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samedi, 20 janvier 2007

La Russie dans le débat politique berlinois

Robert STEUCKERS:
Les thèmes de la géopolitique et de l'espace russe dans la vie culturelle berlinoise de 1918 à 1945
Conférence prononcée lors de l'Université d'été 2002 de "SYNERGIES EUROPEENNES", Basse-Saxe
http://www.voxnr.com/cc/d_allemagne/EpuEkVpuppOEopHamb.sh...

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vendredi, 19 janvier 2007

Citoyenneté roaime et "origo"

Citoyenneté romaine et "origo"

par Frédéric KISTERS

Suite à la guerre des alliés (81-89), la citoyen-neté fut octroyée aux hommes libres d'Italie. Apparut alors un problème épineux: le Ro-main était lié à deux droits, celui de la Cité aux sept collines et celui de son lieu d'origine (origo).  Les conflits d'autorité proliférèrent après les guerres d'Octave et d'Antoine dont l'Empire est issu. Le prince concéda la ci-toyenneté à ses vétérans, des provinciaux ou des "polis" pérégrines. Les nouveaux "Ro-mains" demeuraient citoyens de leurs com-mu-nautés d'origine mais, curieusement, étaient libérés de toutes obligations fiscales en-vers celles-ci comme envers Rome. Ainsi naquit une caste de privilégiés provinciaux qui accapara les magistratures rémunéra-toires; par exemple, en Cyrénaïque, deux-cent quinze "Romains" contrôlaient les tri-bunaux, se présentant tour à tour comme ju-ges, accusateurs ou témoins, selon l'affaire (1).

Comment se concilièrent les différentes cou-tumes de l'Empire? Pour répondre à cette ques-tion, nous effectuerons un petit périple his-toriographique de Mommsen à nos jours. L'extension de la citoyenneté romaine attei-gnit son optimum avec la constitution anti-nonienne de 212; nous évoquerons les rejail-lissements de ce texte.

A l'aurore fut Mommsen... Il y a un siècle, ce génie très, trop, systématique exposait sa théo-rie de l'origo  dans la troisième édition de son Rechtsstaat.  Selon lui, la citoyenneté ro-maine eut été incompatible avec toute autre. Le Carthaginois qui recevait le droit de cité romaine cessait par là même d'être Cartha-ginois. Inversément, un Romain n'obtenait pas une citoyenneté pérégrine sans qu'il ne per-dît la sienne. Auguste aurait par la suite rendu conciliable la citoyenneté ro-maine avec les autres droits de cité, qu'ils fussent latins, pérégrins ou autonomes. Ainsi, sous le prin-cipat, notre susdit Carthaginois aurait pu de-venir Romain tout en restant Carthaginois (2).

Depuis, les découvertes épigraphiques, papyrologiques ou archéologiques ont démenti la théorie de l'éminent historien allemand, qui, d'ailleurs, en ce cas précis, ne se basait sur nul document (il n'empêche que le Rechts-staat  reste, sur bien des points, un outil pré-cieux, un monument et non un céno-taphe; son raisonnement pêchait par son caractère universel et absolu; Mommsen pen-sait selon les catégories de son temps, qui sont encore souvent les nôtres); à son sens, la souve-raine-té était un concept totalitaire et, conséquem-ment, deux droits de cité (d'Etat) ne pouvaient que s'exclure, que l'un s'assujettissât à un au-tre, même aussi émi-nent que Rome, était impossible (3). Plus sou-vent qu'à leur tour, les historiens du XIXième siècle, et souvent les érudits plus proches de nous, sont restés interdits devant le portail de la pensée tudes-que!

La table de Rhosos nous a sauvegardé un tex-te qui octroyait à Seleukos, un général qui avait participé à toutes les campagnes d'Octa-ve, la citoyenneté romaines et quelques privi-lè-ges dont l'un concerne particulière-ment no-tre sujet: il aurait pu requérir, à son choix, devant un tribunal de sa nation, un tribunal romain ou le tribunal d'une ville libre. Le privilège (le choix de ses juges!) eût été exhorbitant s'il n'avait été limité: soit Seleukos ne le détenait que pour les litiges commis pen-dant son absence (durant une campagne militaire) soit il n'aurait été va-lable qu'à titre de défendeur. Il appert que notre général et ses descendants, pour trai-ner quelqu'un en justice, devaient s'adresser aux tribunaux lo-caux, donc malgré qu'ils devinssent cito-yens romains, ils demeuraient soumis aux lois nationales; au plus, dispo-saient-ils d'un re-cours devant les magistrats romains (4). De même, une ville, née et cons-tituée en dehors de l'orbe romaine, accédant au statut de mu-nicipe ou de colonie romaine, conservait sa cou-tume et ses cadres adminis-tratifs (5).

L'existence des divers droits locaux fut bien établie par Arango Ruiz, Taubenschlag et Schönbauer, quoique le premier considérât qu'ils ne subsistaient que par la grâce d'une "tolérance" romaine. Notre auteur, plus ju-riste qu'historien, commit les mêmes fautes que Mommsen; il considéra que l'Edit de Caracalla supprimait toutes les coutumes lo-ca-les (6). Or, une lettre de Gordien III, dé-cou-ver-te à Aphrodisias, donnerait raison à ses contradicteurs: l'empereur s'y référait aux se-natus-consultes et aux constitutions de ses prédécesseurs afin de donner aux cou-tumes locales la valeur de loi (7).

Taubenschlag a étudié le problème pour l'E-gypte, région où la documentation papyro-lo-gique abonde. Les citoyens romains sont gé-né-ralement cités dans les papyrus avec la mention de la tribu romaine à laquelle ils étaient rattachés (tout citoyen romain était d'of-fice rattaché à l'une des trente-cinq tribus romaines, même s'il habitait au fin fond de l'I-bérie ou de la Cappadoce). Un nouveau ci-toyen romain originaire d'Alexandrie se di-sait Alexandrinam civitatem romanam;  un Grec s'affirmait par exemple Hermopolites et Romaios.  L'empereur pouvait concéder la ci-toyenneté romaine mais nous ne connaissons aucun cas où il octroya le droit d'origo; com-me si la première dépendait de la souve-rai-ne-té éminente d'un demi-dieu et que la se-conde fût issue de la terre et du sang (8).

Autre preuve d'une matérialité incontestable (elle est en bronze!): la table de Banasa (Ma-roc), découverte en juillet 1957: 53 lignes cou-chées, d'une lecture certaine. La plaque, des-ti-née à l'affichage, concernait l'accès à la ci-to-yenneté romaine d'une famille berbère de la tribu des Zegrenses, les "Julianus". Nos nou-veaux citoyens, auparavant justiciables selon la coutume de leur tribu, traiteraient do-réna-vant leurs affaires, au privé comme au pénal, devant des magistrats romains. Ils auraient eu la capacité de tester, de recevoir des legs romains, d'acheter des terres dans l'ager pu-blicus.  Ils acquerraient une égalité formelle par rapport aux Romains de souche. Perdaient-ils pour autant leurs anciens droits? Non. Seston déduisit quatre consé-quences de ce texte:
1) Une loi garantissait l'existence des droits coutumiers; ils n'existaient donc pas, par le sim-ple effet de la tolérance romaine, comme l'affirmait un peu trop péremptoirement Aran-go Ruiz, qu'infirma par la suite le do-cu-ment d'Aphrodisias.

2) Le citoyen n'était pas nécessairement, com-me on l'a cru longtemps, le civis d'une cité puis-que nos Juliani étaient originaires d'une fa-mille de nomades ou de semi-no-mades.

3) Il n'existait pas de contradiction entre droit d'empire et droits locaux.

4) Le quatrième point nous amène à parler du fameux édit de Caracalla: sa clause de sau-vegarde était une garantie que rien ne serait changé pour le nouveau citoyen, en raison de sa nouvelle dignité (9).
 

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Du texte de la constitution antinoninienne, nous ne possédons qu'une laconique note d'Ul-pien: "Ceux qui vivent dans le monde ro-main ont été faits citoyens romains par une constitution de l'empereur antonin" (10)! Les chercheurs ont même hésité sur la datation du texte: été ou automne 213 pour Seston (11), entre mars et juillet 212 pour Follet (12). Longtemps, ils espérèrent posséder une copie qui eût été couchée, sur le Papyrus Giessen 40, document fameux qui suscita moultes interprétations et lectures (13); actuellement, si les érudits ne s'entendent pas sur la nature exacte du document (copie, préface, commen-taires,...), ils s'accordent toutefois pour dire qu'il ne s'agit pas du texte original de l'édit de Caracalla. Malgré cela, on peut aborder le document en tant que tel, comme source indi-recte. Jacques propose la formulation sui-vante du contenu du texte: "Je donne à tous les pérégrins qui sont dans le monde (oe-kou-mène) le droit de cité des Romains sans dé-tri-ment pour les droits de leurs commu-nautés, les déditices mis à part" (14).

Pour évaluer la portée de la décision de Cara-cal-la, il nous faudrait connaître le nombre d'esclaves et de déditices; le statut des pre-miers nous est connu, non leur nombre; celui des seconds est fort mystérieux. Les dé-ditices classiques étaient des esclaves flétris par une condamnation; même affranchis, la ci-to-yen-ne-té leur restait interdite. Les dédi-tices péré-grins étaient constitués par les peuples vain-cus (15); en Egypte, l'infâmie de leur con-di-tion était sanctionnée par un impôt supplémen-taire (16). Tout aussi inexplicable est la présence de pérégrins dans l'Empire après 212 (17).

Si une approche quantitative semble impos-si-ble, nous évaluons toutefois l'ampleur de la me-sure. Tout d'abord, nous sommes certains qu'elle eut des effets immédiats, par exemple, à Athènes, le nombre de nouveaux citoyens (que l'on repère facilement car ils prirent pres-que tous le nom de la gens Aurelia) sur les listes d'éphèbes augmentent de manière prodigieuse (18). Du reste, nous citerons Sher-win-White qui, selon nous, dans son sty-le romantique, exprima parfaitement la révo-lu-tion qu'occasionna l'édit de Caracalla: "L'em-pire serait agité de convulsions, brisé, ébranlé partiellement ou totalement, progres-sivement, mais il resterait quand même une conception de l'unité et de la grandeur de Ro-me, qui inspirerait les hommes à vouloir ras-sembler les morceaux. L'importance de Ca-ra-calla, c'est, qu'en complétant le proces-sus amorcé depuis un siècle, il hissa la maiestas populi Romani  sur la base la plus large qui soit. L'élément unificateur qui rap-prochait les constituants très divers de l'Empire, c'é-tait l'intérêt commun dans Rome; l'édit de Ca-racalla identifiait l'ensemble de la popu-lation de l'Empire à Rome et fournissait de la sorte le fondement juridique qui developpera ultérieurement l'idée de Romania. La chose pou-vait appa-raître malhabile à l'époque et sans doute un peu prématurée mais elle était incontesta-blement grandiose; son importance est appa-rue au moment des invasions, lors-que les habitants de l'Empire, voyant ce qui les diffé-renciaient des barbares, savaient qu'ils étaient les vrais Romani, et non seule-ment tels par simple courtoisie" (19).

Ici s'achève notre petit périple; nous osons croi-re que notre quête ne fut point divagation. L'existence de la double citoyenneté est bien établie; évidemment l'historien n'imagine pas avec exactitude comment les anciens vé-curent cette situation, écartelés entre une ci-to-yenneté romaine commune à presque tous les hommes libres, et une origo  qui les enra-cinait en leur terroir, en une culture natale. Pour la première, il aurait sacrifié sa vie, la se-conde dominait, envahissait sa vie quotidien-ne; pourtant, l'Empire était présent près de sa domus:  ses ma-gistrats es-sai-maient dans les provinces, l'armée gardait ses fron-tiè-res, la culture se diffusait au sein de la no-bi-litas.  Le sentiment de la différence, qu'é-vo-que Sherwin-White, fut admirablement ex-pri-mé dans les lettres de Sidoine-Apollinaire (20).
 

Frédéric KISTERS.

Notes:


(1) François JACQUES & John SCHEID, Rome et l'intégration de l'Empire (44 av. J. C. - 260 ap. J.C.), tome I, Les structures de l'Empire romain, Paris, PUF, 1990, pp. 211-212; F. DE VISSCHER, Les édits d'Auguste découverts à Cyrène, Paris, Les Belles Lettres, 1940.
(2) Theodor MOMMSEN, Le droit public romain, trad. de Paul Frédéric GIRARD, 3ième éd., Paris, Ernest Thorn, 1889, t. VI, 1, p. 145; t. VI, 2, pp. 265-268; t. VI, 2, pp. 329-332.
(3) F. DE VISSCHER, Le statut juridique des nou-veaux citoyens romains et l'inscription de Rhosos, in L'Antiquité classique, t. XIII, 1944, pp. 13-18; complète et précise dans F. DE VISSCHER, Les édits d'Auguste...,  op. cit., pp. 108-118.
(4) F. DE VISSCHER, Le statut juridique des nou-veaux citoyens romains et l'inscription de Rho-sos, in L'Antiquité classique, t. XIII, 1944, pp. 21-32 (restitution du texte); t. XIV, 1945, pp. 29-35 (nature et caractère du document; entre 34-36 ap. J.C.), pp. 35-48 (privilèges de Seleukos); pp. 49-59 (exploitation du document).
(5) F. DE VISSCHER, Le statut..., Ant. cl., op. cit., t. XIV, 1945, pp. 57-58. Voir aussi Dieter NÖRR, Imperium und Polis in der Hohen Prinzipatszeit, 2ième éd., Munich, Beck, 1969, pp. 123 (Mün-che-ner Beiträge zur Papyrusforschung und Antiken Rechtsgeschichte, Heft 50) qui se départit fort bien des concepts juridiques modernes.
(6) ARANGO-RUIZ, Storia del diritto romano, 7iè-me éd., Napoli, Dott. Eugenio Jovene, 1957, pp. 338-341 et notes ajoutées à la 7ième éd., pp. 424-427, dans laquelle il répond aux thèses de E. SCHÖN-BAUER, Deditizien, Doppelbürgerschaft und Per-so-na-li-tätsprinzip, in Journal of Juristic Papyrolo-gy, t. VI, 1952, 17 ff.; id., Rechtsentwicklung in der Kaiserzeit, in Journal of Juristic Papyrology, t. VII-VIII, 1954, 107 ff et 137 ff.; id., Municipia und Coloniae in der Prinzipatszeit, in Anzeiger der Österreichischen Akademie der Wissen-schaf--ten in Wien, Philos. Hist. Klasse, n°2, 1954, 34 ff.
(7) Erwin KENAN, Joyce REYNOLDS, A Letter of Gordian III from Aphrodisias in Caria, in Jour-nal of Roman Studies,  t. LIX, 1969, pp. 56-58.
(8) Raphaël TAUBENSCHLAG, The Law of Gre-co-Roman Egypt in the Light of the Papyri 332 BC - 640 AD, 2ième éd., Varsovie, Panswowe Wydaw-nic-two Naukowe, 1955, pp. 586-595, avec un abon-dant appareil critique, vieilli pour les tra-vaux mais non pour les papyrus.
(9) William SESTON, Maurice EUZENNAT, La citoyenneté romaine au temps de Marc-Aurèle et de Commodeet après la Tabula Banasitana, in Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, nov.-déc. 1961, pp. 317-321 et in Scripta varia. Mélanges d'histoire romaine, de droit, d'épigraphie et d'histoire du christianisme, Rome, Ecole française de Rome, 1980, pp. 77-84 (Coll. de l'Ecole française de Rome, 43).
La table comprend trois textes:
- Une lettre de Marc-Aurèle et Lucius Verus au procurateur de Maurétanie Tingitane, Coédius Ma-ximus en réponse à la demande du Zegrensis Julianus (168-169 ap. J.C.).
- Marc-Aurèle et Commode répondent à la requête d'Aurélius Julianus (sans doute fils de Julianus le Zegrensis) et écrivent au procureur Vallius Maximiamus. Le Berbère demandait la citoyen-neté pour lui-même, sa femme et ses enfants. L'Em-pereur demanda un complément d'in-for-ma-tion, entre autres choses, l'âge de l'éventuel béné-ficiaire (an 177).
- Extrait des régistres impériaux, douze signa-tures apposées au bas de l'acte (6 juillet 177).
- Un certain nombre d'éléments nouveaux furent apportés par A.N. SHERWIN-WHITE, The Ta-bula of Banasa and the Constitutio An-to-ni-nia-na, in Journal of Roman Studies, LXIII, 1973, pp. 86-98.
(10) Ulpien, Digeste,  1, 5, 17.
(11) William SESTON, Marius Maximus et la date de la Constitutio Antoniniana, in Mélanges d'archéologie, d'épigraphie, d'histoire, offerts à Jé-rôme Carcopino, Paris, 1966, pp. 877-888 ou Scripta Varia,  pp. 65-76.
(12) J. FOLLET, Athènes au IIième et au IIIième siècle. Etudes chronologiques et prosopogra-phi-ques, Paris, Les Belles Lettres, 1976, pp. 64-72.
(13) C. SASSE, Literaturberichte zur Constitutio Antoniniana, in Journal of Juristic Papyrology, t. 14, 1962, 109 ff; t. 15, 1965, 329 ff; a compté 90 études!
(14) F. JACQUES, J. SCHEID, op. cit., p. 284.
(15) GAIUS, Institutes, I, pp. 13-15.
(16) TAUBENSCHLAG, op. cit., p. 588.
(17) F. JACQUES, J. SCHEID, op. cit., p. 285.
(18) J. FOLLET, op. cit., pp. 63-107. Le nombre des Aurelii était infime avant 210-211; ils apparte-naient le plus souvent à quelques grandes fa-mil-les qui avaient acquis la citoyenneté romaine. Après 212, leur nombre s'accroît prodigieusement.
(19) SHERWIN-WHITE, The Roman Citizen-ship, Oxford, Clarendon Press, 1939, pp. 223-224. L'auteur a sorti une nouvelle édition; id., The Roman Citizenship,  2ième éd., Oxford, Claren-don Press, 1983; pour notre sujet, voir pp. 297-386.
(20) Sidoine Apollinaire, Epistolae et Carmina, éd. Chr. LUETJOHANN et corr. B. KRUSCH, Berlin, 1887 (MGH, Auctores antiquissimi, VIII). 
 

