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samedi, 12 août 2023

Franz Cumont, un pionnier de l'esprit des cultes du Bas-Empire

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Franz Cumont, un pionnier de l'esprit des cultes du Bas-Empire

par Giovanni Balducci

Source: https://www.centrostudilaruna.it/franz-cumont-un-pioniere-dello-spirito-fra-i-culti-del-tardo-impero.html

Né en 1868 à Alost, en Flandre orientale, Franz Cumont fut l'un des plus éminents archéologues et philologues de son temps, capable d'exercer une influence décisive sur l'école moderne de l'histoire des religions à travers des études fondamentales, en particulier celles consacrées à la diffusion des cultes orientaux dans l'Empire romain. Son travail consacré aux Mystères de Mithra, qui a également attiré l'attention de Julius Evola, a été fondamental.

De formation internationale, il a été fortement influencé par la "civilisation de la conversation", qui a connu son apogée dans la culture française, et par la grande tradition philologique allemande. Fervent et passionné par la Rome antique, Cumont a également entretenu des liens étroits avec notre pays, l'Italie: ami de Maria-José de Belgique, future reine d'Italie, il faisait avec elle de longues promenades dans les ruines de l'Urbs et fréquentait le salon culturel d'Ersilia Caetani Lovatelli, première femme à entrer à l'Accademia dei Lincei et amie de Gabriele d'Annunzio et de Theodor Mommsen.

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Il a contribué à la rédaction de nombreuses études encyclopédiques et s'est livré à de nombreuses "recherches sur le terrain": ses voyages en Turquie, en Arménie, au Pont Euxin et celui qu'il a effectué pendant le difficile entre-deux-guerres politique et culturel sur les rives de l'Euphrate, à Doura-Europos, un site que son ami et collègue Rostovtzeff n'hésitera pas à qualifier de "Pompéi du désert" en raison de son excellent état de conservation, ont été importants.

Sa conception laïque de l'existence ne l'empêche pas de s'intéresser scientifiquement à l'astrologie, que la culture positiviste dominante de l'époque ne considère que comme une aberration puérile ne méritant pas d'être analysée.

Parmi les pratiques cultuelles auxquelles le philologue belge a été confronté, l'une des plus intéressantes est certainement celle du taurobolium, dont la première traduction italienne de l'étude qui lui est consacrée a été récemment publiée par les éditions Aragno. Originaire d'Asie Mineure, le rite du taurobolium s'est répandu à Rome à partir du 2ème siècle après J.-C., consistant en un rite sacrificiel sanglant impliquant la mise à mort d'un taureau, auquel on attribuait des vertus rédemptrices par le sang versé. Le chrétien Prudence rapporte que ceux qui le subissaient étaient salués par la foule des croyants comme "renaissant à l'éternité".

Le taurobolium était lié à Rome au culte de la déesse Bellone, divinité qui, dans la mythologie romaine, incarnait la guerre dans sa réalité la plus élémentaire et la plus fondamentale, et dont l'iconographie était assimilée, par le génie des poètes antiques, à celle des Furies.

Le mot grec composé de ταῦρος "taureau" et de βάλλω "frapper", d'où le mot latin tardif taurobolium, désignait dans le monde gréco-romain un culte dans lequel le fidèle était introduit dans une sorte de cellule souterraine (une fosse), recouverte d'un plancher en treillis de bois, tandis qu'un prêtre sacrifiait un taureau juste au-dessus du treillis, de telle sorte que le sang de la victime animale s'écoulait sur le fidèle, qui attendait en contrebas d'être aspergé par la pluie de sang à laquelle on attribuait des vertus purificatrices, rédemptrices et revitalisantes.

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La découverte d'un certain nombre d'images sur des autels liés au taurobolium (rappelons celles trouvées sur des autels lyonnais ou les vestiges de la Frigiane vaticane qui se trouvait à l'emplacement de l'actuelle basilique Saint-Pierre), sans nous donner une représentation claire de l'acte de sacrifice et de "baptême", nous fournit quelques informations sur l'appareil cérémoniel utilisé. Nous apprenons, par exemple, que l'arme utilisée pour immoler la victime était une épée courte, pointue, à double tranchant et à la pointe torsadée en forme de crochet. Cette conformation particulière permettait qu'une fois l'épée enfoncée dans la poitrine de la victime, la manœuvre que le victimaire devait effectuer pour l'extraire, élargisse la plaie, provoquant ainsi un écoulement de sang plus rapide et plus violent.

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Mais la cérémonie du taurobolium, qui connut un succès surprenant lors du déclin du paganisme, n'est pas seulement remarquable par la similitude des espoirs qu'elle a suscités avec certaines croyances chrétiennes. Elle est un produit très caractéristique de ces religions orientales où des traditions grossières, survivances d'un passé barbare, ont été mises au service d'une théologie très avancée: en l'occurrence celle des mages perses. Le rituel lui-même est un bain de sang qui rappelle une orgie cannibale ; sa prétendue efficacité répond aux plus hautes aspirations de l'homme à la purification spirituelle et à l'immortalité.

Franz Cumont, Il taurobolio e il culto di Bellona, édité par Giovanni Balducci, Aragno, Turin 2023, pp. 93, 13 euro.

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