jeudi, 13 septembre 2007
G. Reisegger: Entretien à POLITICA (Belgrade)
Entretien de Gerhoch Reisegger accordé à la revue POLITICA (Belgrade)
Propos recueillis par Dragos KALAJIC, lors de la 7ième Université d’été du Groupe de réflexion grand-européen « Synergies Européennes » (Perugia, août 1999)
Q. : Quelle est la différence entre les écoles économiques anglo-saxonnes et la conception allemande traditionnelle de l’économie, théorisée par des esprits comme Friedrich List, Othmar Spann, Alois Schumpeter ou par leur élève français François Perroux ? Ici, en Serbie, la plupart des observateurs, journalistes, politologues ou politistes ne sont pas capables de discerner les concepts de la pensée économique allemande ou d’évoquer des écoles économiques ; malheureusement pour nous, nos élites économiques et universitaires ne connaissent que les concepts, théorèmes et dogmes de l’école libérale anglo-saxonne et du capitalisme anglo-saxon. Pour eux, le concept fondamental qui devrait présider à la reconstruction de la Yougoslavie est le suivant : « Trouver du capital et accepter pour cela toutes les conditions ». Aujourd’hui, mêmes les Yougoslaves ne font qu’ânonner les dogmes du libéralisme à l’américaine…
GR : Ma position est le contraire diamétral des dogmes néo-libéraux. Selon ces dogmes, le capital (les « investissements directs ») conduit à l’essor de l’économie (nationale), ce qui conduit à l’opinion suivante : « Le capital crée le travail », alors que c’est le contraire qui est vrai, c’est « le travail qui crée le capital » ! On devrait se focaliser sur l’économie réelle et non pas sur l’économie « virtuelle ». Il faut donc refaire fonctionner l’économie nationale en toutes circonstances et même tenter d’inverser la vapeur, aller à contresens de la tendance générale à la globalisation. Cela implique de poursuivre des objectifs économiques déduits de priorités politiques nationales. La hiérarchie des valeurs devrait donc être : culture, politique, économie (et non l’inverse). L’économie n’est jamais qu’un moyen et non pas un but en soi au sein de tout Etat national qui se respecte et qui agit en faveur de l’ensemble de sa population.
Q. : Comment la conception économique d’un Hjalmar Schacht pourrait-elle être appliquée en Yougoslavie, si du moins, cela s’avère possible ?
GR : Schacht, dans le fond, était un partisan du libre marché, mais il a dû affronter les conditions de la grande dépression de l’économie mondiale, c’est-à-dire le chômage de masse en Allemagne, les impositions du Traité de Versailles et le manque cruel de devises en Allemagne, avec, simultanément, un besoin urgent de matières premières pour l’industrie allemande. Il a donc dû imposer des contrôles très stricts du marché des devises et du commerce extérieur. Afin d’obtenir des devises étrangères (un allongement du crédit n’était pas possible à cette époque), il proclama le « nouveau plan », afin de diriger les flux d’exportations et d’importations en direction des pays, qui acceptaient des compensations en produits finis allemands pour leurs importations en Allemagne de matières premières. Les offices du commerce extérieur allemand ont reçu pour mission d’acheter moins de produits finis, mais davantage de matières premières ou de produits semi-finis (y compris des denrées alimentaires), pour augmenter la valeur des créations et réalisations industrielles allemandes et épargner les réserves de devises.
Cette façon complexe de pratiquer le commerce extérieur a été possible dans la mesure où l’on a pratiqué, en fait, une économie de troc. Ainsi l’Allemagne a réussi à inverser la vapeur et à effacer sa balance commerciale négative et sa balance des paiements, également négative. Elle a même pu avoir un très léger excédent d’exportations. Autre mesure prise pour des raisons économiques : la substitution de matières premières chaque fois que cela était possible, afin de juguler la dépendance importante de l’Allemagne vis-à-vis des matières premières importées (ce qui permettait aussi d’économiser les réserves de devises). Pour modifier les habitudes d’achat et de production de diverses branches de l’industrie allemande, qui devaient, selon la nouvelle politique, travailler de préférence avec des matières de substitution, le ministère de Schacht a pris une série d’autres mesures : il a favorisé la recherche pour que l’on sache, dans le pays, travailler de manière optimale avec ces nouvelles matières. Il a fallu ensuite construire de nouvelles installations industrielles, éviter la constitution de monopoles, etc.
