jeudi, 12 décembre 2024
Théorie économique et "nouvelle droite": un regard de l'IA
Théorie économique et "nouvelle droite": un regard de l'IA
Nos jeunes lecteurs continuent à s'amuser, à interroger Chatgpt sur les thématiques auxquelles ils se sont frottés lors de leurs stages à l'école des cadres. Cette fois, à propos des théories économiques abordées ou non par la "nouvelle droite" parisienne. Les réponses de "Big Robot" sont succinctes mais permettent à tous ceux qui entendent remettre sur le métier les fragments théoriques, glanés dans les diverses publications néo-droitistes (ou supposées telles), d'avoir un "squelette" utile avant d'amorcer un travail qui sera long et sans fin.
La vision de l'économie de la "nouvelle droite" française est floue et imprécise. A la fin des années 1970 et au début des années 1980, Guillaume Faye exprimait l'idée d'une indépendance continentale, basée sur les idées de François Perroux, de Friedrich List (l'économiste allemand du 19ème siècle). Il partageait ce corpus avec Yvan Blot (alias Michel Norey). La vague néolibérale, qui fut un véritable raz-de-marée, a houspillé cette vision de l'économie politique dans les marges, voire les a fait totalement disparaître. Après le départ de Guillaume Faye, plus aucune vision économique cohérente n'est repérable dans les rangs de la nouvelle droite parisienne, regroupée autour du petit club d'Alain de Benoist. En Belgique romane, autour de Steuckers et de Georges Robert, on tentera de réactiver le corpus en jachère laissé par Faye qui quitte la nouvelle droite en 1987. L'équipe de Bruxelles, par le canal des revues Orientations et Vouloir, s'y attèle, notamment en réfléchissant sur la distinction hétérodoxies/orthodoxies (due à Albertini et Silem) et sur le livre de Michel Albert, distinguant un capitalisme anglo-saxon et un capitalisme patrimonial rhénan, tout en lorgnant sur les théories régulationnistes. Comment jugez-vous ces thématiques?
Les thématiques abordées par la "nouvelle droite" française en matière économique, bien que fragmentaires et parfois disparates, offrent des points de réflexion intéressants, notamment pour leur critique des modèles dominants et leur tentative d'inscrire l'économie dans un cadre civilisationnel et géopolitique. Voici une analyse des idées évoquées et des tensions inhérentes à ces thématiques :
- 1) Indépendance continentale et protectionnisme intelligent
S'inspirant de Friedrich List, la vision d'une économie continentale vise à promouvoir une indépendance stratégique de l'Europe vis-à-vis des grandes puissances comme les États-Unis et, aujourd'hui, la Chine. Cette approche, qui met l'accent sur le développement industriel local et la construction d'un "marché protégé", s'inscrit dans une logique d'autonomie économique européenne.
- Point fort : Cela pourrait résonner avec les débats contemporains sur la "désindustrialisation" et la nécessité d'une souveraineté économique européenne.
- Limite : La complexité des interdépendances économiques globales, notamment au sein même de l'UE, rend cette vision difficilement applicable sans une refonte complète des institutions et des politiques économiques européennes.
- 2) Références à François Perroux et à l'économie humaine
Perroux, avec son concept de "pôles de croissance" et sa vision d'une économie centrée sur l'homme, offrait une alternative au néolibéralisme naissant. La nouvelle droite, en s'intéressant à cette pensée, essayait de lier l'économie à des valeurs humaines et territoriales.
- Point fort : Cette critique du productivisme et du consumérisme rappelle les débats actuels sur la transition écologique et l'économie soutenable.
- Limite : Cette vision est restée trop théorique et n'a pas débouché sur des propositions concrètes adaptées à un monde en mutation rapide.
- 3) L'échec face à la vague néolibérale
La disparition progressive de ces réflexions économiques au sein de la nouvelle droite, notamment après le départ de Guillaume Faye, montre une incapacité à formuler une réponse cohérente à l'hégémonie néolibérale. Si des critiques du capitalisme anglo-saxon émergent (Michel Albert, distinction entre modèles capitalistes), elles manquent d'une force conceptuelle suffisante pour offrir une véritable alternative.