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J.J. Langendorf : Contre-Révolution

La lanterne magique de la contre-révolution 
(1789-1799)

par Jean-Jacques LANGENDORF

Comme tout mouvement engendre la chaleur, toute ré-volution engendre une contre-révolution, qui est à la fois réaction armée à ses actes et réponse "idéo-logique" à ses postulats (1).

Déjà face aux premiers tâtonnements "modérés" de la révolution française, les exigences d'une "contre-ré-volution pacifique"  (l'expression est de Barnave) se font jour. Dans ce stade initial de la fermentation, vécu par la plupart comme une étape correctrice et néces-saire des erreurs du passé, on commence à devenir contre-révolutionnaire, lentement, non sans hésita-tions. A de rares exceptions près (quelques grands aristocrates qui émigrent immédiatement au lendemain du 14 juillet 1789 ou quelques pamphlétaires, Mira-beau-Tonneau constituant le cas le plus marquant), il n'existe pas de contre-révolutionnaire suis generis.  On ne naît pas contre-révolutionnaire, on le devient. Tous ceux qui ne tarderont pas à s'ériger en féroces censeurs de la révo-lution passent d'abord par une phase d'approbation, qu'il s'agisse de Bonald, Maistre, Mal-let-Du Pan ou Gentz. Les motiva-tions qui poussent les uns et les autres à re-joindre la contre-ré-volution et à la servir par les armes ou par la plume sont variées, et elles ne procèdent que rarement d'une froide détermina-tion théorique a priori.  On rompt in-dividuelle-ment avec la Révolution en fonction de si-tuations précises qu'elles a engendrées, qu'il s'agisse d'un château brûlé, d'un parent assassiné, d'un privi-lège aboli, ou, collectivement, lorsqu'il s'agit de la suppression du satut quasi-millénaire du clergé ou, plus rationnellement, du refus total ou partiel des lois sécrétées par l'Assemblée na-tionale.

Et plus la Révolution dégénèrera, plus le refus se fera massif et global, les ralliements contre-révolution-naires ne se comptant plus sous la Terreur. Sans même tomber dans le paradoxe, on peut affirmer que tous ceux qui, en France, ont tra-versé la Révolution l'ont été, quelqu'ait été leur idéologie, contre-révolution-naire à un moment donné, objectivement ou subjectivement, car il est vrai qu'on est toujours le contre-ré-volution-naire de quelqu'un. Dans la nuit du 9 au 10 Thermidor 1794 Robespierre qui a la mâchoire fracas-sée par un coup de pistolet, agonise sur une table de l'Hôtel de Ville, aura tout le temps d'imaginer qu'il est la victime de la contre-révo-lution, alors que ceux qui s'apprêtent à le con-duire, avec ses amis, à la guillo-tine, sont con-vaincus qu'ils vont exécuter un dange-reux con-tre-révolutionnaire. D'ailleurs dans Paris une étrange rumeur circule alors: l'incorruptible au-rait eu l'intention de se faire couronner roi. Ultérieurement, sous la plume de gens aussi dif-férents que les Thermi-doriens, que les jacobins irréductibles, ou qu'un G. Babeuf, qui aimerait tant que la Révolution, qu'il conçoit angélique, n'ait pas été souillée par la Terreur, le terme contre-révolutionnaire est utilisé pour désigner tout ce qui s'oppose à sa propre idéologie.

Récemment, confrontés à cette inflation de contre-ré-volutionnaires, certains historiens ont voulu clarifier le concept et le restreindre en lui op-po-sant celui d'anti-révolution. A leurs yeux est an-ti-révolutionnaire celui qui, rallié à l'idée de pro-grès incluse dans celle de ré-volution, n'en ac-cep-te pourtant pas tous les aspects. C'est ainsi qu'on constate l'existence de couches po-pu-lai-res, paysans et  Lumpenproletariat  urbain (sur-tout dans le sud de la France) qui rejettent ponc-tuellement, mais violemment, certaines émana-tions de la révolution (2).

Dans cette nouvelle perspective historique, il serait par conséquent plus légitime de parler, globa-lement, de ré-sistances à la révolution que de contre-révolution (3).

Il ne peut être question, dans un article limité, d'aller plus avant dans ces subtilités d'école. Si l'on demeure sur le terrain classique, on peut dire qu'un contre-ré-volutionnaire est celui qui reste attaché à ce qu'il considère comme des condi-tions d'essence indispen-sables au fonction-ne-ment même de la société et de l'Etat: la monar-chie et l'Eglise, le trône et l'autel. A partir de là, il ne verra plus l'épisode révolutionnaire que com-me une parenthèse malheureuse qui doit être close (et qui peut l'être) le plus rapidement pos-sible afin de revenir au statu quo ante.  C'est en définitive sur cette notion de status quo ante  que les divergences entre les contre-révolutionnaires vont se manifester. Pour les uns, on recom-mence, comme si rien ne s'était produit, pour les autres au contraire, afin de prévenir la réappari-tion d'une nouvelle parenthèse révolution-naire, il s'agit d'introduire de très prudentes modifications, qui ouvriraient la porte à un "Ancien régime" certes restauré, mais également régénéré. Mais quoi qu'il en soit, l'idéal réformateur ne s'aventure pas au-delà des limites étroites d'un exécutif monarchiste tout puissant et d'une Eglise auxquelles les âmes doivent se soumettre impérativement. Ainsi circonscrite, la pen-sée contre-révolutionnaire peut varier à l'infini. Dans ses formes d'abord. C'est par milliers que l'on compte les libelles et pamphlets (souvent aussi brefs que mé-diocres) qui réagissent à chaud et épidermiquement aux événements révolutionnaires. Toutefois, nous re-levons aussi l'existence de toute une littérature qui veut, en utilisant les arguments de la philosophie, de la métaphysique ou de la théologie, démontrer l'inanité des thèses révolutionnaires.

Toutefois nous relevons aussi l'existence de toute une littérature qui veut, en utilisant les arguments de la philosophie, de la métaphysique ou de la théologie, démontrer l'inanité des thèses révolutionnaires. Et cette littérature souvent profonde et souveraine ‹nous son-geons à Bonald, Maistre, Rivarol ou Chateaubriand‹ si elle s'en prend à un événement inédit (la Révolution) s'inspire de motifs souvent préexistants, et procède soit d'une sensibilité d'Ancien régime, soit d'une cul-ture "médiévale". Nous voulons dire par là que les uns se réfèrent à une philosophie "moderne" de l'Abso-lutisme (telle qu'un Voltaire, par exemple, l'incarne), alors que d'autres au contraire, plus tournés vers l'an-cien droit de la France et vers ses institutions tra-di-tionnelles, considèrent la monarchie sous un angle organique. Et ce sont eux, en définitive, qui incarnent les authentiques réactionnaires.

Au départ la succession d'événements décousus et violents qui, à Paris et en Provence, se situent en amont et en aval de la prise de la Bastille sont perçus, même par les plus conservateurs, comme un orage ré-générateur. Travaillés par le déisme, le sensualisme, le matérialisme, abreuvés des leçons de l'Encyclopédie, saoûlés par les palabres de salon, énervés par la nou-velle littérature théâtrale ou romanesque (un Beaumar-chais et un Cho-derlos de Laclos sont les parfaits reflets de l'époque), les beaux esprits sont mûrs pour s'engager fort loin sur la voie de ce qu'ils imaginent être le renouveau. Il va de soi d'ailleurs que la situation matérielle du pays facilite cette effervescence: mauvais impôts, mauvaise gestion, pri-vilèges souvent ab-surdes, mauvaise organisa-tion, mauvaise politique in-térieure et étrangère, la liste est très longue. Mais en tout état de cause, rien, dans ce pays riche, prospère et hautement civilisé, ne justifiait le bouleversement san-glant qu'il allait connaître.

Toutefois la volonté des "philosophes" est implacable: "Du passé faisons table rase.". Au nom de la toute-puissante raison régénératrice, us, coutumes, croyances, traditions les plus vénérables sont traînées dans la boue et les bases du trône et de l'autel sont gri-gnotées par l'infatigable travail d'une armée de ron-geurs. Tout d'ailleurs se passe très vite. Il aura fallu moins de cin-quante ans, relève le royaliste Balzac, pour dé-truire le solide tissu français. Cette rapide dé-com-position est une source inépuisable d'étonnement pour l'historien contemporain. Elle s'explique en partie par une sorte de langueur qui s'est emparée des âmes et des esprits et que Taine, dans des pages admirables, met au compte de la "douceur de vivre". Le noble n'est plus qu'un petit maître, attaché par une chaîne d'or à la niche de Versailles, le prêtre, un abbé de salon qui fait profession d'athéisme et qui dissimule honteusement son crucifix sous son tablier ma-çonnique, le phi-lo-sophe un sophiste ingénieux dans le persiflage.
 

Les monarchiens et Stanislas de Clermont-Tonnerre

Les débuts de la Révolution voient émerger toute une couche d'esprits libéraux et éclairés qui jugent possible la mise en ¦uvre de vastes ré-formes sociales et fis-cales, dans le cadre de la monar-chie. Attachés au roi, anglophiles convaincus, défendant l'idée de la possibi-lité d'une Révo-lution modérée, ces "monarchiens" militent pour le bicaméralisme, la séparation des pou-voirs, tout en demeurant partisans d'un exécutif royal qui s'exprime par le droit de veto réservé au sou-verain. Mais devant l'impitoyable durcis-sement de la révolu-tion, leur désillusion ne cesse de s'accroître et bientôt, au lendemain du 6 oc-tobre 1789 (le roi est ramené à Paris par la popu-lace), les "idéologues" du mouve-ment, les Mounier, Malouet, Lally-Tolendal, exhaleront un "das haben wir nicht gewollt"  (nous n'avons pas vou-lu ça!), alors que tout déjà est con-sommé. Rien n'illustre peut-être mieux la trajec-toire pathétique des "monarchiens", engloutis dans la sanglante tempête révolutionnaire, que le destin et les errements ‹qui sont ceux de toute une époque et de toute une classe‹ de Stanislas Clermont-Tonnerre. Les fées se sont pen-chées sur son berceau. Filleul de la reine de France et du roi de Pologne, riche, beau, adulé, âme sen-sible, il flirte avec toutes les modes de l'époque. Franc-maçon, il admire les Encyclopédistes et Rousseau. Epris d'humanitarisme, il prend la dé-fense des protestants, des comédiens, des juifs etŠ du bourreau. Présidant pour un temps la Constituante, il participe allègrement, selon l'expres-sion de son biographe, "au suicide d'une élite". Après le 6 octobre ‹ce 6 octobre qui va mar-quer le passage des monarchiens à la contre-révolu-tion‹ il ouvre enfin les yeux, se lançant dans une at-taque de grand style contre la Déclaration des Droits de l'Homme et l'¦uvre de la Constitutante. Ayant pré-paré, plus par inconscience que par malignité, comme tant de ses emblables, le lit de la Révolution au nom de la liberté, il en arrive maintenant à écrire que "la liberté est l'unique cause des malheures publics". Mais l'éveil est trop tardif et l'incendie, qu'il a contribué à allumer, le dévore: il est massacré le 10 août. Plus chanceux, les autres grands noms monarchiens émigreront et, de leur exil, ils deviendront les plus zélés contempteurs de la révolution. Si nous avons mentionné ici Stanislas de Clermont-Tonnerre et les monarchiens, c'est parce que leur cas possède presque une valeur symbolique pour ce que l'on pourrait nommer "l'éveil paresseux" à la contre-révolution, un éveil à la fois tortueux et réticent qui, en passant d'un "oui, mais" à un "non, mais", fi-nit par aboutir à un non radicalŠ alors qu'il est trop tard.

C'est à d'autres, moins aveuglés par les illusions d'un possible "libéralisme" révolutionnaire, à des "gens simples et directs" serait-on tenté de dire, qui ne sont pas prisonniers d'un carcan idéologique que reviendra le mérite d'organiser la première résistance intransi-geante à la Révolution.
 

La ligue des ironistes

Avec Mirabeau-Tonneau  (le frère du tribun) (4), Peltier, Suleau, l'abbé Royou et le redoutable abbé Maury, à la carrure de lutteur, se constitue, d'une manière infor-melle, ce que l'on pourrait nommer "la ligue des iro-nistes". Théoriciens, ils ne le sont guère. Ils réagissent à chaud à l'évé-nement en maniant un humour assassin, ils fusti-gent de leur plume corrosive les hommes nou-veaux et leurs gesticulations intellectuelles, tout en se rangeant inconditionnellement derrière le roi. Leurs li-belles et journeaux à un sou, qui font pendant à la presse populaire révolutionnaire (L'Ami du Roi  de Royou sera interdit le même jour que L'Ami du Peuple  du pustuleux Marat) connaissent une grande diffusion, le plus brillant d'entre eux étant sans aucun doute Les Actes des Apôtres  de J.G. Peltier. Ces intrépides pamphlétaires ont compris que les révolutionnaires sont totalement dépourvus d'humour (une des premières mesures de l'Assemblée nationale n'a-t-elle pas été d'interdire le carnaval?) et que c'est sous cet angle-là qu'il faut les provoquer. Ils payeront d'ailleurs très cher cette opposition: une mort atroce pour Suleau, as-sassiné le 10 août, la mort par misère physiologique pour Royou, traqué part la police, l'exil pour Mira-beau-Tonneau, Maury et Peltier.
 

