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samedi, 14 mars 2020

Le projet de nouvelle constitution russe et l'avenir de Poutine

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Le projet de nouvelle constitution russe et l'avenir de Poutine

par le Général Dominique Delawarde

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Sous le titre : Le Parlement russe autorise Vladimir Poutine à se représenter en 2024, le journal le Monde vient de publier une "fake news" de plus qui sera abondamment commentée par la presse mainstream occidentale.(voir le lien ci après)

Cet article est de Dominique Delawarde, membre de notre comité de rédaction

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/10/le-parlement-russe-autorise-vladimir-poutine-a-se-representer-en-2024_6032499_3210.html

C'est une Fake news, au moins pour le titre, car le parlement russe n'était actuellement qu'en phase finale d'approbation d'un "PROJET" de constitution. Ce "PROJET" devra être approuvé ou rejeté par référendum par l'ensemble du peuple russe qui, seul, autorisera ou refusera les changements constitutionnels proposés. On fait encore des référendums dans ce pays et le parlement n'y a pas tous les pouvoirs.La Russie n'est pas la France .....

Que s'est-il passé à la Douma ?

La députée Valentina Terechkova, ancienne cosmonaute et première femme à avoir effectué un vol dans l'espace en 1963, est la dernière intervenante au débat sur le projet de constitution. Elle propose un amendement au projet de Constitution avant le vote final. Elle dit ceci : « Pourquoi tourner autour du pot ? pourquoi imaginer des constructions artificielles ? Regardons les choses honnêtement : si les gens le veulent et si la situation l'exige, il faut permettre au président en exercice de se présenter à nouveau à ce poste. ».

 Transformé en amendement, la proposition de Valentina Terechkova est adopté à une écrasante majorité. Le référendum aura lieu dans 6 semaines, le 22 avril prochain. Il projet sera très probablement voté, ce qui me réjouit pour deux raisons:

 1 - Poutine représente aujourd'hui le seul contre pouvoir solide à l'OTAN dont on connaît la propension à générer le chaos et la mort sur la planète depuis 1995.
(Au cours du dernier quart de siècle, 1 million de bombes ont été larguées par des pays membres de l'OTAN, agissant en coalition de circonstance, sur des pays qui n'avaient agressé aucun des membres de l'Organisation).
https://www.breizh-info.com/2019/11/19/130735/lotan-artisane-de-paix-ou-fautrice-de-troubles-et-de-chaos-general-2s-dominique-delawarde-le-13-novembre-2019

Garder Poutine jusqu'à 2036 sera probablement un bien pour son pays qu'il a remis sur pied entre 2000 et 2020 et surtout un bien pour le maintien de la paix sur la planète entière, par le retour à "l' équilibre de la terreur". Il serait bon que les fous furieux "néoconservateurs" des Etats Unis, de l'UE et de l'OTAN qui entendent régenter le monde en fonction de leurs seuls intérêts trouvent quelques "garde-fous" sur leur chemin.

 2 - Poutine a manoeuvré merveilleusement, comme à son habitude. Il n'a pas proposé lui même cet amendement, il a laissé une députée mondialement connue le faire et le parlement voter. Mais Poutine a proposé lui même des amendements à la Constitution qui vont droit au coeur d'une partie importante de l'électorat russe et de l'homme que je suis, citoyen d'un pays en déliquescence économique, politique, sociale, morale et sociétale. Ces amendements correspondent aux valeurs qui sont les miennes : Ainsi du respect de la « foi en Dieu », de l'interdiction du mariage homosexuel ou de la protection par l'Etat d'une «vérité historique », souvent mise à mal par les occidentaux qui ne cessent de la ré-écrire à leur avantage (notamment sur la 2ème guerre mondiale).

En conclusion, si le projet de nouvelle constitution est voté par référendum et si Poutine décide de rester jusqu'à 2036, il pourrait dépasser la longévité au pouvoir de la grande Catherine II, impératrice de Russie. Avec son expérience et celle de son ministre des affaires étrangères Lavrov, avec la complicité active de Xi Jingping, président à vie de son pays, il pourrait s'opposer avec succès aux velléités guerrières des "gouvernements de passage inexpérimentés" de chacun des grands pays d'une coalition occidentale en déclin. Notons au passage que les tenants du pouvoir des grands pays de l'OTAN sont de plus en plus mal élus, que leur opinion publique est profondément divisée et que ces états membres de l'OTAN sont, eux même, divisés entre eux.