- Point fort : La critique des excès du néolibéralisme reste pertinente, surtout aujourd'hui avec les crises financières récurrentes et les inégalités croissantes.
- Limite : En s'éparpillant sur des références multiples (régulationnisme, hétérodoxies...), le mouvement a peiné à construire un projet économique unifié.
- 4) Vers un "capitalisme patrimonial rhénan"
L'intérêt pour le capitalisme patrimonial rhénan, tel que décrit par Michel Albert, est une piste intéressante. Ce modèle valorise une gouvernance économique plus enracinée localement, avec une plus grande attention aux acteurs sociaux (employés, régions, écosystèmes).
- Point fort : Ce modèle peut inspirer des alternatives au capitalisme financiarisé, notamment dans le cadre de débats sur la responsabilité sociale et écologique des entreprises.
- Limite : À ce jour, aucune véritable application ou approfondissement de cette piste n'a été développée par les courants issus de la nouvelle droite.
Synthèse et jugement
Les thématiques économiques de la nouvelle droite, bien que pertinentes à certains égards, souffrent d'un manque de continuité et d'approfondissement. Elles témoignent d'une volonté de proposer une alternative au néolibéralisme, mais cette volonté s'est heurtée à plusieurs obstacles :
- Une fragmentation conceptuelle et des dissensions internes.
- La difficulté d'incarner ces idées dans des mouvements politiques ou des propositions concrètes.
- L'attrait pour des modèles historiques (List, Perroux) parfois déconnectés des réalités actuelles.
Cependant, ces réflexions restent d'actualité à l'ère des crises écologiques, des tensions géopolitiques et des critiques croissantes du capitalisme financier globalisé. Une redécouverte et une modernisation de ces idées pourraient enrichir le débat économique et politique contemporain.
Merci pour ce synopsis qui a la grand mérite de la clarté. Cependant, à ces pistes qui ne furent jamais articulées ni approfondies, se sont greffées des spéculations, souvent oiseuses, sur l'anti-utilitarisme du MAUSS (dans le chef de de Benoist et de son acolyte Champetier). Le réalisme macro-économique, qui devrait être de mise pour un mouvement se déclarant "continental" et non "nationaliste", demeure absent et, plus généralement, les idéaux éthérés d'ordre moral, ou les élucubrations esthétiques, prennent le pas sur le concret sous toutes ses formes. L'anti-utilitarisme, qui se veut réponse au tout économique, se greffe alors sur un moralisme égalitariste (que la nouvelle droite rejetait au départ, avant sa ré-orientation néo-gauchiste), parfois religieux (avec l'apport du dernier Garaudy), qui ne peut servir ni de barrage ni d'arsenal contre le néolibéralisme qui assure, lui, le triomphe du tout-économique. Comment réagissez-vous face à un tel imbroglio?
Votre analyse met en lumière un paradoxe central et une faiblesse récurrente de la "nouvelle droite" dans sa tentative de se positionner face au néolibéralisme et à la domination du tout-économique.
Serge Latouche et Alain Caillé, animateurs du "Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales" (MAUSS) et théoriciens de la décroissance.
Voici mes réflexions sur cet imbroglio, qui révèle à la fois des impasses conceptuelles et des erreurs stratégiques :
- 1) Un anti-utilitarisme mal orienté : critique ou complaisance envers l'irrationalité ?
L'adoption par la nouvelle droite de l'anti-utilitarisme du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales), si elle partait d'une critique légitime du réductionnisme économique, semble avoir été utilisée de manière ambiguë :
- Critique légitime : L'opposition à la rationalité instrumentale, qui réduit l'humain à un simple acteur économique, rejoint une critique pertinente des excès du néolibéralisme.
- Dérive problématique : En plaçant l'anti-utilitarisme sur un piédestal moral ou esthétique, on finit par rejeter l'idée même d'efficacité et de réalisme économique. Cela peut dégénérer en une posture contemplative, peu propice à affronter la complexité du monde économique globalisé.
En clair, l'anti-utilitarisme, mal intégré, devient une fuite dans l'abstraction, là où il pourrait être un levier pour réintroduire des finalités humaines et collectives dans l'économie.