Le Groupe des Genevois

Mais assez rapidement la révolution engendrera un autre courant contre-révolutionnaire, représenté par ce que je nommerais le "groupe des Genevois" (F. d'Ivernois, F.-P. Pictet) que domi-ne de très haut la personnalité de J. Mallet-Du Pan. Ce dernier, fils d'un modeste pasteur, ne fai-sait pas partie du patriciat qui gouvernait la "Parvulissime" sous l'Ancien Régime. Libéral au départ, et ami des philosophes, il rejoint, au début de la Révolution, les "monarchiens" dont il de-vient le penseur attitré. Mais, tout en évoluant vers des positions plus extrêmes, il se met au service de la mo-narchie pour des missions se-crètes et est contraint d'émigrer en Suisse. Mal-let-Du Pan n'est ni un philo-sophe, ni un mé-taphysicien de la contre-révolution. Analyste aigu, il se révèle dans les Correspondances qu'il fournit à divers cours européennes, l'incomparable observateur de la situation et, contrairement à tant d'autres contre-révolution-naires, il ne se berce d'aucune illusion, en ce qui concerne le pou-voir de réaction de l'aristocratie et de l'émi-gration. Mais ce qui rend peut-être Mallet-Du Pan unique (avec Iver-nois, qui a vécu la même situation), c'est le fait que dans sa jeunesse, il a participé, mais cette fois de l'autre côté de la barricade, à la révolution genevoise de 1782 et qu'il a été contraint de fuir devant le triomphe de la contre-révolution. C'est dire qu'il connait à mer-veille, "de l'intérieur", les mécanismes de l'émeute et le caractère des hommes qui en sont le moteur. Contrairement à tant d'autres, il distingue le chemine-ment que prendra la Révolution. A ses yeux, le vide créé par la dis-parition de la monarchie a été successi-vement comblé par la bourgeoisie possédante, puis par la petite bour-geoisie, puis par les non-possédants, en-fin par les sans-culottes, chacune de ces classes ayant éliminé celle qui l'a précédée. Et à chaque éli-mi-nation, la violence monte d'un cran. Mallet-Du Pan est un des rares (avec Rivarol toutefois) qui discerne que tout cela doit logiquement aboutir à la "dictature du sabre".

Jusque-là en France, la contre-révolution théo-rique n'était guère sortie de la voie empirique, critiquant coup par coup les innovations des révolutionnaires. Ce fut là essentiellement la tâche des monarchiens, et de la droite parlementaire (S. de Girardin, Mathieu Dumas, Viennot-Vauban) qui combattent les décisions de la Constituante et de la Législative, attaquant, outre la Dé-claration des Droits de l'Homme et la constitution, leur po-litique religieuse, financière, sociale, militaire et étrangère. Mentionnons à ce titre les travaux, souvent fort techniques, d'un N. Bergasse, qui démontre l'inanité de la politique financière de l'Assemblée na-tionale.
 

Edmund Burke: premier grand théoricien anti-révolutionnaire

C'est d'Angleterre toutefois que viendra le véritable opus  de la contre-révolution. Le 29 novembre 1790, la traduction des Reflections on the Revolution in France  d'E. Burke est mise en vente à Paris, où elle connaît un succès foudroyant, qui s'explique par le fait que le public, confronté à cette vaste synthèse, a le sentiment d'enfin mieux comprendre ce qui lui arrive. En dépit de multiples défauts, l'ouvrage de l'Anglo-Irlandais propose une analyse des événements qui les domine de très haut. S'en prenant aux concepts abs-traits, donc stériles, mis en ¦uvre par les nouveaux philosophes de la raison, l'auteur démonte point par point les concepts de droit naturel, de liberté, égalité et fraternité, de sou-veraineté populaire, de démocratie, du bon-heur qui doit devenir le lot de tous.

Il est frappant de constater que la "grande critique" française ou francophone de la révolution se fera, elle, attendre quelques années encore et se manifestera, au fond, alors que tout est joué. Les Considérations sur la nature de la Révolution de France (Š)  de Mallet-Du Pan sont publiées en 1793, La défense de l'ordre so-cial contre les principes de la révolution française  de l'abbé Du--voisin en 1796 (et dans un tirage confidentiel), comme La Théorie du pouvoir politique et reli-gieux  de Bonald, et il faudra attendre 1797 pour pou-voir lire les Considérations sur la France  de Maistre, et 1798 l'Essai sur les révolutions  de Chateaubriand. En règle générale, on peut di-re que les contre-révolu-tionnaires fournis-saient avant Thermidor une ¦uvre de pamphlé-taires, et que c'est seulement après l'extinction de la terreur que leur critique "métaphysique" voit le jour, qui est précisément celle que la pos-térité retien-dra.
 

La contre-révolution dans ses grandes lignes théoriques

Il ne peut être question, dans le cadre restreint d'un ar-ticle, de passer systématiquement en revue la pensée des auteurs importants et d'en dresser une sorte de ca-talogue. Contentons-nous d'esquisser les grandes lignes qui reviennent à satiété chez tous les auteurs contre-révolution-naires.

1) La critique la plus générale et la plus répandue re-lève en premier lieu du simple bon sens et de l'évidence même: privée du trône et de l'autel, la France cesse d'exister, car ils lui sont, pourrait-on dire "consubstantiels". Il n'existe aucun contre-révolution-naire, "réactionnaire" ou "progres-siste", qui remette en question ce qui consti-tue une vérité intan-gible. Il en découle na-turel-lement qu'une partie im-portante de la littéra-ture contre-révolutionnaire est consacrée à la dé-fense et à l'illustration du roi, de sa famille et de l'E-glise opprimée.

2) L'idéologie, ou la philosohie, qu'invoque la révo-lution est ressentie comme abstraite et artificielle. Que signifient des notions aussi vagues que Liberté et Ega-lité? Où commencent-elles? Où finissent-elles? Il n'est pas vrai que les hommes soient nés libres et égaux. La liberté de l'assassin qui s'échappe de prison n'a rien de commun avec celle de l'honnête homme. Il n'existe au-cune véritable égalité entre un homme intelligent et un imbécile, entre un fort et un faible, entre celui qui est armé et celui qui ne l'est pas, entre l'enfant né dans un palais et celui né dans une chaumière. Proclamer la liberté ne revient pas à la réaliser et il ne suffit pas d'exprimer une idée pour qu'elle se mette à exister. Quant à la fra-ternité  ‹et la notion est déjà ambigue en soi puisqu'elle évoque le premier meurtre de l'his-toire humaine‹  elle relève du domaine de la sen-timentalité et ne possède aucun contenu réel. Les révolutionnaires se meuvent dans l'abstrait (5). Ils postulent la toute-puis-sance d'une raison (et d'une vertu) qui va bientôt re-vê-tir les formes les plus grotesques ou les plus tra-giques: assas-sinat du roi au nom de la raison, déclara-tion de guerre à l'Europe au nom de la raison, profa-na-tion des tombes royales au nom de la raison, dilapi-dation des biens nationaux au nom de la raison, terreur au nom de la raison, etc. Face à cette usurpation de la raison par la dé-raison, nombreux seront les théoriciens de la contre-révolution qui se considéreront, eux, comme les authentiques porte-paroles de la rai-son. Ils se vou-dront également les seuls véri-tables réalistes, détenteurs d'une somme d'expériences très anciennes et qui, à ce titre, ont pour devoir de lutter contre l'illusionnisme révo-lutionnaire, contre les fabriquants en gros d'utopies et contre les marchands de vertu.

3) La révolution croit au progrès: les révolutionnaires sont convaincus qu'ils sont en mesure de réaliser le bonheur et l'harmonie sur terre grâce à des moyens particuliers qui leur sont propres. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen constitue l'un de ceux-ci et ses articles sont censés baliser la voie qui conduit à la félicité universelle. Mais quoi qu'on en dise, il est impossible de bannir le malheur de la so-ciété et le bonheur ne peut être le résultat de décrets et de lois, ou de déclarations d'intention aussi creuses que bien intentionnées. L'évolution d'une humanité entachée par le péché originel ne se fait que dans des soubresauts tragiques, dans les larmes et dans le sang. Il ne suffit pas de ravaler la façade d'un antique édi-fice, bâti par des générations d'architec-tes et de ma-çons, pour modifier sa structure et ses dispositions. Dans le meilleur des cas la Révolution ne sera rien d'autre qu'un ba-digeon provisoire, dans le pire ses maladresses et son arbitraire infligeront des dommages irrépa-rables à la substance même de l'édifice.

4) La démocratie est une illusion. Comment croire que des millions d'hommes qui délèguent leur souverai-neté, leurs "droits" et leur portion du pouvoir à quelques centaines de députés se trouveront mieux re-présentés que par un monarque ‹et ses ministres‹ qui incarne depuis des siècles les aspirations orga-niques du pays et dont l'autorité n'est pas fondée sur une quelconque loi écrite (dans le sens que Condorcet donne à ce terme) mais sur la loi divine uniquement. La fragmentation des compétences et des volontés aboutit au nivellement ou, pire encore, à la dictature d'un parti et à l'arbitraire de la tyrannie. Et le fait de prendre une décision à la majorité ne signifie nullement que cette dernière soit bonne. L'arithmétique démocra-tique, la loi du nombre, n'est pas une valeur positive en soi. Au contraire, elle engendre la médio-crité, impose un lit de Procuste aux aspirations origi-nales. Si par le passé certains ont plaidé en faveur de la démo-cratie ‹Rousseau par exemple‹ c'est parce qu'ils ne l'ont considérée comme applicable qu'à de très petits Etats, comme la République de Genève.

Cette critique de la démocratie a conservé jusqu'à nos jours tout son poids et elle incarne peut-être l'héritage le plus vivant de la pensée contre-révolutionnaire.

5) Celui qui détruit l'ordre traditionnel (et organique), l'harmonie fondée en définitive sur et en Dieu, pro-voque la catastrophe. Dès le début de la Révolution, la plupart des contre-révolutionnai-res ont discerné qu'elle portait dans son sein ses futurs "dérapages", comme les nomment pudi-que-ment les historiens libéraux, et qu'elle finirait par engendrer une "catastrophe française" sui generis.  Ils reconnaissent d'ailleurs qu'il est dif-ficile de prendre la mesure de son ampleur, car par sa soudaineté et sa violence elle est, comme dit Burke, "étonnante". Plus la terreur s'étendra, et plus les contre-révolutionnaires se verront confirmés dans leur analyse.

6) Toutefois certains d'entre eux, comme Maistre, Mallet-Du Pan, Chateaubriand ou Gentz, jugeront que la Révolution possède une incomparable charge d'énergie et ils compren-dront qu'elle doit être mesurée à une aune nou-velle. Pour d'autres au contraire, l'arbitraire et la violence de la Révolution ne constituent qu'un boule-versement provisoire ‹et finalement positif‹ puisqu'il prépare une restauration régénératrice. C'est ainsi que les théocrates ou de nombreux cléricaux la considèrent comme un élément de la volonté divine, comme le châtiment nécessaire pour l'amollissement et les vices de l'Ancien Ré-gime. Lorsque l'orage aura pu-rifié l'atmos-phè-re, il sera alors possible de fonder une monarchie régénérée, de s'appuyer sur une nou-velle souve-raineté fortifiée et renforcée. C'est là, grosso mo-do, le point de vue de Maistre, alors que d'autres penseurs (Rivarol, Sénac de Meilhan) voient avant tout dans la Révolution un acte cruel et barbare qui a irrémédiablement mis fin à la "douceur de vivre" de l'Ancien Régime. Quant à Bonald ‹et c'est entre autres ce qui constitue l'originalité de sa position‹ il situe en dehors du projet divin la Révolution qui de-vient sinon un non-être, du moins une simple maladie.

7) Si la dégénérescence des m¦urs de la société fran-çaise en général et de la cour en particulier, ainsi que l'accumulation des abus, sont parfois mentionnés comme causes de la Révolution, il en est toutefois une autre qui est constamment évoquée. Inlassablement, les théoriciens de la contre-révolution soulignent le rôle destructeur exercé par ce qu'ils nomment "la secte", c'est-à-dire les philosophes. La machine rationaliste qui s'est mise en mouvement dans la première moitié du XVIIIe siècle, se propose de détruire le vieil esprit français et de saper les bases du trône et de l'autel. Cet hydre de la subversion possède mille têtes: le criticisme de Bayle, le sensualisme de Con-dillac, le naturalisme de Rousseau, l'ironie de Voltaire, la doctrine des phy-siocrates, le poison distillé par les palabres des salons, les malheureux exemples donnés depuis l'étranger par Frédéric de Prusse ou Joseph II. Le solide bon sens gaulois a été contaminé par tous ces raisonneurs et il est désormais incapable de résister à la contagion.

Certains contre-révolutionnaires iront encore plus loin et tenteront de déceler la cause des causes qui ont conduit à la catastrophe. Il y a ceux qui accusent le duc d'Orléans, Necker ou La Fayette, d'avoir travaillé à la ruine de la monarchie pour satisfaire leurs ambitions personnelles. Il y en a d'autres comme Barruel qui pensent que l'¦uvre de sape a été systématiquement organisée par les Francs-Maçons, les Illuminés, les protestants, voire les jansénistes ligués dans un gigan-tesque complot. Les plus radicaux croient même dis-cerner dans la Révolution proprement dite un épisode tardif et accessoire, tout ayant déjà été joué avec la ré-forme qui, en sapant l'unité de l'Eglise et l'autorité du pape, a facilité l'éclosion en Europe du libertinage et de la discorde. Sabatier de Castres fut le penseur contre-révolutionnaire qui développa cette thèse jusqu'à ses consé-quences ultimes. Selon lui, il faut rechercher l'origine de la révolution dans l'invention de la poudre, de l'im-primerie, dans les progrès de la médecine, etc. Il en découle que c'est déjà à la fin du Moyen Age qu'il aurait fallu qu'une pensée et une action contre-révolu-tionnaires se dévelopas-sent, afin de barrer la route aux fatales idées nouvelles.

8) Les contre-révolutionnaires se montrent allergiques à la rhétorique creuse de la Révolution. Leurs sar-casmes s'adressent au style ampoulé et prétentieux des décrets et des discours, au sentimentalisme des décla-rations théoriques, à la phra--séologie des tribuns qui puise ses ressources autant dans la grandiloquence à l'antique que dans les effusions rousseauistes. Pour eux, celui qui écrit mal, pense mal et ne peut donc pré-tendre être le créateur d'une société nouvelle. Il serait d'ailleurs possible de constituer une anthologie de la contre-révolution uniquement avec des tex-tes révolu-tionnaires qui offrent tant d'exem-ples de délire verbal et d'incontinence stylistique.

9) Il ne faudra toutefois pas conclure des points sus-mentionnés que la pensée contre-révolutionnaire se cantonna uniquement dans la critique, le sarcasme, ou dans une vision restaurative plus ou moins absolue. P.-H. Beik (6) a eu le mérite de montrer, en son temps, que les contre-révolutionnaires surent répondre égale-ment au défi révolutionnaire par des propositions de ré-formes sociales ou politiques souvent originales (7). Dans cette perspective, la réflexion du Comte de Montlosier, par exemple, revêt une importance par-ticu-lière.
 

L'Europe élabore la réponse théorique à la Révolution Française

Très vite, la Révolution, idéologiquement et matériel-lement, se proclame conquérante et prétend faire "souf-fler le vent de la liberté sur l'univers entier", comme elle l'annonce dans sa logomachie. Devant ses menaces, l'Europe organise sa défense et met sur pied sa réponse. Parmi les ténors de la contre-révolution ce sont  ‹Bonald et Chateaubriand exceptés‹  des non-Français qui donneront le ton: l'Anglais Burke, le Sardo-Piémontais Maistre, le Genevois Mallet-Du Pan, le Prussien Gentz, les Hannovriens Rehberg et Bran-des ou, avec une ¦uvre rédigée en latin, Braschi, le pape Pie VI. Il va sans dire que la réaction à la Ré-volution se teinte là de sensibilités, et de préoccupa-tions, nationales. Dans les Etats allemands, on dis-tingue diverses attitudes: il y a ceux qui, séduits au dé-but, se détourneront avec horreur des excès de la Ré-volution terroriste. C'est, par exemple, le cas d'un Schiller. Il y a également ceux qui, abominant le dés-ordre et la canaille, contemplent l'événement avec une distance et un mépris aristocratiques: c'est le cas de Goethe. Notons aussi l'existence d'une tendan-ce for-tement représentée: les amis de l'Aufklärung  qui finis-sent par condamner les glissements de la Révolution comme contraire aux exigences de la raison. C'est le cas, en Autriche, de J. von Sonnenfels, ou en Alle-magne de J.L. Ewald. Les critiques d'un Rehberg et d'un Brandes, qui subissent l'influence de Burke, possèdent par contre une toute autre di-mension. Dans ses Untersuchungen über die französische Revolution  (1793) (en fait un re-cueil de recensions), Rehberg ex-pose que le des-tin de l'homme, produit d'une histoire complexe, ne peut être arbitrairement et violemment modi-fié. On ne peut lui imposer une constitution artifi-cielle et il est impossible de remplacer, du jour au lendemain, dans un tour de passe-passe, l'édifice des va-leurs traditionnelles par une "déclaration des Droits de l'Homme" surgie du néant. Rien ne fonde en droit la "volonté du peuple" et la bourgeoisie a commis une er-reur fatale en s'agenouillant devant la canaille. En même temps il soumet la "revo-lutiomania" des Alle-mands à une critique impi-toyable, ce qui va lui attirer les foudres des "es-prits avancés", Fichte en tête. Quant à son dios-cure Brandes, il est, après avoir défendu des po-sitions "monarchiennes", obligé de reconnaître ‹d'un c¦ur lourd, il est vrai‹ que chaque pas fait "en avant" par la Révolution, ne signife en réalité qu'un faux progrès, un retour vers la barbarie.