Dominique Delawarde.

lundi, 03 février 2020

Réforme constitutionnelle russe – Le Conseil de l’Europe aux prises avec la souveraineté des États

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Réforme constitutionnelle russe – Le Conseil de l’Europe aux prises avec la souveraineté des États

 
 
par Karine Bechet-Golovko
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le débat sur la réforme constitutionnelle russe est arrivé jusqu’au Conseil de l’Europe, qui, comme nous l’avions sans difficulté prévu, s’est indigné de ce qu’un État membre ose encore penser à garantir sa souveraineté, sans pour autant savoir comment s’y prendre. Ici aussi l’Ukraine a été utile pour faussement soulever la question de la supériorité de la Constitution sur le droit international, « originalité » décriée qui est pourtant historiquement le lot des Constitutions, au moins en Europe occidentale. La balle est renvoyée à la Commission de Venise, qui va devoir se prononcer, finalement sur le droit des États à être souverain. L’enjeu est simple : dans ce monde global, il faut réussir à fixer formellement la fin de la supériorité formelle du droit national – les instances européennes vont-elles oser le pas ?

La réforme de la Constitution russe (voir notre texte ici) concerne plusieurs éléments qui s’opposent frontalement à la ligne idéologique globaliste, l’un d’entre eux concerne les rapports de supériorité entre le droit national et le droit international.

La Constitution russe de 1993 prévoit dans son Chapitre 1er sur les fondements constitutionnels, à l’article 15 al. 1, que, je cite :

« La Constitution de la Fédération de Russie a force juridique supérieure (…) ».

Et à l’article 15 al. 4 :

« Les principes et normes universellement reconnus du droit international et les traités internationaux de la Fédération de Russie sont partie intégrante de son système juridique. Si d’autres règles que celles prévues par la loi sont établies par un traité international de la Fédération de Russie, les règles du traité international prévalent ».

Autrement dit, la Constitution russe, comme l’ensemble des textes constitutionnels européens (au minimum) prévoit la supériorité de la Constitution. Les normes internationales sont infraconstitutionnelles, puisque la Constitution a une force juridique supérieure dans le système juridique russe et que les normes internationales sont intégrées, par l’article 15 de la Constitution, dans le système juridique russe. Sachant que sans disposition constitutionnelle prévoyant leur intégration dans le système juridique national, elles ne peuvent avoir d’effets juridiques dans ce système. Mais elles sont supralégislatives, car elles prévalent sur les normes législatives.

cr.jpgC’est notamment le système théorique qui existe en France. C’est le système de hiérarchie des normes, qui découle du théoricien autrichien Hans Kelsen au siècle dernier et qui a fondé le contrôle de constitutionnalité des lois en Europe continentale.

Alors où est le problème ? Il n’est pas juridique, il est politique et idéologique.

Lors de la rentrée parlementaire à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – APCE, les députés ukrainiens et des pays Baltes (ils siègent dans cet hémicycle justement pour cela et accomplissent parfaitement leurs fonctions) ont interpellé leurs collègues pour attirer leur attention sur la réforme constitutionnelle russe qui, Ô sacrilège !, prévoit la supériorité de la Constitution sur le droit international. Les députés de l’APCE ont alors décidé, devant une telle insolence du constituant russe, de saisir la Commission de Venise (organe consultatif de soft power qui supervise les réformes dans les pays européens). Le fondement juridique n’est pas très clair, ce droit être une atteinte portée à l’image du Parti et de ses dieux.

Selon ces députés, la Russie se prépare à ne pas appliquer les décisions de la CEDH prises à son encontre. Ce qui fut déjà quelques fois le cas, lorsque des décisions (éminemment politiques) contraires à la Constitution russe furent adoptées contre le pays, même si dans la très grande majorité des cas, la Russie exécute les décisions de la CEDH.

