, il connaît mieux Paris ou la Pro­ven­ce. Pour un garçon comme moi, qui tentait de trouver une voie à droite, il ne restait plus que le mouvement fron­tiste en Suisse alémanique (c'est-à-dire des mouvements comme le Neue Front, le Nationale Front, le Volksbund, etc.). Ce mouvement était un de ces nombreux mouvements de renouveau qui surgissaient partout en Europe à cause de la crise économique et que les politologues contemporains qualifient de “fascistoïde”.

En 1931, au moment où les fronts connaissaient leur prin­temps, je n'avais que onze ans, sinon je me serais facile­ment laisser entraîner par eux. Ce mouvement de renou­veau, à ses débuts, pouvait compter sur l'assentiment de nom­breuses strates de la population. Il avait été initié par des jeunes loups issus des partis établis, qui voulaient créer quelque chose pour absorber le mécontentement général et la lassitude de la population contre les partis conventionnels. Pourtant, très vite, les fronts suisses ont créé leur propre dynamique. On vit apparaître des similitudes de style avec le fascisme tel qu'il se manifestait dans toute l'Europe mais, à partir de 1933, l'ombre compromettante du Troisième Reich s'est étendue sur le mouvement frontiste. Les représentants des associations de l'établissement, qui participaient à ces fronts, ont rapidement pris leurs distances, dès 1933. Les in­tellectuels, qui étaient les pendants suisses de la “Révolution Conservatrice” allemande à Zurich ou à Berne, sont resté plus longtemps dans ces formations politiques et ont béné­ficié de l'approbation de la Jeunesse dorée qui s'ennuyait. Cependant, lors des exécutions de la Nuit des Longs Cou­teaux, le 30 juin 1934, à Munich et à Berlin, plusieurs victi­mes étaient des représentants de la “Révolution conser­va­trice”; choqués, la plupart de ces intellectuels suisses con­ser­vateurs-révolutionnaires quittent la vie publique et se ré­fu­gient dans leur tour d'ivoire. Le seul siège frontiste au Par­lement suisse est rapidement perdu. Ce qui a subsisté des fronts a été marginalisé par la société libérale avec tous les moyens dont elle disposait. Les chefs les plus modérés se sont repliés sur leur vie privée. Une partie des leaders les plus radicaux se sont réfugiés dans le Troisième Reich pour échapper à la police et à la justice helvétiques. Il n'est plus resté qu'une troupe sans chefs, dont le nombre ne cessait de se réduire: des petites gens, obnubilés par une seule idée fixe, que les francs-maçons et les juifs (dans cet ordre) é­taient responsables de tous les maux de la Terre.

