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lundi, 31 décembre 2007

Restauration poutinienne et nouvelles perspectives géopolitiques

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Robert Steuckers :

Russie : restauration poutinienne et nouvelles perspectives géopolitiques

 

Si l’on évoque la restauration poutinienne en Russie, après le terrible ressac vécu par l’ancienne superpuissance communiste sous le règne, somme toute assez bref d’Eltsine (1), il convient de le faire correctement : non pas dans le simple but d’énoncer des faits qui concernent un monde différent du nôtre, mais bel et bien dans la perspective de construire une alternative géopolitique solide face aux projets d’assujettissement de l’Europe et du reste du monde, projets que cultive la seule hyperpuissance encore en lice, à savoir les Etats-Unis.

 

Cette perspective géopolitique ne saurait être une construction de l’esprit, toute nouvelle, sans racine. Les relations euro-russes ont au contraire des racines anciennes et l’Axe Paris/Berlin/Moscou que préconisait naguère Henri de Grossouvre est, outre une impérieuse nécessité, le prolongement et la réactualisation d’un projet vieux de près d’un quart de millénaire. La perspective eurasienne, dans notre famille politique malheureusement fort réduite en nombre et en taille, se réfère assez souvent au rêve du national-bolcheviste allemand Ernst Niekisch, qui avait imaginé, dans les années 20 et 30 du 20ième siècle, une alliance germano-slave, fondée sur le paysannat et le prolétariat, prête à bousculer un Occident vermoulu, idéologiquement arrêté aux schématismes des Lumières du 18ième. Plus fondamentalement, nous percevons, aujourd’hui, après l’inévitable détour par Niekisch, des préludes cohérents à l’Axe de Henri de Grossouvre dans l’Alliance des Trois Empereurs sous Bismarck et sous les tsars germanophiles du 19ième et dans l’alliance de facto qui, dans le dernier quart du 18ième, unissait la France de Louis XVI, l’Autriche et la Russie de Catherine II, permettant de battre la thalassocratie anglaise à Yorktown en 1783 et à chasser les Ottomans de la Mer Noire et à les contenir dans les Balkans (2). La Révolution française ruinera cette unité et ces acquis, qui auraient pu faire le salut de l’Europe, en lui permettant de garder sa cohérence et de parachever l’assaut contre les Ottomans.

 

1759 : année clef

 

Mais déjà avant cette alliance générale, à la veille de 1789, la France, l’Autriche et la Russie avaient uni leurs forces pendant la Guerre de Sept Ans. Un historien anglais actuel vient de démontrer que ce conflit intérieur européen avait permis à l’Angleterre, puissance insulaire située en marge et en face du continent, de jeter les bases réelles de son futur empire extra-européen, à partir de l’année clef que fut 1759 (3). L’art des historiens anglo-saxons de remettre l’histoire intelligemment en perspective ramène ainsi à notre mémoire vive deux faits géostratégiques devenus permanents : 1) utiliser une puissance européenne pour déséquilibrer le continent et rompre son unité ; l’instrument de cette stratégie fut à l’époque la Prusse ; 2) profiter des guerres européennes pour porter la guerre hors d’Europe, sur des fronts plus dégarnis et y engranger de solides dividendes territoriaux et stratégiques sans grandes pertes et sans gros frais, comme ce fut le cas au Canada et en Inde, d’où fut évincée la France.

 

Lorsque nous analysons aujourd’hui le réveil russe de Poutine, c’est donc dans la perspective de retrouver les alliances stratégiques stabilisatrices d’avant 1789, où les idéologies modernes, bellogènes à l’extrême en dépit de leur pacifisme autoproclamé, ne jouaient encore aucun rôle déstabilisateur. Entrons maintenant dans le vif du sujet.

 

De Gorbatchev à Eltsine, la Russie semblait galoper tout droit vers le chaos, vers une nouvelle « Smuta », un nouveau « Temps des Troubles » : perte du glacis est-européen, perte de la périphérie balte et caucasienne, perte des acquis territoriaux en Asie centrale, etc., effondrement de la monnaie et ressac social et démographique sur toute la ligne. Eltsine, figure d’abord positivement médiatisée pour avoir annoncé la fin du communisme, juchée sur un char d’assaut ; en dépit de cette image, il inaugurera toutefois un régime sans aucune colonne vertébrale : les oligarques en profitent pour acquérir personnellement, par toutes sortes de stratagèmes douteux, les richesses du pays. Dans l’industrie pétrolière, ils font augmenter la production de brut grâce à des prêts du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque de New York et cèdent à des consortiums pétroliers américains et britanniques des parts importantes dans l’exploitation des hydrocarbures russes. Poutine, dès son accession au pouvoir en janvier 2000, met vite un holà à ces déviances. Immédiatement, puissances anglo-saxonnes, pétroliers, oligarques et idiots de service dans le monde médiatique se mobilisent contre lui et lui déclarent la guerre, une guerre qui sévit toujours aujourd’hui. Terrorisme tchétchène d’Ahmed Zakaïev (avec ses appuis turcs), révolution des roses en Géorgie et révolution orange en Ukraine sont les fruits âcres d’un vaste et sinistre complot destiné à affaiblir la Russie et à défenestrer Poutine. Seul l’ex-oligarque Roman Abramovitch fera amende honorable (4), rendra les biens acquis sous Eltsine à l’Etat russe, deviendra gouverneur du Kamtchatka pour redonner vie à cette région déshéritée mais hautement stratégique. Il servira également d’intermédiaire entre Poutine et Olmert dans les litiges russo-israéliens.

 

Russie : puissance orthodoxe

 

Après l’effondrement du communisme et le retour des valeurs religieuses, surtout dans l’aire musulmane, en Afghanistan d’abord, dans l’Asie centrale ex-soviétique ensuite mais dans une moindre mesure, la Russie se trouve déforcée par les décennies de propagande anti-religieuse du système soviétique, qui a mis à mal la vigueur de l’orthodoxie dans les populations slaves et a généralisé une asthénie spirituelle déliquescente, mais n’a pas autant entamé l’islam centre asiatique, qui fut de surcroît revigoré par l’argent saoudien et l’appui américain aux moudjahiddins afghans. Qui plus est, dans les premières années du post-communisme, la vague du matérialisme occidentaliste secoue de fond en comble une Russie déboussolée mais, comme le remède croît toujours en même temps que le péril, le retour à l’orthodoxie d’une partie de la population (60% selon les sondages) redonne partiellement au pays une identité religieuse et politique traditionnelle, dont l’Europe occidentale est depuis longtemps dépourvue. Alexandre Soljénitsyne exhortait le peuple russe à retrouver l’esprit de l’Orthodoxie et le Patriarche Alexis II apporte son soutien à Vladimir Poutine, qui, lui, définissait son pays comme « une puissance orthodoxe », lors de sa visite au Mont Athos en Grèce en septembre 2005. Ce retour à l’orthodoxie ravive un certain anti-occidentalisme, bien lisible dans les déclarations d’un concile d’avril 2006, où l’église orthodoxe russe a promulgué sa propre « Déclaration des droits et de la dignité de l’homme », où sont fustigés et l’individualisme occidental et la volonté d’ingérence étrangère cherchant à imposer des droits de l’homme de facture individualiste en Russie et en toutes les autres terres orthodoxes. Le texte ajoute : « Il est des valeurs qui ne sont pas inférieures aux droits de l’homme, tels la foi, la morale, le sacré, la patrie », où le philosophe de l’histoire décèlera un refus de la rupturalité calamiteuse que représente l’idéologie des droits de l’homme de 1789 à la vulgate médiatique actuelle, quand on la manipule avec l’hypocrisie que nous ne connaissons que trop bien. Le 17 mai 2007, les églises russes en situation de diaspora depuis les années 20 se réconcilient avec le Patriarcat de Moscou (5), ce qui rend plus difficile la tâche de monter les options de l’orthodoxie russe les unes contre les autres.

 

Ukraine : la révolution orange patine

 

L’ingérence occidentale s’effectue essentiellement par le biais des « révolutions colorées » (6), nouveau mode de pratiquer la « guerre indirecte » et de grignoter les franges extérieures de l’ancien empire des tsars et de l’URSS, dont les républiques caucasiennes et l’Ukraine. On sait que la révolution orange fut finalement un fiasco pour ces commanditaires occidentaux ; Victor Iouchtchenko, le Président élu pour son programme pro-occidental, n’a guère fait bouger les choses, ni dans un sens ni dans l’autre, en dépit de sa volonté de faire entrer l’Ukraine dans l’UE et dans l’OTAN. L’icône féminine de l’effervescence orange de 2005, Youlia Timochenko, a basculé dans la corruption et la démagogie la plus plate, sans aucune assise idéologique claire. Ianoukovitch, l’ancien leader pro-russe d’Ukraine orientale, demeure pragmatique : l’Ukraine n’est pas mûre pour l’OTAN et l’UE ne veut pas de Kiev, dit-il. Fin septembre 2007, pour les élections, pas de manifestations dans les rues. Le calme. Les agences occidentales ne paient plus. Pour l’écrivain Andreï Kourkov, les personnages de la révolution orange étaient des marionnettes : le pouvoir demeure aux mains des gestionnaires de l’économie ukrainienne, liée à l’économie russe (7).

 

En Géorgie, où l’actuel Président Mikhail Saakachvili avait pris le pouvoir en novembre 2003 à la suite de la révolution des roses, une contre-révolution vient d’éclater, sans leader bien profilé (8), qui déstabilise la créature de l’américanosphère, l’icône masculine des médias téléguidés depuis les Etats-Unis, hissée en selle il y a quatre ans. En dépit de sa victoire et de la mise au pas de l’Adjarie sécessionniste en mai 2004, Saakachvili n’a pas réussi à dompter une autre province dissidente, l’Ossétie du Sud, arc-boutée à la chaîne du Caucase. Ce territoire d’à peine 75.000 habitants ne compte que 20% de Géorgiens ethniques. Sa population est fidèle à la Russie. En agissant sur le mécontentement populaire face à la politique pro-occidentale (et donc néo-libérale/globaliste) de Saakachvili et sur les spécificités ethniques adjars et ossètes, Poutine a trouvé le moyen de contrer les effets d’une révolution colorée et de forger les armes pour disloquer celles qui, éventuellement, émergeraient demain.

 

Octobre 2007 : Sommet de Téhéran

 

Autre succès majeur de Poutine : la vaste stratégie pétrolière qu’il a déployée, en Europe et en Asie. Il a réussi à disloquer la cohésion des oligarques (9), à apaiser les dangers de conflit qui existaient entre riverains de la Caspienne. Le sommet de Téhéran en octobre 2007, qui réunissait les dirigeants de la Russie, de l’Iran, du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan, avait pour objet de stabiliser la situation sur les rives de la Caspienne et d’y organiser un modus vivendi pour l’exploitation des ressources locales d’hydrocarbures et de gaz. Les accords qui en découlent stipulent, notamment, que les pays riverains, participant à la conférence, ne permettront pas que leurs territoires respectifs servent de base à des puissances hors zone pour agresser un quelconque Etat co-signataire. Iran compris, cela s’entend (10).

 

Dans le contexte actuel, où l’atlantisme appelle une nouvelle fois au carnage et où l’un de ses chiens de Pavlov, en la personne du sarköziste et ex-socialiste Kouchner, joint ses aboiements sinistres au lugubre concert des bellicistes, cette disposition du sommet de Téhéran bloque toute velléité américaine d’ingérence en Asie centrale et préserve le territoire iranien sur son flanc nord, alors que l’Iran est aujourd’hui dangereusement encerclé entre les bases US du Golfe, d’Irak et d’Afghanistan. L’Iran est la pièce centrale, et non encore contrôlée, d’un territoire qui correspond à l’USCENTCOM (lequel s’étend de l’Egypte à l’Ouest au Pakistan à l’Est). Ce territoire, dans la perspective des stratégistes américains inspirés par Zbigniew Brzezinski, doit servir à terme, avec son « Youth Bulge » (son trop-plein démographique et sa natalité en hausse constante, sauf en Iran), de marché de substitution au bénéfice des Etats-Unis, car l’Asie garde des réflexes autarcistes et l’Europe possède un marché intérieur moins accessible, avec, en plus, une démographie en net recul. Le contrôle de cet espace implique évidemment l’élimination de l’Iran, pièce centrale et aire nodale d’une impérialité régionale plurimillénaire, l’éloignement stratégique de la Russie et son refoulement de tous les territoires conquis depuis Ivan le Terrible, le contrôle de la Mésopotamie et des hauteurs afghanes et la dislocation des cultures masculinistes et, partant, anti-consuméristes, de cette vaste aire, certes islamisée, mais recelant encore beaucoup de vertus et de vigueurs pré-islamiques, tout en demeurant rétive au fanatisme wahhabite.

 

South Stream et North Stream

 

Les accords sur la Caspienne auront une implication directe sur l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Le système d’oléoducs et de gazoducs « Nabucco », favorisé par les Etats-Unis, qui entendaient, par son truchement, diminuer les influences russes et iraniennes sur la distribution d’énergie, se verra compléter par le système dit « South Stream », qui partira de Novorossisk sur les rives de la Mer Noire pour aboutir aux côtes bulgares (donc sur le territoire de l’UE), d’où il partira vers l’Europe centrale, d’une part, et vers l’Albanie et, de là, vers l’Italie du Sud, d’autre part. L’ENI italienne est partie prenante dans le projet (11). La réalisation de celui-ci, à travers la partie pacifiée des Balkans, ruine automatiquement les manœuvres dilatoires des forces atlantistes en Baltique, où les Etats-Unis incitent les petites puissances de la « Nouvelle Europe », chère à Bush, à annihiler le projet d’acheminer le gaz russe vers l’Allemagne au départ de Königsberg/Kaliningrad ou du Golfe de Finlande, impulsé par le Chancelier Schröder à l’époque bénie  -mais si brève-  de l’Axe Paris-Berlin-Moscou. Le système de gazoducs de la Baltique porte le nom de « North Stream » (12) : son parachèvement est aujourd’hui bloqué par l’opposition de Tallinn à tous travaux le long de la côte estonienne. Ce blocage est dicté en ultime instance par Washington qui excite en sous-main les Pays Baltes et la Pologne contre tous les projets de coopération euro-russe ou germano-russe, restituant ainsi de facto le « Cordon sanitaire » de Lord Curzon et les effets mutilants du Rideau de Fer sur les dynamiques intérieures de l’Europe dans son ensemble. Ce qui a toujours été le but des puissances thalassocratiques.

 

La victoire électorale de Poutine en décembre 2007 démontre, outre sa réelle popularité en dépit des campagnes des oligarques et des médias, que les stratégies de « révolutions colorées » ont fait long feu : à celles-ci, Poutine a répondu par une mobilisation citoyenne et patriotique en créant le mouvement « Nachi » (= « Les Nôtres ») qui a tenu la rue en lieu et place de sycophantes comme Kasparov ou autres écervelés sans intelligence géopolitique ou géostratégique.

 

L’Europe ne peut vouloir une Russie déstabilisée et plongée dans le chaos, car, dans ce cas, elle serait automatiquement entraînée, sinon dans un chaos similaire, du moins dans une récession dont elle pourrait bien se passer, vu son déclin démographique, sa relative stagnation économique et les signes avant-coureurs d’une réelle paupérisation dans les classes laborieuses, fruit de près de trente ans de néo-libéralisme.

 

Conclusions

 

En conclusion, le phénomène Poutine doit nous amener à penser notre destin politique dans les catégories mentales suivantes :

 

-          Ne pas tolérer le poids d’oligarques de toutes natures dans nos sphères politiques, qui aliènent richesses, fonds et capitaux par l’effet de pratiques de délocalisation ; selon le bon vieux principe du primat du politique sur l’économique, que Poutine a réussi à faire triompher ;

 

-          Comprendre enfin la nécessité d’une cohésion religieuse visible et visibilisée (comme le voulait Carl Schmitt), plus difficile à restaurer en Occident vu les dégâts profonds qu’ont commis sur le long terme le protestantisme, le sectarisme diversifié et chaotique qui en est issu et la déliquescence du catholicisme depuis le 19ième siècle et Vatican II ;

 

-          Susciter une vigilance permanente contre les manipulations médiatiques qui ont conduit en France aux événements de mai 68 (pour chasser De Gaulle), aux grèves de 1995 (pour faire fléchir Chirac dans sa politique nucléaire à Mururoa), aux révolutions colorées ; il faut être capable de générer une contre-culture offensive contre ce que les agences d’outre Atlantique tentent de nous faire gober, afin de provoquer par les effets de ce « soft power » rudement bien rodé des mutations politiques favorables aux Etats-Unis ;

 

-          Il faut viser une indépendance énergétique grande-continentale, ne permettant pas aux pétroliers américains de contrôler les flux d’hydrocarbures sur la masse continentale eurasienne, au bénéfice de leurs seuls intérêts et au détriment de la cohésion du Vieux Monde ;

 

-          Il faut suivre Poutine dans ses offensives diplomatiques en Asie, surtout en direction de l’Inde et de la Chine ; l’Europe a intérêt à être présente dans le sous-continent indien et en Extrême-Orient, dans une perspective d’harmonisation des intérêts, comme l’avait d’ailleurs déjà préconisé la Chine dans ses réponses aux tentatives occidentales d’ingérence intellectuelle (le « soft power », qui bute contre la culture impériale chinoise).

 

Les coopérations euro-russes, euro-indiennes et euro-chinoises ouvrent des perspectives autrement plus séduisantes que le sur-place atlantiste, que notre triste macération dans le graillon de la dépendance médiatique et politique, où nous sommes plongés pour notre honte. Tous les peuples de la Terre attendent le réveil de l’Europe. Celle-ci n’est viable que branchée sur l’Eurasie, à commencer par la Russie, comme au temps des grandes alliances, amorcé à l’époque de la Guerre de Sept Ans.

 

Robert STEUCKERS,

Forest-Flotzenberg, décembre 2007.

