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samedi, 19 mai 2007

Volonté hégémonique américaine

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Prof. Günter ZEHM:

Ancien éditorialiste de Die Welt, collaborateur permanent de Junge Freiheit (Berlin), ancien professeur de philosophie à Halle et rédacteur du Rheinischer Merkur. Quatre ans après sa rédaction, ce texte recèle encore et toujours des principes de base pour élaborer une diplomatie offensive européenne autonome. Raison pour laquelle nous l'archivons sur ce blog.

De la volonté hégémonique des Etats-Unis

Depuis longtemps, on n'avait plus assisté à une telle unanimité en Allemagne et en Europe; tous s'in­sur­gent contre la guerre que planifient les Etats-Unis contre l'Irak. En dehors des Etats-Unis et de la Grande-Bre­tagne, personne dans le monde ne veut de cette guerre: ni le Pape ni les évêques luthériens ni les mé­tro­polites orthodoxes, ni les Chrétiens ni les Musulmans ni les Bouddhistes, ni l'UE ni l'ONU ni la Russie ni la Chine ni l'Iran. Aucune organisation internationale ne se déclare en faveur de cette guerre.

En Allemagne : union sacrée contre la guerre

En Allemagne, le front du refus court à travers tous les partis, tous les groupements politiques, unit radi­caux et modérés, pacifistes et bellicistes. Le front va de Franz Schöhuber à Heribert Prantl, de Horst Mah­ler à Jürgen Trittin, du Cardinal Lehmann au Général Schönbohm. Pourtant, les organes officiels de l'Etat ne répercutent qu'un très faible écho de ce qui se raconte partout dans le pays, dans le sauna, entre qua­tre yeux. Les préparatifs de guerre des Américains et la rhétorique belliciste de l'Administration Bush sus­ci­­tent la réprobation, l'horreur et le mépris. Sur ce sujet, pas d'illusions à se faire.

Le gouvernement fédéral allemand, fraîchement élu, qui, début février, devra présider le conseil de sécu­ri­té de l'ONU, en vertu de la procédure de rotation qui gère cette institution, se trouve face au Rubicon. Le Chancelier Schröder, dans la phase finale de sa campagne électorale, avait clairement promis, avec bel­le emphase, de se tenir à l'écart de toute guerre; il faut que cette promesse soit tenue, sans discussion inu­tile, car c'est ce qu'attendent les électeurs et les non votants, c'est ce qu'ordonne aussi la constitution. Au­cune entourloupette procédurière, aucune circonlocution alambiquée ne pourront contourner ces réa­li­tés: l'Allemagne ne peut pas, en vertu des clauses mêmes de sa constitution, mener une guerre d'a­gres­sion ou y participer. Ses obligations dans l'alliance se voient limitées par cette interdiction con­sti­tu­tion­nel­le.

Un concept de "guerre préventive" qui met hors jeu le droit des gens

La guerre que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entendent mener contre l'Irak est indubitablement une guer­re d'agression. Pas le moindre doute là-dessus! Pour être encore plus précis, il ne s'agit même pas d'u­ne guerre préventive, car l'Irak ne menace en rien les attaquants potentiels. Et quand bien même ce se­rait une guerre préventive, nous devrions nous poser la question suivante: quelle est la différence entre une "simple agression" et une "guerre préventive"? Y a-t-il vraiment une différence? Les choses sont pour­tant très simples aujourd'hui: la façon dont l'Administration Bush définit désormais les guerres préventives con­stitue en soi une agression. Le programme stratégique élaboré par le Pentagone, pour mener cette guer­re projetée, programme qui est désormais connu du grand public, met purement et simplement le droit des gens hors jeu et déforme les procédures classiques de la politique internationale et mésinter­prè­te les us et coutumes de la diplomatie traditionnelle, dans une mesure que l'on n'avait pas encore ima­gi­née jusqu'ici.

Le débat qui s'est ouvert dans ce contexte plane de fait bien au-dessus de son objet initial, la campagne mi­litaire envisagée contre l'Irak; le débat porte en effet sur la façon dont procède aujourd'hui l'Amérique à l'encontre du reste du monde; il porte sur les manières cavalières du Pentagone et de l'Administration Bush, sur la grossièreté avec laquelle ils traitent les faits et les preuves qu'avancent les autres. En règle gé­nérale, dans le monde entier, cette "diplomatie" américaine, telle qu'elle se pratique à l'avant-veille d'une guerre délibérément voulue, est considérée comme brutale et grossière, elle est ressentie comme bru­tale et stupide. Le monde semble avoir divorcé de l'Amérique.