L’objectif de l’autarcie allemande et le principe de substituer, autant que possible, les matières premières habituellement importées, n’était pas le résultat d’une théorie de l’autarcie ou d’une idéologie autarciste, qui aurait été le propre de la NSDAP nationale-socialiste, mais a tout bonnement été imposé par les circonstances : l’Allemagne souffrait d’un déséquilibre entre ses exportations de biens et de services (et donc d’un manque de devises) et la nécessité inconditionnelle de payer ses importations à l’aide de devises (qu’elle n’avait pas en suffisance) (1). Le système économique allemand entre 1933 et le début de la seconde guerre mondiale n’a nullement été une « économie de guerre » placée sous la direction d’un instance centralisée (2). Mais ce système n’a pas été représenté uniquement par Schacht. D’autres personnalités et d’autres économistes l’ont impulsé et incarné. Aujourd’hui, l’Allemagne paria d’après Versailles nous semble être un modèle pour la Yougoslavie paria d’après les bombardements de l’OTAN.
Q. : L’Europe aura-t-elle un jour la force de secouer le joug de la pensée économique anglo-saxonne ?
GR : Oui, si l’Europe met volontairement un terme à son statut de protectorat des Etats-Unis. Ensuite, si l’actuelle économie mondiale s’effondre et si les Etats-Unis sont précipités dans le chaos. Malheureusement, les « élites » européennes ne sont pas du tout préparées à affronter de telles catastrophes. Pourtant, si un tel état de détresse devient réalité, il n’y aura pas d’autre issue que de mettre un terme au type d’économie « virtuelle » que les Etats-Unis ont imposé au monde.
Q. : La Yougoslavie peut surtout offrir un surplus d’énergie (électrique), de produits agricoles (blé), même si cette énergie et ces produits agricoles ne sont pas produits selon des critères écologiques rigoureux, et des techniques de communication (y compris la possibilité de les fabriquer). Comment ces atouts de l’économie yougoslave pourraient-ils être valorisés, pour accéder plus aisément aux marchés ouest-européens, est-européens et asiatiques ? Que devrait faire l’homme politique qui occuperait le poste de ministre des affaires économiques pour restaurer la position de notre pays dont les atouts sont, je le répète, l’énergie, l’agriculture et les technologies de la communication ? Surtout s’il doit faire face à un déficit de moyens financiers, s’il ne reçoit aucun crédit du FMI et s’il doit tenir compte de l’embargo imposé au pays…
GR : En aucun cas, il ne faut accepter de l’argent du FMI ni accepter un quelconque « accord politico-économique », qui porterait atteinte à la souveraineté du pays ou qui vous enlèverait, à vous les Serbes, le droit de façonner les institutions de votre pays comme vous l’entendez. Une telle politique de subordination signifierait la fin de toute stratégie nationale propre dans la reconstruction de votre économie. Si vous ne comprenez pas cela clairement, il me semble oiseux de parler de « compromis » ou d’ «alternatives », qui engloberaient les « economic adjustment policies » du FMI ou poseraient celles-ci comme des conditions incontournables. L’application de telles idées débouchent toujours sur le chaos, la destruction du tissu économique et la perte de la souveraineté nationale dans les pays qui croient naïvement aux dogmes du néo-libéralisme. Pourquoi ? Parce que les dettes ne cessent d’augmenter auprès du FMI et des banques anglo-américaines.