 

Notes :

(1) Cf. « L’eredità di Eltsin », in Linea, 15 novembre 2007 (article tiré de la revue sud-africaine Impact (Box 2055, Nooserkloof, Jeffreys Bay, 6331, South Africa). 

(2) Cf. Victor-L. TAPIE, L’Europe de Marie-Thérèse. Du baroque aux Lumières, Fayard, 1973 ; également, Henri TROYAT, Catherine la Grande, Flammarion, 1977.

(3) Frank McLYNN, 1759. The Year Britain Became Master of the World, Pimlico, London, 2005.

(4) Dr. Albrecht ROTHACHER, « Das Schicksal zweier Oligarchen. Beresowskis Kampf gegen Putin aus dem Exil und der Lagerhäfltling Chodorkowski“, in zur Zeit, Nr. 42/2007; Dr. A. ROTHACHER, „Superreich und willfährig. Oligarch Roman Abramowitsch: Putins Statthalter in Russisch-Fernost“, in zur Zeit, Nr. 46/2007.

(5) Marie JEGO, « La Fédération de Russie », in : La Vie/Le Monde Hors-Série, L’Atlas des Religions, s.d. (paru en kiosque en novembre 2007). Voir également : Alexandre SOLJENITSYNE, La Russie sous l’avalanche, Fayard, 1998, plus spécialement le chapitre : « L’Eglise orthodoxe par ce Temps des Troubles », p. 301 et ss.

(6) Cf. Le dossier du Temps de Genève, en date du 10 décembre 2004, intitulé „L’internationale secrète qui ébranle les dictatures de l’Est“; ce dossier est accompagné d’un entretien avec le stratégiste et théoricien des guerres indirectes, Gene Sharp, intitulé « L’essentiel est de diviser le camp adverse ». Cf. surtout Viatcheslav AVIOUTSKII, Les révolutions de velours, Armand Colin, 2006 (ouvrage capital !).

(7) Andrej KURKOW, « Die Last des Siegens », in : Der Spiegel, 39/2007, pp. 138-139.

(8) „Überall Feinde“, in : Der Spiegel, 46/2007, p. 121. Cf. Eugen GEORGIEV, „Angespannte Lage in Südossetien“, in : Aula, Oktober 2007.

(9) www.barnesreview.org / Un texte issu de ce site a été traduit en italien. Il s’agit de : «Vladimir Putin : le sue riforme e la sua tribu di nemici / Il sostegno atlantico agli oligarchi russi”, in Linea, 28 novembre 2007.

(10) Fulvia NOVELLINO, “Il vertice di Teheran per il petrolio del Mar Caspio”, in Linea, 19 octobre 2007.

(11) Filippo GHIRA, “South Stream pronto nel 2013”, in Linea, 23 novembre 2007.

(12) Andrea PERRONE, “L’Estonia sfida la Russia sulla condotta North Stream”, in Linea, 18 octobre 2007. Rappelons toutefois que le projet d’un oléoduc (ou gazoduc) vers l’Allemagne et la Pologne n’est pas une idée neuve. En décembre 1959, Soviétiques, Polonais et Est-Allemands signent un accord à Moscou pour la construction de la « branche nord de l’oléoduc de l’amitié ». Le « North Stream », dont question ici, n’en est que la réactualisation, dans un contexte qui n’est plus marqué par la guerre froide.  

   

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dimanche, 30 décembre 2007

Quand les Philippines devinrent une colonie US

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Saverio BORGHERESI :

 

Quand les Philippines devinrent une colonie américaine

 

Pour comprendre la problématique de la guerre hispano-américaine de 1898 et de la conquête et de la soumission des Philippines par les Etats-Unis, méditons d’abord cet extrait d’un discours du Président américain William McKinley, tenu en 1899 :

 

« J’ai parcouru les corridors et les pièces de la Maison Blanche, nuit après nuit et je n’ai pas honte de vous dire, Messieurs, qu’en plus d’une occasion je suis tombé à genoux et j’ai prié le Dieu tout puissant pour qu’il m’accorde sa lumière et me guide. Et, une nuit, à une heure tardive, je ne sais comment, mais c’est arrivé, j’en suis venu aux conclusions suivantes : nous ne pouvons en aucun cas rendre les îles des Philippines à l’Espagne parce que ce serait un acte vil et déshonorant ; nous ne pouvons pas davantage les confier à la France ou à l’Allemagne, car elles sont nos concurrents commerciaux en Orient et ce serait, en plus, un mauvais choix, qui diminuerait notre prestige international ; nous ne pouvons pas non plus les abandonner à elles-mêmes parce qu’elles ne sont pas en mesure de se doter d’un gouvernement autonome et sombreraient rapidement dans l’anarchie ou tomberaient sous la houlette d’un gouvernement étranger pire encore que celui de l’Espagne ; il ne nous reste donc plus rien d’autre à faire que de les occuper et d’instruire les Philippins, de les élever au-dessus de leur triste condition actuelle, de les civiliser, de les christianiser et, avec l’aide de Dieu, de faire de notre mieux pour les aider car ils sont nos frères pour qui le Christ est aussi mort sur la croix ».

 

L’idée que McKinley avait derrière la tête, en dépit de ce discours « généreux », était d’envoyer l’armée américaine tuer un maximum d’indépendantistes philippins, de brûler leurs villages, de les soumettre à la torture et de jeter les bases d’une colonie destinée à être exploitée de fond en comble jusqu’à la fin des temps. Après le conflit hispano-américain de 1898, les Espagnols furent chassés des Philippines, par une action commune des forces américaines et des rebelles locaux.

 

Les Philippins, sous la houlette du charismatique Andrès Bonifacio, avaient déjà proclamé leur indépendance, mais ni les Espagnols ni les Américains, ne l’avaient reconnue. L’Espagne fut contrainte de confier l’archipel pacifique aux Etats-Unis, contre un paiement de vingt millions de dollars, sans tenir compte des décisions prises par les populations autochtones.

 

Les groupes de libération avaient déjà assumé le pouvoir sur tout le territoire national, à l’exception de Manille où la garnison espagnole ne s’est rendue qu’aux seuls Américains.

 

Dans les mois qui ont suivi, les Américains renforcèrent considérablement leurs effectifs dans l’archipel, où ils concentrèrent finalement une armée de 115.000 hommes. Leur objectif déclaré était d’établir un régime colonial aux Philippines. La situation était de plus en plus tendue, ce qui conduisit à l’explosion à Manille, le 4 février 1899, après un bref affrontement entre Philippins et soldats américains. Le jour suivant, le conflit s’est étendu à toute la ville, provoquant la mort de deux mille Philippins et de deux cents Américains.

 

Après cet incident, le Président Aguinaldo proposa au Général Otis une trêve unilatérale, que les Américains refusèrent immédiatement. McKinley ordonna tout de suite la capture d’Aguinaldo, l’accusant de « banditisme ». McKinley ne déclara jamais la guerre aux Philippines parce qu’il considérait qu’elles étaient déjà entièrement possession des Etats-Unis. A la fin du mois de février 1899, les yankees réussissent à pacifier Manille et ses environs, obligeant l’armée philippine à se retirer vers le nord. A la suite de ce retrait, les forces américaines commencèrent une offensive de grande envergure et battirent les Philippins à Quingao en avril, à Zapoté en juin et à Tirad en décembre.

 

Au cours de cette première année de guerre, les troupes philippines subirent de terribles revers sur le plan militaire, en perdant notamment leurs plus valeureux généraux comme Gregorio del Pilar et Antonio Luna. Les commandants de l’armée philippine, pour faire face à l’écrasante supériorité des Américains, décidèrent d’adopter de nouvelles tactiques militaires pour éliminer leur présence dans l’archipel. Ils organisèrent des sabotages, de brèves escarmouches, pendant les années qui suivirent leurs défaites. Au cours des quatre premiers mois de l’année 1900, cinq cents militaires américains perdirent la vie dans des actions de guérilla. Les Philippins enregistrèrent alors de petites victoires militaires à Paye, à Catubig, à Makahambus, à Pulag, à Balangigga et à Mabitac.

 

Pour faire face aux succès des rebelles philippins, les Américains organisèrent de féroces répressions au détriment de la population civile. La majorité des militaires engagés dans cette guerre avaient eu l’habitude de nier totalement les droits des gens, étant donné qu’ils étaient souvent des vétérans des guerres indiennes. Les mêmes tactiques, jadis utilisées contre les Amérindiens, furent mises en œuvre contre les malheureux Philippins : des villages entiers furent détruits, sympathisants et chefs locaux furent éliminés. Les Américains créèrent ensuite des camps d’internement où furent reclus les Philippins, pour y mourir d’inanition.

 

La tactique yankee parvint à miner les bases des mouvements indépendantistes locaux. Le 23 mars 1901, à cause de l’aide apportée aux envahisseurs par des traîtres indigènes, le Président Aguinaldo est capturé à proximité de Palan. Une semaine plus tard, à Manille, Aguinaldo fut contraint de jurer obéissance aux Etats-Unis et d’appeler les Philippins à déposer les armes.

 

La capture du Président fut un coup dur pour la résistance populaire, mais les événements ultérieurs ne se déroulèrent pas comme l’avaient espéré les Américains. L’armée de libération lança une terrible contre-attaque, concentrant ses coups principalement dans la région de Batagans. Certes, cette contre-attaque victorieuse n’entama pas la supériorité militaire américaine. Les pertes chez les Marines furent insignifiantes. Mais elle fit comprendre à Washington que la guerre n’était pas finie. Le Général Bell répondit avec une férocité accrue à la renaissance armée du mouvement indépendantiste, en renforçant toutes les mesures répressives contre les insurgés. En 1903, les indépendantistes durent faire face à de graves problèmes logistiques et financiers, face à un ennemi trop puissant. Les dernières troupes rebelles se rendirent donc aux envahisseurs.

 

Quelques nationalistes philippins n’acceptèrent pas cette reddition et continuèrent la guérilla pendant plus de dix ans. Siméon Ola, qui dirigeait ces groupes d’inconditionnels dans la région de Bicol, fut battu le 25 avril. Il fut le dernier général vaincu en rase campagne. Le reste de ces groupes armés était constitué de milices paysannes, recrutées parmi les plus pauvres des ruraux, et menées par des chefs messianiques qui se référaient tout autant aux traditions animistes qu’au catholicisme importé par les Espagnols. En 1913, la milice commandée par Dionisio Sequela, mieux connu sous le surnom de Papa Isio, dépose les armes la dernière, mettant ainsi fin à la guerre entre Philippins et Américains.

 

Ce conflit a causé la mort de plus d’un million de personnes (90% de victimes civiles). Les Américains, pour sauver les apparences de la « démocratie » qu’ils importaient, instaurèrent une « Assemblée nationale » composée surtout de latifundistes. En 1946, les Etats-Unis concédèrent l’indépendance aux Philippines, mais continuèrent à exercer une influence prépondérante sur le pays, surtout sur la vie économique et politique.

 

Saverio BORGHERESI.

(article paru dans « Rinascita », Rome, 23 novembre 2007; trad. franç. : Robert Steuckers).

 

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Hommage à Sigrid Hunke (1913-1999)

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Hommage à Sigrid Hunke (1913-1999)

 

« Je possède une force en mon âme, totalement et immédiatement réceptive à Dieu » (Maître Eckhart)

 

Le 15 juin 1999, Sigrid Hunke est retournée à la Grande Unité de la vie et de la mort. Sa vie et son œuvre ont eu et garderont une importance considérable pour notre communauté unitarienne. Nous vou­lons dès lors nous souvenir d’elle, ici, avec gratitude et respect. E­coutons ses propres paroles :

 

Profondément enraciné !

 

« Lorsque je jette un regard rétrospectif, c’est toujours cette même ima­ge qui me revient, qui s’anime, si vivante, devant mes yeux, cette image qui m’a accompagnée si souvent dans la vie : un ciel immense plein de nuages sombres qui chassent, très haut au-dessus de pâturages vallonnés, où se blottissent les fermes entre de puissants châtaigniers, fouettés par la tempête. Chaque jour, je faisais le même chemin et je me pressais contre ce mur de vent invisible et, lente­ment, je prenais conscience de me trouver là au beau milieu de la lut­te des éléments, et j’avançais ainsi sur mon chemin en solitaire… A cette époque-là, … j’ai appris ceci : tout ce qui,  —à la façon de ces ar­bres battus par la tempête et par les averses, se maintient, tout en crois­sant et en portant des fruits,—  doit être solidement enraciné, doit toujours, et sans cesse, puiser ses sèves profondément hors du sol de ses racines, hors de ce sol primordial et divin. Seules les occu­pa­tions vides de sens, fébriles, sans ancrages solides dans la religio­sité finissent lamentablement, sans résistance et dans l’indifférence, par déboucher sur ces platitudes intérieures, ce vide et cet assè­che­ment de l’âme, propre de tout ce qui reste collé à la superficialité du mon­de matérialiste.  Ceux qui veulent aller à l’essentiel, qui veulent créer des valeurs et se réaliser eux-mêmes dans cet acte de créa­tion, doivent sans cesse se replonger dans leurs propres profon­deurs, pour offrir leur poitrine aux assauts de la vie et puiser dans cette source intérieure les forces pour lancer de nouveaux projets, afin, leur vie durant, de porter et de projeter cet essentiel dans leur vie quotidienne, dans leur profession, dans leur famille et leur com­munauté ».

 

Représenter l’unité du monde dans notre communauté, approfondir le sens de cette unité, voilà ce que fut le projet de Sigrid Hunke. Avec les mots simples que nous venons de rappeler ici, elle nous trans­porte au centre même de sa vision religieuse du monde, qui est aussi la nôtre. En se référant à Wilhelm Hauer et à Friedrich Schöll, elle a été pendant douze ans la vice-présidente de la « Communauté reli­gieu­se des Unitariens allemands » ; elle nous a transmis ce qui, à ses yeux, était « l’autre religion de l’Europe », la vraie religion de l’Eu­ro­pe, celle qui allait permettre au divin « de revenir dans sa réalité » (Schöll). Dans de nombreux écrits et discours, elle nous a explicité cette pensée et cette religiosité unitariennes, elle nous a montré son en­racinement profond dans la philosophie et la théologie de l’an­ti­qui­té, du moyen âge et de notre époque contemporaine. Elle nous a ex­pli­qué la profondeur et l’ampleur de cette vision unitaire de Dieu et du monde.

 

Comme par un coup de fanfare, Sigrid Hunke, nous a communiqué, en 1969, à Heide, dans une allocution à l’occasion d’une fête, quelles se­raient les thèses fondamentales de son livre La vraie religion de l’Europe. Elle a cité un témoin majeur dans l’histoire de la pensée eu­ro­péenne, Nicolas de Cues : « Qu’est donc le monde sinon la ma­n­ifestation du Dieu invisible ? Qu’est donc Dieu, sinon l’in­vi­si­bilité du visible ? N’est-ce pas cet Un, que l’on atteint dans tout ce que l’on peut atteindre ? ».

 

« Le monde est le déploiement de tout ce que Dieu tient plié en lui. Dieu est le conteneur de tout ce qui se déploie en tout. Il est en tout être, sans pour autant être identique à lui ». En prononçant et en faisant siennes ces paroles de Nicolas de Cues, Sigrid Hunke oppose à la vision du monde chrétienne-dualiste, pour laquelle Dieu et le mon­de sont fondamentalement différents, la vision unitarienne, où Dieu et le monde sont Un, où ils forment une unitas, la seule unité qui soit.

 

La vie de Sigrid Hunke

 

Sigrid Hunke est née en 1913 à Kiel, dans la famille d’un libraire. Elle a étudié dans sa ville natale, puis à Fribourg et à Berlin, les religions comparées, la philosophie et la psychologie, la philologie germanique et l’histoire. Ses maîtres furent notamment Hermann Mandel, Martin Heidegger et Nicolai Hartmann. En 1940, elle passe sa thèse de phi­losophie avec Eduard Spranger. Elle épouse ensuite le futur diplo­mate de la RFA, Peter H. Schulze, à qui elle donnera trois enfants : un fils, actuellement professeur d’histoire contemporaine, et deux fil­les, l’une enseignante, l’autre médecin. Je cite ces éléments bio­gra­phiques pour montrer que Sigrid Hunke, connue surtout par ses li­vres, n’a nullement été une philosophe enfermée dans sa tour d’i­voi­re, mais qu’elle a été une femme complète, épouse et mère, et qu’elle a pu incorporer ces expériences existentielles dans son œu­vre. Ecoutons-la :

 

« Après mon Abitur, j’ai d’abord choisi une formation musicale, pour en­suite me retrouver sur les bancs de l’université et dans mon bu­reau personnel pour réaliser mon propre travail créatif. A part quel­ques compositions, j’ai ainsi écrit quelques nouvelles et romans, jus­qu’au jour où j’ai été prise d’une véritablement passion pour l’essai scien­tifique. Chaque fois le désir d’écrire un livre de cette nature était mu par un motif très précis et une nécessité intérieure. Bien que j’ai été une enfant calme et que, très tôt, je me suis sentie attirée par la poésie et les nouvelles poétiques de Storm, Ginskey et Binding, en tant que femme mariée, je me suis sentie interpellée et provoquée par des conceptions générales et stupidement répétées que je tenais pour superficielles et irréfléchies voire pour inexactes : chaque fois, ce fut un défi profond, l’occasion de débattre et de combattre, contre moi-même et contre d’autres. Le résultat fut toujours un livre ».

 

Reprenons un à un ses principaux ouvrages ; nous nous apercevrons de la diversité et de la variété des intérêts de Sigrid Hunke, et aussi de sa passion pour la vérité et de sa soif de connaissances. Ainsi, en 1955 paraît Am Anfang waren Mann und Frau [= A l’origine, il y avait l’homme et la femme], une psychologie des relations entre les sexes, un livre qui a été lu dans les commissions du Bundestag, quand il s’a­gissait de codifier les articles assurant l’égalité en droit de l’homme et de la femme. Dans une dédicace qui m’était adressée person­nelle­ment, dans la seconde édition de ce livre, en 1987, Sigrid Hunke a é­crit : « Dans le mythe germanique, les deux versions confondues, il y a­vait à l’origine l’Homme et la Femme, non pas comme deux prin­cipes opposés, mais comme les deux facettes d’une unité, facettes qui ont émergé en même temps et pourvues toutes deux également par les dieux d’esprit, d’âme et de force vitale ».

