samedi, 26 novembre 2022
Guy de Maupassant et nos déboires démocratiques (et parlementaires)
Guy de Maupassant et nos déboires démocratiques (et parlementaires)
Citations choisies par Nicolas Bonnal
Maintenant qu’ils savent lire et écrire, la bêtise latente se dégage.
« En effet, livrer des millions d’hommes, des intelligences d’élite, des savants, des génies même, au caprice, au bon vouloir d’un être qui, dans un moment de gaieté, de folie, d’ivresse ou d’amour, n’hésitera pas à tout sacrifier pour sa fantaisie exaltée, dépensera l’opulence du pays péniblement amassée par tous, fera hacher des milliers d’hommes sur les champs de bataille, etc., etc., me paraît être, à moi, simple raisonneur, une monstrueuse aberration.
« Mais en admettant que le pays doive se gouverner lui-même, exclure sous un prétexte toujours discutable une partie des citoyens de l’administration des affaires est une injustice si flagrante, qu’il me semble inutile de la discuter davantage.
« Autrefois, quand on ne pouvait exercer aucune profession, on se faisait photographe ; aujourd’hui on se fait député. Un pouvoir ainsi composé sera toujours lamentablement incapable ; mais incapable de faire du mal autant qu’incapable de faire du bien. Un tyran, au contraire, s’il est bête, peut faire beaucoup de mal et, s’il se rencontre intelligent (ce qui est infiniment rare), beaucoup de bien.
« Entre ces formes de gouvernement, je ne me prononce pas ; et je me déclare anarchiste, c’est-à-dire partisan du pouvoir le plus effacé, le plus insensible, le plus libéral au grand sens du mot, et révolutionnaire en même temps, c’est-à-dire l’ennemi éternel de ce même pouvoir, qui ne peut-être, de toute façon, qu’absolument défectueux. Voilà. »
Des cris d’indignation s’élevèrent autour de la table, et M. Patissot en cherchant bien, découvrit une place libre au second rang, à côté d’un vieux monsieur décoré et d’une petite femme vêtue en ouvrière, à l’œil exalté, ayant sur la joue une marbrure enflée.
Le bureau était au complet.
La citoyenne Zoé Lamour, une jolie brune replète, portant des fleurs rouges dans ses cheveux noirs, partageait la présidence avec une petite blonde maigre, la citoyenne nihiliste russe Eva Schourine.
Juste au-dessous d’elles, l’illustre citoyenne Césarine Brau, surnommée le « Tombeur des hommes », belle fille aussi, était assise à côté du citoyen Sapience Cornut, retour d’exil. Celui-là, un vieux solide à tous crins, d’aspect féroce, regardait la salle comme un chat regarde une volière d’oiseaux, et ses poings fermés reposaient sur ses genoux.
À droite, une délégation d’antiques citoyennes sevrées d’époux, séchées dans le célibat, et exaspérées dans l’attente, faisait vis-à-vis à un groupe de citoyens réformateurs de l’humanité, qui n’avaient jamais coupé ni leur barbe ni leurs cheveux, pour indiquer sans doute l’infini de leurs aspirations.
Le public était mêlé.
La citoyenne Zoé Lamour ouvrit la séance par un petit discours. Elle rappela la servitude de la femme depuis les origines du monde ; son rôle obscur, toujours héroïque, son dévouement constant à toutes les grandes idées. Elle la compara au peuple d’autrefois, au peuple des rois et de l’aristocratie, l’appelant : « l’éternelle martyre » pour qui tout homme est un maître ; et, dans un grand mouvement lyrique, elle s’écria : « Le peuple a eu son 89, ayons le nôtre ; l’homme opprimé a fait sa Révolution ; le captif a brisé sa chaîne ; l’esclave indigné s’est révolté. Femmes, imitons nos despotes. Révoltons-nous ; brisons l’antique chaîne du mariage et de la servitude ; marchons à la conquête de nos droits ; faisons aussi notre révolution. »
Pardon, Monsieur, je suis un libéral, moi. Voici seulement ce que je veux dire : Vous avez une montre, n’est-ce pas ? Eh bien, cassez un ressort, et allez la porter à ce citoyen Cornut en le priant de la raccommoder. Il vous répondra, en jurant, qu’il n’est pas horloger. Mais, si quelque chose se trouve détraqué dans cette machine infiniment compliquée qui s’appelle la France, il se croit le plus capable des hommes pour la réparer séance tenante. Et quarante mille braillards de son espèce en pensent autant et le proclament sans cesse. Je dis, Monsieur, que nous manquons jusqu’ici de classes dirigeantes nouvelles, c’est-à-dire d’hommes nés de pères ayant manié le pouvoir, élevés dans cette idée, instruits spécialement pour cela comme on instruit spécialement les jeunes gens qui se destinent à la Polytechnique.