Q. : Comment jugez-vous les plans de Georges Sörös pour l’Europe de l’Est : les peuples de cette région devraient s’unir au sein d’une Union Balkanique qui abolirait les frontières entre les Etats actuels (Yougoslavie, Macédoine, Roumanie, Bulgarie) et donc aussi les barrières douanières. Les pertes en matière de recette, jusqu’à des montants de 5 milliards de dollars ou d’euros, seraient compensées par la Commission de l’UE, l’Euro deviendrait la seule monnaie en cours dans cette Union Balkanique.
GR : C’est une stratégie qui vise la destruction des Etats nationaux. Mon compatriote, le philosophe et théologien Friedrich Römig a constaté : «La monnaie, c’est l’Etat ! » ou, inversemment, « L’Etat, c’est la monnaie ! ». Si l’on renonce au droit de battre monnaie, toute souveraineté apparente n’est qu’illusion. De tels projets, qui n’ont aucun modèle dans l’histoire ou dans l’histoire politique, qui n’ont aucune justification éthique, ethnique ou autre, débouchent forcément sur le chaos, sur la perte de l’autodétermination des peuples dans le façonnage de leur propre destin. En fait, le projet de Sörös est un projet qui vise à faire de l’ensemble de la péninsule balkanique un protectorat occidental. De plus, l’UE elle-même, dans sa constitution actuelle, n’est pas en mesure de garantir quoi que ce soit ; elle n’est pas sûre de survivre à la première crise économique sérieuse, alors qu’une crise de grande ampleur est manifestement proche…
Q. : Quel est le rôle et la signification de l’euro ou du dollar, quelles sont les conséquences de l’introduction de l’euro (même d’un euro fort) pour l’économie ?
GR : L’euro n’est nullement pris au sérieux par les Américains. Si les Etats-Unis percevaient dans l’euro un danger pour le dollar, l’euro n’aurait même pas été inventé. Nous pensons dès lors que l’euro n’est pas un avantage pour l’Europe, et surtout par pour l’Allemagne, qui perd ainsi sa dernière possibilité d’influencer le destin de l’Europe ou d’exercer une forme, même minime, de puissance sur notre sous-continent. De cette façon, la vieille recette s’applique toujours : il faut entraver et juguler l’Allemagne. La chute du cours de l’euro face au dollar montre très bien les faiblesses de cette nouvelle monnaie. Quant aux réévaluations plus récentes, elles sont artificielles, elles sont des manipulations du Japon et de la Banque Centrale Européenne (BCE), mais cela n’a absolument rien à voir avec la fin de la guerre en Yougoslavie ou avec une amélioration de la situation économique en Europe. Tout cela, c’est de la propagande.
Les raisons « techniques » de ces fluctuations de l’euro résident dans les différences en matières de législations sociales, fiscales, et de droit du travail, etc. et vouloir placer ces innombrables différences sous le dénominateur commun d’une seule monnaie contribuera à plonger les économies nationales réelles dans le désordre. Les diverses priorités d’ordre politique dans les Etats membres ne nous permettent pas d’augurer une politique cohérente de la part de la BCE (il suffit de se rappeler les débats qui ont eu lieu à propos de l’élection du premier président de cette BCE : Duisenberg a été élu pour la moitié du temps qui aurait normalement dû lui être accordé, pour laisser la place au Français Trichet ; ces discussions laissent clairement entrevoir les difficultés futures…).
Les analyses financières les plus récentes prévoient d’ores et déjà un effritement de l’union monétaire, dès que les premiers signes d’un crash du système financier international apparaîtront. Les démissions du ministre américain des finances R. Rubin et du vice-ministre des finances japonais E. Sakarikaba (surnommé « Mister Yen ») ont certainement pour cause l’éventualité fort probable d’un crash. Sakarikaba a clairement donné cette raison pour expliciter sa démission (3).
Q. : Même si les sociaux-démocrates sont au pouvoir en Europe, ce sont eux qui détruisent de facto les institutions de l’Etat-Providence et tous les filets de sécurité sociale, tissés au cours de longues décennies de luttes ouvrières. Ils remplacent les institutions sociales européennes par les principes du néo-libéralisme.