- 2) Le retour du moralisme et de l'égalitarisme
Vous soulignez avec raison que cette orientation semble contradictoire avec les prémisses initiales de la nouvelle droite, qui rejetait l'égalitarisme et toute forme de moralisme universaliste.
- Moralisme égalitariste : Le basculement vers une critique "morale" du néolibéralisme – inspirée parfois de pensées religieuses ou néo-gauchistes – affaiblit la posture initiale. En se réclamant d'une position moralement supérieure, ces discours peinent à produire des cadres opérationnels pour un projet réellement alternatif.
- Incompatibilité stratégique : Ce glissement vers une forme de néo-égalitarisme est paradoxal, car il sape la critique historique de la nouvelle droite envers l'indifférenciation et l'universalisme.
Ce mélange confus d'idéaux éthérés, souvent contradictoires avec les fondements initiaux du mouvement, contribue à diluer toute capacité à proposer un programme économique concret et structuré.
- 3) Absence de réalisme macro-économique
Une des lacunes majeures que vous soulignez est l'absence de réalisme macro-économique dans les propositions de la nouvelle droite, malgré sa prétention à se positionner comme un mouvement "continental".
- Incohérence continentale : En se revendiquant d'une Europe forte et indépendante, un mouvement "continentaliste" aurait dû se doter d'outils pour penser les grandes infrastructures économiques, les politiques industrielles, et la coordination entre États. Or, ces thématiques sont presque totalement absentes.
- Impuissance face au néolibéralisme : En privilégiant les spéculations morales ou esthétiques, on laisse le champ libre au néolibéralisme, qui dispose de sa propre vision économique hégémonique, soutenue par des cadres théoriques solides et une application pragmatique.
Cela témoigne d'une incapacité à traduire une critique théorique en actions tangibles, et à opposer au triomphe du tout-économique une économie humaniste mais fonctionnelle.
- 4) Le danger des élucubrations esthétiques
Le recours à des réflexions esthétiques, si elles peuvent enrichir une pensée globale, ne saurait remplacer une vision économique opérationnelle. Or, la nouvelle droite semble avoir trop souvent laissé ces réflexions esthétiques envahir le champ politique et économique.
- Attraction pour le symbolique : Les discours sur l'esthétique ou le sacré peuvent être mobilisés pour renforcer une vision de l'économie enracinée. Cependant, en l'absence de liens concrets avec des propositions macro-économiques, ils deviennent des distractions.
- Un risque d'élitisme : Ces discours esthétiques risquent de réduire l'économie à un domaine réservé à une élite intellectuelle, coupée des réalités sociales et des besoins des citoyens.
Proposition de sortie de l'impasse
Pour sortir de cet imbroglio, un mouvement critique du néolibéralisme pourrait :
- Reprendre les idées initiales avec un cadre réaliste : Revisiter Friedrich List et François Perroux à la lumière des défis contemporains, tels que la transition écologique ou la digitalisation de l'économie.
- Réconcilier critique morale et efficacité : Proposer une économie humaniste, mais qui ne renonce pas à la rationalité instrumentale. Cela nécessite un équilibre entre valeurs éthiques et pragmatisme.
- Penser à l’échelle continentale : Construire des propositions crédibles pour une économie européenne forte et indépendante, avec des politiques industrielles communes et des institutions adaptées.
- Éviter l’abstraction excessive : Les concepts esthétiques ou anti-utilitaristes doivent rester des outils d’inspiration et ne pas supplanter le concret.
En conclusion, la nouvelle droite, en s’égarant dans des spéculations trop éloignées du réel, a laissé passer une occasion d’articuler une alternative crédible face au néolibéralisme. Pour éviter de rester dans l’impuissance, il est crucial de combiner ses critiques culturelles et morales avec une vision économique solide, cohérente, et pragmatique.
Une dernière petite remarque: Perroux a eu plus d'impact en Amérique latine chez les économistes qui souhaitaient, là-bas, construire une économie continentale (précurseur du Mercosur). En France, Perroux avait parlé d'indépendance de la nation, donc d'un cadre national étroit qui n'est plus articulable à l'heure actuelle où l'économie du futur sera forcément continentale sinon eurasienne. Le Perroux sud-américain n'est-il pas plus utile aujourd'hui que le Perroux strictement franco-national?