 

Dans Le Soleil d’Allah brille sur l’Occident, paru en 1960, Sigrid Hun­ke s’est révélée comme une grande spécialiste de la culture arabe. Le livre a été traduit en sept langues. En 1974, Sigrid Hunke est nom­mée membre d’honneur du « Conseil Supérieur des Questions Isla­mi­ques », en tant que femme, qu’étrangère et que non-musulmane ! Dans l’hommage qu’il lui a rendu à l’occasion de ses 70 ans, Gerd-Klaus Kaltenbrunner l’a appelée « l’ambassadrice non officielle de la culture allemande dans les pays arabes ». Son enracinement reli­gieux dans cette vraie religion de l’Europe, l’a conduite à réfléchir sur les origines les plus lointaines des cultures et des peuples de la Ter­re, à reconnaître leurs spécificités et à les respecter.

 

Sur la jaquette de son ouvrage Das Reich und das werdende Europa [= Le Reich et l’Europe en devenir], paru en 1965, qui m’a inspiré pour mes cours d’histoire, on pouvait lire : « … seule une Europe mé­ri­te nos efforts, sera durable et témoignera d’une vitalité culturelle : celle qui héritera des meilleures traditions, puisées dans la force mo­ra­le la plus originelle et la plus spécifique, force toute entière con­te­nue dans l’idée d’Empire et dans le principe de la chevalerie ; cet hé­rita­ge essentiel devra être transposé dans la nouvelle construction po­­litique… ».

 

Les livres de Sigrid Hunke

 

Les autres livres de Sigrid Hunke ont également été essentiel pour nous :

◊ Europas andere Religion – Die Überwindung der religiösen Krise (= L’autre religion de l’Europe. Le dépassement de la crise religieuse), 1969. Ce livre fondamental a été réédité in extenso en 1997 sous le titre de Europas eigene Religion  (= La religion spécifique de l’Eu­ro­pe)  chez l’éditeur Grabert. Il a connu aussi une édition de poche en 1981 : Europas eigene Religion – Der Glaube der Ketzer  (= La religion spécifique de l’Europe – La foi des hérétiques) chez Bastei-Lübbe.

◊ En 1971 paraît Das Ende des Zwiespaltes – Zur Diagnose und Therapie einer kranken Gesellschaft (= La fin de la césure dualiste – Diagnostic et thérapie d’une société malade).

◊ En 1979, parution d’un autre ouvrage fondamental, toujours dans la même trajectoire : Glauben und Wissen. Die Einheit europäischer Religion und Naturwissenschaft (= Foi et savoir. L’unité de la religion européenne et des sciences naturelles).

◊ Chez Seewald en 1974 paraît un manifeste : Das nachkom­mu­nistische Manifest – Der dialektische Unitarismus als Alternative (= Le manifeste post-communiste – L’unitarisme dialectique comme al­ter­native).  L’“Association internationale des femmes-philosophes”, à la­quelle appartenait Sigrid Hunke, a été fort enthousiasmé par la parution de ce manifeste et a demandé à l’auteur de le rendre plus ac­cessible au grand public. L’association y voyait l’ébauche d’un mon­de futur.

◊ En 1986, Sigrid Hunke publie Tod, was ist dein Sinn ?, ouvrage sur le sens de la mort (cf. la recension de Bertrand Eeckhoudt, « Les re­ligions et la mort », in : Vouloir, n°35/36, janv.-févr. 1987).

◊ En 1989, paraît Von Untergang des Abendlandes zum Aufgang Europas – Bewußtseinswandel und Zukunftsperspektiven  (= Du dé­clin de l’Occident à l’avènement de l’Europe – Mutation de cons­cien­ce et perspectives d’avenir). Sur la jaquette du livre, Sigrid Hunke est dé­crite comme un « Spengler positif », vu son inébranlable foi en l’a­venir : « Dans un processus monstrueux de fusion et de recom­po­si­tion, l’Occident chrétien est en train de périr inexorablement dans ses valeurs et ses structures, on aperçoit déjà partout,  —entre les ruines et les résidus des vieilles structures dualistes, dangereusement hos­ti­les les unes aux autres, se diffamant mutuellement,—  poindre les nou­veaux développements évolutifs d’une Europe future. Celle-ci re­po­sera sur la loi essentielle d’unicité et d’holicité tapie originellement au fond de l’homo europaeus et se déployant dans tous les domaines hu­mains et culturels. Ceux-ci reviendront à eux-mêmes et, grâce à un ancrage plus profond dans leur propre spécificité, s’élèveront puis­sam­ment à un niveau de culture supérieur ».

 

Les affirmations contenues dans ce livre, l’attitude positive de Sigrid Hun­ke, nous apparaissent comme un défi, comme un appel que nous avons le devoir de suivre.

 

Sigrid Hunke a reçu plusieurs prix et distinctions honorifiques pour ses travaux, dont la « Kant-Plakette » en 1981 et le « Prix Schiller du Peu­ple allemand » en 1985. Elle était aussi la Président de la « Com­mu­nauté religieuse des Unitariens allemands ».

 

En tant qu’Unitariens, nous avons été renforcés dans nos convictions par la personnalité et l’œuvre de Sigrid Hunke. Surtout Europas eigene Religion / La vraie religion de l’Europe a été pour nous un guide permanent, un fil d’Ariane dans l’histoire spirituelle de notre con­tinent. Pour nous, Sigrid Hunke demeurera inoubliable et immor­telle.

 

Bernhard BÜHLER,

Au nom de la « Ligue des Unitariens allemands ».

(Hommage paru dans Glauben und Wirken, juillet-août 1999).

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Fondation du MSI

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Fondation du MSI

30 décembre 1946 : Fondation à Rome du « Mouvement Social Italien », que les médias ne cesseront de qualifier de « néo-fasciste ». Ce mouvement connaîtra bon nombre de vicissitudes au cours de son histoire, créera un espace politico-culturel vivant qui culminera avec la revue « Area » qui paraît toujours, avant de se transformer sous l’impulsion de Gianfranco Fini en une « Alliance Nationale », qui reprend certes des positions du MSI mais les complète ou les édulcore de référents gaullistes (l’option pour un régime présidentialiste) ou républicains à l’américaine (avec la mascotte « éléphant » lors d’une campagne électorale). Cette modernisation ne fait pas l’unanimité, même si elle fait incontestablement la majorité : Fini est accusé de « trahison » et le parti « Fiamma Tricolore » reprend à son compte le décorum et l’esprit du premier MSI.  La formation AN de Fini entrera dans un gouvernement de coalition de centre-droit après la victoire électorale du mouvement « Forza Italia » du milliardaire Berlusconi, qui balaie les vieux partis historiques de la République d’après 1945. L’AN fait désormais partie intégrante du paysage politique italien.

       

 

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samedi, 29 décembre 2007

Les Sikhs et la Khalsa

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Moestasjrik / ‘t Pallieterke :

Les Sikhs et la Khalsa

 

On discute actuellement au Parlement belge du droit des Sikhs au port de leur dague traditionnelle, le « kirpaan ». Le terme, désignant cette arme blanche, dérive du mot « kripa », qui signifie la « grâce » ; les Sikhs actuels affirment qu’il ne portent cette dague que pour se défendre ou pour protéger les faibles contre toute agression et jamais pour commettre eux-mêmes des agressions. Les Sikhs bénéficient du privilège de porter cette arme, vecteur de paix selon leur tradition, en Inde, leur patrie, en Grande-Bretagne et dans d’autres pays du Commonwealth. Ce privilège ne découle pas de l’idéologie des Lumières dans sa nouvelle mouture multiculturaliste mais de la position dont jouissaient déjà les Sikhs dans l’Empire britannique car ils s’étaient alliés aux Anglais dès l’époque de la grande révolte des Indes en 1857.

 

La région, d’où les Sikhs sont originaires, venait alors d’être conquise par les Britanniques et les peuples indigènes se souvenaient de la supériorité militaire de leurs conquérants. Les Sikhs ne partageaient pas l’optimisme des autres Indiens qui pensaient pouvoir submerger facilement les Britanniques, peu nombreux, en jetant dans la bataille la masse innombrable de leurs combattants. Ensuite, les insurgés indiens de 1857 avaient élu le dernier « padeshah », ou dernier empereur mogol, comme chef de leur révolte, l’indolent Bahadur Shah Zafar, souverain nominal du résidu d’empire qui était, de fait, sous le contrôle réel des Britanniques. La dynastie mogol était l’ennemie héréditaire des Sikhs : raison pour laquelle ceux-ci choisirent le camp britannique. Les Sikhs sauvèrent la vie d’administrateurs britanniques, de leurs épouses et enfants. Après le rétablissement de la puissance britannique, ils furent récompensés de leur fidélité en pouvant faire carrière dans l’armée coloniale ; ils servirent partout : du Kenya à Singapour et à Hong Kong. Dans l’album de Tintin, « Le Lotus Bleu », on voit des Sikhs dans les unités de maintien de l’ordre de la concession internationale de Shanghai.

 

Les « disciples »

 

Le sikhisme est une école fondée par le gourou Nanak (1469-1539), inspirateur d’un courant dévotionnel à l’intérieur du culte de Vishnou et de ses réincarnations Rama et Krishna. Le terme « Sikh » signifie donc « disciple », en l’occurrence disciple du Maître Nanak. Pendant la vie de ce dernier, le Sultanat de Delhi  -régime d’occupation qui confirme les pires stéréotypes sur l’islam sanguinaire-  fut éradiqué par le conquérant ouzbek Babar, descendant tout à la fois de Genghis Khan et de Timour Lenk (ou « Tamerlan »). Babar fondit en 1526 l’Empire Mogol qui, au départ, poursuivit la politique de terreur du Sultanat de Delhi contre les « incroyants ». Sous le règne du petit-fils de Babar, Akbar, cette politique fut abrogée et remplacée par un régime plus tolérant. Pendant un siècle environ, l’Inde vécut ainsi sous un régime de réelle tolérance jusqu’à ce que le Padeshah Aurangzeb se remit à serrer la vis vers 1668. Toutefois le cinquième gourou des Sikhs connut la mort du martyr en 1606. Il avait compilé un certain nombre de vers pieux de Nanak et d’autres poètes hindous pour un faire une anthologie portant pour titre « Gourou Granth » ; la cour mogol apprit que ce livre contenait quelques propos anti-islamiques. Ce fut considéré comme intolérable : le gourou fut torturé pendant cinq jours jusqu’à ce que mort s’ensuive.

 

Le neuvième gourou des Sikhs fut lui aussi exécuté après qu’il ait refusé de se convertir à l’islam. Son fils, le gourou Govind Singh, décida que de telles exécutions ne pouvaient plus avoir lieu dans l’avenir et constitua en 1699 une milice pour lutter contre le pouvoir musulman. C’est ce que nous rapporte la légende mais, toutefois, il convient de dire que la vérité historique est moins binaire. Les Sikhs eux-mêmes n’avaient jamais cherché la confrontation : ce furent les Mogols qui rompirent l’équilibre et l’entente entre confessions en faisant exécuter les chefs spirituels qu’ils jugeaient « mécréants ». Les Sikhs retrouvèrent assez rapidement les faveurs de la Cour mogol. Plus d’un gourou sikh devint le conseiller ou le confident des empereurs ou des princes héritiers, notamment le père de Govind, avant que celui-ci ne tombe en disgrâce, et Govind lui-même après s’être péniblement extrait de cet état de disgrâce.

 

Malgré ces périodes de connivence, le gourou Govind, au beau milieu de son magistère, entre 1699 et 1705, était bel et bien en conflit avec le régime mogol musulman. La confrontation ne fut pas glorieuse pour lui : il fut poursuivi, chassé, défait ; deux de ses quatre fils tombèrent au combat ; les deux autres furent capturés puis torturés à mort. Govind n’a donc pas eu de postérité biologique directe : il décida que la lignée des gourous sikhs était définitivement achevée et que le seul gourou, dorénavant, devait être le livre « Gourou Granth ». Bon nombre de ses disciples lui tournèrent le dos, à cause de sa direction malheureuse. Finalement, il envoya au Padeshah Aurangzeb une lettre, où il émit quelques critiques  -raison pour laquelle les Sikhs le considèrent comme courageux et appellent sa lettre « Zafar-Nama », la « lettre de la victoire »-  mais, en fin de compte, il y offrit sa soumission. Il devint un courtisan du prince héritier Bahadur Shah. Parce que le gouverneur mogol, qui avait battu Govind, se sentait menacé par l’amitié qui liait ce dernier au nouveau Padeshah, il le fit assassiner en 1708. Govind fut ainsi le troisième gourou à périr d’une main musulmane, ce qui contribua, bien évidemment, à consolider la haine profonde qu’éprouvent les Sikhs à l’endroit des musulmans, une haine qui fut réactivée en 1947 lorsqu’ils furent expulsés en masse du Pakistan, nouvel Etat islamique issu de la décolonisation du sous-continent indien.

 

Ce n’est donc qu’après la mort de Govind que le sikhisme prit l’initiative militaire de combattre le pouvoir musulman. Banda Bairagi, homme de confiance de Govind, mena une insurrection, qui fut écrasée dans le sang. Mais, sur ces entrefaites, la puissance mogol se vit brisée par un facteur nouveau, venu du sud, les Marathes hindous. L’Empire mogol n’eut plus qu’une existence nominale, tandis que le véritable pouvoir était exercé par les Marathes, qui le tiendront jusqu’à leur défaite de 1818 face aux Britanniques. Dans la région des Sikhs, il y eut donc subitement, à cause de la défaite des Mogols face aux Marathes, un vide de pouvoir, leur permettant  de proclamer leur propre Etat, qui résista à l’avance des Britanniques jusqu’en 1849.

 

Les cinq « K »

 

Malgré ses déboires militaires, le gourou Govind demeurera dans l’histoire pour avoir, en 1699, réorganisé une partie des Sikhs en un ordre militaire, la Khalsa (de l’arabe « khalis », signifiant « pur »). Lors d’un rassemblement, il aurait dit  -mais la narration de cette assemblée date de 1751 et est donc peu fiable-  qu’il avait besoin de quelqu’un qui soit prêt à donner sa vie. Un premier volontaire se présenta : c’était un homme appartenant à la même caste que les dix gourous qui s’étaient succédé depuis Nanak.

 

Ce volontaire s’engouffra dans une tente en compagnie de Govind. Le gourou en sortit un peu plus tard, un sabre ensanglanté à la main. Malgré le suspens pesant sur l’assemblée, un deuxième volontaire se présenta et entra dans la tente, puis un troisième. Après un manège identique avec cinq volontaires au total, le gourou sortit de la tente, avec les cinq volontaires, désormais appelés les « cinq favoris », se tenant par la main, tous bien vivants, rayonnant dans leurs habits et leurs turbans orange. Ils appartenaient à cinq différentes castes et venaient de cinq régions différentes, symbolisant par là même l’unité des Sikhs.

 

Les membres de la Khalsa, qui devinrent l’élite « normante » de la communauté sikh, doivent se tenir à toute une série de règles. Ainsi, ils ne peuvent pas épouser une femme musulmane ni manger de la viande « halal » (c’est-à-dire de la viande pure selon les critères de l’abattage rituel islamique). Cette disposition de la Khalsa pourrait avoir un réel impact sur nos sociétés devenues multiculturelles : nos enfants sont contraints, désormais, de manger de la nourriture « halal », dans les cantines scolaires sous prétexte que cela ne fait aucune différence pour eux, alors que leurs condisciples musulmans, eux, ne peuvent pas manger de viande « non halal ». Mais que doit faire dès lors l’enfant d’immigrés sikhs ? Pour eux, cette nourriture « halal » constitue un interdit alimentaire, quoique de manière inverse : il leur est rigoureusement interdit d’en absorber ! Toute école « progressiste », qui fait de la multiculturalité islamocentrée une obligation absolue à respecter, et qui fait cuire des plats « halal » pour l’ensemble de ses élèves, mais ne prend évidemment pas la peine de faire cuire des plats « non halal » pour les élèves chrétiens ou laïcs, lesquels doivent ipso facto renoncer à leur cuisine traditionnelle, devra à l’avenir, du moins si elle veut respecter les critères pluralistes de la multiculturalité, faire cuire des plats non halal pour d’éventuels élèves sikhs, faute de quoi leurs discours multiculturels apparaîtraient pour de la pure farce ou pour une islamisation déguisée, ce qui serait une option monoculturelle et non plus multiculturelle.

 

Les membres de la Khalsa ne peuvent jamais camoufler leur identité en portant des vêtements banals. Il faut qu’ils soient reconnaissables en portant la barbe et un certain type de turban, en portant également le titre honorifique du guerrier « Singh » (= « lion ») et en respectant la règle des cinq « K » : « Kesha » pour « cheveux », lesquels ne peuvent être coupés ; « Kangha » pour « peigne », afin de pouvoir porter leurs longues chevelures de manière ordonnée et soignée, à la différence de la pilosité désordonnée des ascètes hindous (le sikhisme est contre le renoncement au monde et le célibat monacal) ; « Kara » pour le bracelet d’acier ; « Katchtchiha » pour le pantalon knickerbockers sur le modèle militaire britannique ; et enfin, « Kirpaan », pour la fameuse dague, que les autorités indiennes et britanniques permettent de porter, aujourd’hui encore.

 

Renoncer au port de cette arme blanche est donc inacceptable pour les Sikhs membres de la Khalsa. Etre en mesure de se défendre par les armes est pour eux une obligation.