Des « chut ! » nombreux l’interrompirent encore une fois. Un jeune homme à l’air mélancolique occupait la tribune. Il commença :
Le vieux monsieur répondit :
— Non, Monsieur ; ils sont des millions comme ça. C’est un effet de l’instruction. Patissot ne comprenait pas.
— De l’instruction ?
— Oui ; maintenant qu’ils savent lire et écrire, la bêtise latente se dégage.
C’était un de ces hommes politiques à plusieurs faces, sans conviction, sans grands moyens, sans audace et sans connaissances sérieuses, avocat de province, joli homme de chef-lieu, gardant un équilibre de finaud entre tous les partis extrêmes, sorte de jésuite républicain et de champignon libéral de nature douteuse, comme il en pousse par centaines sur le fumier populaire du suffrage universel.
Son machiavélisme de village le faisait passer pour fort parmi ses collègues, parmi tous les déclassés et les avortés dont on fait des députés. Il était assez soigné, assez correct, assez familier, assez aimable pour réussir. Il avait des succès dans le monde, dans la société mêlée, trouble et peu fine des hauts fonctionnaires du moment.
Mais une vérité me semble être sortie de tout cela ; c'est qu'on n'a nul besoin du vulgaire, de l'élément nombreux des majorités, de l'approbation, de la consécration. 89 a démoli la royauté et la noblesse, 48 la bourgeoisie et 51 le peuple. Il n'y a plus rien, qu'une tourbe canaille et imbécile. Nous sommes tous enfoncés au même niveau dans une médiocrité commune. L'égalité sociale a passé dans l'esprit. On fait des livres pour tout le monde, de l'art pour tout le monde, de la science pour tout le monde, comme on construit des chemins de fer et des chauffoirs publics. L'humanité a la rage de l'abaissement moral, et je lui en veux de ce que je fais partie d'elle.
Lettre à Louise Colet, 21-22 septembre 1853.
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lundi, 13 juillet 2020
Médiocrité parlière et pédantisme intrigailleur
Médiocrité parlière et pédantisme intrigailleur
« Un système politique (le système parlementaire) inventé tout exprès pour le triomphe de la médiocrité parlière, du pédantisme intrigailleur, du journalisme subventionné, exploitant la réclame et le chantage, où les transactions de conscience, la vulgarité des ambitions, la pauvreté des idées, de même que le lieu commun oratoire et la faconde académique sont des moyens assurés de succès, où la contradiction et l'inconséquence, le manque de franchise et d'audace, érigés en prudence et en modération, sont perpétuellement à l'ordre du jour ».
Proudhon
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jeudi, 23 avril 2020
Günther Anders écrivait en 1956...
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.
L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe: on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »
"L’Obsolescence de l'homme".-
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mercredi, 06 novembre 2019
Robert Strausz-Hupé – Le nouvel ordre mondial et l’empire américain
Robert Strausz-Hupé – Le nouvel ordre mondial et l’empire américain
L’ordre mondial qui se profile sera-t-il celui de l’empire universel américain ? Il doit en être ainsi, dans la mesure où il portera le sceau de l’esprit américain. L’ordre à venir marquera la dernière phase d’une transition historique et en finira avec la période révolutionnaire de ce siècle.
La mission du peuple américain consiste à enterrer les États-nations, guider leurs peuples endeuillés vers des unions plus larges, et intimider par sa puissance les velléités de sabotage du nouvel ordre mondial qui n’ont rien d’autre à offrir à l’humanité que de l’idéologie putréfiée et de la force brute…
Pour la cinquantaine d’années à venir le futur appartient à l’Amérique. L’empire américain et l’humanité ne seront pas opposés, mais simplement deux noms pour un même ordre universel sous le signe de la paix et du bonheur. Novus orbis terranum (Nouvel ordre mondial).