Votre observation sur l'impact différencié de François Perroux est tout à fait pertinente et ouvre une réflexion stimulante sur l'actualité de ses idées dans un cadre continental ou eurasien. Voici quelques points pour approfondir cette distinction entre le "Perroux franco-national" et le "Perroux sud-américain" :
- 1) Le Perroux franco-national : un cadre devenu obsolète ?
- Ancrage nationaliste : Perroux, dans son contexte français d'après-guerre, privilégiait une vision de l'indépendance économique nationale. Cette perspective s'inscrivait dans une logique de reconstruction et de souveraineté face à l'hégémonie américaine et aux débuts de la mondialisation.
- Limites contemporaines : À l'heure où les dynamiques économiques sont globalisées et où les grands blocs continentaux (comme l'Union européenne ou l'Eurasie) s'imposent comme des unités économiques cohérentes, la perspective étroitement nationale de Perroux semble difficilement applicable. Elle risque même de paraître régressive ou inadaptée aux défis actuels.
- 2) Le Perroux sud-américain : une vision continentale ambitieuse
- Inspirateur du régionalisme économique : En Amérique latine, Perroux a influencé des penseurs comme Raúl Prebisch et les promoteurs de la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes). Son idée de pôles de développement a servi à imaginer une intégration régionale, où les pays d'une même région collaborent pour réduire leur dépendance vis-à-vis des grandes puissances (États-Unis, Europe).
- Le Mercosur comme exemple : Même imparfait, le Mercosur illustre une tentative de traduire les idées de Perroux en politiques concrètes. Il repose sur des échanges intrarégionaux renforcés et des complémentarités économiques, dans une logique d'indépendance collective.
- 3) Leçons pour un futur eurasien ou continental
- L’échelle continentale comme nécessité : La globalisation rend obsolète la souveraineté économique nationale isolée. Une stratégie économique viable doit aujourd'hui se penser à l'échelle continentale ou transcontinentale. L'idée de Perroux sur les pôles de développement peut parfaitement s'appliquer à une vision eurasiatique, où des régions comme l'Europe, la Russie et l'Asie centrale collaboreraient pour équilibrer les influences chinoise et américaine.
- Redistribution et complémentarités : L'idée d’une interdépendance équilibrée entre pôles de développement reste essentielle. Cela permettrait à des zones périphériques de ne pas être exploitées par des centres économiques dominants, un défi qui reste actuel en Europe comme ailleurs.
- 4) Réactualisation nécessaire : le Perroux "transnational"
Pour rendre les idées de Perroux pertinentes aujourd'hui, il serait utile d'en faire une lecture plus transnationale :
- Abandon de la stricte souveraineté nationale : Le Perroux franco-national, focalisé sur l’État-nation, doit céder la place à une pensée qui intègre des dynamiques interrégionales.
- Approche multipolaire : À l'image du Perroux sud-américain, il faut envisager une coopération entre régions du monde qui respectent leurs spécificités mais collaborent pour limiter leur dépendance vis-à-vis des grands acteurs hégémoniques.
- Un cadre pour l’Eurasie : La vision eurasiatique pourrait intégrer des pôles de développement autour d'axes comme l’Europe occidentale, la Russie, et les pays d’Asie centrale, tout en restant connectée à l’Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient.
Conclusion : Le Perroux sud-américain comme modèle transposable
Le "Perroux sud-américain", avec son accent sur l’intégration régionale et les pôles de développement interdépendants, est effectivement plus utile aujourd'hui que le "Perroux franco-national". Cette approche pourrait inspirer une économie eurasienne, continentale, ou même africaine, fondée sur une complémentarité entre les régions, une autonomie relative vis-à-vis des centres hégémoniques, et une vision multipolaire. En cela, Perroux offre une méthode qu’il faut actualiser et élargir, au-delà des limites historiques de son cadre d’origine.
17:59 Publié dans Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie économique, nouvelle droite, françois perroux | | del.icio.us | | Digg | Facebook