 

Moestasjrik/’t Pallieterke, 19 décembre 2007 (trad. franç.: Robert Steuckers).

 

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M. Maffesoli et "La violence totalitaire"

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Laurent SCHANG :

Un classique à relire: Michel Maffesoli et "La violence totalitaire"

 

Conférence tenue à l'Université d'été de "Synergies Européennes", 1999, Pérouse/Ombrie

 

«L’Etat qui se veut le propriétaire de la société en vient à exercer une violence pouvant prendre des formes diverses, mais dont le résultat est identique. En effet, que ce soit à la manière douce de la tech­no­structure, ou brutalement sous les diverses tyrannies, ce qui se veut totalisant tend à devenir  totalitaire».

 

Ces propos, introduction à l’essai d’anthropologie politique La vio­lence totalitaire ,  illustrent le projet panoramique de sociologie politi­que du politologue Michel Maffesoli. C’est une œuvre puissante, vo­lon­tariste, touffue également, qui trouve sa place au côté de son pen­dant philosophique, Michel Onfray.

 

Le lecteur y retrouve en filigrane les trois thèmes centraux de sa ré­flexion protéiforme et engagée, que sont:

-l’opposition ontologique entre puissance et pouvoir;

-la nature fondamentalement totalitaire de toute structure étatique;  et

-l’immanence «ouroubore», ou cyclique de tout processus révolution­nai­re.

Trois axes d’une pensée vivifiante directement située dans la conti­nuité de ses lectures, à savoir Spengler, Tönnies, Weber, Freund, Schmitt et Durkheim. Des classiques de l’hétérodoxie politique dont  Maffesoli  s’est non seulement imprégné mais qu’il se réapproprie et réactualise dans une logique de contestation, pondérée par ce qu’on appellera génériquement un conservatisme cynique qui doit plus aux le­çons de la sociologie qu’à des convictions personnelles néces­saire­ment idéologiques.

 

Logique de contestation et conservatisme cynique

 

Chez Maffesoli, c’est la démarche «para-scientifique» qui fonde la qua­lité de sa réflexion, plus encore que la pertinence de ses déve­lop­pe­ments et conclusions. «Une démarche proche du poétique pour la­quelle il est moins important de changer le monde que daller au plus profond dans l’investigation et la monstration». Selon la formule de l’Ec­clésiaste: «Quid  novi  sub sole? Nihil». Plus précisément, cela con­siste, «comme le dit Rainer Maria Rilke, à affronter, à vivre ce problème essentiel qu’est l’existence, dans une "saisie du présent" qui récuse l’historicisme et revendique le droit à l’inutilité. Un exis­ten­tia­lisme vitaliste qui puise à la source de Nietzsche et ne craint pas de recourir autant, sinon plus, aux enseignements des grandes plu­mes littéraires qu’aux cours magistraux des pères de la science politi­que. Qu’on juge plutôt: Raymond Aron est quasi-absent de La vio­len­ce totalitaire, bel exploit pour un politologue français.

 

A l’inverse, ses influences «pirates» témoignent d’une absence d’a prio­ri et d’une aspiration à la connaissance la plus large, qui tra­dui­sent un art de penser le monde et les hommes tout de souplesse et de circonvolutions. Livrées en vrac, les références qui parsèment La violence totalitaire, artistiques pour la plupart, parlent d’elles-mêmes: Artaud, Bloch, Breton, Céline, De Man, Hoffmansthal, Jouvenel, Klos­sow­ski, Krauss, Lukacs, Maistre, Michels, Orwell, Pareto, Vico,  etc. La liste n’est pas exhaustive.

 

Et de fait, on ne peut rien comprendre au cheminement intellectuel de Michel Maffesoli si l’on n’a pas en tête, page après page, sa lumi­neu­se formule: «Il y a toujours de la vie, et c’est cela qui véritablement po­se problème».

 

Polythéisme des valeurs et néo-tribalisme

 

Sa réflexion va du nominalisme à l’empathie, et prône le dépasse­ment des frontières dressées entre les divers aspects de la vie so­cia­le et de la vie naturelle. Une nécessité dictée par les signes avant-cou­reurs d’une mutation de notre civilisation: achèvement du pro­gres­sisme historique, accentuation a contrario du concept de temps pré­sent, relativisation de la maîtrise bourgeoise du temps et de l’es­pa­ce, remise en cause de l’exploitation de la nature, de la domination ra­tionalisée de la société.

 

Une critique des Lumières donc, prémisse d’une révolution dans la­quelle Maffesoli discerne le retour au polythéisme des valeurs et l’é­mer­gence d’un «néo-tribalisme diffus ne se reconnaissant plus dans les valeurs rationnelles, universelles, mécaniques qui ont marqué la mo­dernité».

 

Le réveil de la communauté contre la réduction au même, la Spaltung

 

«En gros le [pouvoir] est l’apanage de l’Etat sous ses diverses mo­du­lations. Le pouvoir est de l’ordre de l’institué. Par contre la puissance (...) vient du bas, elle est le fondement même de l’être-ensemble»; elle est force spirituelle «indépendante des facteurs matériels, nom­bre et ressource» (H. Arendt).

 

Maffesoli récupère la Freund-Feind-Theorie  de Carl Schmitt: il y a pou­voir là où il y a affaiblissement de la puissance (collective), deux fac­teurs indissociables et antagonistes qui composent toute constitu­tion politique. Il reprend dans la foulée la distinction opérée par Vil­fredo Pareto entre la puissance «résidus», constantes de l’activité hu­maine, et le pouvoir «dérivations», conceptions variables, pôle dyna­mique. «L’entrecroisement (des deux) constitue la trame sociale» dans un rapport de forces en équilibre toujours instable.

 

Parler de l’Etat, après Nietzsche, c’est «parler de la mort des peu­ples», tant sa logique élémentaire consiste à mettre en application l’é­quation «moi l’Etat, je suis le peuple».

 

Pour autant, le fantasme totalitaire n’est pas réductible «aux seuls fas­cisme et stalinisme, mais (...) il a tendance à se capillariser  dans l’en­semble du monde par le biais du contrôle, de la sécurisation de l’exis­tence ou du bonheur planifié», tel que l’exprime également l’a­merican way of life.

 

Le propre du pouvoir réside dans le projet social idéalisé qu’il entend im­poser, déniant «la réalité ou l’efficace des différences, des cultures, des mutations» sur la base de son idéologie positiviste.

 

«Une autre de ses facettes est (...) la laïcisation (...) de l’unicité salva­trice chargée d’assurer des promesses futures», dans une logique mi­se en évidence par Hobbes d’utilisation «du droit naturel comme sub­stitut de la loi divine.»

 

Solidarité mécanique contre solidarité organique

 

L’unicité factice ainsi créée nie la solidarité d’ordre organique pour lui substituer une «solidarité mécanique» dont les rouages ont été mis en avant par les travaux de Durkheim. Pour asseoir sa domination, le pouvoir dispose de multiples ressorts: la lutte contre la faim, le besoin de sécurité, l’organisation du travail; autant de facteurs de déstruc­tu­ration sociale qui jouent un rôle médiateur entre pouvoir et puissance.

 

Détenteur de la technique, le pouvoir méconnaît les limitations libé­ra­les du pouvoir par le pouvoir, du pouvoir par le savoir. La liberté ab­straite véhiculée par l’égalité nie la pluralité de l’action sociale. L’ano­mie généralisée qu’elle suscite entraîne automatiquement le relâ­che­ment du lien communautaire. Son fondement individualiste néglige le fait que la vie individuelle découle de la vie collective, et non l’inverse. L’égalisation par l’économique achève de diluer le sens tragique du rap­port désir individuel-nécessité sociétale dans ce que Maffesoli ap­pelle «l’ennui de la sécurisation (...) ce qu’il est convenu d’appeler le progrès de la société.»

 

Héritage des Lumières et de l’Europe du XIXe siècle, l’idéologie tech­ni­cienne amorce l’ère de la rationalité totalitaire. «La technique orien­tée vers une fin» selon les propos de Jürgen Habermas, qui ne man­que pas de dénoncer la dérive sacralisante de la technique moderne, in­carnée dans sa bureaucratie.

 

Mais, par bureaucratie, Maffesoli n’entend pas le poids de l’admi­nis­tra­tion sur la société; il nomme «bureaucratie» le jeu démocratique mê­me.

 

Idéologie technicienne et société du spectacle

 

«La bureaucratie de l’Etat moderne se reflète dans les partis». La pri­se de parole contestataire entretient «un état de tension qui lui as­su­re dynamisme et perdurance». C’est d’ailleurs l’étymologie du verbe con­tester: con-tester, aller avec et non pas contre. L’opposition est a­vor­tée dans l’œuf, elle devient adjuvant de l’institution. Un consensus qui mime seulement la socialité participative. La bureaucratie n’écou­te pas l’opinion atomisée, elle la met en scène périodiquement par le biais des élections, des sondages médiatisés, des enquêtes journa­listi­ques.

 

On entre dans la société du spectacle de Guy Debord, qui dit que «Don­ner la parole, la concéder c’est déjà en empêcher l’irruption vio­len­te, c’est la châtrer de sa vertu subversive».

 

La Gesellschaft a vaincu la Gemeinschaft.

 

La révolution : «mythe européen» et «catharisme moderne»

 

A ce stade de son analyse, Michel Maffesoli convient que «tout pou­voir politique est conservateur», parce qu’il incarne une immanence que la circulation des élites ne fait que redynamiser. Ceci au besoin par l’action révolutionnaire, dont il désamorce la charge subversive. Sa définition de la révolution est la suivante:  «La révolution est la ma­nifestation d’une archaïque pulsion d’espérance ou d’un irrépres­sible désir de collectif, et en même temps le moyen par lequel s’ex­pri­ment la "circulation des élites", le perfectionnement de l’idéologie pro­duc­tiviste et l’affermissement d’un contrôle social généralisé», «le rem­placement d’un pouvoir faible par un pouvoir fort, purification so­ciale qui ne change rien à la structure réelle du pouvoir».

 

La révolution est un «mythe européen», dont «le monothéisme so­cial» pour reprendre l’expression de Maffesoli est un projet totalitaire, est intégré au projet totalitaire intrinsèque au pouvoir. C’est le mythe pro­méthéen d’une société parfaite, utopique, un «catharisme moder­ne» dont le souci est la purification du monde. Sans ironie, on peut con­sidérer la Compagnie de Jésus comme sa représentation la plus aboutie.

 

Le progressisme linéaire qui prévaut dans l’esprit révolutionnaire mo­derne rompt avec la présupposition d’un ordre éternel et d’une défini­tion de la révolution comme restauration de cet ordre. Aujourd’hui, la révolution est conçue comme «un renversement violent du pouvoir éta­bli avec l’appui des masses ou du peuple sous l’autorité de grou­pes animés par un programme idéologique». Cependant il est frap­pant de constater que, de 1789 à 1968, ce sont les mêmes référen­ces issues du passé qui ont mobilisé les énergies révolutionnaires. Chez Rousseau comme chez Marx se dessine la même rémanence d’une restauration d’une nature vraie, et perdue, de l’homme. Il n’y a pas d’épistémé, mais, dixit Bachelard, un «profil», une épaisseur é­pistémologique, où l’on retrouve dans des arguments divers des élé­ments semblables supérieurs au messianisme épiphénoménal de cha­que période révolutionnaire. En ce sens, Maffesoli rejoint Freund, quand celui-ci dit que «le ré­vo­lutionnaire authentique est un conser­va­teur». «Une fois [la] fonction [révolutionnaire] accomplie [translatio imperii] sétablit un nouveau pou­voir dont le principal souci sera de juguler la révolte qui lui a don­né naissance».

 

La révolution permanente prônée par les Robespierre, Saint-Just, Trot­sky, et aussi d’une certaine manière Ernst Röhm, est une scorie phraséologique qu’il faut dépasser. Le calcul et le quantitatif doivent succéder au charisme et au qualitatif. Ce qui permet à Maffesoli de qua­lifier la révolution d’invariance du pouvoir et de reproduction du même. «Le révolutionnaire aime vivre dans l’ordre (...) . L’idée n’a rien de pa­ra­doxal. «La perspective révolutionnaire est réaction contre un ordre anarchique (...) elle fonctionne sur la nostalgie d’une totalité parfaite (...) où l’égalisation (...) serait le garant du bonheur total.»

 

La révolution annexe de l’ordre capitaliste industriel  

 

Science, technique, raison et égalité forment autant la colonne verté­brale de la révolution que de la société de domination.

 

Avec Baechler, il faut mettre en exergue le fait que «le peuple ne fait ja­mais de révolution, mais participe à une révolution (...) le peuple ne prend jamais le pouvoir, mais aide une élite à le faire». La révolution n’est qu’une «circulation accélérée des élites», pour reprendre les ter­mes de Jules Monnerot, un changement de vitesse et jamais un chan­gement de structure.

 

On peut dire ainsi tant que l’homme sera homme, qu’à une révolution succédera une autre révolution, elle-même poursuivie par une révo­lu­tion boutée par une autre révolution, dans un mouvement cyclique in­fi­ni, puisqu’en finalité chaque révolution se rigidifie au contact du pou­voir, et se grippe.

 

La révolution est devenue l’annexe de l’ordre capitaliste industriel des XIXe et XXe siècles. Fondées sur l’idéal de «l’activité économique séparée et systématisée, et de l’individu comme personnalité auto­no­mi­sée et référée comme telle», la révolution et le pouvoir sont les deux actes d’une même pièce, une tragédie appelée totalitarisme.

 

Le serpent «dont il faut venir à bout»

 

Pour conclure, et parce que, malgré tout, après la pluie revient le beau temps, je vous soumettrai en note d’espoir les quelques anti­do­tes proposés par Michel Maffesoli pour contrer La violence totalitaire. Lesquels antidotes rejoignent par bien des aspects les positions dé­fen­dues par Synergies Européennes:

 

-en premier, un devoir pour nous tous: «désamorcer, ainsi que le dé­mon­trait Durkheim, cette superstition d’après laquelle le législateur, doué d’un pouvoir à peu près illimité, serait capable de créer, mo­di­fier, supprimer les lois selon son bon plaisir (...) [et redécouvrir que] le droit est issu de nous, c’est-à-dire de la vie elle-même (...)»

 

-ensuite, restaurer l’authenticité de la question nationale dans son ex­pres­sion communautaire, seule formule historique qui ne cède pas à la «crispation particulariste» mais tend vers un «ailleurs universel».

 

-enfin, étendre l’idée incarnée dans la germanité nietzschéenne aux niveaux européen puis mondial. Briser la rationalité étriquée du cen­tra­lisme étatique et bureaucratique par la dynamique de l’enracine­ment. Une manière d’exprimer le plus harmonieusement le dévelop­pe­ment individuel et social, et leur rapport à la nature comme néces­sité.

 

Et puisque la révolution et le progrès sont tous deux d’essence mythi­que, je soulignerai que si l’Ouroubouros est le «gardien de la péren­ni­té ancestrale» du pouvoir dans sa continuité, c’est aussi le serpent «dont il faut venir à bout». Peut-être parmi nous se trouvent déjà, ici mê­me, les Saint-Michel, Saint-Georges, Jason ou Héraklès qui ac­com­pliront cette tâche civilisatrice.

 

Pour que cesse La violence totalitaire.

 

Laurent SCHANG.

 

Achevé décrire en 1979, publié chez Klincksieck depuis 1992, La vio­lence totalitaire. Essai d’anthropologie politique de Michel Maffesoli est aussi disponible chez Desclée de Brouwer depuis cette année 1999.

vendredi, 28 décembre 2007

Y.M. Laulan: nations suicidaires et déclin démographique

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Entretien avec Yves-Marie Laulan :

Nations suicidaires et déclin démographique

 

Après des études de Sciences politiques et un doctorat d'Etat de Sciences économiques, Yves-Marie Laulan a été successivement économiste au FMI, à la Banque mon­diale et à la « Caisse française de développement ». Conseiller au cabinet de Michel Debré aux Finances puis aux Affaires étrangères, directeur des affaires écono­miques et président du comité économique de l'OTAN, directeur des études de la Société générale, directeur général du Crédit municipal de Paris. Il est consultant international depuis 1995 et professeur associé à Paris II. Yves-Marie Laulan a été professeur à Sciences-Po, à Paris-Dauphine, puis au Panthéon, conférencier à Po­ly­technique et à l'Ecole supérieure de Guerre et à l'IHDN, membre de la commission des comptes et budgets économiques de la Nation, président international des économistes de banque. Il vient de publier chez F. X. de Guibert Les nations suicidaires un ouvrage sur la dé­mo­graphie.

 

XCh : En matière démographique,vous avez l'air d'être volontairement pessimiste…

 

YML : Ce ne sont pas les propos de l'auteur qui sont violents, mais la situation qui est violente. En fait, il est déjà presque trop tard; les phénomènes démographi­ques, ceux, disons, que je traite, ont ceci de particulier, et de singulier, qu'ils sont lents, et passent largement ina­perçus, jusqu'à ce qu'il soit trop tard précisément; on peut réparer les ra­vages d'une guerre en quelques années, l'Allemagne et la Fran­ce en ont fait l'expérience. On peut se remettre des consé­quences d'une crise économique en peu de temps. Mais un traumatisme démo­gra­phi­que prend des décennies, ou des siècles, pour guérir, quand il n'est pas inguérissable. Après tout, un siècle et demi après l'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis, les Noirs américains ne sont toujours pas intégrés dans la société américaine. Mais vous avez en partie raison. J'ai adopté, volontairement un ton un tantinet provocateur. Car pour réveiller les sourds, il faut un énorme carillon. Et à quelle opi­nion pu­blique abêtie, abrutie, anesthésiée par un matraquage mé­diatique quotidien n'avons-nous pas affaire? La France de l'infor­ma­tion aujourd'hui, c'est, en mieux, car en plus efficace, la Roumanie de Ceau­cescu. Ceci étant, le dissident de la pensée unique que je suis, le samizdat de la Russie soviétique, selon l'expression de Pierre Chau­nu, veut incarner, modestement, à sa mesure, le veilleur à l'au­be dont parle la Bible (Isaïe), celui qui reste seul à son poste, toute la nuit, en attendant que l'aube se lève, peut-être.

