dimanche, 11 février 2007
Globalisme et pauvreté
André Wolff
Globalisation et pauvreté
Le concept selon lequel la "globalisation" serait l'unique moyen de lutter contre la pauvreté dans le monde et plus particulièrement dans les pays du Tiers Monde ( en oubliant peut-être que même dans les pays industriellement et économiquement les plus développés la pauvreté reste un problème prenant parfois encore des proportions inacceptables, notamment au sein de l'Union européenne elle-même, dans certaines zones comme des régions déterminées de l'Italie du sud, du Sud de l'Espagne, du Portugal, de la Grèce, etc.) est erroné dans son essence même.
Selon l'idéologie de la "globalisation", le principal remède à la pauvreté dans les pays du Tiers Monde serait l'accès entièrement libre des pays du Tiers Monde aux marchés des pays développés et riches, dans le cadre d'une économie de marché pratiquement sans règles ni réglementations destinées à garantir au moins une concurrence loyale conforme aux principes du libéralisme traditionnel.
Il existe en effet une différence fondamentale entre la liberté d'entreprendre et de commercer sur une base d'honnêteté et de loyauté, et le type de "libéralisme" aujourd'hui de mode, qui vise à un marché mondial unique et sans entraves, de quelque nature qu'elle soient, laissé au libre jeu de forces (généralement privées, mais qui sont parfois aussi étatiques) pratiquement incontrôlables et qui selon la doctrine libériste ne devraient pas même être soumises à une quelconque forme de contrôle efficace, un libre jeu dans lequel, en fait, tous les coups seraient permis, revenant ainsi à une "loi de la jungle" de l'économie, de la finance et du commerce !
Une telle "globalisation" ne peut pas résoudre le problème de la pauvreté. Elle peut, certes, aboutir à l'enrichissement de certaines couches de la société, aussi bien dans les pays "pauvres" que dans les pays "riches". Il s'agit de couches de la société généralement déjà riches également dans les pays les plus pauvres, comme par exemple les pays du continent africain, auxquelles serait donnée la possibilité de s'enrichir encore davantage. Mais ce type d'enrichissement ne bénéficierait en aucune manière à l'ensemble et à la majorité des populations du globe, surtout et plus spécifiquement dans les pays les plus pauvres. En revanche, il est prévisible que la possibilité de vendre leurs produits obtenus à bas prix grâce à une exploitation incontrôlée de la main d'œuvre, souvent maintenue dans des conditions équivalant pratiquement à l'esclavage, sans protection sociale et sans protection même contre les accidents du travail, en défiant les Conventions internationales comme celles relatives, par exemple, au travail des enfants et des mineurs d'âge, etc, inciterait les agents économiques du Tiers Monde à augmenter la production en recourant à une intensification de l'exploitation et de la réduction en esclavage que l'on constate actuellement.
La "globalisation" et l'élimination de toutes les entraves dites "protectionnistes" impliquée par les "remèdes" proposés par ses partisans et supporters ne diminuerait pas la pauvreté dans l'ensemble du monde, mais aboutirait inévitablement à son accroissement et à la paupérisation également des populations des pays actuellement riches. En effet les produits des pays "pauvres" ne sont pas consommés par leurs populations, ou seulement dans une mesure minime quand c'est le cas, étant donné que ces populations ne disposent pas et disposeraient encore moins qu'auparavant de revenus suffisants pour les acquérir, mais par les populations des pays "riches" et hautement développés. La concurrence mondiale impitoyable et déloyale qui serait générée par l'élimination des entraves dites "protectionnistes" (qui plus spécialement dans l'Union européenne visent par ailleurs souvent en premier lieu à protéger le consommateur par le biais de normes de sécurité et destinées à la sauvegarde de la santé en fonction de critères pleinement justifiés) aurait pour conséquence inéluctable un alignement sur les méthodes de production a bas prix des pays moins développés, dans le but d'accroître la compétitivité et à la limite d'éviter la faillite. Il en résulterait en fin de compte un démantèlement de nos législations sociales, de nos normes de sécurité sur le lieu de travail, des normes de production visant à la protection de l'environnement dans l'interêt de tous, dans nos pays et au-delà de nos pays finalement dans le monde entier, étant donné les conséquences désastreuses des destructions de l'environnement qui menacent la planète, des garanties offertes par nos produits sur le plan sanitaire (inocuïté des produits alimentaires, etc.), que nous cherchons, au niveau de l'Union européenne, de perfectionner continuellement pour répondre à des nécessités incontestables. La conséquence en serait un abaissement généralisé du pouvoir d'achat et du niveau de vie de nos populations (alors que son relèvement est précisément l'un des objectifs fondamentaux du Traité de Rome, donc du Traité de base de la Communauté européenne) , un retour à la pauvreté réelle qui régnait souvent autrefois également chez nous, mais que la Communauté européenne est parvenue à éliminer dans une très large mesure dans nos pays, où elle est, dans l'ensemble, devenue aujourd'hui la condition d'une minorité, même si elle représente encore dans certaines un pourcentage inacceptable selon nos normes.
Dans nos pays également la "globalisation" accroîtrait évidemment la richesse de certaines couches de la population déjà riches et permettrait d'accéder à la richesse à certains individus sans scrupules que nos réglementations européennes dérangent, mais il s'agirait en l'occurrence d'une petite minorité si l'on considère l'ensemble de la population, au détriment de laquelle la "globalisation"telle qu'elle est conçue par ceux qui la soutiennent se déroulerait sans aucun doute si elle était acceptée par nos dirigeants. On ne peut pas être pour l'Europe et soutenir en même temps une "globalisation" qui signifierait la destruction de tout ce que nous sommes parvenus à édifier. Si nous nous prononçons en faveur de l'Europe unie, nous devons en premier lieu défendre et protéger les interêts de nos propres peuples, de nos Nations européennes. S'agissant de lutter contre la pauvreté, nous devons en premier lieu viser à l'élimination totale de la pauvreté où elle existe encore dans nos propres pays et non à faire retourner nos propres populations aux conditions de pauvreté de jadis ou à les conduire à des conditions de pauvreté et d'esclavage identiques à celles des peuples du Tiers Monde. Il ne fait évidemment aucun doute que nous devons en même temps aider les peuples du Tiers Monde à surmonter les conditions dans lesquelles ils vivent. Mais en ce qui les concerne, notre aide ne saurait en aucune manière consister à favoriser l'intensification de leur exploitation telle qu'elle résulterait du type de "globalisation aujourd'hui de mode, qui aurait pour seul effet une dévastation frappant l'immense majorité des êtres humains et le monde en tant que tel !
Dans l'interêt de nos peuples européens et de tous les peuples de la terre nous devons avoir le courage d'agir à contre-courant de certaines modes diffusées par la petite minorité qui, dans le monde, compte tirer de l'acceptation de thèses fallacieuses des profits certes énormes, mais absolument illégitimes. Continuons donc d'oeuvrer dans la perspective d'un progrès humain réel et conforme aux traditions humanistes de nos Nations européennes, à savoir un progrès effectif non seulement dans le domaine des conditions de vie matérielles, mais encore dans le domaine moral et spirituel.
Traduction d'un article écrit en langue italienne pour la revue "l'Ordine Sociale" par Mr. André WOLFF, fonctionnaire e r au Comité Economique et Social du Parlement Européen à Bruxelles.
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