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vendredi, 10 août 2007

Chine / USA

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Texte déjà ancien (1999!), cet article de M. Wiesberg relève des faits permanents ou des éléments dont il faut tenir compte dans le conflit potentiel qui pourrait, dans de prochaines décennies, opposer la Chine aux Etats-Unis. Raison pour laquelle, nous l'archivons sur ce blog.

 

La confrontation Chine-USA est-elle inévitable ?

 

Le 8 avril dernier, le New York Times écrivait que des fonctionnaires du gouverne­ment américain avaient reçu au début de l’année 1996 un rapport inquiétant éma­nant d’un agent américain en place en Chine. Des collaborateurs des services secrets chinois se vantaient, rapportait cet espion, d’avoir volé des documents con­fi­dentiels aux Etats-Unis, permettant aux experts chinois d’améliorer leur pro­gram­me de bombe à neutrons. Le New York Times remarquait que cet agent a­mé­ricain a­vait dans le passé fourni des renseignements exacts et qu’on pouvait dès lors croi­re que ses informations étaient sérieuses.

 

Ce rapport était inhabituel, dans le sens où, généralement, les Américains relativi­sent les activités d’espionnage de la Chine. Le porte-paroles de Clinton, Lockhardt, a déclaré à ce propos qu’il n’y avait pas de preuves sûres permettant d’affirmer que les Chinois avaient orchestré un espionnage de grande envergure dans le sec­teur nucléaire américain.

 

Cette déclaration, sur fond d’article dans le New York Times, est une grossière dé­for­mation des faits. Déjà, le 6 mars 1999, James Risen et Jeff Gerth rapportaient dans le même quotidien que les experts ès-armes atomiques à Los Alamos sup­po­saient, après avoir examiné les données relatives à la dernière expérience nucléai­re souterraine des Chinois, qu’il y avait « une curieuse ressem­blan­ce » entre les ty­pes d’armes nucléaires récentes des Américains et des Chinois.

 

Ces indices permettent d’opérer un rapprochement avec les déclarations du député républicain Christopher Cox (Californie) relatives aux activités d’espionnage des Chi­nois aux Etats-Unis. Dans son rapport, Cox écrit, notamment, ce qui suit : « La Ré­­publique Populaire de Chine aurait dérobé des informations concernant les têtes nucléaires américaines les plus avancées. Ce vol doit être mis en rapport avec le pro­gramme d’exploration des services de renseignements chinois déployés depuis plus de deux décennies et toujours en activité. Ce programme contient, outre des ac­tivités d’es­pion­nage, un volet prévoyant d’importants projets d’échanges scien­ti­fi­ques avec des personnalités travaillant dans des institutions américaines dé­ve­lop­pant des systèmes d’armement à Los Alamos, Lawrence Livermore, Oak Ridge et Sandia.

 

Ce sont précisément ces programmes d’échanges qui ont considérablement com­pli­qué les enquêtes sur les activités d’espionnage des Chinois, d’après les en­quêteurs du FBI. Ainsi, James Risen écrit dans le New York Times du 9 mars, que les Chinois retirent souvent de gros avantages de ces pro­gram­mes d’échanges et de toutes les autres formes de contacts dans le domaine scientifique. Ils par­viennent de cette fa­çon à s’emparer d’informations importantes et considérables ; il s’avère dès lors dif­ficile de repérer le lieu et le moment de la fuite, de savoir comment des secrets mi­litaires ont pu tomber entre les mains des Chinois.

 

Les échanges académiques à fins d’espionnage

 

Un facteur supplémentaire dans la difficulté de tout contrôler : le nombre dispro­por­tionné de scien­ti­fiques américains nés à l’étranger. Tim Weiner cite à ce propos dans l’édition du 14 mars du NYT les paroles d’un diplomate américain, actif à Pékin du temps de Ronald Reagan. Celui-ci se de­man­dait avec inquiétude si, dans l’avenir, un soupçon général n’allait pas peser sur tous les scientifi­ques chinois. « Allons-nous vers une nouvelle chasse au sorcières ? », disait ce diplomate. Et il a­jou­tait : « Qu’adviendrait-il de la capacité américaine à affronter la concurrence si ces scientifiques étrangers ne travaillaient plus aux Etats-Unis ? ».