 

XCh : Comment expliquez-vous que nous soyons con­fron­tés à un hiver démogra­phi­que des plus terribles ?

 

YML : Pourquoi faut-il que ce soit au moment où le niveau de vie bat tous les records, où la condition humaine en général, celle de la fem­me occidentale en particulier, n'ont jamais été aussi favorables, que l'on assiste à un effondrement de la natalité? Ce phénomène est bien sûr nié ou camouflé par les menteurs patentés que sont les démo­gra­phes officiels, qui sont aux réalités démographiques ce que Radio Pa­ris était à la vérité de l'information pendant l'Occupation. Les prin­ci­paux facteurs du phénomène sont les suivants. La femme occi­den­ta­le ne veut ou ne peut pas avoir d'enfants. La fameuse poupée Bar­bie dont on parle tant ces jours-ci incarne bien la vision que l'on se fait de la femme dans nos sociétés repues et stériles. Ni mère, ni é­pouse, amante occasionnelle, elle vit en suzeraine au sein de son pro­pre univers enchanté qui repose sur le sexe, un peu, le sport, beau­coup, la carrière énormément, son corps enfin, totalement. Elle se veut homme, à part entière. Car la société occidentale a été inca­pable de formuler une réponse convenable à ce grand défi du XXe siècle: comment réussir l'émancipation de la femme? Comment lui permettre de concilier raisonnablement son rôle de mère, indis­pen­sa­ble pour la perpétuation de l'espèce, sur le plan biologique comme cul­turel, et son rôle, non moins nécessaire, de professionnelle. Allez donc poser la question à M. Juppé; et puis, il y a le triomphe, sans pudeur, des homosexuels, qui ne sont pas réputés pour leur fé­con­di­té naturelle. Acceptable à titre privé, dans la décence et la discrétion, l'ho­mosexualité devient agressive et prosélyte, comme on le voit avec le Pacs. Les homosexuels réclament la reconnaissance sociale et la considération qui va, au même titre et même davantage, aux pè­res ou mères de famille, ce qui en dit long sur l'inversion des valeurs dans nos sociétés à vocation suicidaire. Mais on pourrait ajouter bien d'autres facteurs, comme la culture de mort si justement dénoncée par le Pape Jean-Paul II, avec l'avortement de masse, remboursé par la Sécu —un comble— et l’humanitarisme médiatique, qui s’attaque sans cesse aux valeurs "fortes" : honneur, travail, dignité, sens de la famille, goût du sacrifice et du renoncement, etc. Si je poursuivais sur cette voie, on me prendrait pour un prédicateur en chair et en os.

 

XCh: Cet hiver démographique n'est-il pas l'expression d'une fuite des responsabilités?

 

C'est bien le fond du problème. Car depuis trente ans, nous as­sis­tons, impuissants et résignés, à une fuite généralisée devant les res­ponsabilités, et cela à tous les niveaux. Irresponsabilité des garçons qui ne veulent plus assumer la responsabilité d'être pères ou chefs de famille. Irresponsabilité des filles qui ne veulent plus mettre d'en­fants au monde et préfèrent adopter des toutous pour leur tenir com­pa­gnie (il est vrai que les chiens ne cotisent pas pour la retraite; mais per­sonne n'est parfait). Irresponsabilité des hommes politiques qui pré­fèrent sacrifier l'avenir du pays afin de préserver leurs précieuses chan­ces aux prochaines élections (il ne faut mécontenter personne, et après moi le déluge !). Irresponsabilité des fonctionnaires qui veu­lent toujours plus d'effectifs, d'augmentations de salaires, de primes, et moins de temps de travail. La France est en train de se trans­for­mer, sous la houlette socialiste  —mais la droite n'a guère fait mieux—  en un gigantesque camp d'assistés de tous genres et de tous poils. D'ailleurs, dès lors que 57% du PIB est redistribué, on peut affirmer sans crainte de se tromper qu’un Français sur deux est assisté, et donc irresponsable.

 

XCh: En épousant l'individualisme et un certain confort anesthésiant, la France n'est-elle pas sur la pente qui peut la conduire à sortir de l'histoire?

 

YML : La France est déjà sortie de l'histoire de notre temps sur la pointe des pieds. Elle y rentrera peut-être un jour. Mais, ceci est une autre histoire. Pour l'instant, nous avons déjà renoncé à deux attri­buts majeurs de la souveraineté, qui font qu'une nation existe au mon­de, à savoir: la monnaie avec l'euro, depuis le début de l'année. La monnaie légale en France depuis le 1 janvier 1999  est l'euro, (dont le cours légal est géré à Francfort), et non plus le franc, qui n'est plus qu'une monnaie divisionnaire. Par ailleurs, la France a aus­si renoncé à son armée qui n'est plus qu'une force de police auxiliai­re, au service de l'OTAN et de nos alliés. L'Europe aujourd'hui n'est pas une ascension vers un mieux-être, mais une fuite en avant qui per­met à nos hommes politiques de conserver leurs indemnités par­le­mentaires, opulentes tout en évacuant sur Bruxelles les décisions dif­fi­ciles. Ce n'est plus l'Europe sans rivages de François Perroux, mais l'Europe sans visage de Jacques Delors, celle de tous les aban­dons, de toutes les lâchetés, de tous les renoncements. Le drame est que les Français restent sans voix et sans réactions, comme hé­bé­tés, devant toutes les mutilations de leur souveraineté qui leur sont im­posées. Ils manifesteront en masse pour la chasse à la tourterelle mais ne réagiront pas contre le Pacs ou contre le Traité d'Amster­dam. Ce n'est plus un peuple de veaux mais une colonie de lem­mings. Et on le dit ingouvernable. Erreur. On le manipule comme on veut et on lui fait avaler n'importe quoi.

 

XCh : Existe-t-il des signes de salutaire réaction?

YML : Aucun pour l'instant. Le profil de l'encéphalogramme est plat et le patient dans un état comateux profond.

XCh : Pensez-vous que la France survivra au XXe siècle?

 

YML : Tout dépend de ce que l'on appelle survivre; en tant que peu­plade dotée d'un passeport plus ou moins récent et, bien entendu, d'une carte de sécu, les Français ont toutes les chances de survivre. On ne va pas perdre comme cela le secret du cassoulet, du magret de canard ou des tripes à la mode de Caen. Et puis, il y a le foot. Comme peuple, fier de son passé et soucieux de son destin, comme nation, orgueilleuse de sa présence au monde et de sa place dans le concert européen, c'est une toute autre histoire. En raison de son é­vo­lution démographique caractérisé par un affaissement démogra­phique interne, compensé par une immigration massive de peuple­ment, la France a toute les chances de devenir ce que l'on peut ap­peler une société malheureuse. Elle surmontera difficilement les con­tradictions internes qu'elle a elle-même créées. Peuplée de fortes mi­norités à vocation majoritaire, très différentes par leur culture et leurs valeurs, et donc forcément rivales, la France deviendra un pays où le simple maintien de l'ordre public va requérir la mobilisation de toutes les ressources internes pour conserver un semblant d'ordre social. D'autant plus, qu'au contraire des Etats-Unis, qui ont accepté les ru­des disciplines du libéralisme créateur de richesses et d'emplois, la Fran­ce adopte des mesures ineptes comme le montre bien la funeste loi des 35 heures qui est la risée du monde civilisé. De telles sociétés ne peuvent prétendre avoir une politique étrangère ou de défense ex­té­rieure, mais, ce qui est déjà beaucoup, de simple préoccupations de maintien de l'ordre, dans le cadre d'un régime de plus en plus po­licier et d'une économie de plus en plus étatisée comme c'est déjà le cas dans maints pays africains ou au Liban. Si c'est cela que vous ap­pelez survivre, alors oui, la France a des chances de survivre. Mais dans quel état !

 

(propos recueillis par © Xavier CHENESEAU, pour « Synergies Eu­ro­péennes »).

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Entretien avec Bernd Rabehl

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Entretien avec Bernd Rabehl, leader en 1968 de l’Opposition extra-parlementaire ouest-allemande

 

Nous sommes devenus un peuple d’ilotes !

 

Propos recueillis par Dimitrij Grieb

 

Introduction : Né le 30 juillet 1938, le Dr. Bernd Rabehl a reçu une formation de sociologue et de politologue. Il a été professeur à la « Freie Universität Berlin » jusqu’en 2003. Ami de longue date et camarade de combat de Rudi Dutschke, on le considère comme l’un des principaux théoriciens de l’ « Opposition extra-parlementaire », en abrégé « APO », et du fameux SDS (« Sozialistischer Deutscher Studentenbund », « Fédération socialiste des étudiants allemands »), qui furent les deux organisations porteuses de la révolte estudiantine  de 1967-68 en Allemagne. Bernd Rabehl a écrit une biographie de son ami, intitulé « Rudi Dutschke – Revolutionär im geteilten Deutschland » (= « Rudi Dutschke – Un révolutionnaire dans l’Allemagne divisée »). Ce livre nous permet, aujourd’hui, de réexaminer sereinement les positions du penseur révolutionnaire tant contesté par la bienpensance à l’époque.

 

* * *

 

Q. : Professeur Rabehl, beaucoup de jeunes sont totalement désorientés et l’Allemagne connaît désormais le chômage de masse. Ce qui est en train de se passer, soit le basculement de jeunes gens de gauche dans des partis ou des organisations d’inspiration nationale voire nationaliste, ressemble au paysage politique des années 20 du 20ième siècle. Cet état de chose va conduire les partis du régime à mener un dur combat politique pour récupérer cette jeunesse, mais les partis de droite n’ont pas grand-chose à offrir, jusqu’à présent….

 

BR : Nous expérimentons effectivement ce basculement dans les provinces de l’Est, où nous voyons les jeunes des classes défavorisées passer à « droite ». Nous avons ensuite un autre phénomène, celui de la neutralisation de l’intelligentsia dans les universités et les hautes écoles. Ces phénomènes sont liés à la situation fatale qui règne sur le marché du travail ; quant à la neutralisation des élites intellectuelles, elle est due à la concurrence accrue entre les étudiants qui terminent leurs études : comment vont-ils décrocher un boulot ? Jadis l’intelligentsia de gauche dominait dans les universités : cette intelligentsia est aujourd’hui neutralisée ou se comporte de manière parfaitement opportuniste, tandis que les jeunes sans diplôme, issus de classes défavorisées, principalement dans les Länder de l’Est, basculent à « droite », phénomène lié à l’histoire récente, très spécifique à ces régions, où les villes et leurs industries traditionnelles ont été détruites.

 

Q. : La CDU démocrate-chrétienne est passée définitivement à gauche ; elle s’aligne sur le discours apocalyptique et médiatique qui se veut « anti-fasciste ». Jusqu’en 1989, année de la chute du Mur, l’ « anti-fascisme » était l’idéologie passerelle entre les néo-marxistes libertaires, inspirés par l’école de Francfort, et les marxistes durs, de mouture stalinienne. Que pensez-vous de ce glissement ?

 

BR : Cette alliance de facto existe toujours de nos jours. C’est une sorte de « front populaire », ou de « front national » de l’Allemagne démocratique, c’est-à-dire de feue la RDA. Dans ce concert, la CDU est effectivement devenue un petit instrument mineur jouant benoîtement la partition écrite par les partis de gauche. Tous s’accordent sur une conception du monde, sur un programme, mais leur but essentiel est de lutter contre le peuple lui-même, contre le peuple allemand, contre la culture allemande, contre la langue allemande, contre le passé allemand. Ils veulent réduire ce passé allemand à la période qui court de 1933 à 1945.

 

Q. : Vous considérez que le peuple allemand est devenu un peuple d’ilotes. Que devons-nous entendre par là ?

 

BR : Les peuples d’ilotes sont des peuples qui ont perdu l’esprit, qui n’ont plus une intelligentsia propre, qui n’ont plus de culture spécifique. Je veux ici vous rappeler une parole qui nous vient tout à la fois de Hegel et de Friedrich Engels : « Un peuple est toujours un peuple de bâtisseurs de villes, un peuple qui possède des universités, une peinture propre, un art spécifique, une architecture ». Si tout cela va à vau-l’eau, le peuple perd la tête et est détruit jusqu’au tréfonds de sa personnalité. Les valeurs d’autres peuples sont alors injectées dans ce peuple « ilotisé », qui perd ainsi les derniers résidus de son identité.

 

Q. : Les Allemands sont donc devenus un peuple d’ilotes, mais sont-ils dominés par les Etats-Unis ou par les forces dynamisantes qui tiennent là-bas, Outre Atlantique, le haut du pavé ?

 

BR : Oui, c’est cela, c’est exact. C’est là l’application exemplaire des stratégies qui ont été élaborées pour les guerres du futur. On ne veut pas qu’en Europe centrale et orientale émerge une puissance forte qui pourrait concurrencer les Etats-Unis ou choisir un jour de s’aligner aux côtés de la Russie ou de la Chine. A Washington, l’intérêt majeur est de détruire l’Europe, et non pas seulement l’Allemagne, dans sa substance culturelle et nationale. C’est pour cette raison qu’on nous a imposé l’immigration de masse ; celle-ci est téléguidée et introduit en nos murs des populations venues de plusieurs zones de la planète, sinistrées par des guerres. Ce n’est pas un hasard si nos immigrés viennent de Turquie, du Moyen Orient ou d’Afrique du Nord. Dans les régions sinistrées par la guerre, on retire l’eau dans laquelle le poisson peut nager et on transplante celui-ci en Europe, où l’on se demande : « Pourquoi cela, vers quel but nous dirigeons-nous en pratiquant une telle politique ? ». Ces immigrés n’apportent pas une force de production supplémentaire, ni un savoir précieux, mais arrivent chez nous en tant que peuples brisés, c’est-à-dire en peuples réduits au statut d’ilotes, comme nous.

 

Q. : Comme votre célèbre compagnon de combat de jadis, Rudi Dutschke, vos racines sont en Allemagne centrale, l’ex-RDA. Vous avez pu observer comment les Etats-Unis comme l’URSS ont tenté, chacun à leur manière, de faire du peuple allemand un peuple d’ilotes. Peut-on considérer, avec le recul, que les Allemands de l’ex-RDA ont été moins contaminés par les politiques de rééducation que les Allemands de l’Ouest ?

 

BR : En ex-RDA, il y a toujours eu une sorte de résistance naturelle. Les valeurs soviétiques, les valeurs du parti, de la culture soviétique, ou même du peuple russe, n’ont finalement été adoptées que par les castes dominantes, dans les sphères supérieures du parti. Pour leur part, les ouvriers et la petite bourgeoisie n’ont cessé de récriminer, d’imaginer des blagues mordantes car ils voyaient les pauvres troufions des garnisons soviétiques traîner leurs godillots dans leurs villes et savaient que ces pauvres bougres ne pouvaient rien leur apporter, n’avaient rien à leur dire. C’est dans ce non dialogue permanent que résidait la résistance naturelle du peuple et c’est pour cette raison que les Allemands de l’ancienne RDA sont aujourd’hui plus allemands que les ex-Ouest-Allemands.

 

Q. : Lénine considérait que le peuple russe était son premier ennemi. Il avait l’intention, dès lors, de subordonner les Russes à son idéologie, et d’en faire aussi un peuple d’ilotes. Finalement, le marxisme comme le libéralisme sont issus tous deux du même tronc idéologique : tous deux défendent une vison linéaire de l’histoire, croient à une fin de l’histoire et raisonnent dans les termes d’une philosophie matérialiste. Vos travaux et vos conférences abordent régulièrement les dimensions religieuses du marxisme. Mais existe-t-il aussi une dimension religieuse du libéralisme ?

 

BR : En Russie, aujourd’hui, l’Eglise orthodoxe a récupéré à son compte toute la charge religieuse que recelait, en dépit de son idéologie matérialiste, le marxisme. Le peuple préfère apparemment redevenir chrétien de rite orthodoxe. En Europe occidentale et en Amérique, nous devons plutôt évoquer une ère post-libérale car les principes du libéralisme y sont désormais évoqués pour étayer une méthode de domination des peuples, méthode qui n’entend toutefois pas respecter ces principes.

 

Q. : On vous campe comme l’ancien bras droit de Rudi Dutschke. Y a-t-il un point particulier que vous aimeriez souligner ici, quant à la personnalité de Dutschke, quarante ans après la révolte étudiante et extra-parlementaire ?

 

BR : D’abord je voudrais tout de même rappeler que Rudi Dutschke n’était nullement une personnalité qui appelait à la violence ni cherchait à la commettre. Dutschke était un chrétien protestant au milieu de socialistes ; il se rendait régulièrement au temple, priait souvent et lisait la Bible. Ce sont là des éléments importants de sa personnalité que l’on ne doit ni oublier ni occulter aujourd’hui. Dutschke était un adversaire déclaré de toute violence et a toujours tenté de défendre une position hostile à la violence au sein de la gauche extra-parlementaire, mais n’a jamais pu atteindre son but, car l’ambiance, autour de lui, était à l’action violente. Plus tard, quand le parti des Verts a été fondé par d’anciens activistes de gauche, il a tenté de s’incruster dans le mouvement. Mais il est mort prématurément des suites des blessures qu’il avait subies lors de l’attentat commis contre sa personne. Je peux dire clairement, sans aucune ambiguïté, que Dutschke n’avait rien en commun avec la violence déclenchée ultérieurement par la RAF (Bande à Baader) ou par d’autres groupes militants.