GR : Oui, effectivement, ce sont les socialistes actuels qui détricotent les filets de la politique sociale, tissés par leurs prédécesseurs ! On peut dire clairement aujourd’hui qu’ils ne sont plus du tout les représentants des intérêts sociaux de la population, mais les laquais des puissances financières hégémoniques dans le monde. On peut aussi les accuser d’être des voleurs, car ils tentent, dans l’opération, de rafler un maximum pour leurs propres poches. Les anciennes différences entre socialistes et conservateurs, entre verts et libéraux, ont fini par disparaître et perdre toute signification : tous, sans exception, mettent en pratique les penchants les plus frauduleux de la partitocratie et sont totalement corrompus. La seule chose qui les préoccupe, c’est d’être réélus et de conserver leurs « jobs ».
Q. : Quelles expériences avez-vous eues avec des élites balkaniques ?
GR : Je me suis aperçu qu’elles étaient bien souvent naïves, quand elles demandent des aides substantielles aux organisations internationales ou au FMI. Elles sont obnubilées par le néo-libéralisme sans en connaître, au fond, les principes pervers. Lorsque ces élites économiques balkaniques se présentent dans les conférences internationales, comme à Davos ou au « South European Summit » de Salzbourg ou aux conférences sur la « reconstruction », organisées par le FMI, la Banque mondiale ou l’UE, elles viennent, parfois sans s’en rendre compte, recevoir des ordres. Il semble qu’elles n’ont pas compris les mécanismes en place…
Dans la plupart des pays, la « démocratisation », toujours suivie de la « privatisation », de la « libéralisation » et de la « dérégulation », conduit à une destruction massive des capacités de production, accompagnée d’un taux de chômage catastrophique et, pire, dans les pays agricoles, d’une pénurie de denrées alimentaires (avec des débuts de famine !), parce que la dérégulation néo-libérale ruine l’agriculture. L’erreur n’a pas été de procéder à une « démocratisation » insuffisante, mais d’avoir repris et appliqué le système néo-libéral dans son ensemble et de manière a-critique.
D’abord, ce système ne pouvait pas s’appliquer dans une économie de type traditionnel. Ensuite, il n’y avait pas les conditions-cadres nécessaires (d’ordres institutionnel, légal, juridique et autres) ni suffisamment de cadres formés à ces écoles anglo-saxonnes, pour que ce type d’économie puisse s’organiser. Mais, chose plus importante encore, l’ensemble du processus de néo-libéralisation consiste en une « reprise en main par l’ennemi », en la personne de spéculateurs (le capital international, des trafiquants de toutes espèces, des escrocs). Finalement, le système néo-libéral a atteint son point terminal, le crash, comme nous pouvons le constater à la suite ininterrompue de crises dans le monde entier. L’illusion, qui consiste à croire que, si le système ancien était mauvais, le nouveau devait automatiquement être bon, est une conclusion complètement erronée. Il ne s’agit pas de cela. Si on prend conscience de QUI, ici en Europe orientale, dans des délais très brefs, en est venu à dominer l’industrie, le système bancaire ou les médias, on s’étonne et on se demande comment cela a-t-il pu se faire… Sont-ce des événements normaux ? Ou un processus téléguidé de l’extérieur par des forces anonymes et secrètes ? Pour trouver réponse à ces questions, il suffit de se demander « Cui bono ? », « A qui profite le crime ? ».
Q. : Quelles sont vos impressions après votre voyage en Serbie, frappée par les bombardements de l’OTAN ? Sur le plan géopolitique, que signifie la Serbie pour vous ? Garde-t-elle une signification dans l’affrontement futur entre l’Europe et les Etats-Unis ?