Mais il existe aussi une catégorie d'auteurs qui ont été encore plus incisifs dans leur critique de la Révolution qu'ils éprouvent directement comme une manifestation du mal absolu, comme une rupture de l'ordre divin, comme une souil-lure in-fligée à l'harmonie mystique de l'univers: c'est le cas d'un Jung-Stilling, d'un Mathias Claudius et, plus tardivement, d'un Novalis (8).

Comme en France, on assistera en Allemagne à l'éclosion de toute une "littérature de combat" aux prétentions parfois humoristiques, dont souvent les clubistes de Mayence font les frais. Parallèlement on observe aussi la naissance d'une pres-se contre-révolu-tionnaire dont émerge le remarquable Revolutions-Al-manach  de Reichard ou, pour l'Autriche, le Wiener Zeitschrift  de A. Hoffmann qui, corrosif et sarcas-tique, s'inspire des Actes des Apôtres  de J.G. Peltier.

C'est toutefois à F. von Gentz que revient la palme du "grand penseur allemand de la contre-révolution". La lecture de Burke lui ouvre les yeux sur la vraie nature de la Révolution, qu'il avait jugée favorablement dans ses premiers moments. Traducteur inspiré de Burke, de Mallet-Du Pan, et d'autres encore, il pourvoit ses traductions d'abondantes annexes et notes, qui finis-sent par constituer une ¦uvre en soi. Comme Mallet-Du Pan, Gentz est un réaliste implacable qui ne se berce d'aucune illusion et ne fait intervenir dans sa ré-flexion ni considérations morales, ni larmoiements humanitaires. La Révolution est puissante, il s'agit de la combattre et de la détruire afin de rétablir l'équilibre euro-péen. Toutefois les cours continentales auraient tort de surestimer leurs forces. Seule une inter-vention armée de l'Angleterre pourra modifier le cours des choses. Dans cette perspective, Gentz est un des rares écrivains contre-révolutionnaires qui, dans son ¦uvre, concède une place centrale à la réflexion militaire.

La Suisse, avec ses treize républiques oligarchiques, joue un rôle important dans le combat contre la Révo-lution, tant sur le plan de l'accueil fait aux émigrés que sur celui de la propagation des idées contre-révolution-naires. Les Suisses, qui s'estiment détenteurs du seul auhentique républicanisme, se détournent avec horreur de l'expérience française, à leurs yeux pervertie et caricaturale. Le massacre de leurs compatriotes à Paris, le 10 août 1792, les touchera au plus profond d'eux-mêmes et suscitera un flot de pamphlets et de libelles contre-révolutionnaires. Il faudra tou-tefois attendre la Restauration pour que la Suisse, avec le "Bonald ber-nois", C.L. von Haller, pro-duise un penseur contre-révolution-naire et réac-tionnaire de premier plan. Il convient aussi de relever le rôle joué à Neuchâtel  ‹alors prin-ci-pau-té prussienne‹  par L. Fauche-Borel, "l'im-primeur de la contre-révolution" qui publie, avec des lieux d'édition fictifs, une quantité con-si-dérable d'ouvrages importants, dont les Consi-dérations  de Maistre.

Dans les Etats de l'Eglise, qui ouvrent toutes grandes leurs frontières aux émigrés ecclésiastiques, on relève également une très vive activité intellectuelle, les thèses conspiratives de l'abbé Barruel étant reprises à satiété par les publicistes en soutane. Le pape Pie VI est peut-être le plus convaincant d'entre eux. Non content de dénoncer l'hérésie révolutionnaire dans son bref Aliquantum,  il en démonte aussi fort adroitement le mé-canisme philosophique (9).

Ce rapide et schématique tour d'horizon n'a eu pour propos que de démontrer l'ampleur prise par la ré-flexion contre-révolutionnaire dans la dé-cennie 1789-1799. On a toutefois le sentiment que la moisson fut, sur le moment, presque trop abondante pour avoir été complètement engrangée. En effet, il faudra attendre l'ère restaurative (et même au-delà), pour qu'une partie des idées contre-révolutionnaires, dans la mesure où elles esquissent les contours d'une philosophie de la réaction, portent leurs fruits.

Toutefois tous ceux qui ont ardemment lutté pour le relèvement du trône et de l'autel auront, au lendemain de 1815, de bonnes raisons de ressentir une certaine amertume, car la parenthèse révolutionnaire n'a pas été vraiment refermée comme ils l'auraient souhaité et même, aux yeux de beaucoup, n'a pas été refermée du tout. Les uns déplorent que l'inimitable douceur de vivre de l'Ancien Régime se soit irrémédiablement évaporée, alors que d'autres expriment des regrets plus concrets: ils ne retrouvent plus leurs biens et leurs pri-vilèges et, pour les prêtres, leur Eglise ne sera plus ja-mais ce qu'elle
 

Que deviennent les contre-révolutionnaires sous la Restauration?

Mais il y a pire encore: si les contre-révolutionnaires retrouvent leur roi, ils doivent en même temps s'accomoder d'une constitution. Ce qui est fondamen-talement en cause, toutefois, c'est l'écou-lement, le cruel écoulement du temps, qui ne peut plus être re-monté, c'est ce quart de siècle évanoui qui a vu l'avènement d'une république, la persécution du clergé et de la noblesse, la terreur avec ses massacres (en soi parfaitement démocratique car dirigée contre tous), l'assassinat d'un roi et d'une reine, la poursuite de guerres incessantes et, enfin, l'avènement d'un des plus singuliers empereurs de l'histoire et de l'hu-manité. Si restaurer la monarchie s'est avéré possible, il s'est par contre avéré impos-sible de faire rétrograder les aiguilles du temps, et les contre-ré-volu-tionnaires en prendront cruellement cons-cience lors de la seconde Restauration. D'ail-leurs, progressivement, la pensée contre-révolu-tionnaire de restauratrice de-viendra prophylacti-que: il ne faut pas que la ca-tastrophe révolution-naire puisse se reproduire et c'est à cette tâche dorénavant qu'un Bonald ou Maistre, devenus ministres en leurs royaumes respectifs, ou un Gentz conseiller de Metternich, s'attèleront. C'est alors que de contre-révolutionnaire leur pen-sée devient, à pro-prement parler, réaction-naire puisque l'objet qu'elle se proposait de com-battre, la révolution, a (momentanément) disparu (10).

L. Hampson compare la Révolution à un autobus dans lequel beaucoup de monde est monté, et beaucoup des-cendu (11). On peut en dire autant des contre-ré-volutionnaires. Sous le Consulat, et surtout sous l'Empire, les défections sont massives, et même un Bonald finira par se rallier. Voilà qui démontre que dès le début du XIXe siècle la contre-révolution n'est plus assurée du bien-fondé absolu de ses exigences et que la revendication de restauration sine qua non  de la mo-narchie s'estompe devant le désir d'ordre, de prospé-rité et devant le mirage impérial. Alors qu'aux yeux des Anglais (qui ont très largement accueilli les contre-ré-volutionnaires pourchassés) le général Bonaparte res-tera jusqu'à sa mort le gé-néral Bonaparte, et l'implacable continuateur de la révolution qui ne s'arrête pour eux, qu'à Waterloo, les contre-révolu-tionnaires théoriciens et practiciens français viennent se blottir au pied du nouveau trône, l'abeille valant dès lors bien le lys, à leurs yeux. Dans une doctrine qui a haussé la fidélité au niveau d'un véritable dogme, une infidélité aussi massive peut surprendre. C'est pour-quoi il convient de saluer la constance d'un J.G. Peltier qui, dès le premier jour de la Révo-lution, resta in-ébranlablement fidèle à ses idéaux contre-révolution-naires, sous le Directoire, le Consulat, l'Empire Š et à l'époque de la Restauration.

Il n'en demeure pas moins qu'à partir de 1815 la pen-sée contre-révolutionnaire, bien que privée de son "objet" révolutionnaire par la restauration et trahie dans certaines de ses exigences essentielles (à cette époque, en France, un monarchien de 1789 aurait presque passé pour un ultra)  (12) s'engagera sur des voies in-édites, de plus en plus souterraines à partir de 1830 et de plus en plus diffuses à partir de 1918. Ses doctrines, consti-tuées entre 1789 et 1799 ne meurent pas, elles se transforment en un terreau fécond qui vivifie, souvent sous des formes inédites, le champ de la pen-sée politique. Invisibles comme l'oxygène, elle n'en nourrissent pas moins encore pour une bonne part cer-tains courants de la pensée conser-vatrice et réaction-naire, du romantisme au maurrasisme, en passant par un Proudhon et un Bakounine. Et c'est la raison pour laquelle les rares individus qui se désignent au-jourd'hui encore comme contre-révolutionnaires ne désespèrent pas de vivre un jour la Restauration totale et universelle ‹qui coïncidera avec la vraie révélation du projet de Dieu, selon la formule de l'essayiste co-lombien ultra-catholique, Nicolás Gómez Dávila: "Lorsqu'un réactionnaire parle d'une "inéluctable res-tauration", il convient de ne pas oublier que le réac-tionnaire compte en millénaires" (13).
 

Jean-Jacques LANGENDORF.

Notes

1) Nous n'envisageons ici la contre-révolution que sous son as-pect théorique, et laissons de côté la contre-révolution en acte (Toulon, Lyon, Vendée, guerres des coalisés contre la Révolu-tion, etc.). Les liens entre la contre-révolution pratique et la théo-rique ont été extrêmement ténus. Une sorte de pont a toute-fois été établi entre les activistes et les théoriciens par des gens comme Antraigues ou Mallet-Du Pan chargés de missions se-crètes ou officielles. Si l'on veut pousser les choses à l'extrême, on peut dire que le seul écrivain contre-révolutionnaire qui ait eu une influence directe ‹d'ailleurs, a contrario‹ sur les événe-ments fut le marquis de Limon, rédacteur du Manifeste du duc de Brunschwick,  ce texte étant en partie à l'origine de la fatale jour-née du 10 août 1792, qui vit la chute de la monarchie!!!
2) Cf. C. Lucas, "Résistances populaires à la révolution dans le Sud-Est", in Mouvements populaires et Conscience sociale (XVIe - XIXe siècles),  Actes du col-loque de Paris, 24-26 mai 1984, Pris, 1985, pp. 473-488.
3) C'est précisément le titre choisi par le colloque de Rennes, 17-21 septembre 1985: Les résistances à la révolution,  Paris, 1987.
4) On doit entre autres à Mirabeau-Tonneau une Lanterne ma-gique nationale  (Paris, 1790), qui fustige avec humour et cruauté les nouvelles m¦urs "parlementaires", telles qu'elles se dévelop-pent au sein de la Constituante. C'est cette brochure qui a inspiré le titre de cet article.
5) Lorsque je me promène dans la France actuelle, je ne peux m'empêcher de sourire devant les frontons des Palais de Justice et des prisons ornés de l'inscription "Liberté - Egalité - Fraternité", alors qu'on devrait lire "Justice" sur les premiers, et "Expiation" sur les seconds.
6) The French Revolution Seen from the Right. Social Theories in Motion, 1789-1799.  Transactions of the American Philoso-phical Society, vol.46, February 1956, PP. 3-122.
7) Nous aurions pu prolonger cette liste presque ad libitum.  Ajoutons seulement qu'en défendant la monarchie et l'Eglise le contre-révolutionnaire a aussi le sentiment de défendre l'universalité contre le patriotisme chauvin, donc particulariste, des révolutionnaires.
8) Le travail de certains historiens contribuera également à nour-rir les sentiments contre-révolutionnaires des Allemands. Il convient de mentionner ici les Historische Nachrichten und poli-tische Betrachtungen über die französische Revolution  du Suisse C. Girtanner, publication périodique commencée  en 1794, en fait une collection de matériaux, qui dévoile impitoyablement les crimes de la Révolution.
9) Si l'Espagne n'apparaît pas dans ce concert contre-révolution-naire, c'est parce qu'une stricte censure allait jusqu'à interdire toute mention, même négative, de la Révolution.
10) Dans Le vocabulaire politique et social en France de 1861 à 1872 à travers les ¦uvres des écrivains, les revues et les jour-naux,  Paris, 1962, p.55, J. Dupuis montre qu'à partir de 1869 les termes "contre-révolution/contre-révolu-tionnaire" cèdent le pas à "réaction" et "réactionnaire", précisément à une époque où l'ère de la révolution fran-çaise est considérée comme achevée.
11) N. Hampson, "La Contre-Révolution a-t-elle existé?", in Résistances à la Révolution,  op. cit., p. 462.
12) Mais on peut également assister au phénomène inverse. Dans son roman Les mouchoirs rouges de Cholet  (Paris, 1984), Mi-chel Ragon montre fort bien comment les Vendéens les plus ar-demment contre-révolutionnaires, qui sous la restauration ne ces-sent d'exiger un retour aux conditions d'avant 1789, seront traités de révolutionnaires par les monarchistes.
13) N. Gómez Dávila, Einsamkeiten, Glossen und Text in ei-nem,  Wien, 1987, p. 147. 
 

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jeudi, 18 janvier 2007

Europese Rijksgedachte (Nederlands)

Europese rijksgedachte door Robert STEUCKERS in Synergon, december 2006.

Inleiding

Geopolitiek is een studie van geschiedenis en aardrijkskunde en dus van ruimte en tijd. Geopolitiek is een verzameling disciplines (niet één discipline) die een goed beheer van ruimte en tijd beoogt. Geen macht kan immers overleven zonder de noodzakelijke continuïteit van tijd en ruimte. Vanuit een niet-lineaire (cyclische of sferische) tijdsopvatting is het verleden nooit een afgesloten hoofdstuk. Zo is de rijksgedachte nog springlevend voor Hongaren en Serviërs. In de geopolitieke geschriften van de heer Steuckers speelt de Balkan bijgevolg een zeer belangrijke rol en zo ook in deze lezing. Als men spreekt over spirituele decadentie, dan betekent dat volgens hem evenzeer dat men zijn eigen aardrijkskundige milieu niet meer correct begrijpt. Julius Evola spreekt immers in Révolte contre le monde moderne van de numena[1], de krachten uit de natuur of uit de fysische gegevens, die de spirituele mens niet kan loochenen. Tot slot: een onontbeerlijk hulpmiddel in de geopolitiek van de rijksgedachte zijn historische atlassen, zoals die van Colin McEvedy. Zij behandelen de menselijke geschiedenis immers vanuit culturen en beschavingen, volkeren en rassen. Kortom, vanuit een organische zienswijze.

1. De oudste bronnen

Elke rijksgedachte heeft drie dimensies: een symbolische, een geografische en een praktische. Het gaat dan respectievelijk om een spirituele bron, een politieke ruimte en een communicatiemiddel. In de 19de eeuw hadden vooral Groot-Brittannië en Duitsland een belangrijke filologische traditie. Niettemin was het Frankrijk dat met betrekking tot het onderwerp van deze lezing een belangrijke filoloog voortbracht: Arthur de Gobineau. Filologen zochten de bronnen van de Indo-Europese beschaving in de vergelijkende taalwetenschap, meer bepaald die van het Grieks, het Latijn en het Sanskriet. Het was gemeengoed onder de humanisten van die tijd om de wortels van de Europese Beschaving in het Oude Griekenland te zoeken. Maar welk Griekenland? Ons moderne beeld van het Oude Griekenland is immers herleid tot iets intellectualistisch en sofistisch. De grote verdienste van Gobineau, oud-ambassadeur te Teheran, is dat hij als eerste Europeaan erop gewezen heeft dat de oudste bronnen van de Indo-Europese beschaving Iraans (Arisch) waren en niet Grieks. Zijn werk zou later een grote invloed hebben op dat van Léopold Sédar Senghor en Henri Corbin.