 

Q. : Vous soulignez donc le christianisme de Dutschke, homme de gauche mais aussi nationaliste au meilleur sens du terme, car il s’opposait à toute les formes d’occupation que subissait l’Allemagne…

 

BR : Il a refusé de servir dans la NVA, la « Nationale Volksarmee » de la RDA, parce qu’il ne voulait pas combattre les Allemands de l’Ouest. Il voulait que les Américains quittent notre pays, de même que les Soviétiques. Il voulait transposer les idéaux des mouvements de libération est-européens en RDA et en RFA. Il pensait que la Révolution allait venir de l’Est pour réanimer l’Ouest. La Révolution française avait d’abord migré vers l’Est, vers Moscou et vers Pékin ; ses idéaux allaient ensuite revenir, pensait-il, vers l’Ouest, en faisant crouler les régimes communistes de Hongrie, de Pologne, de RDA et, finalement, d’URSS. Au fond, malheureusement, ses idées sont parties aujourd’hui en fumée : personne n’a tiré réellement les leçons qu’il fallait des positions de Dutschke. Et, de toute façon, la gauche n’était pas prête, à l’époque, à accepter ses idées.

 

(extraits d’un entretien accordé à l’hebdomadaire viennois « zur Zeit », n°47/2007 ; trad. franç. : Robert Steuckers).

jeudi, 27 décembre 2007

Eric Werner: de l'extermination

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Eric Werner : de l'extermination

Eric Werner, chargé de cours à l'Université de Genève, a publié plu­sieurs ouvrages chez L'Age d'Homme. Son dernier livre, paru en 1993, s'intitule De l'extermination et constitue un excellent remède au bourrage de crâne effectué de manière permanente par les médias of­ficiels. Citons un court passage: « Ce qui contribue encore à com­pli­quer le problème, c'est que l'une des dimensions privilégiées de l'ex­termination n'est autre aujourd'hui que la dénonciation même de l'ex­termination (ou la propagande dont elle est le prétexte). Car l'ex­ter­mination est ce qu'elle est, mais il y a aussi ce qu'on dit qu'elle est. Il y a les mots, mais aussi les images. Les images, mais aussi les tru­qua­ges. Les sens qu'on sidère et les réflexes qu’on conditionne. Les chif­fres qui s'alignent et les masses qu'on décervelle. En sorte que lors­qu'on veut aujourd'hui exterminer quelqu'un, le meilleur moyen en­core est de le désigner comme exterminateur. Car que mérite un ex­terminateur, sinon d'être lui-même exterminé? C'est un ex­ter­mi­na­teur, donc il est à exterminer ». Et voici un passage concernant l'insé­cu­rité: « On croit volontiers que l'insécurité est toujours et néces­sai­re­ment en elle-même une calamité. Mais c'est là une vue par trop étroi­te du problème. En réalité elle joue un rôle important dans le maintien de la stabilité du système. Elle concourt utilement par exemple à dé­mo­raliser les populations, et par là même aussi à les convaincre de la va­nité qu'il y aurait à vouloir s'opposer au "sens de l'histoire" (tel que le définissent les autorités). On pourrait dire aussi qu'elle a une fonc­tion rééducative. Elle achève de réduire les individus à l'impuissance et de les mettre dans l'incapacité de ne rien entreprendre contre la no­menklatura en place. Bref, c'est un instrument efficace de contrôle so­cial. On lui est redevable de soustraire les autorités aux désa­gré­ments liés à une hypothétique et toujours aléatoire contestation ve­nue de la base. On comprend dès lors le soin tout particulier qu'elles mett­ent à la laisser se développer comme elle le fait. Elles ne disent na­turellement pas qu'elles sont pour l'insécurité (non quand même), mais elles ne s'emploient pas moins à la favoriser discrètement (...). L'in­sécurité a parallèlement encore une autre fonction péda­go­gi­que: celle d’habituer progressivement les populations à l'ab­sence de droit. La croyance en l'existence du droit n'a en effet de sens que dans un Etat de droit. Dans un Etat qui n' est pas de droit ou l'est de moins en moins, parce que les autorités elles-mêmes en pren­nent de plus en plus à leur aise avec le droit (quand elles n'en vien­nent pas purement et simplement, comme c'est souvent le cas, à se mettre au-dessus du droit), une telle croyance perd évidemment tou­te raison d'être. A la limite même, elle pourrait passer pour sub­versive » (P. MONTHÉLIE).

Eric WERNER, De l'extermination, Editions Thael (Case postale 4102 – CH-1002 Lausanne), 1993, 124 pages.

 

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J. Parvulesco: Guerre intercontinentale de la Fin

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Un texte de 1999 qu'il est toujours bon de relire !

 

Jean PARVULESCO :

 

La guerre intercontinentale de la fin est commencée !

 

Avec l'effondrement du Mur de Berlin en 1989, le cycle politico-his­to­rique de l'"après-guerre", commencé en 1945, venant de prendre fin, un bref interrègne a-historique s'en était ensuivi, pendant lequel l'histoire mondiale s'en était trouvée comme provisoirement sus­pendue dans sa marche en avant. Interrègne qui prend fin, aujour­d'hui, avec les débuts de l'ère des conflagrations intercontinentales planétaires entamée par l'actuelle agression anti-européenne directe des Etats-Unis dans le Sud-Est de notre continent. En effet, la guerre anti-européenne —en fait, anti-grand-continentale—  menée, actuel­le­ment, par les Etats-Unis, au Sud-Est de l'Europe, contre la Serbie, re­présente le commencement  —l'enclenchement politico-militaire di­rect, et tout à fait à découvert—  du grand cycle des conflagrations in­ter­continentales planétaires qui, dans les prochaines années à venir, vont devoir opposer l'unité impériale européenne grand-continentale à l'entreprise impérialiste d'hégémonie planétaire totale poursuivie, de­puis 1945, par les Etats-Unis, ou plutôt par ce que Bill Clinton vient d'appeler, déjà, la « Superpuissance Planétaire », agissant au servi­ce de l'idéologie démocratique mondialiste des "droits de l'homme" (en réalité, l'idéologie subversive fondamentale de l'Anti-Empire, de l’« Em­pire du non-être »).

 

Dans l'état présent des choses, deux enseignements essentiels se dé­gagent analytiquement de l'agression anti-européenne des Etats-U­nis, actuellement en cours :

 

(1) La situation d'inconcevable mainmise des Etats-Unis sur l'en­sem­ble des moyens de communication européens, presse, radio, télé­vi­sion, ensemble entièrement contrôlé par l'appareil souterrain d'em­prise et d'encadrement à la disposition de la ligne politique offensive an­ti-européenne de Washington.

 

(2) L'assujettissement intégral, à la ligne offensive anti-européenne de Washington de l'ensemble des infrastructures politiques de gou­ver­nement de la social-démocratie partout au pouvoir en Europe, en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Italie, etc.

 

A ce titre, l'actuel renversement des positions politiques de base de la France et de l'Allemagne —pourtant pré-engagées sur des posi­tions essentiellement anti-américaines de par leur participation même au Pacte Carolingien franco-allemand, base fondationnelle originelle de l'unité impériale européenne grand-continentale—  apparaît com­me extraordinairement flagrant : la France et l'Allemagne qui, nor­ma­le­ment, auraient dû se trouver à l'avant-garde de la ligne de résis­tance européenne grand-continentale face aux tentatives en cours de l'emprise américaine sur l'Europe, se retrouvent, en ce moment, au con­traire, et très paradoxalement, à la pointe de l'assujettissement aux actuelles positions anti-européennes offensives de Washington. La ligne géopolitique grand-continentale eurasiatique du "grand gaul­lisme" se voit ainsi non seulement abandonnée, mais totalement re­tournée, changée en son propre contraire.

 

A telle enseigne que l'on se trouve puissamment tentés de se de­man­der  —et cela est vrai, d'évidence, plus particulièrement encore pour la France—  si à l'arrière-plan de la situation présente  —à l'ar­riè­re-plan des changements, des renversements, apparemment in­com­préhensibles, de la ligne politique conductrice de leur attitude— il n’y avait pas de raisons, des “anti-raisons", des "raisons autres”, pro­fondément dissimulées, inavouables et inavouées dans le contexte présent, des raisons ayant très occultement eu à présider aux choix inconcevables de la France —et de l'Allemagne aussi— face à l'ac­tuelle tentative américaine de mainmise offensive sur l'Europe.

 

L’action contre la Serbie pourra se répéter contre n’importe quelle puissance européenne

 

Car un troisième enseignement, moins discernable, peut-être, que les deux précédents, se dégage également de l'actuelle initiative politico-militaire américaine en Europe, à savoir celui de la dialectique de défi et de menace sous-entendue, présents dans l'action stratégique, à tous égards exemplaire, ainsi entamée par les Etats-Unis au Sud-Est de notre continent. Ce troisième enseignement serait alors le sui­vant : que ce que les Etats-Unis sont actuellement en train de faire contre l’insoumission de la Serbie à la volonté mondialiste subversive de la « Superpuissance Planétaire »,  la « Superpuissance Plané­tai­re » pourrait entreprendre de le faire également, quand l’occasion se pré­sentera, contre n'importe laquelle des nations européennes, et mê­me contre l'ensemble de celles-ci (et plus particulièrement contre la France, l'Allemagne et la Russie, qui sont, chacune de leur côté et, surtout, ensemble, des « puissances décisives »).

 

Il ne semble donc pas du tout qu'il fût impossible que le choix d'as­sujettissement politique forcené  —mais après tout, des faux choix peut-être, des leurres politico-stratégiques de circonstance—  qui sont aujourd'hui ceux de la France et de l'Allemagne à l'égard de la vo­lonté offensive des Etats-Unis dans le Sud-Est européen ne re­pré­sentent, en réalité, que des options opératives de décalage, de di­ver­sion préventive, de tergiversation et de mise en retard stratégique des­tinées à gagner du temps, à contrer d'avance toute éventuelle ex­ten­sion à venir du champ de l'action offensive américaine en Europe. En effet, les Etats-Unis viennent de prouver qu’ils disposent d'un nom­bre absolument dramatique de longueurs d'avance par rapport à l'Eu­rope, et surtout par rapport à nos propres projets d'une Grande Eu­rope, d' Europe grand-continentale eurasiatique. Or, à l'heure pré­sen­te, c'est avant tout autre chose à ce dramatique retard qu'il nous faut faire face. Par n'importe quels moyens, et en prenant n’importe quels risques. C'est une affaire de destin, une affaire de destin final.

 

Alain Peyrefitte: « Jamais l'évidence de la prise de possession de l'Europe par Washington n'a été aussi mortifiante » (Le Figaro, 15. IV. 1999).

 

Une pénétration militaire offensive en Europe

 

Car le choix des Balkans comme zone d'intervention politico-militaire directe de Etats-Unis en Europe ne laisse d'être extrêmement révé­la­trice. Le Kosovo et, derrière celui-ci, la « Grande Albanie » et la Bos­nie, enclaves islamistes en Europe, vont devoir servir aux plans de la grande stratégie politique américaine de pénétration militaire offen­sive en Europe au titre de bases d'implantation et de rayonnement, établissant un lien subversif permanent, à travers la Turquie, avec la chaîne de présence contre-stratégique américaine longeant l'en­sem­ble du flanc Sud de la Russie, où les républiques islamistes de l'an­cien­ne URSS se trouvent actuellement travaillées à fond par les ser­vices spéciaux de Washington, et où des grande bases stratégiques mi­litaires américaines sont en train d'être implantées d'urgence.

 

C’est en effet par une prise de position dans le Sud-Est du terri­toire visé que la géopolitique confidentielle américaine entame tou­jours le processus de sa pénétration, et de l'investissement con­tinental de grande envergure ultérieure. Tout comme dans le Sud-Est asiatique, au Vietnam, l'établissement d'une tête de pont po­litico-militaire au Sud-Est de l'Europe, dans les Balkans, révèle l'in­tention d'un projet américain d'investissement continental total. Si ce qui a été ainsi mis en branle par Washington n'est pas contré, n'est pas arrêté à temps, le sort de l’Europe  —de la Grande Europe de di­men­sions continentales eurasiatiques—  est scellé, ses destinées anéan­ties. Car tel est l'ultime but de guerre des Etats-Unis, de leur guerre politique totale actuellement déjà en cours.

 

A part l'intensification de plus en plus poussée du travail de la résis­tan­ce européenne au double niveau, idéologique et immédiatement pol­itique, travail révolutionnaire que l'on doit considérer, dans les cir­con­stances présentes, comme un travail confidentiel, voire même tout à fait souterrain, et qui marque l'heure de l’émergence activiste de l'ensemble de nos "groupes géopolitiques", de Lisbonne à Mos­cou, l'effort européen d'ensemble concerne la bataille actuelle pour la surqualification de l'Union Européenne, à laquelle il faut obtenir que l'on confie l'administration provisoire du Kosovo, ce qui bloquerait, sur pla­ce, les manœuvres directes des forces américaines d'ingérence. Or c'est bien ce que Jacques Chirac a demandé, et obtenu, lors de la réu­nion des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenue, le 14 avril dernier, à Bruxelles, pour le sommet d'urgence de l'Union Eu­ro­péenne.

 

Un effort européen d’ensemble

 

L’effort européen d'ensemble, ai-je dit. Il s'agit là d'un nouveau con­cept de combat révolutionnaire pour la libération politico-histo­ri­que finale de l'Europe grand-continentale, de dimensions eurasia­ti­ques, combat qui doit inclure, fondamentalement, la participation ef­fec­tive, immédiate et à part entière, totale, de la Russie. Dans ce sens, les efforts actuels de la France en faveur de l'intégration de la Rus­sie au nouveau dispositif politico-stratégique européen en voie de con­stitution est un signe majeur, un signe prémonitoire de notre pro­chain réveil révolutionnaire supra-historique.

 

Contrairement aux allégations de Samuel Huntington, l'orthodoxie ne re­présentera pas, à l'heure des retrouvailles grand-continentales eu­ra­siatiques des nôtres, une ligne de rupture infranchissable : au con­traire, la mobilisation transcendantale de l'éthos européen abyssal pro­voquée par la tentative américaine d'assujettissement du Grand Con­tinent fera que l'Europe catholique de l'Ouest et que l'Europe or­tho­doxe de l'Est y retrouveront, providentiellement, l'unité antérieure d'une même foi et d'un même destin. Unité impériale, foi impériale et destin impérial, encore une fois et, cette fois-ci, définiti­ve­ment. Ce qui doit se faire se fera, ce qui doit se faire est déjà en train de se faire, on le sait.

 

Jean PARVULESCO (1999).

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mercredi, 26 décembre 2007

Orthodoxes et catholiques: rapprochement historique?

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Henri de GROSSOUVRE :

«Orthodoxes et catholiques à Strasbourg : un rapprochement historique ?»

Les personnalités au coeur des relations entre Strasbourg et la Russie confirment: les Russes misent sur Strasbourg. Nous avons rencontré différents acteurs de ce travail méconnu du grand public, pouvant devenir un enjeu majeur pour l’avenir de l’Europe. Ce choix se décline sous deux formes : un choix politique russe et un choix orthodoxe.

Avec l’adhésion en 1996 de la Russie au Conseil de l’Europe, les Russes et les russophones des pays d’ex-URSS arrivent à Strasbourg. « Les diplomates sont progressivement suivis par des étudiants et des hommes affaires. Strasbourg est aujourd’hui connue en Russie », souligne le consul général M Klimovskiy. La Représentation Permanente russe comprend une dizaine de diplomates. Aux grands bâtiments de la RP de l’Allée de la Robertsau s’est ajouté celui du Consulat Général, doté de salles de réception. Les diplomates hautement qualifiés se succèdent, l’actuel ambassadeur, M. Alexeïev, est ancien vice-ministre. Le consul V. Korotkov a réalisé un travail de fond dans les domaines économiques et culturels. Son successeur, M. Klimovskiy a été de 2002 à 2007 directeur de cabinet du vice-ministre Saltanov. Au Conseil de l’Europe plusieurs russes occupent des postes clés. Seda Pumpyanskya y dirige depuis 2005 l’important service de communication (80 personnes) et M. Vladychemko est directeur de la DGIII (cohésion sociale). M. Mikhail Margelov pourrait même succéder au président actuel de l’Assemblée parlementaire lors des élections de janvier 2008.

Les seize églises orthodoxes sont autocéphales et entretiennent de ce fait des liens plus étroits avec leurs pouvoirs politiques nationaux respectifs. Si le patriarche de Constantinople est le « primus inter pares », le poids politique et les moyens du patriarcat de Moscou sont de loin les plus importants. Il y a à Strasbourg sept paroisses orthodoxes (roumaine, serbe, grecque…) dont deux russes : une francophone, celle du père Escleine, et une russophone, celle du père Philarète. Depuis 2005 l’higoumène Philarète est le représentant officiel du patriarcat de Moscou et de toutes les Russies auprès du Conseil de l’Europe. Les territoires orthodoxes russes en dehors de la Russie sont les pays où il y a de grandes communautés de fidèles russes (Biélorussie, Ukraine…). « Avec le père Philarète, le patriarcat de Moscou envoie un émissaire de haut vol de manière permanente et intervient ainsi diplomatiquement dans les discussions du Conseil » insiste le chanoine Geissler, délégué de l’évêché de Strasbourg aux affaires temporelles. La récente visite à Strasbourg du patriarche Alexis II constitue à cet égard un événement majeur malheureusement modérément couvert par la presse locale. Alexis II s’est d’abord rendu du 1er au 3 octobre à Strasbourg, à l’invitation du président de l’assemblée parlementaire du Conseil. Il s’est rendu ultérieurement à Paris pour rendre visites aux fidèles parisiens et au président Sarkozy. « Les thèmes du Conseil de l’Europe, les droits de l’homme, la morale de notre société ou l’éducation sont également des thèmes importants pour l’église orthodoxe et pour la grande Europe. » (Père Philarète). Le patriarche a également rencontré madame Keller qui a donné son accord de principe pour la construction d’une « vraie » église russe à Strasbourg. « Cette église sera aussi une belle église strasbourgeoise construite par un architecte russe dans la tradition orthodoxe mais adaptée à la culture alsacienne ». Moins d’un mois après la visite du patriarche, le 28 octobre, lors de l’ordination épiscopale à Mazza del Valo (Sicile) de monseigneur Ralo, le père Philarète a été le seul des émissaires étrangers à lire un message de Kyrill de Smolensk, façon de ministre des affaires étrangères du patriarcat. Cette cérémonie était présidée par le secrétaire d’Etat du Vatican, hiérarchiquement numéro deux après le Pape. Le message de l’émissaire russe strasbourgeois insistait sur le rôle de Strasbourg et la contribution de Vito Rallo au rapprochement entre le Saint-siège et le patriarcat. Un diplomate de la représentation permanente russe de Strasbourg avait aussi spécialement fait le déplacement. « Strasbourg est pour le patriarcat russe une plateforme privilégiée de dialogue avec le Vatican. » (Chanoine Geissler). L’évêque de Strasbourg vient d’ailleurs de nommer le père Boeglin adjoint au délégué épiscopal aux relations oecuméniques particulièrement chargé des relations avec les orthodoxes, alors que traditionnellement en Alsace, les relations œcuméniques sont avec les protestants.