Le Major Leonhardt du Volksbund

Une théorie du complot aussi lapidaire n'était pas ce qu'il fallait pour un type comme moi, qui était sur le point de résoudre l'énigme de l'univers. Pourtant, un jour, je me suis ha­sardé dans l'antre du lion. J'ai assisté à un meeting du plus radical des chefs frontistes, le Major Leonhardt, chef du Volksbund, une dissidence du Nationale Front. (Comme l'ar­mée, à l'époque, était encore une institution sacro-sainte, le fils d'un Allemand naturalisé utilisait ses galons d'officier pour faire de la propagande en faveur du Volksbund). Ce mee­ting a dû avoir lieu au plus tard en 1939, car j'ai lu dans une thèse de doctorat consacrée au Volskbund, que Leon­hardt avait émigré en Allemagne en 1939 et qu'il y a trouvé la mort en 1945 lors d'un raid aérien allié. Extérieurement, il correspondait à son surnom: “le Julius Streicher suisse”. Ef­fectivement, son corps était d'allure pycnique, tassée, il sem­blait ne pas avoir de cou; il avait le même crâne pointu que Streicher, un crâne qui semblait toujours prêt à l'attaque. Il avait aussi des talents d'orateur comparables, comme j'allais ra­pidement le constater à mes dépens. Après le discours du Ma­jor —sur la Suisse “souillée” par les francs-maçons et les juifs— j'ai osé formuler une remarque. Je ne sais plus au­jourd'hui ce que j'ai dit alors. Mais je n'ai pas oublié que le Major Leonhardt a tout de suite repéré que j'étais étudiant. Il m'a directement attaqué ad personam. (Dans la thèse que j'é­voquais tous à l'heure, j'ai lu qu'il avait justifié sa rupture et celle de ses ouailles avec le Nationale Front car celui-ci était entièrement tombé sous la coupe des universitaires). Le Ma­jor a commencé à me répondre froidement, puis m'a admi­nistré une litanie d'injures, d'une voix toujours plus élevée; les insultes successives semblaient s'enrouler autour de moi comme une spirale. Leur contenu approximatif? Le contri­bua­ble suisse fait construire des universités avec son argent et qu'en sort-il? Des universitaires étrangers au monde, qui ont appris tant de choses inutiles qu'ils ne savent même plus quels sont les véritables ennemis du peuple! Leonhardt avait bien chauffé son public: les uns me regardaient avec un air nar­quois, les autres me lançaient des regards haineux; quant à moi, j'étais également échaudé car que peut-on op­poser à une telle avalanche d'insultes? Je n'ai revécu de si­tuation semblable qu'à la fin des années 60 et au début des années 70 dans les “discussions” qui avaient lieu à l'époque dans les universités ouest-allemandes.

Mobilisé dans l'armée suisse en 1940

Comme les fronts n'ont nullement contribué à me faire des­cen­dre de mon petit trône de libéral de gauche, quelle est a­lors la force qui m'en a fait descendre? Avec la distance que procure l'âge, je dois bien constater que ma mobilisation dans les rangs de l'armée suisse en 1940 a eu sa part. Le “drill” helvétique de l'époque était encore très rude: mes com­patriotes qui ont d'abord servi dans l'armée suisse puis, plus tard, dans la Waffen SS allemande, considèrent que l'in­struction dans notre pays était plus dure que celle qui prévalait dans les divisions de Himmler. Avec l'état d'esprit qui était le mien en ce temps-là, j'ai endossé l'uniforme avec des sentiments anti-militaristes. Je n'ai pas été un bon soldat et, à la fin de mes classes de conscrit, mon commandant m'a demandé si je voulais devenir aspirant officier (on le de­man­dait automatiquement à tout universitaire à l'époque). J'ai répondu “non merci!” et je suis resté simple fantassin. A ma grande surprise toutefois, je sentais que certains aspects du service me plaisaient. Ainsi la course avec paquetage d'as­saut et fusil me plaisait. Je ne pouvais pas me hisser au-dessus de la barre fixe mais j'étais un bon coureur à pied. Pour un étudiant anti-militariste, ces petits plaisirs peuvent en­core se justifier: c'est du sport. Mais, il y avait plus inquié­tant pour un pacifiste de gauche: des plaisirs quasi ataviques m'emportaient dans un domaine strictement militaire, notam­ment le drill. Je ne pouvais pas réprimer une profonde satis­fac­tion quand mon peloton, après des journées d'exercices, fai­sait claquer ses fusils sur le sol sans “effet de machine à é­crire”. (Pour les civils, cela signifie: lorsque les crosses des fu­sils tombent sur le sol en ne faisant plus tAc-TaC-taC-Tac dans le désordre et sans unisson, mais avec un seul et uni­que TAC métallique sur les dalles de la cour de la caserne). Quinze jours auparavant, je me serais encore moqué de ces “enfantillages”.