1.1 De Iraanse

De oorsprong van de rijksgedachte leidt ons naar de protohistorie. Er is in dezen geen strikt onderscheid tussen prehistorische, historische en metahistorische feiten. Elk rijk heeft vooreerst een stichter. In de Indo-Europese traditie (Indo-Iraanse) traditie is dat de mythische figuur van de zegevierende koning-held Rama (ook Yama of Yima genoemd). Hij moest in een ver verleden zijn noordse oerheimat verlaten na de komst van een “eeuwige winter” en zijn volk zuidwaarts leidden naar de Kaukasus, de Oeral en de Hindoekoesj. Met andere woorden: van Rusland naar Afghanistan, Europa, Iran en India[2]. Volgens Colin McEvedy mag de Indo-Europese bakermat niet worden herleid tot een klein gebied. Hetzelfde geldt eveneens voor de Afro-Aziatische en de Elamitisch-Dravidische bakermat. Er wordt te weinig rekening gehouden met de grote beweeglijkheid van die volkeren. De oerheimat van de Indo-Europeanen bestreek volgens McEvedy het hele gebied van de Noordzee tot de Kaspische Zee. Hij treedt aldus de Duitse archeoloog Lothar Kilian bij.

De Indo-Europeanen verwierven in het Midden Oosten naam en faam als ruitervolk. Zij leenden zelfs ruiters aan Semitische en Elamitisch-Dravidische volkeren. Omstreeks 1800 v. Chr. veroverden de ruitervolkeren de Elamitisch-Dravidische beschaving in Iran. Ze vormden er een ruiteraristocratie bij Dravidische volkeren (bijv. Kassieten) of bij Kaukasische (bijv. Hoerrieten). Die laatste werden militair georganiseerd door de Indo-Europese Mitanni. Tussen 1600-1400 v. Chr. vielen de Indo-Europese Tocharen China binnen en legden er de grondslagen voor de latere Chinese rijken. Omstreeks 1275 v. Chr. bezetten drie verschillende Indo-Europese (Indo-Iraanse) takken in het Midden Oosten[3]: de Cimmeriërs-Scythen, de Iraniërs en de Indiërs.

In 714 v. Chr. wierpen Cimmerische en Scythische legers het Hoerritische koninkrijk Oerartoe omver en ze vestigden zich in Anatolië. In 705 v. Chr. versloegen zij de Assyriërs. Tot de komst van de islam zouden er geen Semitische rijken meer in het Midden Oosten zijn, maar wel Scythische, Cimmerische, Medische, Perzische, Griekse, Macedonische, Parthische of Romeinse. De Perzen, een kleine stam uit Zuid-Iran, namen in 539 v. Chr. de leiding van het geheel over van de Meden. De leer van de religieuze hervormer Zoroaster of Zarathoestra kon zich aldus over het hele Midden Oosten verspreiden en een belangrijke Indo-Europese stempel drukken op de wereldgeschiedenis en de wereldgodsdiensten. Cyrus de Grote stond ook na de verovering van Babylon en Mesopotamië bekend als een edelmoedige veroveraar. De Romeinse keizers Trajanus en Julianus zagen het belang in van de Perzische Golf als een venster op de Indische Oceaan. Mesopotamië zou later nog dikwijls het strijdtoneel worden van Oost en West…

1.2 De Romeinse

Het einde van de Derde Punische Oorlog in 146 v. Chr. luidde het einde in van de Romeinse Republiek, zoals zij tot dan toe had bestaan. Het leger werd voortaan het instrument van een rijk dat het Iberische schiereiland, Noord-Afrika en Turkije omvatte. Die expansie vereiste een sterkere militaire organisatie van de onbestuurbaar geworden Republiek. Er brak een burgeroorlog uit tussen optimates[4] van de “conservatieve” Sulla en de populares[5] van de “progressieve” Marius. Marius voerde verschillende belangrijke hervormingen door. Zo werd het huurlingenleger bestaande uit boeren vervangen door een beroepsleger bestaande uit legionairs. Marius versloeg in 102 v. Chr. de Teutonen bij Aquae Sextiae (Aix-en-Provence) en in 101 v. Chr. de Kimbren bij Vercellae (Vercelli), nadat geen van de vorige consuls erin geslaagd was de Germaanse opmars naar Rome af te slaan. Marius werd zelfs beschouwd als “derde stichter van Rome” (Plutarchus) en zou uiteindelijk zeven keer consul worden. De figuur van de zegevierende generaal herinnerde onder anderen aan Rama, maar dat zou later evenzeer gelden voor Julius Caesar en Otto de Grote.

Consul Gaius Julius Caesar – nog geen caesar of keizer – trad later met zijn veldtocht door Gallië in de voetsporen van Marius. Nu volgt de geopolitieke dimensie: Marius besefte dat het Italische schiereiland bij de Rhône moest worden verdedigd. Caesar ging nog verder en besefte dat de Rhône, de Sâone en de Doubs één geheel vormden met de Rijn. Het was die laatste die door de Sequanen te hulp werd geroepen tegen Germaanse invallers (Sueven of Zwaben). Caesar werd na zijn Gallische veldtocht “dictator voor het leven”. Hij werd door zijn tijdgenoten niet alleen gezien als een zegevierende generaal, maar eveneens als een heerser over de rivierbekkens. Rivierbekkens bepaalden de territoriale organisatie van het Romeinse Rijk, niet volk of taal. De latere keizers moesten door de verdere uitbreiding van het Rijk bovendien niet alleen de bekkens van de Rhône en de Rijn, maar ook die van de Donau beheersen. De beheersing van het Donau was niet alleen toen van groot strategisch belang voor Europa, maar is het nu nog steeds. De beheersing van de Donau is hét doel van de NAVO in de Balkan (cf. Edward Luttwak, Zbigniew Brzezinski).

In 105 n. Chr. voltooide keizer Trajanus Caesars geopolitieke strategie door Dacië – de enige Romeinse provincie ten noorden van de Donau – te veroveren. De controle over de Balkan verleende hem toegang tot de Zwarte Zee en zelfs Anatolië, Armenië en Mesopotamië (113-117 n. Chr.). Hij was de eerste Europese keizer die de Perzische Golf bereikt had. Zijn opvolger keizer Hadrianus achtte het wijselijk om zich strategisch terugtrekken achter de Eufraat (uit Assyrië en Mesopotamië). De frontlinie tegen de Parthen was immers te lang geworden. De duurzame vrede in het Romeinse Rijk die daarvan het gevolg was, liet een culturele en economische bloei toe.

De Ottomanen konden Mesopotamië slechts veroveren in de 16de eeuw, nadat ze eerst de controle over de Balkan hadden verworven. Zo was de Slag op het Merelveld of Kosovo Polje (1389) al het voorspel van de Val van Constantinopel (1453). Moskou zou na Constantinopel het Derde Rome worden. Wat ooit voor de Ottomanen gold, geldt nog steeds voor de Amerikanen. Zij brachten vanaf 1999 stelselmatig hun Brzezinski-strategie in de praktijk. Een eerste stap in die strategie was de inplanting van grote militaire bases in de Balkan, waarin ze pas echt geslaagd zijn na de bombardementen op Servië. Een tweede stap waren Afghanistan en Oezbekistan. Een derde stap was uiteindelijk Mesopotamië (Irak). De Amerikanen werpen zich ten aanzien van Europa (Rusland incluis) op als de verdediger van de Ottomaanse erfenis. De strategie van de Britse en later de Amerikaanse zeemachten is al oud en houdt onder andere in dat geen enkele Europese landmacht controle over de Perzische Golf – het venster op de Indische Oceaan – mag hebben. De organisatie van de economie of de infrastructuur in het Midden Oosten door Europeanen of allianties van Europeanen willen ze te allen prijze verhinderen.

Geopolitiek = Hydropolitiek

Het Romeinse Rijk had het Middellandse-Zeegebied als kerngebied, maar het Heilige Roomse Rijk der Duitse Natie kon nooit een gelijkaardig kerngebied vinden. De waterwegen van Midden Europa leiden naar de Noordzee, de Baltische Zee of de Zwarte Zee, maar zonder een onderlinge verbinding. Van de rivierbekkens van Frankrijk en Rusland gaat een middelpuntzoekende kracht uit: vanuit respectievelijk Parijs of Moskou kan men het hele land beheersen. Van de rivierbekkens in Duitsland gaat echter een middelpuntvliedende kracht uit: de rivieren lopen immers veelal evenwijdig met elkaar. De Karolingers dachten net zoals de Romeinen in hydropolitieke termen. Ze zagen al de noodzaak in om het vrije verkeer op de Donau te herstellen en om een continentale rivierverbinding te graven tussen Rijn en Donau (Fossa Carolina). De opdeling van het Frankische Rijk met het Verdrag van Verdun (843) gebeurde eveneens volgens de rivierbekkens.

De as Boedapest-Wenen-Belgrado was steeds de achilleshiel van de Romeinse verdediging. Er waren tien legioenen gestationeerd, omdat de Pannonische/Hongaarse vlakte (Poesta) een bres vormde in een natuurlijke bergachtige verdedigingslinie. De ruiterij bestond vooral uit huurlingen[6]. Na de inval van de Aziatische Hunnen verwierven die laatste de controle over het centrale Donau-bekken. De Hunnen konden echter niet ingeschakeld worden als ruiterij. Er ontstond aldus een machtsvacuüm voor een tijdsspanne van ongeveer 500 jaar. In Europa bestond ook vóór 814 (de dood van Karel de Grote) steeds een zeker heimwee naar het Romeinse Rijk. Niettemin moet het beleid van Karel de Grote als een geopolitieke mislukking worden beschouwd. Hij slaagde er immers niet in de controle over het Donau-bekken te heroveren. De Donau was en is van cruciaal en vitaal belang voor Europa’s eenheid (vrede, orde, bloei).

De NAVO-strategieën – zoals geformuleerd door onder anderen Brzezinski en Luttwak – beogen Europa’s opdeling tussen Old Europe en New Europe, respectievelijk moeilijke en gemakkelijke VS-vazallen. De strategen van het Pentagon beseffen beter het belang van de Balkan en de Donau dan hun Europese collega’s. Een anti-imperialistisch regime zoals het Servische van Milosevic paste dan ook niet in hun strategie. Wie echter zegt dat de Europeanen kort van geheugen zijn, dat de rijksgedachte dood is, vergeet de duizenden Serviërs die zich in 1999 op en rond de bruggen van Belgrado en Novi Sad verzamelden om een levend schild te vormen tegen de misdadige NAVO-bombardementen. Onder NAVO-vlag hebben Europeanen toen Europeanen gebombardeerd! Het maffieuze UCK kreeg zowel de steun van de NAVO als van Al Qaeda. De bombardementen op de bruggen over de Donau hadden – evenmin toevallig – economische gevolgen tot in Oostenrijk.

De Karolingers

In 800 herstelde Karel de Grote, koning der Franken en Longobarden, de orde in Rome, zodat de weggejaagde paus Leo III kon terugkeren. De paus verleende hem daarvoor de keizertitel. Noch Karel de Grote noch de Frankische adel namen echter die titel ernstig. (Hij wou liever zichzelf kronen.) Karel de Grote zag immers zichzelf in overeenstemming met de traditie als mainbour[7]. Een eerste gevolg was de ontluikende investituurstrijd, een tweede het tweekeizersprobleem. De paus verwachtte van Karel de Grote dat hij ten strijde zou trekken tegen de Byzantijnen, terwijl die laatste terecht alleen in de Saracenen een gevaar zag. Een toenadering tussen het Frankische en het Byzantijnse Rijk was mogelijk geweest door een gearrangeerd huwelijk, maar – hoe stom het ook moge klinken – Karel de Grote wilde zijn dochters liever bij zich in de buurt hebben. In 812 erkende het Byzantijnse Rijk dan toch het Frankische Rijk. De Duits-protestantse interpretatie van Karel de Grote als de eerste grote keizer is dus vals. Karel de Grote heerste slechts over de Rhône en de Rijn. Het Westen en de Atlantische Oceaan stelden toen nog niets voor. De Donau en de Middellandse Zee waren belangrijk. Als gevolg van die geopolitieke zwakte had het Frankische Rijk af te rekenen met invallen uit alle windrichtingen: o.a. Magyaren[8] uit het oosten, Saracenen[9] uit het zuiden, en Vikingen[10] uit het noorden. De opvolger van Karel de Grote, keizer Lodewijk de Vrome, was op zijn zachtst gezegd géén referentie voor de rijksgedachte.

De Ottonen

Hoewel imperium en imperialisme niet met elkaar mogen worden verward, heeft elk rijk een (geestelijke) natie als drager. Zo was er sprake van de Senatus Populusque Romanus[11] (SPQR) en het Heilige Rooms Rijk der Duitse Natie. De translatio imperii ad Germanos[12] bepaalde dat de keizer van Germaanse afkomst moest zijn. De eerste grote keizer was zoals gezegd niet de Frank Karel de Grote, maar wel de Saks Otto de Grote. Hij was de stichter van de Ottoonse dynastie en tevens van het Heilige Roomse Rijk der Duitse Natie. Otto de Grote dankte zijn keizertitel aan de belangrijke zege die hij behaalde tegen de Magyaren in de Slag bij Lechfeld (955). Als gevolg van die zege “bekeerden” de heidense Magyaren zich tot het christendom. Die bekering hield in dat de nieuwe Magyaarse khan Arpad I plechtig trouw zwoer aan de Christenheid, de Europese Beschaving. Arpad I schakelde zich anders dan de Hunnen wél in in de grensverdediging en liet geen nieuwe stammen toe in zijn land. De Magyaren moesten met andere woorden hun geopolitieke koers 180° draaien. De imperiale dynamiek die de overwinning van Otto de Grote teweegbracht, zorgde in heel Europa voor economische en demografische groei. Na de Val van Constantinopel (1453) deed paus Pius II[13], oud-kanselier van keizer Frederik III, de Ottomanen een gelijkaardig voorstel, maar hun sultan wees dat af. Het zou trouwens geen loze eed blijken voor de Magyaren (Hongaren), want tot 1945 kwamen er geen invallen meer uit het oosten. Tijdens de Hongaarse Opstand van 1956 herinnerden de nationalistische opstandelingen opnieuw aan de eed van Arpad I.

Het rijk werd geopolitiek hersteld, omdat Pannonië/Hongarije geen doorgangsweg meer was voor Aziatische nomadenvolkeren. Het hele Donau-bekken werd bijgevolg hetzij Rooms-Germaans, hetzij Grieks-Byzantijns. In 1919 vernielden de vijanden van Europa met het Verdrag van Versailles (voor Duitsland) en het Verdrag van Trianon (voor Oostenrijk-Hongarije) wat de rijksgedachte had beoogd in de Balkan en ze herstelden de oude vetes uit donkere tijden. Langs de Donau werden zoveel mogelijk kunstmatige en vijandige staatjes uitgetekend met sterke (Hongaarse) minderheden. De oorlogen in ex-Joegoslavië hebben aangetoond dat de Balkan een zone van permanente instabiliteit is. Alleen het lange heugen, de rijksgedachte, kan ons opnieuw tot subject – en niet object – van ons eigen lot maken. De lineaire of progressieve tijdsopvatting leidt tot geheugenverlies. Ze maakt van Europa een macht zonder wil.

De Kruistochten

De opvolgers van Otto de Grote waren zwakke figuren. Over de Ottoonse dynastie werd bijgevolg niet verder uitgeweid in de lezing. De volgende grote dynastie was de Koenradijnse. Het was de verdienste van Koenraad II dat hij Bourgondië en Provence (de rivierbekkens!) als Duitse provinciën organiseerde. Een ramp voor Europa was echter wel de investituurstrijd tussen het pausschap en het keizerschap, evenals de verschillende schismata tussen Oost en West (vanaf 1054). Onder paus Urbanus II kwam er verbetering, omdat hij de ridders en ridderorden nodig had voor de Kruistochten. Die onderneming vereiste een bundeling van de politieke, de militaire en de spirituele krachten. De scheiding van die krachten – of beter van macht (potestas) enerzijds en gezag (auctoritas) anderzijds – is een belangrijke oorzaak van het verval van de Europese Beschaving. De Europese ridderorden belichaamden als “gewapende priesters” een kortstondige heroïsche restauratie van de Europese Beschaving. In het Midden Oosten herontdekten zij bovendien de Indo-Europese (Indo-Iraanse) bron van de ridderlijke ethiek en spiritualiteit. Een spiritualiteit van de ridderlijke actie, tegenover een van de priesterlijke contemplatie. Een gevolg van die herbronning was dat de Tempeliers in 1314 na een schijnproces van “ketterij” werden beschuldigd en op de brandstapel gezet. De Franse koning en de Roomse paus spanden om uiteenlopende laag-bij-de-grondse motieven samen in dezen. De middeleeuwse kroniekschrijvers vertelden dat de laatste Grootmeester van de Tempeliers, Jacques de Molay, die gedurende zijn schijnproces had gezwegen, beiden vervloekt had van op de brandstapel. Alleszins zijn zowel de paus als de koning datzelfde jaar nog gestorven en stierf na één generatie de lijn van Filips de Schone uit (begin van de 100-jarige oorlog tussen Engeland en Frankrijk).