Pour Jean-Luc Schaffhauser, président de l’Association strasbourgeoise « Rhin-Volga » et homme d’affaires partageant son temps entre Paris, Strasbourg, Rome et Moscou, le choix russe de privilégier Strasbourg coïncide avec l’évolution internationale : «  la puissance des Etats-Unis arrive à sa fin car elle n’a plus de légitimité morale. Ils vont entraîner le monde dans une faillite, conséquence de leur politique économique. On se dirige ainsi vers la reconstitution de grands pôles géographiques dont l’un est obligatoirement l’Europe continentale face à la Chine et l’Inde. L’identité culturelle et spirituelle commune unit la grande Europe et l’union avec le monde orthodoxe est une question de survie du christianisme. L’unité chrétienne  se fera donc par une nécessité géopolitique, par besoin de survie de l’identité européenne. » Si la situation internationale est favorable, la situation locale ne l’est pas moins. Strasbourg n’est elle pas, face à Bruxelles, et au cœur du franco-allemand le symbole de l’Europe politique ? A moins de trois-quarts d’heures de Strasbourg Baden-Baden, la ville allemande la plus connue de Russie après Berlin accueille une importante communauté russe. Enfin, le 16 novembre dernier, le 1er ministre russe, M. Zubkov, annonçait, lors d’une rencontre franco-russe à Matignon, la création de classes de russe au lycée international de Strasbourg. Cette mesure est importante. Elle intègre les Russes dans une forme de communauté européenne aux côtés des classes britanniques et allemandes.

Les Russes sont des champions d’échecs, ne l’oublions pas et sachons anticiper et saisir les opportunités de rayonnement international qui s’offrent à Strasbourg et aux Alsaciens ! Nous sommes peut être à la veille d’un rapprochement historique entre les deux poumons de l’Europe. La rupture « catholiques-orthodoxes » de 1054 a eu lieu sous le pontificat d’un pape alsacien et impérial : Léon IX. Le jour de sa fête, le 19 avril a été élu Benoit XVI, 1er pape allemand depuis le moyen age. Avec le chanoine Geissler, nous voulons y voir un signe…

Henri de Grossouvre, directeur du Forum Carolus (www.forum-carolus.org ), laboratoires d’idées européen à Strasbourg initié par François Loos.

Article à paraître dans « Vivre l’Alsace – Rot un wiss » de décembre (8000 exemplaires), si possible le mentionner.

Idée nationale et liberté

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Prof. Dieter Langewiesche : l’idée nationale génère la liberté…

Professeur d’histoire à Tübingen et lauréat du Prix Leibniz en 1996, Dieter Langewiesche, aujourd’hui âgé de 64 ans, s’est spécialisé dans l’histoire du libéralisme et du nationalisme en Allemagne. Il est un Européen convaincu, estime que l’Europe doit se construire en dépassant les petits nationalismes du passé. Néanmoins, il ne partage pas l’hostilité gratuite des idéologies dominantes aux nationalismes démocratiques et libertaires d’antan. Sa thèse est la suivante : la xénophobie et l’esprit guerrier, qui se dégageaient des nationalismes de libération du 19ième siècle sont des éléments constitutifs du politique, dont on ne peut ignorer les apports. Dans le n°4/2007 de l’hebdomadaire « Der Spiegel », le Prof. Langewiesche explicite ses thèses dans un long entretien, accordé aux journalistes Martin Doerry et Klaus Wiegrefe, à l’occasion d’une série d’articles à paraître sur l’ « invention des Allemands » (Die Erfindung der Deutschen), soit sur le processus de formation de la nation allemande.

Voici ces thèses :

Les nations dégagées de l’étau soviétique après la disparition du Rideau de Fer ont réactivé spontanément un nationalisme, tout simplement parce qu’il est légitime de refuser toute immixtion venue de l’extérieur, de voisins trop puissants, surtout quand cette immixtion s’est avéré désastreuse sur bien des plans.

La nation (et partant l’idée nationale) est un instrument commode pour partager les ressources du pays entre les nationaux, ressources qui sont évidemment économiques mais aussi culturelles. L’idée nationale sert à donner accès à tous à la culture et à la formation scolaire, universitaire et para-scolaire. La liberté, que croyaient obtenir Slovaques, Ukrainiens ou Slovènes, est une vertu politique qui permet, elle aussi, d’allouer correctement les ressources du pays aux nationaux. Idéal de liberté et idée nationale vont de paire. L’idée nationale est quasi synonyme de « souveraineté populaire ».

L’idée nationale a été, de toutes les idées politiques avancées par les Européens au cours des deux derniers siècles écoulés, la plus mobilisatrice. C’est elle qui a fait bouger les masses, les a sorties de leur léthargie politique.

Il n’y a pas d’alternative à l’idée nationale, si l’on veut créer un pays, ressusciter l’émergence d’un Etat national. Les pays qui ne génèrent pas d’idée nationale se décomposent en groupes d’autre nature, comme les tribus, incapables de produire une conscience d’appartenance qui va au-delà de leurs propres limites. De plus, sans idée nationale, avec le seul stade tribal de la conscience politique, il est impossible de faire éclore des systèmes institutionnels viables sur le long terme.

Certes, quand l’idée nationale se mue en nationalisme agressif, l’Etat, qui en dérive, devient une véritable machine à agresser ses voisins. Mais il est impossible de prendre prétexte de cette dérive, pour condamner l’idée nationale en soi, car rien ni personne ne peut trier et séparer proprement les bons des mauvais éléments du complexe idée nationale/nationalisme.

L’introspection que postule la création d’un Etat, d’institutions politiques et culturelles positives, induit nécessairement à se démarquer de l’Autre, de l’extérieur. Ce travail d’introspection a été jugé « irrationnel » par une certaine historiographie : cette posture intellectuelle est fausse. Ce travail, dit Langewiesche, est bel et bien rationnel. Car sans introspection, sans repli sur les limites de ce qu’est la nation, il est impossible de déterminer qui vote pour le Parlement, qui a droit à quoi dans le partage des ressources nationales. Langewiesche est conscient que les Etats où vivent plusieurs minorités importantes ont souvent pratiqué l’exclusion de ces dernières, ce qui a entraîné d’autres problèmes (ndlr : qui sont récurrents : il suffit de lire les limites que s’impose le nouveau groupe IST/Identité, Souveraineté, Transparence, au Parlement Européen, vu les litiges entres Roumains centralistes et minorités hongroises, allemandes et autres, litiges que n’acceptent pas les Autrichiens notamment).

Le danger que recèle l’idée nationale, quand elle se mue en nationalisme, est de ne pas pouvoir terminer les guerres entamées, contrairement à ce qui se passait à l’époque des « guerres de forme ». Le processus propagandiste de mobilisation des masses a provoqué des conflagrations telles que les classes dirigeantes ont dû justifier les pertes énormes, en évoquant le caractère sacré de la guerre en cours. Dans une telle situation, faire la paix sans avoir gagné la guerre s’avère particulièrement difficile.

Les nations ont pour ciment principal la conscience historique. Elles sont des communautés de souvenirs, dont on ne peut aisément se soustraire, sans se renier intimement. Pour Elias Canetti, auquel se réfère Langewiesche, les nations sont des communautés de sentiments partagés.

L’idée nationale, bien qu’unificatrice, ne gomme pas nécessairement les autres forces politiques ou religieuses présentes. Celles-ci demeurent sous-jacentes, susceptibles de se re-dynamiser. Mais sans l’idée nationale, ces forces provoqueraient des dissensions civiles graves. Dans l’Allemagne d’après 1945, on a voulu remplacer cette idée nationale par un « patriotisme constitutionnel », par une fidélité à un texte abstrait, celui de la « loi fondamentale » de 1949. Cependant, en cas de crise importante, ce patriotisme constitutionnel s’avèrerait bien insuffisant. Le « Verfassungspatriotismus » de Dolf Sternberger et de Jürgen Habermas ne génère pas suffisamment de « force liante ».

Ernst Gellner estime que l’idée nationale est une construction artificielle, née dans le cerveau des intellectuels du 19ième siècle. Pour Langewiesche, cet argument de Gellner est pertinent, mais seulement dans la mesure où l’on peut constater que l’émergence des faits nationaux et nationalitaires n’était pas une fatalité, inscrite dans les astres. Langewiesche cite alors l’exemple de la France, première nation nationaliste moderne, où les masses paysannes n’ont pas été intégrées dans l’ensemble national avant la fin du 19ième (ndlr : les émeutes, bagarres et accrochages contre la loi Combe le prouvent encore dans la première décennie du 20ième siècle ; ce sera la fusion des masses paysannes dans l’armée à partir de 1914 qui inclura cette masse rurale hexagonale dans le fait national). En France, poursuit Langewiesche, le paysannat se référait à d’autres appartenances : régionales ou locales. Les intellectuels, en effet, parlaient de la nation, comme d’un tout intégré ou à intégrer le plus rapidement possible. En Allemagne, l’idée nationale a certes été répandue par des intellectuels (Fichte, Arndt) mais aussi par des chanteurs itinérants, des pratiquants de la gymnastique populaire (Jahn) et des compagnies de « Schütze » (ndlr : en Belgique : des « serments d’arbalétriers », mais ceux-ci n’ont jamais revêtu une quelconque influence politique ; en revanche, les concours de chants ont eu, en Flandre, une importance capitale dans l’éclosion de la conscience nationale flamande ; nous avons d’ailleurs toujours la « Vlaams Nationaal-Zangfeest » à Anvers chaque année en avril). La culture populaire, non intellectuelle, a donc servi de ciment à l’idée nationale allemande.

Le Zollverein (l’Union Douanière) allemande de 1834 lève des barrières internes, processus qui fait éclore un sentiment de communauté chez les industriels, négociants et compagnons de toute l’Allemagne. L’UE pourrait avoir un effet analogue en Europe dans les prochaines décennies.

L’idée nationale demeure l’antidote majeur aux effets pervers de la globalisation contemporaine, et si elle ne parvient pas à les atténuer, elle perdra la force liante qu’elle a toujours eue.

(résumé par Robert Steuckers de l’entretien accordé par le Prof. Dieter Langewiesche au « Spiegel », n°4/2007).

 

 

mardi, 25 décembre 2007

Jean Parvulesco: considérations stratégiques

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Cet article de 2000, dû à la plume de Jean Parvulesco garde une forte pertinence eu égard aux nouvelles perturbations dans les Balkans. A relire...

 

Jean PARVULESCO:

L'avenir de la Serbie préfigure le prochain avenir de l'Europe et du monde

 

(1)   La dialectique subversive américaine des "précédences établies"

 

L'intervention politico-militaire de la "conspiration mondia­liste" contre la Serbie, effectuée par la "superpuissance Planétaire des Etats-Unis" à travers l'OTAN et avec l'into­lérable complicité politique des régimes social-démocrates européens, marque un rupture absolument décisive à l'intérieur de l'actuelle histoire mondiale en cours : la terreur démocratique planétaire ayant jeté bas son masque, s'est pour la première fois montrée tout à fait à découvert, signifiant ainsi que ce qui venait d'arriver à la Serbie ris­quait désormais d'arriver, aussi, à tout instant, à n'im­porte quel autre pays européen qui se mettrait en con­tradiction avec les doctrines équivoques du "nouvel ordre mondial" décrétées par Washington, et par ce qui se cache derrière les nouvelles options impérialistes totalitai­res de Washington.

 

Ainsi les Etats-Unis viennent-ils de s'offrir, après leur inter­vention politico-militaire de fait en Serbie et à la suite de leurs autres interventions, en Irak et en Bosnie, les armes politiques de l'acceptation en droit, par précédence établie, de leur propre impérialisme planétaire en action. La voie est désormais ouverte à toute intervention politico-militaire de Washington dans le monde.

 

Si on laissait faire, l'actuel destin de la Serbie préfigurerait le prochain avenir de l'Europe et du monde: la soumission sans conditions aux volontés politiques, économiques et cultu­rel­les, voire religieuses du complot mondialiste en cours régi par la "superpuissance Planétaire des Etats-Unis".

 

Social-démocratie et "démocratiquement correct"

 

Aussi l'état de permanente agression politico-militaire entre­tenu actuellement par la "conspiration mondialiste" des Etats-Unis à l'égard du continent européen exige-t-il une réponse contre-stratégique immédiate et totale de la part des puissances agressées, la constitution d'un front révolu­tionnaire de résistance européenne grand-continentale, eurasiatique, comprenant la Russie, ainsi que l'Inde et le Japon. Front de résistance révolutionnaire européenne grand-continentale à mettre d'urgence en relation directe avec la contre-action d'ensemble qui reste à susciter éga­le­ment au sein des puissances appartenant à l'espace géopo­litique de l'Amérique Romane, espace immédiatement con­cerné par l'ingérence permanente de la "conspiration mon­dialiste" dans l'hémisphère australe aussi, ingérence parti­cu­lièrement active, suractivée, ininterrompue.

 

Afin que le "grand dessein" hégémonique de la "conspiration mondialiste" soutenue par la "Superpuissance Planétaire des Etats-Unis" puisse être effectivement mis en action les services politiques spéciaux de Washington ont longuement travaillé à l'installation au pouvoir, subversivement, d'une chaîne de régimes social-démocrates partout e Europe et en Amérique Romane, conçus, ces régimes d'intervention clandestine, pour qu'à travers leur entier assujettissement à la ligne politique de l'étalon du "démocratiquement correct" dictée par les Etats-Unis, un barrage permanent puisse être dressé face à toute velléité de résistance de la part des puissances nationales agressées, prises dans le piège ontologique de l'état de fait, du fait accompli par surprise et sans qu'il n'y ait la moindre réaction défensive continentale commune, l'ensemble des régimes agressés se trouvant en état de complicité totale avec l'agresseur. Ce fut no­tam­ment le cas de la France, pendant les grèves syndica­lis­tes insurrectionnelles contre les réformes administratives de structure proposées par Alain Juppé.

 

Suite donc au travail spécial, sur place, des services politi­ques secrets de Washington ayant réussi à installer partout, dans les zones visées, des régimes social-démocrates dans leur entière obédience politique, la "conspiration mondialiste" a pu gagné la première manche, emporter la première phase préliminaire de la troisième guerre mondiale —la guerre intercontinentale de la fin—  sans hostilités ouvertes, en é­vitant les engagements politico-militaires qui eussent été nécessaires pour réduire directement, par la force des ar­mes, la résistance nationale des zones géopolitiques con­cernées par l'action impérialiste préconçue de Washington, qui s'y trouvait déjà engagée.

 

La guerre de l'ombre à l'échelle planétaire

 

De cette manière, Washington disposait donc d'une guerre politique gagnée d'avance face à l'ensemble géopolitique pla­nétaire directement concerné par l'actuelle entreprise impérialiste de la "conspiration mondialiste": en effet, Wa­shington venait ainsi d'inventer, et de mettre aussitôt à l'œuvre un nouveau type de guerre politique planétaire, la guerre clandestine, la guerre souterraine des services po­liti­co-stratégiques secrets. La guerre qui n'est plus une guerre, la "guerre de l'ombre" à l'échelle planétaire.

 

Ce changement est absolument capital, qui, du point de vue de Washington, vient de transformer la nature même de l'espace politique planétaire, dont les responsables cachés de Washington font un espace intérieur de la puissance propre des Etats-Unis où les guerres extérieures des Etats-Unis deviennent de par cela même des opérations de sécurité politique intérieure américaine. Nous arrivons ainsi à la dialectique hautement subversive de l'"empire invisible". Mais dialectique non moins immédiatement opérative. L'histoire actuelle n'est plus, à son niveau planétaire, que l'histoire de l'"empire invisible" de la "conspiration mondia­liste". L'histoire occulte d'une toute-puissance invisible, l'histoire invisible d'une toute-puissance occulte.

 

(2) Sur les nouvelles stratégies en action des services spéciaux des Etats-Unis

 

Un vaste bouleversement de la stratégie politique offensive planétaire des Etats-Unis a récemment fait que, dans le plus grand secret, le centre de gravité de l'ensemble de l'action politico-stratégique de Washington s'est déplacé du domaine de la puissance d'affirmation militaire de sa volonté de domination à celui de sa puissance subversivement clan­destine et des actions propres à celle-ci, une réorganisation en profondeur de ses services d'action politique spéciale s'en étant immédiatement suivie. Ce qui fait qu'à l'heure présente, ce sont les services secrets de Washington qui se trouvent en charge de la guerre impérialiste planétaire de la "subversion mondialiste" et de ce qui se dissimule derrière celle-ci, des services secrets puissamment réconsidérés quant à leurs buts assignés, quant à leurs missions d'en­semble et quant à leurs structures politico-administratives intérieures désormais directement à la disposition de la Mai­son Blanche.