Une nouvelle "Doctrine Brejnev"

«Tout cela me rappelle le temps ancien du soviétisme», a dit l'ancien président d'un pays d'Europe centra­le. «Le récent programme stratégique du Pentagone, d'après lequel les Etats-Unis réclament pour eux seuls le droit de mener des guerres préventives contre d'autres Etats, soit sous le prétexte d'éliminer des centrales du terrorisme soit pour tuer dans l'œuf des puissances potentielles et concurrentes, partout dans le monde, met le droit international totalement hors jeu. Il s'agit d'une sorte de nouvelle Doctrine Brejnev».

Comparer l'actuel programme du Pentagone avec la Doctrine Brejnev n'est pas une exagération, mais, au con­traire, une minimisation. L'ancienne Doctrine Brejnev, en dépit de son agressivité, maniait quand mê­me une rhétorique défensive. Seuls les "pays frères" étaient censés se voir envahir par les troupes soviéti­ques si le "socialisme" y était mis en danger. Le programme du Pentagone va plus loin: il étend le statut brej­nevien de "pays frère" au monde entier.

Tout Etat qui ne pratiquerait pas la démocratie à la façon dont l'entend Washington devient, virtuelle­ment, territoire à envahir. Par démocratie, dans ce contexte, il faut entendre un régime politique qui ne se construit pas un appareil de puissance qui pourrait devenir "dangereux" aux yeux de Washington, qui pourrait éventuellement remettre en question l'hégémonie américaine. Jamais dans l'histoire, on a osé for­mu­ler une doctrine d'impérialisme global aussi provocatrice, brutale et grossière.

La guerre imminente contre l'Irak servira de test et d'exemple. Il ne s'agit pas seulement de contrôler les champs pétrolifères du Proche-Orient et d'Asie centrale, il ne s'agit pas seulement d'imposer un nouvel or­dre politique et économique au monde arabo-musulman qui sied aux Etats-Unis et au capital financier oc­ci­dental, il s'agit en première instance de démontrer au monde entier la puissance militaire américaine, de monter comment fonctionnent les armes punitives qu'actionnent les militaires de Washington. Bush veut dire à tous les peuples du monde ceci: «Voyez, voilà ce qui arrivera dans le futur à tout pays qui se mon­trera récalcitrant au sens où l'entend la doctrine du Pentagone».

Le monde n'acceptera pas indéfiniment de vivre sous la curatelle des Etats-Unis

L'entreprise est cependant truffée de risques et condamnée à l'échec en ultime instance. Le terrorisme in­ter­national ne sera pas endigué, mais, selon l'avis de tous les observateurs sérieux, trouvera prétexte à se ré­pandre à grande échelle. Le monde connaîtra un grave déficit de sécurité et n'acceptera pas, sur le long ter­me, de se plier indéfiniment à la curatelle d'un seul Etat, d'une seule nation. L'époque des impéria­lis­mes (1789-1989) est terminée: à cela, même les rêves les plus délirants de toute-puissance, que caressent les stratèges du Pentagone, ne pourront rien changer.

Peu s'y attendent, mais l'heure de vérité est proche pour l'Europe. Ou bien elle deviendra un minable ap­­pen­dice des Etats-Unis, qui aura pour tâche de recoller les morceaux après les actes de guerre ("we bomb, you clean up" / "nous bombardons, vous nettoyez"). Ou bien elle se forge une identité propre, elle fait preuve d'unité et d'esprit de décision. Il n'y a pas de troisième terme possible.

Toutes les théories qui évoquent une "unité de l'Occident", qu'il faudrait à tout prix maintenir, fût-ce au prix d'une infériorité à jamais pérennisée, fût-ce au prix d'un rôle définitivement assigné, celui d'éternel domestique de la puissance hégémonique, sont des théories qui n'ont plus lieu d'être. Il n'y a pas d'unité oc­cidentale qui s'étende à tous les domaines de la vie, parce qu'au fond, un tel Occident n'existe pas. Ce qui existe concrètement, ce sont deux aires culturelles, certes apparentées entre elles, mais qui diver­gent fondamentalement sur le plan de leurs intérêts et de leurs traditions. D'une part, nous avons les E­tats-Unis d'Amérique et, de l'autre, l'Europe. Entre ces deux pôles, qui deviendront immanquablement an­ta­gonistes, il ne convient plus d'échanger des phrases pompeuses et solennelles. Chacun doit défendre ses in­térêts propres.

Günter ZEHM.

(article paru dans Junge Freiheit, n°3/2003 - http://www.jungefreiheit.de ).

06:10 Publié dans Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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Écrit par : Web Watcher | dimanche, 20 mai 2007

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