Aller au peuple

Cependant, l'expérience la plus importante de mon service mi­litaire est venue après l'école des recrues, quand je suis passé au service actif et quand j'ai été affecté à la garde de la frontière. On m'avait envoyé dans une compagnie de Schützen (= tirailleurs), composée d'hommes, aptes à porter les armes, issus de toutes les classes d'âge mais aussi, comme habituellement dans l'infanterie, d'hommes venus de tous les horizons de la vie civile. Dans une société haute­ment spécialisée, l'intellectuel éprouvera des difficultés à fai­re ample connaissance avec des “gens du peuple”. Il n'exis­te que deux institutions où il peut le faire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre: la prison et le service militaire. Les deux ans de mon service le long de la frontière m'ont beaucoup plus apporté dans ma formation humaine que le double du temps que j'avais passé auparavant dans les universités. (…) Dans cette optique autobiographique, je me contenterai d'une citation, qui résume bien l'affaire. Elle provient de l'œu­vre d'un Suisse original, Hans Albrecht Moser (1882-1978); je l'ai tirée de son journal Ich und der andere, paru à Stutt­gart en 1962. La voici: «L'humain se trouve plus facile­ment dans l'homme normal que dans l'homme excep­tion­nel. C'est pourquoi cet homme normal m'attire da­van­tage. Pour satisfaire des besoins spirituels, il existe des livres».

Découvrir Spengler

Pour ce qui concerne les livres, je m'empresse de dire ceci: j'ai continué à en dévorer, sans discontinuité, et, parmi eux, j'ai surtout lu les grands critiques du libéralisme. Ces lectu­res ont beaucoup contribué à faire crouler mes palais imagi­nai­res et utopiques. J'avais déjà commencé à lire Nietzsche quand j'étais scout. Pendant mes deux ans de garde le long de la frontière, je suis passé aux autres grands anti-libéraux. L'expérience la plus originale que j'ai eue, c'est en lisant Os­wald Spengler. Au sommet de ma période de gauche, j'avais tenté de lire Le Déclin de l'Occident. (Bien sûr, pour appren­dre à connaître l'adversaire). Mais je n'étais pas parvenu à franchir le cap des premières pages: pour moi, le texte était absolument incompréhensible. La notoriété de cet ouvrage res­tait un mystère pour moi, même d'un point de vue thérapeu­tique. Vers la fin de ma période d'incubation, que je viens de vous esquisser —ce devait être au début de l'an­née 1941— les deux énormes volumes me sont tombés une nouvelle fois entre les mains. J'ai ouvert le premier à n'im­por­te quelle page et j'ai commencé à lire, sans m'arrêter, et au bout de quelques jours, j'avais entièrement parcouru les deux tomes. Pourquoi n'avais-je pas pu faire la même ex­pé­rience lors de ma première tentative? Quelque chose d'es­sen­tiel en moi avait changé, mais je n'en avais pas encore idée.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 37-41).


samedi, 23 juin 2007

L'anthropologue américain C. S. Coon

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Sur l'anthropologue américain Carleton Stevens Coon

23 juin 1904 : Naissance à Wakefield dans le Massachusetts de l'anthropologue américain Carleton Stevens Coon. Sa méthode consistait à émettre des thèses en anthropologie sur base d'un matériel archéologique. Son œuvre majeure a été The Origin of Races (1962), ouvrage controversée à une époque où les études anthropologiques sont systématiquement soupçonnées de consolider un discours "raciste". L'investigation minutieuse des preuves archéologiques ne peut pourtant pas se réduire à des slogans ineptes, que ceux-ci soient de facture "raciste" ou "anti-raciste". L'hystérie de ses contradicteurs ne remplacera évidemment jamais le fait qu'il ait examiné plus de 31.000 outils, fragments d'outils ou récipients destinés à l'agriculture, dont certains remontaient à 6050 av. J. C. et provenaient de la grotte de Hotu en Iran. Ce chantier archéologique permettait, grâce à sa bonne conservation, d'explorer plusieurs strates successives de l'évolution préhistorique et proto-historique, allant du néolithique à l'Age du Fer en passant par l'Age du Bronze. Mieux, Coon y découvrit des restes humains de l'ère glaciaire, dont l'examen lui permit d'écrire, en 1954, The Story of Mankind (= L'histoire de l'humanité), panorama de l'histoire humaine depuis l'ère glaciaire jusqu'aux temps modernes. Pour Coon, cinq souches humaines existaient avant l'apparition de l'homo sapiens. Il a donc été l'avocat de la théorie polygéniste, opposée à la théorie monogéniste, propre de ceux qui interprètent la Bible stricto sensu et appartiennent généralement aux sectes protestantes les plus rétrogrades et propre aussi des "anti-racistes" professionnels qui se piquent d'un progressisme plus religieux que scientifique. Parmi les autres ouvrages majeurs de Coon, citons The Tribes of the Rif (= Les tribus du Rif, 1931) et The Races of Europe (1939). Carleton Stevens Coon meurt le 3 juin 1981 à Gloucester dans le Massachusetts (Robert Steuckers).