De Staufers

De laatste grote dynastie was de Zwabische van Hohenstaufen. Naast Frederik I Barbarossa, is vooral Frederik II bekend. Frederik II was als keizer zijn tijd ver vooruit, in de positieve zin welteverstaan. Hij trachtte het Mare Nostrum te herstellen met Sicilië als kerngebied. Als Sicilië met in het verlengde Triëste en Boedapest strategisch verenigd waren, dan had Europa alle invallen van woestijn- en steppevolkeren kunnen trotseren.

Door de voortdurende investituurstrijd liep zijn poging uit op een tragische mislukking. Sinds de voltooiing van het Rijn-Main-Donau Kanaal in 1992 is pas een nieuwe rijksvorm mogelijk. Er is nu immers één waterweg tussen de Noordzee en de Zwarte Zee, die de commerciële en culturele krachten van Midden Europa toelaat de landen van de Zwarte Zee en de Kaukasus te bereiken. Degenen die een goed historisch geheugen hebben, herinneren zich de rol van de kusten van de Zwarte Zee in de geestelijke geschiedenis van Europa: op de Krim werden verschillende oude tradities – zij het Heidens of Byzantijns – in grotten bewaard door monniken. Zo kan Europa opnieuw aanknopen met zijn oudste wortels, met de waarden van de oudste ridderlijkheid uit de wereldgeschiedenis. Dat kan de ontwikkeling van gelijkaardige geestelijke krachten in Midden- en West-Europa gunstig beïnvloeden.

Frederik II had eveneens het Midden Oosten nauwkeurig geobserveerd en kwam tot het besluit dat de moslims grotendeels werden overheerst door Koerden en Perzen. Hij besefte – anders dan zijn tijdgenoten – terdege dat die laatste Indo-Europese volkeren waren en dat met hen wel te praten viel. Hij zette daarom een eigen keizerlijke diplomatie op, niet tegen de paus maar wel buiten diens medeweten. Frederik II bewonderde niet zozeer de islam, als wel de Arabisch-Perzische kunst om een duurzaam rijk op te bouwen. In 1229 leidde zijn diplomatieke en geopolitieke talent tot de Vrede van Jaffa en de vreedzame herovering van Jeruzalem. Frederik II was tevens voorstander van een eigen keizerlijk hospitalen- en scholennet en van een arme Kerk in overeenstemming met beginselen van Sint-Franciscus van Assisi. Hij joeg aldus weliswaar de Rooms-katholieke Kerk tegen zich in het harnas, maar hem daarom “verlicht” of “verdraagzaam” noemen is onzin. In 1240-’41 leidde de voortdurende investituurstrijd tot nieuwe Turks-Mongoolse invallen in Oost-Europa.

De Habsburgers

Het Heilige Roomse Rijk der Duitse Natie naderde zijn einde, het officieuze in 1648 (Vrede van Westfalen) en het officiële in 1806 (oprichting van de Rijnbond). Een laatste grote keizer was de Habsburger en Gentenaar Karel V. Opnieuw wordt zijn bewind gekenmerkt door een verstandshuwelijk tussen een Franse koning (Frans I) en een Roomse paus (Clemens VII). Eigenaardig genoeg was opnieuw de keizer en niet de paus in dezen de grote verdediger van het katholieke Europa. Door zich met de Fransen tegen de keizer te keren, kreeg de paus er immers een Ottomaanse “bondgenoot” bij. Karel V moest dus op meerdere fronten vechten, maar slaagde er niettemin telkens in het belegerde Wenen te ontzetten. Een Franse nationalist kan zich vandaag de dag onmogelijk tegelijk beroepen op Karel Martel – nota bene een man uit onze contreien – én op ronduit anti-Europese koningen als Filips de Schone, Frans I en Lodewijk XIV. De Rooms-katholieke Kerk keerde zich deels bezorgd om haar geestelijke gezag, deels om haar wereldlijke macht (de Pauselijke Staten) liever tegen de keizers. Een rampzalige geopolitieke stommiteit.

Onder paus Innocentius XI werden nieuwe kruistochten georganiseerd, maar dan in Europa. De Ottomanen rukten op door de Balkan in de richting van Wenen. Zij wilden eveneens de Donau veroveren, maar dan vanuit hun geopolitieke perspectief. De paus steunde met grote sommen geld de kruisvaarders, voornamelijk van Poolse afkomst (bijv. Jan van Sobieski). Tijdens het Tweede Beleg van Wenen (1683) waren het vrouwen en studenten (voorlopers van de Burschenschaften) gekleed in juten zakken die de kanonnen bedienden en de beroemde Janitsaren, de elite van het Turkse leger, tegenhielden. De ontzetting van Wenen door de Poolse koning Jan van Sobieski en diens Heilige Alliantie was het startschot voor de bevrijding van de Balkan en de Krim door prins Eugène van Savoye en diens gelijknamige alliantie. Die laatste verbeterde voorts onder andere de verdediging van de Pannonische/Hongaarse bres en nam een Donau-vloot in gebruik. De Europese geschiedenis dient véél meer te worden beschouwd in het licht van dergelijke continentale allianties.

In de 18de eeuw werden de Zuidelijke Nederlanden een deel van dat zegevierende Oostenrijkse Keizerrijk. In de Franse en Napoleontische tijd (1794-1815) waren onze contreien overwegend anti-Fransgezind, maar wel rijksgezind. Getuige daarvan de Boerenkrijg pro aris et focis[14]. Zo werden de brigands in Brabant geleid door een oud-officier van het Oostenrijkse leger, Charles-François Jacqmin alias “Charlepoeng”. De gilden die na de Napoleontische tijd opnieuw de aansluiting vroegen bij het Oostenrijkse Keizerrijk – maar met méér zelfstandigheid – vormen volgens de heer Steuckers het bewijs dat het rijk voldoende volkse legitimiteit bezat.

Organisatie en communicatie

De heer Steuckers haalde tot slot Tijl Uilenspiegel van Charles De Coster aan om het belangrijkste organisatiebeginsel toe te lichten, namelijk het subsidiariteitsbeginsel. Die volksheld van de Lage Landen die zich verzet tegen de Spaanse overheersing wijst ons op het verschil tussen enerzijds het traditionele koningschap en anderzijds het absolutistische koningschap en zijn moderne varianten. De rijksgedachte beoogt geen gelijkschakeling (naar beneden) maar een ordening (naar boven). De moderne ideologieën zijn in wezen totalitair, want ze vloeien voort uit de tabula rasa van het absolutisme en het jacobinisme. Dat absolutisme-jacobinisme wilde een organische eenheid (de edelen, gilden, standen, provincies, talen) vervangen door een abstracte mechanische eenheid (de ene en ondeelbare republiek).

Naast het subsidiariteitsbeginsel heeft elk rijk een communicatienetwerk nodig voor culturele en commerciële uitwisseling. Dat is een eerste voorwaarde voor een lange geschiedenis. Sommige traditionele rijken steunden op postboden (Iran), andere op waterwegen (Egypte, Mesopotamië, China) of op landwegen (Rome). Aangezien de geschiedenis niet stilstaat, mag men vandaag de dag de ontwikkeling van de vliegtuigbouw (cf. Boeing versus Airbus) en de satellietbouw (cf. Echelon versus Galileo) zeker niet uit het oog verliezen. Door het mislukken van het Galileo-project is er tot op heden echter géén onafhankelijk Europees communicatienetwerk. Het Amerikaanse communicatie- en spionagenetwerk Echelon heeft er een slaafse Europese “klant” bij.

Besluit van de censor

Ons nationalisme van de 21ste eeuw moet een opbouwende Europese kracht zijn. Oude vetes en broederoorlogen hebben Europa gedegradeerd tot de speelbal van buiten-Europese machten. We kunnen geen nationalisten zijn, zonder continentalisten te zijn. Laten we dus het voorbeeld van Europese Synergieën volgen en nieuwe banden smeden onder (jonge) Europeanen en Europese nationalisten. Ideologische bloedarmoede, geopolitieke en historische bijziendheid zijn slechts enkele katjes die het nationalistische kamp te geselen heeft.




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[1] “Gedurende praktisch twee eeuwen beeldden de Romeinen hun godheden niet af – hoogstens werden zij voorgesteld door een symbool. Het ‘animisme’ zelf – de idee van ‘ziel’ aan de basis van een algemene voorstelling van het goddelijke en de krachten van het universum – komt niet overeen met het oorspronkelijke stadium. Wat ermee overeenkomt, is eigenlijk de idee of de opvatting van zuivere krachten, waarvan de Romeinse opvatting van het numen een van de meest geschikte uitdrukkingen is. In tegenstelling tot de deus (zoals hij daarna werd begrepen) is het numen geen wezen of een persoon, maar een naakte kracht die zich definieert door zijn vermogen om effecten voort te brengen, te handelen, te verschijnen. Het gevoel van de werkelijke aanwezigheid van die krachten, van die numena, zoals iets transcendents en immanents, wondermooi en geducht tegelijk, vormde de kern van het oorspronkelijke ‘heilige’”.
Vertaald uit: EVOLA, J., Révolte contre le monde moderne. L'Age d'Homme, Lausanne, 1991, p. 84.
[2] Er splitste zich toen ook een groep af die naar Europa trok en later zou uiteenvallen in Germaanse, Keltische, Italische, Slavische en Baltische stammen.
[3] Meer bepaald de ruimte van de Zee van Azov tot aan China; van het Aral-meer tot Perzië (in het westen) en India (in het oosten).
[4] De “volkspartij” die onder andere streefde naar uitbreiding van het Romeinse burgerschap tot de provincies, kwijtschelding van schulden en landherverdeling.
[5] De “senaatspartij” die bestaande orde wilde bewaren en uitbreiden naar de provincies. Het stemgedrag werd bepaald door de fides (trouw) tussen patronus en cliens, waardoor “ideologie” van weinig belang was. Er woedde onder de verschillende adellijke families die de senatoren leverden wel een strijd om de patronus van nieuwe clientes (uit de provincies) te worden.
[6] O.a. Roxolanen en Jazygen. Ze waren eveneens van Indo-Europese (Indo-Iraanse) afstamming.
[7] De beschermheer van de Christenheid.
[8] Tot in Rijnland.
[9] Tot aan de Alpen.
[10] Door keizer Arnulf van Karinthië in Leuven.
[11] De Senaat en het Romeinse Volk.
[12] De rijksoverdracht van de Romeinen aan de Germanen.
[13] “In een vorig leven als Italiaanse humanist vertaalde hij De Germania van Tacitus en ontwierp hij een geopolitiek project: De Europa. Daarin argumenteerde de latere Paus Pius II dat Europa alleen kon overleven, als het Bohemen en Brabant stevig in handen had. Ergens kunnen we Pius II als een soort oervader van het Duitse en Vlaamse nationalisme beschouwen. Van Tacitus nam hij de idee van de ‘hogere kwaliteit’ van de Noordse volkeren over”. In: “Turkije behoort niet tot de EU!”.
In: CLAES, K., BRANCKAERT, J., 2004. Branding sprak met Robert Steuckers (Synergies Européennes, Vouloir): “Turkije behoort niet tot de EU!”. Branding. 27 (1). p 11.
[14] Voor outer en heerd.

Bron: Robert Steuckers

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Réflexions sur le destin des Arméniens

SYNERGIES EUROPEENNES – Bruxelles/Vienne – Novembre 2006

 

 

 

Albrecht ROTHACHER :

Réflexions sur le destin des Arméniens depuis la fin du 19ième siècle

 

 

 

Albrecht Rothacher est journaliste libre. Il écrit notamment pour l’hebdomadaire viennois « Zur Zeit ». Nous publions ici en traduction française quelques extraits de son long essai sur l’histoire arménienne. L’objectif de son journal est bien évidemment d’éviter à tout prix l’adhésion turque à l’UE, en montrant bien que la Turquie n’a nulle envie d’appliquer les principes de liberté religieuse et intellectuelle que lui imposerait une adhésion à l’Europe bruxelloise. Ensuite, même si nous critiquons, avec l’Académicien et Professeur français René Rémond (*)(voir note en bas d’article), la multiplication déraisonnable des « lois mémorielles », force est tout de même de constater que le cas arménien est différent des autres : il s’agit d’un peuple européen, de souche indo-européenne, qui a courageusement été, à l’époque des Croisades notamment, un bouclier pour protéger le reste de l’Europe des invasions seldjoukides. Nous avons une dette à l’égard de l’Arménie. Il est donc normal que nous la défendions sans fléchir. Et pour cela, nul besoin de « lois mémorielles » : rien que de la volonté, de l’inflexibilité. Cet extrait de l’essai de Rothacher porte sur les diverses péripéties du massacre des Arméniens, qui s’est déroulé en plusieurs phases. Un rappel utile.

 

 

 

Dès la phase dernière du lent déclin de l’Empire ottoman, sous le règne du Sultan Abdoul Hamid II (1878-1908), les massacres d’Arméniens survenaient à intervalles réguliers. Le déclencheur et le prétexte de ces opérations macabres étaient, la plupart du temps, des protestations arméniennes contre les abus du fisc ottoman ou des manifestations contre l’arbitraire des autorités musulmanes. A cette époque, une idée faisait son chemin au sein de l’Empire ottoman moribond : il fallait absolument maintenir sous la férule turque le noyau territorial anatolien d’Asie Mineure, tandis que le reste de l’Empire, hétéroclite et multiethnique, se désagrégeait. Le moyen ? Imposer une turcisation forcée. Cette politique a bien sûr rencontré la désapprobation des peuples qui vivaient dans cette région depuis des temps immémoriaux, comme les Grecs, les Arméniens, les Chaldéens et les Araméens. Les Kurdes sunnites, eux, s’étaient installés dans l’Est de l’Asie Mineure, avec pour mission militaire de protéger les frontières de l’Empire ottoman contre les Perses chiites. Leurs alliés dans cette mission étaient quelques éléments tcherkesses/circassiens originaires du Caucase du Nord. La Sublime Porte leur a garanti l’impunité et accordé le droit de piller et de s’emparer des propriétés foncières de leurs victimes. Ainsi, entre 1893 et 1896, 320.000 Arméniens ont été massacrés, 570 églises et monastères ont été détruits. En 1909, en Cilicie, les massacres font encore 30.000 victimes supplémentaires.

 

 

 

La « forme » de ces épurations ethniques ressemblent aux massacres généraux de chrétiens que l’on repère traditionnellement dans l’histoire des pays majoritairement musulmans ; exemples : les Moluques en Indonésie, le Soudan, le Nigeria où ils sont encore pratique courante. Malgré l’horreur de ces faits, il restait une chance d’échapper à la mort : en corrompant les sicaires de la Porte ou en faisant semblant de se convertir à l’Islam. Le génocide de 1915/16, en revanche, ne s’assimile pas à ces débordements sanglants. Les Jeunes Turcs l’ont planifié sans pitié et l’ont mené avec une précision toute militaire. Leur objectif en perpétrant ces horreurs ? Créer un Etat national mono-ethnique, excluant tous les non Turcs, et l’étendre à tous les autres peuples de souche turco-mongole jusqu’au cœur de l’Asie centrale. C’est le projet « pantouranien ». Pour assurer une cohérence géographique et une continuité territoriale sans obstacle à ce projet, il fallait régler la question arménienne, du moins liquider tous les Arméniens d’Arménie occidentale.