Le fait est que la supériorité de la Constitution, bien qu’inscrite dans le texte constitutionnel et dans la culture juridique occidentale, est largement battue en brèche dans la pratique, à la fois – en ce qui concerne les pays européens – par les instances quasijudiciaires, et par les organes politiques, adoptant des normes, sans le consentement de l’État, qui s’imposent dans son ordre juridique interne (puisque la règle de l’unanimité n’est depuis longtemps plus de mise dans les instances de l’UE). Le système du Conseil de l’Europe, à la différence de celui de l’UE, est plus un système d’organes d’influence, devant propager la « bonne parole ». Seule la CEDH, organe quasijudiciaire de ce système, a le pouvoir de prendre des décisions contraignantes à l’égard des États européens membres du Conseil de l’Europe, qui ont reconnu sa juridiction.

Mais ce n’est pas parce que les États ont reconnu sa juridiction, qu’ils ont abandonné, par la même, automatiquement, leur souveraineté nationale, en se mettant bien au chaud sous la régence de son bon vouloir. Les décisions de la CEDH, comme n’importe quel acte de droit international, ne peuvent avoir une force juridique supérieure à la Constitution nationale. Ce que la Cour constitutionnelle russe a plusieurs fois rappelé. Et la Russie n’est pas le seul pays à s’être opposé à la CEDH, l’on compte par exemple l’Italie, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne.

Or, le rapport de forces entre la CEDH et les États est tel, que beaucoup s’inclinent, remettant de facto en cause la supériorité constitutionnelle sur le droit international. C’est ici que la réforme constitutionnelle russe prend tout son sens : la Cour constitutionnelle a besoin, face à la radicalisation du combat mené contre les instances nationales par les organes globalistes, dont la CEDH fait partie, d’un appui formel, permettant d’écarter l’application des normes internationales contraires à la Constitution. La réforme constitutionnelle russe ne modifie pas la hiérarchie des normes, elle ne fait que la préciser, la formaliser au regard des nouveaux enjeux.

Or, le pouvoir des instances du monde global se développe dans la marge de flou. Ils ne peuvent ouvertement exiger des États qu’ils renoncent à leur souveraineté à leur profit en contrepartie d’une « protection » – ce comportement serait trop ouvertement mafieux. Et les États doivent garder la face malgré leurs nombreux renoncements et transferts de compétences : ils ne peuvent ouvertement reconnaître qu’ils renoncent à leur souveraineté, tout en prétendant conserver le caractère démocratique de leur système institutionnel, alors fondé sur des élections qui n’ont plus de sens, autre que le maintien de l’illusion. Car il s’agit bien de cela, de la souveraineté. La supériorité juridique de la Constitution est la garantie formelle de la souveraineté de l’État, qui peut ainsi défendre son ordre juridique et en décider. Jusqu’à présent, elle était concurrencée par la supériorité politique du droit international, qui s’impose de facto, mais donc peut être écarté de jure lorsque l’État en a le courage politique, si les normes de droit international contreviennent aux normes constitutionnelles, telles qu’interprétées par les instances nationales.

Le pas que le Conseil de l’Europe veut faire est celui du passage de la supériorité politique à la supériorité juridique du droit international sur le droit constitutionnel. Ce qui conduirait à vider définitivement le peu de souveraineté qui reste aujourd’hui aux États européens. Pour cela l’Ukraine et les pays Baltes ouvrent la voie. La Commission de Venise osera-t-elle une révolution de cette ampleur ? Va-t-elle garantir une prise de pouvoir formelle des instances internationales ? Les États ne seraient plus alors que des coquilles totalement vides, ces coquilles étant encore utiles pour gérer les territoires et les populations qui s’y trouvent, quand les décisions se prennent ailleurs.

Dans cet esprit, le « crime » commis par la Russie aux yeux des instances européennes est de mettre ces États et ces instances internationales face à la réalité de la situation. Son crime, ce qui explique cette réaction, est de dévoiler le jeu qui se joue réellement, sans plus permettre aux uns et aux autres de faire semblant pour garder la face. La Russie tente ici d’effacer cette zone de flou, ce non-dit confortable, dans lequel se développe le pouvoir des instances globalistes.


- Source : Russie politics