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jeudi, 14 juin 2007

Pour se souvenir de G. K. Chesterton

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Pour se souvenir de G. K. Chesterton

14 juin 1936 : Mort à Londres de Gilbert Keith Chesterton, écrivain et journaliste anglais. Né dans une famille anglicane, où la religion n'avait guère d'importance, il lit dans sa jeunesse les œuvres de Thomas d'Aquin et du Cardinal Newman, épouse une femme dont la famille appartient aux plus conservateurs des Anglicans, les Anglocatholics, puis devient catholique à son tour, car l'esprit anglo-saxon, estimait-il, reposait sur l'arbitraire du subjectivisme, revenait à faire de l'art pour l'art, à rejeter toutes les lois qui donnent socle aux actions humaines, à laisser libre cours à des tempéraments délirants ou anarchiques. Chesterton défend ses positions par des arguments théologiques ou philosophiques solides, mais aussi par l'humour et la moquerie. Sur le plan politique, il commence par être un simple libéral de gauche avec des sympathies pour les socialistes. Mais cette posture lui apparaît bien vite insuffisante, car il voit tout de suite que derrière les vocables pompeux d'humanisme, de justice sociale, etc. se cache une inhumanité foncière, une méchanceté diabolique, une perversité sans nom. Ce libéralisme hisse les mensonges, ses impostures, au rang de dogmes intangibles. Dans une telle perspective, la Tradition, pour Chesterton, n'est pas un musée, que l'on visite de temps à autre par meubler son oisiveté, mais un réceptacle hautement respectable d'orientations fructueuses pour l'âme et pour la vie quotidienne. La Tradition nous donne non seulement les recettes de la sagesse, mais elle nous livre aussi les linéaments permanents de la volonté populaire. Chesterton a répandu sur la tête des bien-pensants libéraux sarcasmes et jets cinglants d'ironie, pour fustiger leur forfanterie. Au-delà d'un catholicisme, compréhensible dans une société anglo-saxonne parce qu'il constitue une position antagoniste, Chesterton nous apprend à rire aux éclats des poncifs qui sous-tendent aujourd'hui la pensée unique et qui sévissaient déjà de son temps (Robert Steuckers).


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vendredi, 01 juin 2007

Petite note sur Wilhelm Stapel

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Robert Steuckers:

