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jeudi, 13 septembre 2018

Elections parlementaires suédoises: une droite nationale en progression limitée face à deux camps minoritaires

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Elections parlementaires suédoises: une droite nationale en progression limitée face à deux camps minoritaires

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com 

A l'issue des élections parlementaires suédoises du 9 septembre 2018, le jeu parlementaire est des plus verrouillés, comme cela avait été annoncé, et les deux partis principaux, les sociaux-démocrates à gauche et les modérés à droite reculent d'environ 6,5 points, ainsi que les écologistes en recul de 2.4 points. Enfin les petites listes sont également laminées dans un contexte à forte polarisation avec 1,4% (-2.5 points).

Les Démocrates Suédois, mouvement de droite nationale dirigé par Jimmie Akesson, sont ceux qui progressent le plus, obtenant 17,6% des voix (+ 4.7) et 63 sièges (+14), mais ils sont loin des prévisions des sondages qui les plaçaient à plus de 20% et ils échouent aussi à obtenir la seconde place devant la droite modérée. C'est donc pour eux une déception. Ils ne peuvent pas en accuser les deux listes de droite nationaliste qui auront probablement réalisé des scores dérisoires (inconnus à cette heure). Le vote utile d'électeurs craignant une absence de majorité au Riksdag (parlement) a pu freiner son ascension. Ses positions eurosceptiques et pas seulement identitaires ont pu effrayer certains électeurs modérés.

Et en outre le matraquage international, il suffisait de lire Le Monde en France pour s'en convaincre, a payé. Nombreux Suédois craignaient de donner l'impression que leur pays devenait une "société fermée". C'est pourtant oublier que les Suédois par le passé avaient démontré une capacité de résistance exceptionnelle. Il suffit de songer qu'ils ont résisté au christianisme un siècle de plus que leurs voisins scandinaves.

La droite nationale, en France et ailleurs, a pu progresser et la Lega de Salvini est annoncée à 34% dans les sondages. Le FPÖ autrichien est intégré à une coalition même s'il n'a pas pu dépasser le score de Haider en 2000, mais de par la seule volonté du chancelier ÖVP Sebastian Kurz. Mais son programme économique anxiogène freine son ascension. Le déficit en crédibilité atteint surtout le RN (ex-FN) français.

Les sociaux-démocrates, principaux responsables depuis les années 70 de la crise sociétale de la Suède, en ouvrant ses frontières à de larges flux, ne sont pas sanctionnés autant qu'ils devraient l'être. Ils obtiennent 28,4% des voix et 100 sièges. La droite modérée ne parvient pas à remonter l'écart et doit se limiter à 19,8% des voix et 70 sièges.

Une coalition de gauche n'obtiendrait que 143 sièges et une coalition de droite aurait aussi 143 sièges soit une parfaite égalité. On peut imaginer selon le modèle danois une coalition de droite minoritaire aux affaires avec des démocrates suédois en soutien sans participation.

Les petits partis de droite se maintiennent (Libéraux à 5,5% et 19 sièges) ou se renforcent (Parti du centre 8,6% et 3 sièges, Démocrates chrétiens 6,4% et 23 sièges), tout comme le Parti de Gauche (Vänsterpartiet, 7,9% +2.2 et 28 sièges +7). Enfin les Verts (Miljöpartiet) tombent à 4,4% (-2.4) 15 sièges (-10). Le candidat de droite Ulf Kristersson n'a pas su convaincre. Quant au social-démocrate Stefan Löfven, qui a durci légèrement la ligne sur la question migratoire, il limite néanmoins la casse mais sans convaincre.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

Élections en Suède : une nouvelle étape du chemin de croix de Bruxelles

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Élections en Suède : une nouvelle étape du chemin de croix de Bruxelles

Ex: http://echelledejacob.blogspot.com 

Décortiquant les résultats des élections suédoises, le rédacteur en chef du mensuel Ruptures Pierre Lévy est formel : c'est là le cauchemar des dirigeants européens qui se poursuit. 

C’était la chronique d’un succès annoncé. Les Démocrates de Suède (SD, un parti comparable à la formation de Marine Le Pen en France) apparaissent comme les grands vainqueurs du scrutin législatif qui s’est déroulé dans le royaume scandinave le 9 septembre. Avec 17,6% des suffrages, ils augmentent leur score de 4,7 points par rapport à 2014, où ils avaient déjà connu une progression sensible. Il y a encore seize ans, ce parti franchissait de justesse la barre des 1%... Le SD a en tout cas été porté par le thème qui a largement dominé toute la campagne électorale : l’immigration.