« The Balance of Tomorrow » – Robert Strausz-Hupé, Orbis, 1957
Robert Strausz-Hupé was a former U.S. ambassador to Turkey, NATO, Belgium, Sweden, and Sri Lanka, a professor of political science at the University of Pennsylvania, and the founder of the Foreign Policy Research Institute and its journal Orbis. – FPRI
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lundi, 11 juillet 2016
Carl Schmitt, citation
00:05 Publié dans Citation, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carl schmitt, citation, révolution conservatrice | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 20 décembre 2014
Massimo Fini: citation
“L’Occident n’est plus en mesure de concevoir l’altérité, et donc ne peut la tolérer. Qui est différent sera rendu semblable, et bientôt lancé, lui aussi, à la poursuite de la croissance infinie du marché, horizon prétendument indépassable.
L’Occidental donneur de leçons serait-il donc ce qu’il affecte de dénoncer ? Le fondamentaliste, l’intégriste, le totalitaire, et si c’était lui ?
L’Occident se donne comme le monde de la liberté individuelle, mais en réalité il n’est qu’un système d’oligarchies parmi d’autres. Et pas nécessairement le moins dur avec ses dissidents.
La démocratie, au sens que l’Occident donne à ce mot, n’a que deux siècles d’existence. Elle se croit éternelle, et toise l’Histoire universelle du haut de ces deux petits siècles de domination précaire. Mais comme toutes les institutions humaines, elle ne saurait perdurer au-delà des conditions objectives qui l’ont rendue possible.
Alors tôt ou tard… elle finira dans les poubelles de l’Histoire, avec le monde qu’elle a créé. “
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dimanche, 13 juillet 2014
R. Millet: l'être-boeuf
« Tout confort se paie. La condition d’animal domestique entraîne celle d’animal de boucherie. » Ces mots d’Ernst Jünger en exergue annonce qu’il ne sera pas tant parlé dans cet essai de la condition animale que de la condition humaine – à l’heure ou se répand en pandémie « l’obèse qui est une figuration anti-mythologique et, par extrapolation, la revanche de l’animal d’élevage sur le consommateur s’engraissant lui-même au cœur de la clôture humaine. »
L’épidémie d’obésité comme celle de son double inversé l’anorexie est le signe d’une société qui hait le corps, la chair, et jusqu’à la viande elle-même qui n’est plus proposée aux masses que sous forme d’ersatz industriel. La viande - ou la vie elle-même, selon l’étymologie que Millet nous rappelle, le mot viande venant du bas latin vivendi, ce qui sert à vivre (du latin vivere, vivre) - n’est plus qu’un morne et fade artefact perfusé de colorants, d’agents de saveur et de conservation, « de la viande en quelque sorte dépossédée de sa chair ».
Face à cette désincarnation qui est aussi déchristianisation, Millet ose un éloge du bœuf comme Claudel fit celui du porc, propose de renouer « l’alliance plurimillénaire » entre l’homme et les bêtes, et confesse : « d’où mon recours inné au catholicisme, la littérature me préparant en quelque sorte à la vraie chair, la glorieuse : celle d’après la mort, le corps du Christ étant le seul qui, avec Lazare, ait connu la naissance, la mort et la Résurrection. »
Richard Millet, L’être-bœuf, Pierre-Guillaume de Roux, 2013.
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mardi, 03 décembre 2013
Vincenot: voilà ce que vous allez devenir...
Henri Vincenot
Source: http://zentropaville.tumblr.com
00:05 Publié dans Citation, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henri vincenot, lettres, littérature, lettres françaises, littérature française, citation | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 29 novembre 2013
Isaac Asimov: quotation
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samedi, 30 mars 2013
Turnvater Jahn
Ohne die Geschichte des Vaterlandes kann der Bürger sein Vaterland nicht lieben, ohne die Tugenden seiner Väter zu wissen, kann er ihnen nicht nachstreben, ohne von den Patrioten gehört zu haben, kann er ihnen nicht nacheifern, kurz ohne die Kenntnis der vaterländischen Geschichte ist der Bürger ein Spielball in der Hand des schlauen Betrügers
Friedrich Ludwig Jahn
S’il ne connait pas l’histoire de sa patrie, le citoyen ne peut aimer celle-ci, s’il ne connait pas les vertus de ses ancêtres, le citoyen ne peut s’efforcer de les imiter; s’il n’a pas entendu parler des patriotes d’antan, il ne peut suivre leur exemple, bref, si le citoyen ne connait pas son histoire nationale, il n’est plus qu’un jouet aux mains de l’escroc rusé
Friedrich Ludwig Jahn
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