GR : La Serbie a été, est et restera très importante pour des raisons géopolitiques. Elle se situe au carrefour de plusieurs lignes de communication entre l’Europe et l’Asie. Si l’on songe à la résistance que vient d’opposer la Serbie à l’impérialisme américain et aux pressions hégémoniques de Washington, alors on peut dire, sans hésitation, que les Serbes, une fois de plus dans l’histoire, ont pris en charge la mission très difficile de défendre l’Europe contre le despotisme d’une puissance étrangère à l’espace européen. La Serbie est donc le dernier pays d’Europe à opposer une résistance au nouvel ordre mondial annoncé jadis par Bush, Président des Etats-Unis. Je me souviens d’avoir lu un livre très ancien, publié au début du siècle, qui avait pour titre « Die Serben – Wächter des Tores » (= « Les Serbes, gardiens de la porte »). Ce livre est plus actuel que jamais. Malgré toutes les nuées de la propagande, l’exemple donné par le peuple serbe cette année a changé la situation de manière décisive. Car les Etats-Unis n’ont pas atteint le but de leur guerre : ils n’ont pas un modèle casuel pour justifier d’autres interventions, comme par exemple, en Tchétchénie contre la Russie ; ils n’ont pas pu installer une nouvelle « international law » en mesure de sa passer d’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU ; ils n’ont pas pu étendre leur contrôle à l’ensemble du territoire serbe, c’est-à-dire à l’extrémité occidentale du « pont terrestre » de la « route de la soie », et de remplacer les forces de sécurité de l’ONU par l’OTAN. L’exemple serbe est donc de première importance, surtout sur le plan mental.
ADDENDUM : Réflexions sur les notions de « terre » et de « mer » (Carl SCHMITT)
Pour répondre plus en détails à votre question sur les différences entre économie anglo-saxonne et économie allemande, il faut d’abord bien comprendre la différence fondamentale qu’il y a entre « terre » et « mer », comme Carl Schmitt l’a démontré dans son œuvre. Il a notamment approfondi ces concepts dans tous leurs aspects dans son ouvrage intitulé Der Nomos der Erde (= Le Nomos de la Terre). Les différences entre les pays qui tiennent leur puissance de la mer, comme l’Angleterre et plus tard les Etats-Unis, et ceux qui la tiennent de la terre, comme l’Allemagne, la Russie et la Chine, sont considérables. Je conseille à tous de lire attentivement l’œuvre de Carl Schmitt pour comprendre réellement combien les différences dans les forces motrices intérieures des pays maritimes et des pays continentaux sont fondamentales. Les puissances maritimes basent leur économie sur le commerce mondial illimité et exercent dès lors leur contrôle sur les mers, en tous points du globe. Elles occupent les têtes de pont stratégiques les plus importantes dans le monde entier : Gibraltar pour les Britanniques, Panama pour les Américains, Suez, etc. (4).
Une caractéristique : ces puissances maritimes veulent la concurrence illimitée entre des marchés « libres », dans le monde entier, le commerce ne peut connaître d’entraves. L’OMC/WTO et d’autres organisations internationales comme le Mercosur, l’ALENA et l’UE servent d’instruments à cette idéologie du libre-échange planétaire. Lorsqu’une économie nationale particulière a un marché solvable, génère une surproduction mais se ferme au principe du libre marché, alors les Etats-Unis appliquent, sans fard ni hésitation, leur stratégie habituelle de répression, qu’avait annoncé en son temps le Président Wilson : « S’ils ne veulent pas nous ouvrir leurs portes, alors nous allons les enfoncer… ». Exemple : le blocus subi par le Japon au 19ième siècle et perpétré par la flotte américaine ; plus tard, à partir de 1937, ces blocus directs ou indirects, ont obligé les Japonais, qui dépendaient cruellement des matières premières, à faire une guerre qu’ils ont perdue.
Aujourd’hui, les méthodes sont plus subtiles. A côté de « l’économie réelle » (investissements dans la production), dominent en économie les « financial markets ». On devrait plutôt les appeler des « marchés virtuels », car ils sont complètement détachés de l’économie réelle ; leurs transactions sont en fait des jeux d’ordinateurs, aux caractères hautement spéculatifs.