Texte publié en partenariat avec le mensuel Ruptures

Sur la base des derniers sondages avant le vote, Jimmie Akesson (39 ans), le chef de ce parti depuis 2005, avait même espéré une perspective de 20 à 30%. Si ce niveau n’est pas atteint, sa formation se retrouve en tout état de cause en position déterminante dans le cadre de la formation du futur gouvernement. Ce processus ne devrait pas manquer d’être particulièrement laborieux, puisqu’aucun des deux « blocs » traditionnels ne dispose, et de loin, d’une majorité des députés.

Ces élections ont été marquées par une participation de 84,4% (contre 85,8% il y a quatre ans). Le Parti social-démocrate (SAP) obtient son plus bas score depuis plus d’un siècle : avec 28,4% des voix, il chute de 2,8 points par rapport à 2014 où il avait déjà essuyé une défaite historique. Le SAP semble définitivement tombé de son piédestal, alors qu’il a gouverné le pays pendant 80 des 100 dernières années, et avait pu compter sur près d’un électeur sur deux des années 1930 aux années 1990.

Les Verts, qui étaient le partenaire des sociaux-démocrates dans la coalition sortante, chutent également de 6,7% en 2014 à 4,3%. Ils sauvent de justesse leur représentation parlementaire alors même que la vague caniculaire qui a balayé le pays semblait pouvoir étayer leur discours pro-environnement, espéraient les dirigeants de ce mouvement.

Enfin, le Parti de gauche (qui avait répudié le terme «communiste» en 1990) s’établit à 7,9%, regagnant ainsi 2,2 points. Il soutenait le gouvernement sortant sans y participer, mais est considéré comme partie prenante du bloc tri-partite dit de centre-gauche. Ce dernier totalise ainsi 40,6% (contre 43,6% précédemment).

Un résultat qui le place au coude à coude avec le bloc dit de centre-droit (40,3%). L’écart (30 000 voix) est si serré que c’est désormais le vote des Suédois de l’étranger (prévu pour être publié le 12 septembre) qui déterminera la coalition arrivée en tête. Au sein du bloc de centre-droit, le parti dominant, les Modérés, obtient 19,8% des suffrages, soit une baisse de 3,5 points. Ses trois alliés progressent en revanche légèrement : le Parti du centre (8,6%, +2,5 points), les Chrétiens-démocrates (6,4%, + 1,8) et les Libéraux (5,5%, + 0,1). Ces trois formations ont, pendant la campagne, exclu un «pacte avec le diable», en l’occurrence avec le SD. Pour sa part, le chef des Modérés, Ulf Kristersson, refuse également de négocier avec «l’extrême droite», même s’il a indiqué souhaiter gouverner avec une large majorité.

Le SD a incontestablement capitalisé sur le mécontentement d’une large part des citoyens qui s’est cristallisé sur la question migratoire.

Kristersson a immédiatement appelé le Premier ministre social-démocrate sortant, Stefan Löfven, à démissionner. Pas question a affirmé pour l’heure ce dernier, précisant que pour lui, cette élection a entériné la fin de la «politique des blocs», autrement dit l’alternance entre centre-gauche et centre-droit. A son sens, c’est désormais une collaboration entre les blocs qui s’impose afin de faire barrage à la montée du SD. Un pacte assurant un tel «cordon sanitaire» avait du reste été signé fin 2014 lorsque le gouvernement à dominante social-démocrate avait été mis en minorité sur le budget. Mais ledit pacte n’avait tenu que quelques mois.

Pour sa part, le chef du SD a triomphé au soir du scrutin : «Nous sommes les grands gagnants de cette élection [...] nous allons exercer une véritable influence sur la politique suédoise » ; il s’est dit prêt, dans cet esprit, à négocier avec tous les partis.

Le SD a incontestablement capitalisé sur le mécontentement d’une large part des citoyens qui s’est cristallisé sur la question migratoire. Depuis 2010, ce sont près de 500 000 demandeurs d’asile qui sont arrivés dans ce pays de dix millions d’habitants, dont désormais 18,5% sont nés à l’étranger (14,7% en 2010 ; à titre de comparaison, ce niveau était de 11,6% en France en 2014). C’est surtout en septembre 2015 – date de la décision d’Angela Merkel d’ouvrir en grand les frontières de l’Allemagne sous pression du patronat d’outre-Rhin, créant ainsi un flux considérable vers l’Europe – que les arrivées se sont accélérées : 250 000 en moins de deux ans.