 

Le COSTIND chinois comme fer de lance de l’espionnage scientifique

 

Les Chinois utilisent les programmes d’échanges académiques pour parfaire des ac­ti­vités de rensei­gnement : cela semble clair. Nicholas Eftimiades, qui travaille au con­­tre-espionnage américain, é­crit, dans son livre Chinese Intelligence Operations, pa­­ru en 1994, que les services de rensei­gne­ment chinois utilisent une méthode a­vé­rée, lorsqu’ils poussent les scientifiques de leur pays à in­vi­ter en Chine des col­lè­gues universitaires américains dans le cadre de programmes d’échanges. Efti­mia­des constate ensuite que le COSTIND (« China’s Commission of Science, Technology and In­dustry ») prenait en charge tous les frais entraînés par les programmes de visite. Après les heures de cours avec les collègues américains, fixés dans le programme, des « séances spéciales » étaient organisées, en présence d’experts du COSTIND, qui sondaient de manière appropriée les scien­tifi­ques américains. En résumé, Efti­mia­des constate que le COSTIND envoie des scientifiques chinois aux Etats-Unis, a­fin de glaner toutes sortes d’informations pour développer les systèmes d’arme­ment chinois.

 

D’autres informations en ce sens nous ont été fournies par le texte des positions pri­ses par le gou­ver­nement US après l’audition de Peter Lee, un scientifique sino-amé­ricain, soupçonné d’es­pion­na­ge au profit de la Chine. Dans ce texte, on trouve éga­lement des déclarations du fonctionnaire du FBI Gilbert R. Cordova, qui a acté ce qui suit : « Il y a en Chine surtout deux institutions scien­tifi­ques, qui s’occupent d’espionner les scientifiques américains : la CAEP (Académie Chinoise des Ingé­nieurs en Physique) et l’IAPCM (Institut de Physique Appliquée et de Mathématique In­formatique). Ces deux institutions ont pour attribution de planifier et de déve­lop­per le programme de l’arme­ment nucléaire chinois.

 

Les renseignements que les Chinois auraient dérobé aux Etats-Unis auraient permis, selon le Rapport Cox, de construire des têtes nucléaires modernes et de les tester avec succès. Ce qui chagrine surtout les Américains, c’est que le développement de leur nouveau type de tête nucléaire, mis au point à Los Alamos pour servir au dé­part de sous-marins, le W-88 (W = Warhead), a été espionné a­vec une quasi certitu­de par les Chinois.

 

L’importance du missile W-88

 

Le W-88 est utilisé sur les fusées Trident D-5 SLBM (= Submarine Launched Ballistic Missile). La ca­rac­téristiques principale de ces têtes modernes, c’est qu’une seule fusée peut en transporter plu­sieurs. De cette façon, la charge explosive de 12.500 tonnes de TNT (celle de la Bombe « Little Boy » d’Hiroshima) peut être augmentée jusqu’à 300.000 tonnes. Cela signifie, par exemple, que les fu­sées inter-continen­ta­les américaines « Peacekeeper » (portant la tête W-87) peut transporter 24 fois la charge de la bombe atomique d’Hiroshima.

 

Le Rapport Cox part du principe que les Chinois possèdent désormais des connais­san­ces sur la con­struction et le fonctionnement de toutes les têtes nucléaires uti­li­sées par l’armée américaine au­jourd’hui.