 

 

 

Massacres et marches de la mort, résistance héroïque à Van

 

 

 

Au début de l’année 1915, tous les soldats et officiers arméniens de l’armée turque ont été désarmés et versés, comme tous les Arméniens mâles de 16 à 65 ans, dans des bataillons de travailleurs forcés. On les a contraints à ériger des barricades ou des réseaux de tranchées, à porter des charges, souvent jusqu’à l’épuisement et la mort. Parfois, on les abattait après les travaux qu’ils avaient réalisés. Le 24 avril 1915, toute l’élite intellectuelle et politique arménienne de Constantinople est arrêtée et immédiatement exécutée de la manière la plus sommaire qui soit. A la suite de cette Saint Barthélemy, la population arménienne, dans les régions qu’elle habitait traditionnellement en Cilicie, dans le Nord de la Syrie, en Arménie occidentale et en Anatolie occidentale, a été immédiatement massacrée ou contrainte de déménager, formant de long cortèges, des marches de la mort, qui ont duré plusieurs semaines, tout en subissant pillages et viols dans les régions kurdes et dans les déserts de Syrie et d’Irak septentrional. Les survivants y ont péri de faim ou y ont été molestés jusqu’à ce que mort s’ensuive. A Van, le centre culturel de l’Arménie occidentale, les Arméniens sont parvenus à résister pendant de longues semaines à leurs bourreaux jusqu’à l’arrivée des troupes russes.

 

 

 

Mais en 1917, le front tenu par les Russes en Arménie occidentale s’effondre, à cause de la révolution menchevique puis bolchevique, ce qui permet aux troupes turques de reprendre l’offensive en direction du Caucase. Au début de l’année 1918, de nombreux civils arméniens tombent aux mains des troupes turques, des bandes kurdes et tcherkesses qui perpètrent de nouveaux massacres. Les prisonniers de guerre arméniens, qui avaient combattu auparavant aux côtés des Russes, sont systématiquement massacrés. 500.000 réfugiés fuient vers l’Arménie orientale, toujours aux mains des Russes. Dans les camps de fortune, qui abritent ces malheureux, épidémies et famines font rage et exigent leur macabre tribut.

 

 

 

Lors du Traité de Sèvres, l’Arménie obtient en théorie, en 1920, une bonne partie de l’ancienne Arménie occidentale, territoire peuplé d’Arméniens depuis des siècles voire depuis des millénaires, y compris la côte pontique de Batoum à Giresun. Mais Atatürk parvient à s’assurer le soutien de la nouvelle Union Soviétique et refuse de tenir compte des exigences alliées. Les troupes turques pénètrent une nouvelle fois en Arménie occidentale et y commettent une nouvelle vague de massacres. Après un putsch communiste en novembre 1920, que l’on a pu mater en peu de temps, le gouvernement Dajnaken, au pouvoir depuis 1918, lassé de la guerre, harcelé par les menaces d’annexion turque, jette l’éponge quand l’Armée Rouge entre dans le pays en avril 1921. Une fois de plus, l’Arménie disparaît de la carte. Il y avait deux millions et demi d’Arméniens dans l’Empire Ottoman avant la guerre ; après les hostilités et les massacres à grande échelle, il n’en restait plus qu’un million, pour la plupart sous le statut précaire de réfugié. En Cilicie, en Arménie occidentale et dans les grandes villes turques, la vie arménienne s’était éteinte.

 

 

 

Seule défense turque : les bobards de « Hill & Knowlton »

 

 

 

Bon nombre de Jeunes Turcs, responsables de ces massacres de grande ampleur, se disputèrent avec Atatürk, devenu dictateur, et furent contraints à l’exil. Dans les années 20, des Arméniens exilés les repérèrent et les abattirent. La Turquie conteste, on le sait, le génocide perpétré contre les Arméniens. Et persiste dans sa négation. Tout au plus, reconnaît-elle des pertes humaines dues à des faits de guerre, des épidémies ou des transports mal organisés. Toute personne qui parle de génocide en Turquie aujourd’hui, risque, comme l’écrivain Orhan Pamuk, de subir une peine de prison pour « insulte à la nation ». Pour faire taire toute critique venue de l’étranger, la Turquie fait feu de tout bois. Quand les Etats-Unis ou la France adoptent des résolutions parlementaires, Ankara menace, avec succès, de faire fermer la base aérienne américaine d’Inçirlik, ou annule, pour faire pression sur Paris, des contrats d’exportation s’élevant à des milliards d’euro. Pour soutenir sa campagne de désinformation, la Turquie a engagé l’agence de manipulation médiatique américaine Hill & Knowlton, véritable fabrique de bobards et de mensonges, pour faire triompher son point de vue. Pour rappel, l’agence Hill & Knowlton avait, en son temps, propagé le bobard des bébés tués dans leurs couveuses par les soldats de Saddam Hussein.

 

 

 

Les souffrances du peuple arménien n’étaient pas pour autant terminées, avec l’arrivée de l’Armée Rouge. En Arménie soviétique, la situation n’était guère enviable. Entre 1928 et 1934, les collectivisations forcées ont été imposées dans les pays du Caucase méridional, comme partout ailleurs en Union Soviétique. Les purges staliniennes contre les « ennemis du peuple », les « nationalistes » et les églises ont commencé en 1936 en Arménie par la défenestration littérale du Premier Secrétaire du PC arménien, Khandjan, tombé de la fenêtre du bureau de Beria. Trois ans plus tard, elles s’achèvent dans ce pays à la conscience nationale aiguë avec un sinistre bilan : 300.000 victimes. La deuxième guerre mondiale provoque la mort de 300.000 autres Arméniens. Après 1945, la répression soviétique fait rage et plonge le pays dans un sous-développement social affligeant, ce qui explique pourquoi les diasporas arméniennes des Etats-Unis et de France cultivent un héritage culturel, religieux et intellectuel bien plus riche et varié que la patrie est-arménienne. Les conséquences néfastes de l’histoire tumultueuse de ce peuple perdurent.

 

 

 

Albrecht ROTHACHER.

 

(Extrait d’un long essai paru dans l’hebdomadaire viennois « Zur Zeit », n°46-47, 2006). 

 

 

 

(*) René Rémond est le Président de la Fondation nationale des sciences politiques en France. Il est également membre de l’Académie française. Ce printemps, en avril 2006, il a publié un ouvrage remarquable, en fait un long entretien accordé à François Azouvi, où il explique pourquoi il a cosigné avec de nombreux historiens éminents une pétition demandant l’abrogation de toutes les lois relatives à l’histoire, dont la Loi Gayssot du 13 juillet 1990, concernant la « Shoah », la loi du 29 janvier 2001 concernant la reconnaissance du génocide arménien, la loi dite Taubira sur la traite négrière et l’article 4 de la loi du 23 février 2005 reconnaissant un « rôle positif » à la présence française outre-mer. Cette pétition résultait directement du scandale de la mise en accusation du respectable professeur Olivier Pétré-Grenouilleau parce qu’il avait écrit un ouvrage scientifique, trois fois primé, intitulé «Les Traites négrières. Essai d’histoire globale », paru chez Gallimard en 2004. Pour René Rémond, il fait laisser l’histoire aux histoires et proscrire toutes les interventions de l’Etat, et de la « justice » à sa solde, dans le travail des historiens. Ce petit ouvrage, lecture impérative pour tout identitaire, a pour références : René Rémond, « Quand l’Etat se mêle de l’histoire », Ed. Stock, Paris, 2006, 13,45 euro (prix Benelux), ISBN 2-234-05919-4. C’est l’ouvrage qu’il faudra avoir en main, quand on légifèrera pour abroger définitivement ces lois scélérates, qui interdisent la liberté scientifique, et pour punir très sévèrement tous leurs inventeurs et surtout les magistrats qui auront osé les appliquer, en allant fourrer leur sale groin de juristes cuistres et ignorants dans les arcanes d’une aussi noble science que l’histoire. Suum cuique : les éboueurs évacuent les ordures, les magistrats évacuent les voyous; les historiens et les narrateurs donnent du sens à l'ensemble de la société, ils énoncent le ciment intellectuel qui fera les sociétés fortes. Car, pour le salut de la communauté scientifique, pour le respect des intellectuels dignes de ce nom, pour le salut de nos enfants à qui il faudra transmettre des corpus intelligents et solides, il faudra bien qu’un jour une répression impavide se déploie et purge les rangs d’une magistrature fondamentalement corrompue. René Rémond, mu par une juste colère, nous indique la voie à suivre dans ce travail d’assainissement de nos sociétés.

 

 

 

 

 

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Mythes et réalités du néo-paganisme russe

TIERRA y PUEBLO / TERRE & PEUPLE - Bruxelles/Valencia – Novembre 2006

 

 

 

Oriol RIBAS :

 

Mythes et réalités du néo-paganisme russe contemporain

 

 

 

Aujourd’hui, partout en Europe, des associations tentent de raviver les traditions païennes. Dans ce vaste panorama, le cas russe est l’un des plus particuliers qui soit ; d’abord à cause de l’immensité du pays ; ensuite, à cause de la répression qui a frappé tous les mouvements de réaffirmation nationale ou identitaire à l’ère soviétique. Quoi qu’il en soit, le néo-paganisme, comme tous les autres regroupements pouvant être englobés dans la catégorie du « nationalisme », tels les néo-monarchistes tsaristes, les nationaux bolcheviques ou les divers partisans d’un nationalisme fort, connaîtront indubitablement un essor considérable dans ce pays immense, plus que dans d’autres contrées du continent, si l’on excepte toutefois le culte de l’ancienne religion scandinave en Islande, où celle-ci se trouve mêlée à certains éléments d’origine moderne, comme dans le réseau « Asatru », ou la réémergence du paganisme balte en Lituanie, à l’initiative du mouvement « Romuva ».

 

 

 

Le voyageur curieux, qui circule dans les rues de Moscou et y visite les librairies du centre ou les échoppes de livres d’occasion ou les points de vente des magazines patriotiques, constatera la pléthore de publications qui font référence aux traditions païennes de l’antique « Rus » (nom médiéval et scandinave de la Russie). Certaines de ces publications reproduisent et commentent les travaux d’académiciens et d’historiens sérieux et établis ; d’autres reflètent l’imagination fébrile et l’inspiration toute personnelle de leurs auteurs.

 

 

 

Ensuite, nous trouvons des groupes qui célèbrent des rituels solsticiaux dans les nombreuses forêts qui couvrent le territoire russe, comme les adeptes de « Rodnovery » (« Foi des ancêtres »), qui érigent également des stèles à l’effigie et à l’honneur des anciens dieux slaves.

 

 

 

Il faut tenir compte d’un fait : à la différence des autres traditions européennes comme l’antique paganisme gréco-romain, ou des traditions celtiques ou germaniques, nous savons finalement peu de choses sur le passé de la Russie pré-chrétienne. On connaît les noms des dieux, on connaît aussi certains rituels matrimoniaux et funéraires, mais il nous manque des éléments fondamentaux que l’on retrouve dans d’autres mythologies (voir les sagas scandinaves et les cosmogonies et légendes de la Grèce antique) et qui nous permettraient de connaître avec exactitude la « Weltanschauung » des Slaves de l’antiquité. Raison pour laquelle les néo-païens russes d’aujourd’hui se voient contraints de se référer à des mythes relativement modernes pour légitimer leurs démarches.

 

 

 

Notre article se donne pour objectif d’analyser deux de ces mythes de référence, les plus importants, afin de voir quelle est leur influence sur les milieux païens de la Russie actuelle. Le premier de ces mythes se réfère à la découverte, à la fin des années quatre-vingt du 20ième siècle, des ruines d’Arkaïm, une ancienne cité, de petites dimensions, située dans la région des Monts Oural. Le second de ces mythes se retrouve dans le fameux « Livre de Veles », qui prétend raconter l’histoire du peuple russe depuis la préhistoire jusqu’à la conversion au christianisme.

 

 

 

Arkaïm : la Cité du Soleil (1)

 

 

 

En 1987, un groupe d’archéologues de l’Université russe de Tcheliabinsk se réunit pour aller récupérer des pièces éparses, trouvées préalablement sur un site, dans une vallée qui devra être inondée suite à la construction d’un barrage au sud des Monts Oural. Leur surprise fut grande quand, en travaillant, ils découvrirent les restes d’une petite cité de forme circulaire, présentant des caractéristiques inconnues jusqu’alors, du moins dans cette zone. Les mesures de datation révélèrent une ancienneté remontant aux 17ième et 20ième siècles avant l’ère chrétienne. Les archéologues russes ont calculé que la population de cette petite cité devait s’élever à environ 2500 habitants, véritable métropole pour l’époque.

 

 

 

La découverte fit l’effet d’une bombe non seulement dans les milieux de l’archéologie mais aussi dans les cénacles patriotiques de cette Russie, qui vivait les dernières années du régime soviétique. Immédiatement, des spécialistes proclamèrent qu’Arkaïm fut le berceau du prophète perse Zarathoustra, ce qui est au demeurant possible, en dépit des distances, si l’on tient compte du fait que les bâtisseurs de cette petite cité étaient en réalité des proto-indo-iraniens qui ont séjourné au sud de l’Oural avant de se mouvoir, avec armes et bagages, vers le sud. D’autres hypothèses conduisent les archéologues à penser que le site était un observatoire astronomique semblable à Stonehenge, mais de plus grandes dimensions.

 

 

 

Finalement, les autorités décident de ne pas construire le barrage et la découverte fut annoncée urbi et orbi dans tous le pays. Plus tard, les archéologues ont découvert encore plus de vestiges de petites cités circulaires dans cette région ; les archéologues baptiseront donc ce complexe du nom de « Culture de Sintashta-Arkaïm », laquelle appartient à la proto-histoire indo-iranienne. La découverte n’intéressait pas seulement les spécialistes de la science archéologique mais aussi, bien sûr, tout le petit univers des patriotes, qui après la longue parenthèse soviétique, sortait de la clandestinité et trouvait, pour justifier sa vision du monde, un argument pertinent, une preuve tangible. Une découverte, présentant de telles caractéristiques, n’échappa nullement à tous ceux qui, en marge de la récupération générale de l’orthodoxie et du passé impérial, cherchaient des références « nationalisables » sur lesquelles s’appuyer.

 

 

 

On a donc proclamé qu’Arkaïm avait en fait été la capitale d’un empire « aryen » qui s’était étendu des plaines de l’Ukraine jusqu’au cœur de la Sibérie, que la population de cet empire était slave, et, enfin, que dans les textes antiques sacrés tels l’Avesta perse ou le « Livre de Veles », controversé, l’existence d’un centre comme Arkaïm était mentionné. D’une part, nous pouvons dire qu’il est fortement exagéré de déclarer « slave » une population aussi ancienne, en un lieu aussi éloigné ; mais, par ailleurs, il est absolument certain que des éléments indo-aryens ont joué un rôle important dans les territoires du sud de la Russie au cours de la proto-histoire. La présence de peuples comme les Scythes, les Sarmates et les Ossètes (ou Alains, qui habitent aujourd’hui dans la Caucase) le démontre. Autre argument pertinent : tant les langues slaves que les langues indo-iraniennes appartiennent au groupe dit « satem » des langues indo-européennes ; les correspondances lexicales sont également fort nombreuses, plus nombreuses qu’entre les autres langues indo-européennes.

 

 

 

Actuellement, Arkaïm est l’un des sites archéologiques les mieux conservés en Russie aujourd’hui, même si chaque année des centaines de touristes et de curieux s’approchent du lieu, tandis que les archéologues continuent leurs fouilles dans les environs à la recherche de nouveaux indices. Le 16 mai 2005, le Président russe Vladimir Poutine a visité le site et s’est intéressé à son bon état de conservation. L’intérêt que portent les autorités russes à ce site est important pour que les vestiges demeurent bien conservés.

 

 

 

Le « Livre de Veles »

 

 

 

A la différence du site d’Arkaïm, le second élément mythique du néo-paganisme russe contemporain, le « Livre de Veles », suscite nettement la controverse. Il génère d’âpres discussions dans les milieux patriotiques russes. Peu d’universitaires estiment crédible la teneur du « Livre de Veles » (« Velesova kniga » en russe) et beaucoup doutent de son authenticité. Néanmoins, très nombreux sont les historiens amateurs et les chercheurs indépendants qui propagent l’idée de son authenticité.