A l’époque, Löfven s’était drapé dans une posture morale d’accueil, et invité ses partenaires de l’UE à faire preuve de «solidarité». Quelques mois plus tard cependant, le chef du gouvernement faisait demi-tour, et établissait des filtres aux frontières, notamment avec le Danemark. Ceux-ci ont été prolongés depuis, et les sociaux-démocrates ont durci progressivement les conditions en matière d’asile (restrictions sur le regroupement familial, permis de séjour seulement temporaires…).

Il s’agissait alors d’endiguer la montée déjà patente du SD. Une évolution d’autant plus inquiétante pour les sociaux-démocrates qu’elle se dessinait – et s’est poursuivie – tout particulièrement au sein de leur électorat traditionnel. Une enquête réalisée peu avant le scrutin montrait ainsi que plus d’un syndicaliste sur quatre s’apprêtait à donner sa voix au SD. Une dirigeante de la grande centrale syndicale LO, historiquement liée aux sociaux-démocrates, admettait que le vote «populiste» était lié à «la précarisation de l'emploi, avec une augmentation des contrats à temps partiel et de l'intérim, [au] recul de l'Etat-providence en Suède, avec la fermeture d'hôpitaux dans les campagnes, les files d'attente dans les centres de soin, ou le niveau qui baisse dans les écoles». Et de mettre en garde : «Sous prétexte de vouloir accélérer l'intégration des réfugiés, la droite et le patronat sont prêts à remettre en cause notre modèle social et le système des accords collectifs, ce que nous n'accepterons jamais.»

Si une sorte de «grande coalition» devait voir le jour, elle ne ferait que nourrir les futures victoires du SD qui apparaîtrait alors comme le seul parti d’opposition

Si la vague migratoire a reflué depuis 2015-2016, 26 000 demandeurs d’asile ont encore été enregistrés en 2017, et 12 000 depuis le début de cette année. La pression sur les services publics est considérable, et ressentie tout particulièrement parmi les moins bien lotis – ainsi que par des immigrants de longue date, amers que les nouveaux arrivants se soient vu offrir nombre d’avantages au détriment de ceux déjà installés.

La tuerie (trois morts, 18 blessés) qui était survenue à Malmö en juin, puis des incidents répétés dans certaines banlieues fin août ont par ailleurs contribué à attiser les tensions. Dans ces conditions, les satisfecits que s’est décernés le gouvernement en matière économique – 2,4% de croissance l’année dernière, des excédents budgétaires, des chiffres officiels du chômage réduits (6,7%) – n’ont pas convaincu les électeurs.

Pour l’heure, l’incertitude est donc grande quant à la formation d’un futur gouvernement. S’il est minoritaire, cela pourrait entraîner une forte instabilité. Si une sorte de «grande coalition» devait voir le jour, elle ne ferait que nourrir les futures victoires du SD qui apparaîtrait alors comme le seul parti d’opposition.

A moins que les Modérés acceptent finalement d’être soutenus par le SD, ce qui donnerait à celui-ci une position de force et rapprocherait le pays de la situation prévalant au Danemark voisin ?

Ce qui est certain en revanche, c’est que le cauchemar des dirigeants européens se poursuit. Au printemps 2017, ils avaient cru pouvoir affirmer que la victoire d’Emmanuel Macron en France donnait le signal d’un retournement des citoyens en faveur de l’Europe ; ils avaient déjà (et contre toute évidence) interprété dans le même sens les élections aux Pays-Bas en mars 2017, de même que les présidentielles autrichiennes en décembre 2016.

Mais dans ce pays à l’automne 2017, puis en Allemagne, en République tchèque, en Hongrie et évidemment en Italie, ils ont dû encaisser les victoires des «populistes », au point que certains s’affolent à haute voix d’un possible dissolution de l’Union européenne. On n’en est certes pas là. D’autant qu’en Suède, le SD n’a guère mis en avant sa revendication d’un référendum sur la sortie de l’UE.

Reste que le scrutin suédois n’a évidemment rien pour rassurer Bruxelles. Le chemin de croix continue.