 

Quelles pouraient être les conséquences de cet état de choses pour les Etats-Unis dans les circon­stances actuelles ? Telle est la question que posait l’ancien ministre de la défense Perry dans les co­lonnes du NYT, le 15 mars. Avec ou sans la tête nu­cléaire W-88, la Chine est désormais en me­su­re de menacer directement les E­tats-Unis. Perry sait de quoi il parle. Il a visité la Chine ce prin­temps et a rencon­tré de très hauts représentants de l’armée chinoise ainsi que le Président Jiang Ze­­min. Les Etats-Unis doivent s’attendre à ce que la Chine augmente considérable­ment son po­tentiel militaire dans les années à venir. La Chine va devenir un facteur de puissance à l’échelle glo­bale. Le défi consiste à savoir comment les Etats-Unis réagiront à cette nouvelle donne.

 

La Chine combat la domination globale de l’Occident

 

Dans le même quotidien toutefois, Bates Gill, spécialiste des questions militaires chi­noises auprès du célèbre Institut Brookings, écrit que, même si la Chine troquait ses têtes nucléaires habituelles contre de nouvelles têtes multiples, les Etats-Unis conserveraient leurs avantages stratégiques et resteraient dominants. Toutefois, les opérations stratégiques américaines s’avèreraient plus com­pliquées, vu les a­van­­cées de l’armement chinois.

 

Il faut néanmoins retenir l’hypothèse que la Chine et les Etats-Unis deviendront ra­pi­dement des con­currents sur la scène internationale. C’était déjà vrai quand la Chi­ne accusait un retard techno­logique important en matière d’armements nuclé­ai­res. C’est aussi l’avis de deux experts américains des questions asiatiques, Ri­chard Bernstein et Ross H. Munro, dans leur dernier livre The Coming Conflict with China (New York, 1997). Ces deux auteurs défendent la thèse suivante : l’antagonisme en­tre la Chine et les Etats-Unis constituera le premier grand conflit du 21ième siè­cle. Cette rivalité entre les deux super-puissances s’étendra à tous les domaines de concurrence : le secteur militaire, la stabilité économique, l’hégémonie sur d’au­tres nations et, surtout, là où l’Ouest estime avoir une chasse gardée : le plan des normes et des valeurs internationales.

 

La Chine cherche à être la puissance dominante dans l’Extrême-Orient pacifique

 

Bernstein et Munro perçoivent un conflit d’intérêt quasi sans solution et très dur entre la Chine et les Etats-Unis. Nos deux auteurs disent qu’au cours du siècle é­cou­lé, les Etats-Unis se sont efforcés d’empêcher la domination exclusive d’un seul Etat dans la région extrême-orientale de l’Asie. Or c’est cette domination que cherche à asseoir la Chine aujourd’hui. Automatiquement, les intérêts des deux pays entreront en collision.

 

Ensuite, Bernstein et Munro constatent que la Chine coopère étroitement avec la Russie, apporte son aide technologique et politique à des Etats islamiques en Afri­que du Nord et en Asie centrale et consolide ses positions en Asie orientale, ce qui l’amène dans un réseau dense d’Etats dont l’ob­jec­tif est de contester fondamen­ta­lement les objectifs politiques des Américains. Tous ces Etats sont liés par un rejet commun de la domination occidentale. Bernstein et Munro concluent donc que la Chi­­ne ne peut plus être considérée comme un allié stratégique, mais comme un ad­ver­saire des E­tats-Unis, qui le restera sur le long terme.

 

Pour étayer leurs thèses, les deux auteurs avancent les arguments contenus dans un livre (« L’armée chinoise peut-elle gagner la prochaine guerre ? »), qui n’était jus­qu’ici qu’un document interne, seulement accessible pour les plus hauts fonc­tion­naires. Par une négligence, ce livre s’est retrouvé à l’étal d’une librairie de Pé­kin, où un citoyen américain a pu en acheter un exemplaire. Grâce à l’ini­tiative personnelle de ce citoyen, l’Occident a pu se faire une meilleure image des in­ten­tions chi­noises.