Les problèmes majeurs liés à ce type de marchés virtuels sont les suivants :
- moins de 1% des transferts financiers quotidiens concernent la paiement effectif de biens réels et de véritables services. Plus de 99% sont de nature purement spéculative.
- Les « dérivats », tels qu’on les appelle, sont en réalité purement virtuels et relèvent de l’économie casino. Ils ressemblent à ces jeux de pyramides financières et, par définition, sont des escroqueries graves et des attentats criminels contre les économies nationales et contre l’économie mondiale. Pire : la « bulle d’air » générée par les spéculations de cette économie virtuelle peut éclater à tout moment et précipiter l’ensemble du système financier et monétaire du monde dans le chaos, avec toutes les conséquences d’un effondrement économique général, frappant toutes les économies nationales, la perte de toutes les épargnes des familles et d’une masse incalculable d’emplois, la pénurie générale de tous les biens importants. Un tel crash ferait apparaître celui de 1929/1930 comme une broutille sans importance !
- Depuis quelques temps, l’ampleur des transactions spéculatives a dépassé la masse dominable. Les évaluations à la fin de l’année 1997 estiment que les « investissements » de ce type —et ils ne sont pas tous répertoriés ; de plus, parler « d’investissements » en cette matière est déjà une escroquerie— s’élèvent à 120.000 milliards de dollars. La Banque internationale des paiements rapporte que le taux de croissance de cette bulle spéculative est de 60% par an !
(La suite de cette étude de Gerhoch Reisegger dans notre prochain recueil ; version allemande parue dans la revue Staatsbriefe à Munich, http://members.tripod.de/staatsbriefe – version anglaise disponible chez l’auteur reisegger-gerhoch@netway.at ou chez robert.steuckers@skynet.be ).
Notes :
1. Hans KEHRL, Krisenmanager im Dritten Reich.
2. C’est immédiatement visible lorsque l’on observe les chiffres des budgets pour la défense et les questions militaires en pourcents du BNP :
Dépenses pour les questions militaires :
1933/34 : 1,9 milliards de RM = 4% du BNP
1934/35 : 1,9 milliards de RM = 4% du BNP
1935/36 : 4,0 milliards de RM = 7% du BNP
1936/37 : 5,8 milliards de RM = 9% du BNP
1937/38 : 8,2 milliards de RM = 11% du BNP
1938/39 : 18,4 milliards de RM = 22% du BNP
A titre de comparaison en 1934 : France : 8,1% du BNP ; Japon : 8,4% du BNP ; Union Soviétique : 9,0% du BNP ; Angleterre : 3,0% du BNP. Ce n’est qu’au début de la guerre que les dépenses de l’armée allemande et de l’industrie de guerre ont été comparables à celles des autres puissances.
3. Le journal financier australien Australian Financial Review a dévoilé les véritables raisons de la démission du vice-ministre des finances japonais, Eisuke Sakakibara (alias « Mister Yen »), responsable du département « finances internationales ». Sakakibara entrevoyait parfaitement la possibilité d’un gigantesque crash. « Il a dit à un ami qu’il n’insisterait pas pour rester un an de plus à son poste parce qu’il croyait que Wall Street allait crasher endéans cette période et qu’il ne voulait pas être responsable de la résolution des problèmes résultant de ce crash au Japon ». Plus loin, la magazine financier australien écrit : « Non seulement l’économie américaine s’effondrera, mais l’ensemble du système capitaliste global sera menacé ». Il est assez inhabituel qu’un ministre parle un tel langage. Sakakibara est l’homme qui a inventé un terme moqueur pour désigner l’économie américaine : « bubble.com ». « Les Etats-Unis seront aux premières loges quand la bulle internet va éclater et crasher ».
4. Dans The Grand Chessboard, Z. Brzezinski énumère toutes les positions stratégiques importantes du globe et les régions géopolitiquement importantes. D’un point de vue européen, nous ne partageons pas toutes ses analyses : elles sont néanmoins cohérentes dans les plans de l’hégémonisme américain.
01:55 Publié dans Affaires européennes, Entretiens, Eurasisme, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.