 

 

 

L’histoire de la découverte et de la diffusion du « Livre de Veles » est déjà étonnante et rocambolesque. Tout commence en 1919. Durant la guerre civile russe, un officier de l’Armée Blanche, Izenbeck, découvre dans un manoir abandonné une série de planchettes de bois sur lesquelles figurent d’étranges inscriptions. En 1924, exilé à Bruxelles, Izenbeck confie les planchettes à Youri Mirolioubov, un autre Russe blanc en exil dans la capitale belge. Mirolioubov est paléographe et byzantiniste de profession. Il photographie les planchettes et en retranscrit le contenu. Le texte est écrit, dit-il, en vieux slavon, dans une variante de l’alphabet cyrillique, influencée par les runes scandinaves.

 

 

 

Le texte commence par une invocation au dieu slave Veles et raconte l’histoire du peuple russe depuis environ 20.000 ans avant J.C. jusqu’à la conversion de la Russie au christianisme, au 10ième siècle de notre ère. On allègue que le texte a été écrit par des prêtres païens entre les 5ième et 9ième siècles après J.C. Voilà, en résumé, l’histoire, qui y est contée : il y a plusieurs millénaires, les plus lointains ancêtres du peuple russe vivaient en un pays riverain de l’Océan Glacial Arctique (notons la similitude avec les autres mythes de l’antiquité comme celui de l’Hyperborée, de Thulé ou des Védas hindous). A cause des glaciations, ils furent obligés de se déplacer vers des zones plus chaudes au sud. Lors de cette migration, ils se sont divisés en clans et ont guerroyé contre d’autres peuples. Les « Oriyanos », ou « Aryens », du « Livre de Veles » sont mis en équation avec les Slaves, car ceux-ci, d’après le texte, procèdent directement de la matrice aryenne au contraire des autres peuples tels les indo-iraniens, les germains, etc. Ces « Oriyanos » se seraient portés vers la Chine, la Perse, puis la Mésopotamie, l’Egypte et le bassin méditerranéen, où ils fondèrent la ville de Troie avant d’affronter les Grecs. Plus tard, ils se fixèrent définitivement dans la plaine russe, mèneront une vie pacifique sous la houlette bienveillante de leurs dieux et de leurs monarques, ne faisant front que contre des envahisseurs comme les Goths et les légions romaines de l’Empereur Trajan. Notons que le texte nous présente les Romains et les Grecs comme des barbares et octroie aux Russes un haut niveau éthique et un degré élevé de spiritualité. Le reste du document évoque les rois successifs de cette Russie mythique, comme Bravline ou Bus’Beloyar, qui régnèrent jusqu’à notre haut moyen âge, soit jusqu’au moment où les Scandinaves et les missionnaires byzantins mettront fin à cette civilisation et créeront les conditions de la naissance de la Russie telle que nous la connaissons encore aujourd’hui.

 

 

 

Revenons à notre époque. Les planchettes de bois originales du « Livre de Veles » vont disparaître pendant la seconde guerre mondiale ; on parle d’une confiscation par l’Ahnenerbe allemand, intéressé à posséder toutes sortes de documents antiques ; on parle aussi d’un incendie qui les aurait détruites. Il reste donc les photographies et les transcriptions de Mirolioubov. A partir de 1957, certains membres de l’Académie soviétique commencent à recevoir des lettres d’exilés russes qui leur parlent du « Livre de Veles » et des transcriptions de Mirolioubov. On leur envoie également des copies des photos des planchettes. La réaction des académiciens soviétiques fut unanime : il s’agit, selon eux, d’une falsification, réalisée sans doute vers la moitié du 19ième siècle.

 

 

 

Malgré cela, dans bon nombre de milieux comme dans certains cénacles plus nationalistes des Jeunesses communistes ou même du Parti communiste, le texte acquiert une certaine popularité. Les autorités ne cessent toutefois de veiller afin que le nationalisme ne renaisse d’aucune manière. Avec la chute de l’Union Soviétique en 1991, plus rien n’empêchait les fans du « Livre de Veles » de relancer la publication du texte, assorti de leurs commentaires et opinions. Les milieux néo-païens devinrent ipso facto les récepteurs les plus avides de cette littérature exégétique. Parmi les exégètes les plus connus, citons Aleksandr Asov qui affirme dans des revues d’histoire et dans des programmes de télévision l’authenticité du texte, qui revêt dès lors un caractère éminemment sacré.

 

 

 

Notre point de vue est le suivant : le « Livre de Veles » contient tout de même pas mal de contradictions. D’abord, les premiers fragments dateraient du 5ième siècle de notre ère, à une époque où les peuples slaves ne connaissaient aucun type d’écriture ; ensuite, aucun texte de l’antiquité ne mentionne les attaques des « oriyanos » proto-russes ; enfin, notre scepticisme vient du fait que le texte est écrit dans une langue grandiloquente, qui rappelle curieusement l’Ancien Testament.

 

 

 

Mais, quel que soit le jugement que l’on puisse porter sur le « Livre de Veles » et sur les péripéties de sa découverte et de son exploitation, on ne peut esquiver le fait que les mythes, les légendes et les narrations sont d’une importance capitale pour les hommes, surtout les hommes d’aujourd’hui, qu’il faut faire rêver, alors qu’ils sont pris dans le rythme trépident de la vie moderne, qui détruit et annihile les identités. Lui montrer un passé où tout était possible est donc une bonne chose.

 

 

 

Oriol RIBAS.

 

(Texte paru dans la revue espagnole « Tierra y Pueblo », n°13, sept. 2006).

 

 

 

Note :

 

(1)     Voir également « Tierra y Pueblo », n°7, pp. 26-27.

 

 

 

Bibliographie :

 

-          V. DEMIN, Severnaya prarodina Rusi, Ed. Veche, Moscou, 2005.

 

-          I. STROGOFF, Revolyutsia seychas !, ed. Amphora, Moscou, 2002.

 

-          A. ASOV, Slavyanskie Bogi I rozhdenie Rusi, ed. Veche, Moscou, 1999.

 

-          W. LAQUEUR, La Centuria Negra, Anaya & Mario Muchnik, Madrid, 1995.  

 

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Les Yezidis

Synergies européennes – Bruxelles/Anvers – Novembre 2006

 

 

 

Moestasjrik / ‘t Pallieterke (Anvers) :

 

Les Yezidis : adorateurs du Diable

 

 

 

L’hebdomadaire nationaliste flamand, très riche en informations diverses, publie depuis cette année une rubrique fort intéressante, intitulée « Ex Oriente Lux » et consacrée aux peuples et aux religions de la rive orientale de la Méditerranée jusqu’à l’Inde et l’Extrême-Orient. Elle mérite une lecture attentive. Robert Steuckers publie ici une première traduction française de cette rubrique hors du commun, unique en Flandre et en Belgique, qui nous révèle quantité d’informations inédites. On reproche au mouvement flamand de refuser le dialogue avec l’ « Autre », d’être sourd aux identités non européennes : rien de plus faux, cette rubrique le prouve. Intolérance, ignorance et surdité à l’Autre sont bien plutôt le propre d’une certaine pseudo-intelligentsia francophone, qui s’exprime surtout dans  le quotidien à ahurir qu’est le « Soir ». Effectivement, dans les colonnes de ce journal, entend-on jamais parler des recherches wallonnes en ces mêmes domaines ? Comme celles de l’iranologue liégeois, feu le Prof. Duchêne-Guillemin ? Ou du professeur actuel de l’UCL, Julien Ries ? Non. Evidemment. Alors où est l’intolérance ?

 

 

 

A Bologne, les musulmans exigent que l’on ôte une peinture de Giovanni de Modène qui, inspiré par la description de l’enfer de Dante, représente Mohammed soumis aux tourments de la malédiction éternelle. Pourtant, sur cette même peinture se trouve une autre figure, systématiquement assimilée au mal, tant par les chrétiens que par les musulmans. Si une figure est bien victime de préjugés, d’une phobie, objet d’intolérance, alors c’est bien celle-là. Nous pouvons même dire que nous n’aurons pas de véritable société multiculturelle tant que nous ne la considérons pas et ne l’accueillons pas comme un « enrichissement ». Et tant qu’un interdit ne sera pas institué pour contrer les paroles ou les écrits ou les dessins malveillants à son égard, tant que des stéréotypes négatifs seront impunément véhiculés à son encontre.

 

 

 

Pour comprendre ce que je dis, retournons en arrière dans l’hémicycle du Parlement irakien, en date du 10 août 2005. Le Premier Ministre Ibrahim Djaafari, dans l’une de ses allocutions, utilise une formule rhétorique : « Que Dieu nous protège contre le Diable ! », s’écrie-t-il. C’était son protecteur, son patron, le « Grand Satan » de Washington qui était visé par cette formule usuelle en terre d’islam, comme naguère en terre chrétienne.

 

 

 

Un membre de ce Parlement, le Kurde Kameran Chairi Saïd, l’interrompt aussitôt : « Monsieur le Premier Ministre, nous nous sentons insultés lorsque vous utilisez de manière répétée cette expression, ‘Que Dieu nous protège contre le Diable !’, car chaque fois que cette parole est prononcée, mes collègues tournent la tête vers moi comme si j’étais le représentant du Diable. Il y a effectivement de 600.000 à 700.000 Yezidis kurdes qui se sentent insultés chaque fois que vous utilisez cette expression. Nous demandons à tous les représentants du gouvernement d’en tenir compte ». Le Premier Ministre a répondu qu’il n’avait voulu injurier personne, que toutes les religions devaient montrer du respect les unes envers les autres, mais que les Yezidis devaient aussi respecter la majorité, et que cette majorité, étant musulmane, était coutumière d’utiliser l’expression incriminée.

 

 

 

Saïd s’était exprimé en son nom et en celui de ses deux autres collègues du Parlement irakien, qui compte 275 députés. Trois de ces députés sont donc des Yezidis. Ceux-ci parlent la langue kurde mais se considèrent comme une nation à part. Ils ne se marient pas avec des musulmans et se répartissent en trois castes, qui, elles aussi, ne se mêlent pas sur le plan matrimonial. Ils n’acceptent aucun converti en leurs rangs : on est yezidi par naissance. La plupart d’entre eux habitent les régions montagneuses autour de la ville de Mossoul et le long de la frontière entre l’Irak et la Syrie. Il existe également une diaspora yézidie, dont 30.000 personnes vivent en Allemagne et quelques-unes en Belgique.

 

 

 

Le sacrifice du taureau

 

 

 

Le nom de « yezidi », selon certains érudits, vient de la langue perse, du terme « yazata » signifiant « divinité » ; d’autres estiment pourtant que leur nom dérive de celui du calife ommeyade Yazid (qui régna entre 680 et 683). Dans le combat pour la prééminence dans l’Oumma, qu’il a mené contre les chiites, Yazid avait appelé à l’aide des non musulmans, qu’il a par la suite protégés contre toutes les tentatives de les convertir de force à l’Islam. Dans cette optique, le terme « Yezidi » signifierait « protégé de Yazid ». Et qu’il fallait donc, sous peine d’essuyer la colère du calife, que les autres musulmans laissent la paix à cette population non musulmane. Pour les Chiites, Yazid est le mauvais chef par excellence ; il est l’assassin de leur héros Hussein et, qui plus est, un homme qui aimait le vin, les femmes et la musique (la tradition considère qu’il est l’inventeur du luth). Tous ces traits de caractère ont contribué à donner une image diabolique à Yazid, et, par extension, à ses protégés.

 

 

 

Le plus ancien de leurs chefs connus fut le cheikh Adi (qui vécut vers 1100). Il mourut dans la petite ville kurde de Lalich qui, depuis lors, est le site d’un pèlerinage annuel. Les sources de la religiosité yezidie sont toutefois plus anciennes ; cette religiosité est la résultante de linéaments religieux divers. Les Yezidis utilisent, tout comme les Juifs, le calendrier babylonien. Celui-ci est constitué d’années solaires divisées parfois en douze parfois en treize mois lunaires. Le Nouvel An ne tombe pas automatiquement le premier jour du printemps, comme dans le calendrier iranien qu’utilisent les autres Kurdes, mais environ deux semaines plus tard, exactement comme la fête de Pâques des chrétiens. Leur fête principale a lieu au début de l’automne, exactement comme chez les Juifs. Lors de cette fête, les Yezidis sacrifient rituellement un taureau, exactement comme dans le culte de Mithra, très populaire à la fin de l’Empire romain. Mithra était le dieu-soleil des Iraniens. Les tabous yezidis sur la pureté, dans le domaine des menstruations féminines, des fonctions excrémentielles et des rapports avec des étrangers à la communauté diffèrent peu de ceux des Juifs, des Musulmans et des Zoroastriens. Dans leurs rites, le respect des éléments est typiquement d’inspiration zoroastrienne. Ainsi, il leur est interdit de cracher dans le feu ou dans l’eau.

 

 

 

Certains Yezidis prétendent qu’ils maintiennent en vie l’authentique religion iranienne, telle qu’elle existait avant Zarathoustra. C’est ce qui explique pourquoi ils ont gardé le rituel du sacrifice du taureau, alors que Zarathoustra avait interdit tous les sacrifices d’animaux. Ce serait aussi la raison pour laquelle ils auraient conservé un calendrier avec mois lunaires, correspondant à des cycles naturels observables aisément par toute personne non atteinte de cécité, tandis que le calendrier solaire strict des Zoroastriens, avec ses douze mois « abstraits », non directement visibles et observables, correspondant aux signes du Zodiaque, postule une science plus avancée et est donc historiquement plus récent.

 

 

 

Adam seul

 

 

 

Les Yezidis croient en un Dieu qui a créé le monde sous la forme d’un embryon, mais a ensuite laissé tous les autres travaux particuliers de cette œuvre de création à sept anges. Le plus important de ces anges est Taous-i Melek, l’ange-paon. Il est objet de vénération et le cheikh Adi est célébré comme étant sa réincarnation. Cet ange est perçu par les Musulmans comme étant le Diable.

 

 

 

Lorsque Dieu demanda aux anges de créer l’homme, il leur ordonna de s’incliner devant ce couronnement de son œuvre créatrice. Taous-i Malek refusa : il procédait, lui, de la lumière divine et ne s’inclinerait donc pas devant l’homme, fait au départ d’une motte d’argile. C’est sans doute cet élément de fierté qui fait de lui, aux yeux des Musulmans, un ange orgueilleux et donc une manifestation du Diable. Les Yezidis ne croient pas en la puissance cosmique du mal : selon eux, le mal n’existe que dans le cœur de l’homme, mais conjointement au bien.

 

 

 

L’une des doctrines les plus étranges des Yezidis réside dans la croyance en une ascendance uniquement adamique, sans intervention d’Eve. Le couple originel voulut un jour savoir lequel des deux avait la prééminence dans le processus de reproduction. Chacun plaça alors ses humeurs reproductives dans une cruche et lorsqu’ils ouvrirent plus tard les deux cruches, celle d’Eve contenait toutes sortes de vermines et de créatures monstrueuses, mais celle d’Adam un magnifique bébé mâle. Au Proche- et au Moyen Orient, il n’y donc pas que les Musulmans qui adoptent des réflexes misogynes. Ce bébé mâle a grandi et s’est ensuite marié à une houri, une nymphe céleste, et c’est de cette union naturelle que procèdent les Yezidis.  

 

 

 

Tout comme leurs voisins syriens, les Druzes, les Yezidis croient en la réincarnation. Dans toute la région, on peut donc observer un bon nombre de mouvements religieux en marge de l’islam, qui, d’une manière ou d’une autre, se conforment aux normes de la religion musulmane, mais se réfèrent à des doctrines non musulmanes et conservent des pratiques pré-islamiques. Ainsi, les Yezidis ne connaissent pas la circoncision obligatoire, mais, chez eux, cette mutilation sexuelle est très fréquente, afin de ne pas se faire remarquer dans un environnement à prédominance musulmane. Tout comme les Musulmans, les Yezidis prient cinq fois par jour, mais à l’abri des regards, pour dissimuler le fait qu’ils ne se tournent pas vers La Mecque mais vers le Soleil.

 

 

 

C’est donc par l’exercice d’une prudence constante, comme pour les cinq prières quotidiennes, et par le caractère isolé de leurs régions de résidence, dans les montagnes, que les Yezidis ont pu survivre, en dépit des siècles de domination musulmane.

 

 

 

Moestasjrik/’t Pallieterke, Anvers, n°43/2006 (trad. franç. : Robert Steuckers).

 

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