 

Les auteurs chinois de ce livre disent que la région asiatique du Pacifique deviendra prioritaire dans la stratégie américaine après l’an 2000. La Chine est donc con­train­te d’agir, écrivent-ils, tant que les Américains sont occupés ailleurs. Ils consta­tent : « Le poids majeur des confrontations militaires à la fin de ce siècle et au dé­but du siècle prochain se concentrera sur les guerres régionales. Celui qui, dans la pha­se de transition, prendra des initiatives, acquerra une position décisive dans le fu­tur ordre militaire ». Ensuite, les auteurs chinois écrivent : «Vu leurs intérêts é­co­nomiques et politiques divergents dans la région du Pacifique en Asie, ces deux E­tats (les Etats-Unis et la Chine) vont se trouver en état de confrontation per­ma­nen­te ».

 

Les enjeux économiques freinent la confrontation

 

Cette analyse montre clairement que le concept de « partenariat stratégique », for­gé par les Pré­sidents Clinton et Jiang Zemin, ne vaut même pas le prix du papier sur lequel il est imprimé. Pour­quoi, dès lors, les Etats-Unis se montrent-ils si mo­dé­rés à l’égard de la Chine ? Question légitime dans le contexte que nous venons d’é­vo­quer. Bernstein et Munro y apportent une réponse : ils nous parlent de l’influen­ce croissante du « lobby chinois » aux Etats-Unis. Il existe également toute une sé­­rie d’hommes politiques connus aux Etats-Unis, dont le plus célèbre est l’ancien mi­nistre a­mé­ri­cain des affaires étrangères Harry Kissinger, qui se sont recyclés en con­seillers ou en intermédiaires pour les entreprises américaines actives en Chine et touchent par là de plantureux honoraires. Kis­singer lui-même, disent Munro et Bern­stein, aurait fondé une entreprise (« Kissinger Associates »), qui aurait pour tâ­che de représenter un « grand nombre de sociétés américaines faisant des af­faires avec la République Populaire de Chine ». Elles paieraient royalement l’an­cien mi­nis­tre des affaires étrangères pour les « contacts exceptionnels qu’il favoriserait avec les détenteurs du pouvoir en Chi­ne ».

 

Kissinger, figure du proue du lobby chinois

 

Vu ces circonstances, on ne s’étonnera pas que Kissinger s’est abstenu de tout com­mentaire désob­li­geant à l’égard du massacre de la Place Tien An Men et a mê­me demandé à ses compatriotes de com­prendre l’attitude du pouvoir chinois. Une condamnation trop véhémente du massacre aurait com­promis ses très bons con­tacts avec les sphères du pouvoir à Pékin et donc aurait eu des con­sé­quences fi­nancières importantes.

 

Les Chinois savent y faire quand il s’agit d’instrumentaliser les intérêts économi­ques américains en leur faveur. Les hommes politiques américains, qui se montrent trop critiques vis-à-vis de la Chine, perdent rapidement tout crédit auprès des puissants de Pékin. Cette situation explique pourquoi le gouvernement de Clinton adopte un profil bas dans l’affaire d’espionnage actuelle. Les intérêts économiques oblitèrent encore une réalité stratégique qui évolue vers la confrontation Washington-Pékin. Celle-ci sera inévitable.

 

Michael WIESBERG.

(ex : Junge Freiheit, n°24/1999).

03:20 Publié dans Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

En coulisses, la CIA travaille depuis longtemps sur l'écroulement de ce collosse aux pieds d'argile...

Écrit par : Nebo | samedi, 11 août 2007

Selon l'adage "Divide ut impera", bien pratiqué par l'Empire britannique. Si la Chine est unie et ouverte au commerce des puissances maritimes, c'est une bonne Chine unitaire. Si elle est unie et fermée (cf. "L'Empire immobile" d'Alain Peyrefitte), elle devient ipso facto une mauvaise Chine, qu'il faut fractionner et saucissonner pour l'avaler par petits morceaux.

Écrit par : Serge Herremans | mercredi, 15 août 2007

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