Petite note sur Wilhelm Stapel

1 juin 1954 : Mort à Hambourg de Wilhelm Stapel. Stapel a commencé sa carrière au sein de la famille politique libérale en Allemagne, mais dans la faction de celle-ci qui était animée par Friedrich Naumann, c'est-à-dire la faction qui avait un sens social aigu et militait en faveur d'un marché commun étendu à l'ensemble de la Mitteleuropa. Cette version non manchestérienne du libéralisme allemand prendre une coloration sociale-nationale, qui s'exprimait dans le “Dürerbund” (= Fédération Dürer) de Ferdinand Avenarius. Plus tard, pour donner corps à son engagement, Stapel s'occupe de la formation de la jeunesse en milieu ouvrier. Il devient ensuite le rédacteur en chef de la revue Deutsches Volkstum, où, dans les années 20, il développera une critique de la démocratie occidentale jugée trop formelle et inorganique. Pour réaliser en Allemagne une démocratie idéale, il faudrait une constitution présidentialiste (à la façon gaullienne dirait-on, sans risquer de faire un anachronisme trop maladroit), un mode de suffrage échelonné et une représentation corporatiste. Un tel corpus n'avait aucune chance de s'ancrer dans les masses. Dans les années 30, Stapel développe une “théologie” du nationalisme allemand, lequel doit déboucher sur une vision impériale et non plus simplement nationaliste. Ses relations avec le national-socialisme seront assez conflictuelles, mais son système de pensée était trop hétérogène par rapport au régime de 1949 pour qu'il ait vraiment été réhabilité.


mercredi, 23 mai 2007

Prince de Ligne

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Sur le Prince Charles-Joseph de Ligne

23 mai 1735: Naissance à Bruxelles du Prince Charles-Joseph de Ligne. Dès l’âge de 17 ans, le jeune Prince des Pays-Bas méridionaux s’engage dans les armées impériales autrichiennes, carrière qui le conduira en 1808 à obtenir le grade de Feldmarschall. Il se distinguera surtout dans la Guerre de Sept Ans et dans la guerre de Succession de Bavière.

Toute sa vie, il restera un loyaliste. Nommé ambassadeur autrichien auprès de Catherine II à Saint-Pétersbourg, il encouragera la conquête de l’Ukraine littorale et de la Crimée contre les Turcs et fera appel à la création d’une nouvelle Sainte-Alliance, capable de bousculer définitivement l’envahisseur ottoman hors des terres européennes et helléniques. Il combattra dans les rangs autrichiens et russes contre les Turcs de 1787 à 1792, contribuant à chasser définitivement ceux-ci de la rive septentrionale de la Mer Noire.

Obligé de quitter les Pays-Bas à la suite de la révolte délirante des Statistes intégristes catholiques et des Vonckistes (illuminés libéraux), il se réfugie à Vienne, où il restera jusqu’à sa mort en 1814, car les Pays-Bas du Sud seront envahis par les hordes de sans-culottes à partir de 1792, plongeant le pays dans une misère morale dont il n’est plus jamais ressorti. La légèreté et la grâce de l’écriture du Prince de Ligne n’ont évidemment pas leur place dans un monde dominé par des catholiques bornés ou des illuminés maçonniques, dont les seules préoccupations sont de médiocres agitations politiciennes (Robert Steuckers).

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vendredi, 18 mai 2007

A propos de Werner Sombart

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A propos de Werner Sombart

18 mai 1941: Mort à Berlin du grand sociologue, économiste et philosophe allemand Werner Sombart. Son œuvre est vaste, immensément vaste, mais, en résumé, on pourrait dire qu’il est l’héritier de Marx le plus complet, notamment grâce à son énorme ouvrage en six volumes sur les origines du capitalisme. Sombart est celui qui a complété véritablement le Capital de Marx, en dégageant l’histoire du capitalisme de la gangue des abstractions ou des vœux pieux des militants socialistes, pour la replonger dans l’histoire réelle des peuples européens et de l’économie globale.

Les positions de Sombart l’ont amené à abandonner les tristes insuffisances des politiciens de bas étage se réclamant de Marx —auquel ils ne comprenaient rien— au sein des formations sociales démocrates ou communistes. Ce qui a valu, bien sûr, à Sombart, véritable et quasi seul héritier de Marx, l’étiquette infamante de “fasciste”. Plus tard, l’historien français Fernand Braudel s’appuiera sur bon nombre d’intuitions de Sombart pour développer ses thèses sur l’émergence du capitalisme, à partir de la découverte des Amériques. Pour une approche succincte de l’œuvre de Werner Sombart, cf. : Thierry MUDRY, «Le socialisme allemand de Werner Sombart», in : Orientations, n°12, 1991.