 

A l'abri de la fiction diversionniste de la soi-disant toute-puissance de la CIA, des nouvelles structures d'action politico-stratégique souterraine de Washington, surpuis­san­tes, mènent le même combat en continuité. Des nouvelles structures d'action politico-stratégiques surpuissantes dont on ne sait pratiquement rien encore, mais dont on peut éventuellement mesurer l'efficacité exceptionnelle, tout à fait redoutable, à travers certaines de leurs récentes entreprises de terrain.

 

En guise de coupe spectrale à travers ces réalisations de ter­rain, j'en citerai ci-dessous trois exemples des plus si­gnificatifs.

 

Grèves insurrectionnelles dans la fonction publique en France

 

(1) Le déclenchement de la série de grandes grèves insur­rectionnelles de la fonction publique en France qui, en blo­quant le train des réformes administratives de fond pré­co­nisées par Alain Juppé, premier ministre en charge à ce moment-là, avait poussé —obligé— Jacques Chirac à dis­sou­dre l'Assemblée Nationale et procéder à des élections législatives anticipées, ce qui, suivant un scénario calculé d'avance, devait faire sauter le barrage national gaulliste et provoquer l'avènement du régime social-démocrate actuel­lement encore au pouvoir. On sait en effet que depuis les temps de la "guerre froide", l'ensemble des grandes infrastructures du dispositif syndicaliste français se trouvent dans un état d'entière dépendance souterraine à l'égard des servi ces politiques secrets de Washington qui, le moment voulu, n'avaient eu qu'à les faire agir dans le sens de leur propre stratégie de déstabilisation abrupte et pratiquement totale du régime national gaulliste alors en place, mais réduit en dernière instance à démissionner pour céder la place au régime social-démocrate destiné à installer l'actuelle poli­ti­que de soumission sans réserves à la ligne de conduite dictée par la "conspiration mondialiste".

 

Des scénarii analogues avaient en même temps été mis en exécution, aussi, en Amérique Romane, en Argentine, au Chili, etc. A ce propos, il me semble chose extrêmement importante que de retenir le fait de la parfaite identité de traitement, de procédure subversive spéciale et de contrôle dissimulé que Washington utilise à l'égard à la fois de l'Eu­rope de l'Ouest et de l'Amérique Romane, la dialectique du remplacement souterrainement commandé des régimes na­tio­naux manifestant des velléités d'indépendance, de ré­sis­tan­ce à l'emprise de la "subversion mondialiste", appa­rais­sant comme étant tout à fait la même dans un cas comme dans l'autre.

 

Car, sans la complicité entière des régimes social-démo­crates subversivement mis en place par Washington, rien n'aurait été possible de ce que Washington est parvenu à faire en Irak, en Bosnie, dans le Kosovo et, finalement, en Serbie, où l'Europe s'est trouvé attaquée dans le Sud-Est de son continent non seulement sans broncher, mais en ap­portant tout son soutien politique —voire même militaire— à cette attaque à découvert, qui, dans des conditions nor­males, eût dû être à même de provoquer la riposte politico-militaire intercontinentale qui s'imposait de toute évidence.

 

La déstabilisation du régime Milosevic

 

(2) La déstabilisation subversive du régime de Slobodan Mi­losevic, actuellement au pouvoir à Belgrade, ne saurait s'expliquer, aussi, que par l'action sur le terrain des nou­veaux services secrets politico-stratégiques de Washington. Des soi-disant "règlements de comptes intérieur du régime" éliminent, en effet, depuis un certain temps, un par un, dans une série de mystérieux attentats ponctuels répétitifs, les éléments de base du soutien politique au régime national-révolutionnaire de Slobodan Milosevic. Et que tout cela puis­se se produire à l'intérieur d'un régime très extraordinaire­ment encadré par des services de sécurité politiques et mi­litaires plus que redoutables, assurant un verrouillage qua­siment total du territoire national, en dit long sur les per­for­mances opératives, d'infiltration et de manœuvre à cou­vert, des nouvelles structures d'action politico-stratégique clan­des­tine mises en ligne actuellement par Washington, qui sem­blent donc en mesure de tout se permettre, ou presque. Ce qui est fort révélateur quant au degré des changements intervenus dans l'organisation intérieure des services secrets politico-stratégiques de Washington, suivant la perspective de leurs nouvelles missions décisives, destinées à assurer confidentiellement la poursuite de la grande politique pla­né­taire des Etats-Unis. Des changements conçus pour qu'ils puissent parvenir à changer l'identité finale de ce monde.

 

Le "Mouvement du 17 novembre" en Grèce

 

(3) Je citerai également les menées clandestines du soi-disant "groupe terroriste anti-impérialiste" dit du "Mouvement du 17 novembre" agissant en Grèce, et plus particulièrement le fait du récent assassinat de l'attaché militaire britannique à Athènes, Stephen Saunders. Car on s'accorde désormais pour dire que, derrière la façade diversionnelle du soi-disant "groupe terroriste anti-impérialiste" du "Mouvement du 17 novembre", se dissimulent en réalité des structures politico-stratégiques spéciales, ultra-secrètes, manipulées par les services secrets de Washington.

 

"Tous les attentats imputés au Mouvement du 17 novembre ont toujours servi objectivement, que ce soit sur le plan stratégique ou tactique, les intérêts des Etats-Unis". Et aussi: "Le Mouvement du 17 novembre existe depuis 1974. Ses membres, qui avaient sans doute une vingtaine d'an­nées à l'époque, sont donc âgés de quarante-cinq ans au minimum. C'est sans exemple dans l'histoire du terrorisme international". D'autre part: "Le Mouvement du 17 novembre a pu échapper aux recherches après avoir tué à vingt-trois reprises et provoqué des centaines de blessés sans qu'aucun de ses membres soit identifié. C'est également sans exemple" (Le Libre Journal, Paris, n°213, juillet 2000).

 

En plus, on sait que Stephen Saunders, qui avait servi en Yougoslavie, avait constitué un "dossier réservé" sur les activités secrètes des services spéciaux américains, qu'il s'apprêtait précisément à rendre public, et que ses positions anti-américaines allaient en se raidissant à mesure que les pressions occultes américaines à son sujet se manifestaient de plus en plus ouvertement. Et qu'il était en train de con­stituer confidentiellement autour de lui un groupe de soutien politico-militaire, comprenant de officiers appartenant à plu­sieurs armées européennes, destiné à relayer, intensifier et diffuser ses propres positions anti-américaines et contre l'em­prise subversive du commandement politique de l'OTAN.

 

Il apparaît d'autre part comme un fait certain que, bien plus que ses précédentes interventions politico-militaires en Irak et en Bosnie, l'agression contre la Serbie de la "subversion mon­dialiste" ayant utilisé, pour ce faire, les structures opé­ratives de l'OTAN, aura au moins eu le mérite, pour nous au­tres, de dévoiler les véritables dimensions de l'emprise de Washington sur l'ensemble des instances politiques et mé­dia­tiques décisives de l'Europe de l'Ouest.

 

Une tête de pont dans le Sud-Est européen

 

Dès le premier jour et jusqu'à la fin des opérations contre la Serbie,  l'ensemble du dispositif médiatique de l'Europe de l'Ouest —presse, radio, télévision, sans aucune exception— s'est automatiquement et paroxystiquement trouvé mobilisé au service de l' intervention de la "subversion mondialiste" dans le Sud-Est du continent européen, de même que l'en­semble des régimes social-démocrates européens en place, qui se sont totalement investis dans la dialectique de leur propre assujettissement à la politique d'agression anti-euro­péenne des Etats-Unis en Serbie, faisant ainsi incons­ciem­ment assaut de leurs servitudes démissionnaires à l'égard d'une action à travers laquelle —paradoxalement, suicidaire­ment— ils s'attaquaient eux-mêmes en s'attaquant à l'inté­grité politique de l'espace continental européen, complices et outils de la grande offensive anti-européenne menée par les Etats-Unis lors de l'établissement par ceux-ci de leur tête de pont dans le Sud-Est du continent européen, en Bosnie et au Kosovo.

 

Supplétifs donc des Etats-Unis lors de leur agression contre l'Europe, les régimes social-démocrates européens, ayant ainsi participé politiquement et militairement à une entreprise de guerre d'une puissance étrangère contre leur propre continent, se sont rendus coupables de haute trahison, ce qui exige la sanction suprême. Nous nous en souviendrons.

 

(3) La "doctrine stratégique globale" de Washington, d'après la Defence Planning Guidance du Pentagone

 

L'objectif politico-stratégique fondamental des Etats-Unis reste encore et toujours celui d'empêcher par tous les mo­yens, y inclus, éventuellement, ceux de la guerre politique totale, la promotion de la plus Grande Europe continentale, la constitution d'une communauté politico-historique de vo­lonté et de destin continental européen, dont la puissance fi­nale dépasserait de loin celle des Etats-Unis et de leur "con­spiration mondialiste", manipulée par eux dans les ter­mes de leur "grand dessein" hégémonique planétaire.

 

Le spectre de l'"Empire Eurasiatique de la Fin" n'en finit plus d'entretenir le cauchemar permanent, la menace abyssale pesant —à juste titre—  sur la conscience politique améri­cai­ne, dont tous les efforts vitaux se trouvent polarisés ainsi par la nécessité de pouvoir contre-attaquer, de contrer l'émer­gen­ce politique de la plus Grande Europe: l'existence même des Etats-Unis en tant que "Superpuissance Planétaire" s'en trouve directement concernée, abruptement remise en cause par cette menace de plus en plus actuelle.

 

D'où la guerre politique totale souterrainement entreprise, et qui va en s'intensifiant, par les Etats-Unis contre l'émergence en cours de la plus Grande Europe qui, avec le renforcement absolument décisif de la "Nouvelle Russie" de Vladimir Poutine, risque désormais d'atteindre —en quelque sorte mê­me fatalement—  ses véritables dimensions finales, de­ve­nir, au-delà des Etats-Unis, la suprême, la seule vraie "su­perpuissance Planétaire" au terme de l'actuelle histoire du monde.

 

Eviter la future conflagration de front de la "conspiration mondialiste" et de la plus Grande Europe continentale eurasiatique, exige donc —tant qu'il en est encore temps— que les Etats-Unis parviennent à empêcher la réintégration finale de celle-ci, sa reconstitution impériale offensive au niveau planétaire ultime. Et, pour les Etats-Unis, le même problème se pose, actuellement, par rapport au concept révolutionnaire de l'intégration finale de l'Amérique Romane, déjà entamée, doctrinalement en cours de définition.

 

Dans son livre fondamental  —outil de combat immédia­te­ment utilisable s'il en fut—  intitulé Guerres contre l'Europe. Bos­nie-Kosovo-Tchétchénie (Editions des Syrtes, Paris, 2000), Alexandre del Valle écrit :

 

(1) "Vis-à-vis de l'Est européen, les Etats-Unis mènent une double politique consistant: primo, à étendre l'OTAN aux por­tes de la Russie, en intégrant au "monde occidental" les na­tions anti-russes de l'ex-Bloc soviétique en voie d'in­dus­trialisation, de culture catholico-protestante (Hongrie, Polo­gne, ex-Tchécoslovaquie, etc) et islamique (Turquie, républi­ques musulmanes d'Asie centrale, Bosnie, Albanie-Kosovo, etc), secundo, à affaiblir la Russie, la "refouler" vers l'Asie et la couper de l'Europe occidentale. Il s'agit ainsi de scinder le continent européen en deux, en réactivant une "nouvelle guerre froide" entre un Est post-byzantin ex-soviéto-com­muniste et un Ouest américanisé, un nouveau "choc géo-civilisationnel" entre les "deux Europes" opposées l'une à l'autre autour des pierres d'achoppement stratégiques isla­mo-occidentale et socio-économique".

 

(2) "La doctrine stratégique "globale" des Etats-Unis apparaît clairement dans le nouveau concept américain de "stratégie nationale de sécurité", dont le contenu fut révélé au grand public à l'occasion de la parution, le 8 mars 1992, dans New York Times, d'une version du Defence Planning Guidance du Pentagone élaboré en liaison avec le Conseil national de Sécurité (NSA), la plus haute instance américaine de sécu­rité et de politique internationale. On y apprend que les E­tats-Unis d'Amérique doivent tout faire pour "dissuader d'éventuels rivaux, parmi les pays avancés et industrialisés, de défier notre domination, ne serait-ce que d'aspirer à un rôle plus grand à l'échelle mondiale ou régionale (...). La mission des Etats-Unis sera de s'assurer qu'il ne soit permis à aucune puissance rivale d'émerger en Europe occidentale, en Asie ou sur le territoire de la CEI". En bref, il s'agit ni plus ni moins d'empêcher l'Europe et le Japon, "alliés" réellement dociles, ainsi que la Russie affaiblie, mais encore redou­table, de relever la tête et de porter un jour ombrage à l'"hégémonie bienveillante" de Washington, en fait à la for­midable machine économico-commerciale américaine. "La politique étrangère américaine doit se donner pour but de convaincre d'éventuels rivaux qu'ils n'ont pas besoin de jouer un grand rôle. Notre statut de superpuissance unique doit être perpétué par une force militaire suffisante pour dissuader n'importe quelle nation ou quel groupe de nations de défier la suprématie des Etats-Unis et de chercher à mettre en cause l'ordre économique et politique établi (...). Nous devons empêcher l'émergence d'un système de sé­curité exclusivement européen qui pourrait déstabiliser l'OTAN. En Extrême-Orient, il faut rester attentif aux risques de déstabilisation qui viendraient d'un rôle accru de nos alliés, en particulier du Japon", explique le Defence Planning Guidance"- (Pages 10,11,161,162).

 

(4) La phase de l'intégration impériale européenne grand-continentale

 

Il est par conséquent évident que toute stratégie européenne face aux manœuvres d'empêchement et de désintégration an­ti-continentale de la "conspiration mondialiste" se doit d'être axée sur l'intégration finale grand-continentale accé­lé­rée, qui devra comprendre l'Europe de l'Ouest, l'Europe de l'Est, la Russie et la Grande Sibérie,  l'Inde et le Japon. Inté­gra­tion grand-continentale finale qui devra se trouver mise en œuvre à travers la dialectique fondamentale de l'in­stal­lation politique immédiate de l'axe Paris-Berlin-Moscou, pier­re angulaire de l'ensemble du futur édifice impérial euro­péen. Tout doit commencer,  tout se trouvera engagé à tra­vers le projet grand-européen révolutionnaire de l'axe Paris-Berlin-Moscou.

 

Cependant, il n'est pas moins évident que, dans l'état actuel des choses, pour que les "groupes géopolitiques" européens puisent enclencher le processus de l'intégration impériale grand-continentale, il faut qu'auparavant la mainmise de la "conspiration mondialiste" social-démocrate sur l'ensemble du pouvoir politique européen en place se trouve complè­te­ment démantelée, et que la libération de l'ensemble des mé­dias européens aussi —presse, radio, télévision— de sous la domination terroriste de la "conspiration mondialiste" ait pu être menée à son terme ultime, qu'une vaste épuration puisse nettoyer à fond, et définitivement, l'appareil média­tique européen. Ce qui, au niveau des faits, implique très nécessairement l'émergence de certaines formes de guerre civile européenne, dont c'est bien à nous autres qu'il appar­tiendra de déterminer les modalités stratégiquement opéra­ti­ves, pour le moment encore relativement imprévisibles enco­re. Mais nous saurons faire.

 

Vers une guerre civile de libération continentale

 

De toutes les manières, nous nous dirigeons inéluctablement vers une guerre civile de libération continentale, nous faudra emporter en premier lieu sur les puissances souter­raines d'encadrement subversif et d'aliénation mises en place et agissant clandestinement, à tous les niveaux, pour le compte de la "conspiration mondialiste" et de l'ensemble des régimes social-démocrates subversivement installés par celle-ci partout en Europe, dédoublée par une Anti-Europe annulant tout espace de liberté et d'être européen.

 

Car ce n'est que le processus de libération grand-euro­péen­ne continentale porté à son terme ultime que l'on pourra en­vi­sager de passer à la phase de l'intégration politico-histo­rique impériale de l'ensemble du "Grand Continent" eura­sia­tique.

 

Cependant, il n'en reste pas moins assuré que jouant sur l'équivoque de certaines situations politiques au statut inter­médiaire, le processus d'intégration grand-européenne peut se trouver devancé —notamment pour ce qu'il y est de la mi­se en œuvre de l'axe Paris-Berlin-Moscou— dès maintenant, mettant à profit des choix européens en cours, la social-dé­mocratie au pouvoir se voyant elle-même empor­tée, comme malgré elle, par la spirale objective de l'histoire en marche.

 

Car l'histoire, soumise à sa propre irrationalité dogmatique et qui n'a donc pas à tenir compte, dans son cours, de la som­me apparemment prédéterminante des circonstances qui la constituent, poursuit souterrainement sa propre marche, la marche qui lui est propre ontologiquement, qui ne dépend, en réalité, d'aucune influence, d'aucun choix, d'aucune dé­cision extérieures à son propre mystère en action, im-pré­déterminable, toujours dissimulé sous le profond secret de ce qui nous vient du fond de l'avenir.

 

Ainsi l'Espagne ne s'est-elle pas libérée d'elle-même, démocratiquement, du socialisme? Et l'Italie n'est-elle pas en passe d'en faire autant? Quant à l'Allemagne, les récentes prises de positions ouvertement européennes et confé­dé­rales de son actuel ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, ainsi que la ligne ouvertement pro-russe du chan­celier Gerhard Schröder ne laisse-t-elle pas pressentir une avancée fort significative en direction du projet fondamental de l'axe Berlin-Paris-Moscou? "Pas de solution, de paix du­rable en Europe sans la Russie", déclarait le chancelier Ger­hard Schröder en juin dernier, lors de la visite du Président Vladimir Poutine en Allemagne. Et il ajoutait: "Nous devons intégrer la Russie dans l'Europe sur tous les plans tant du point de vue économique et politique que de celui de la sécurité et de la défense".

 

Car, dans l'actuelle conjoncture grand-européenne, tout dé­pend, en effet, de la Russie, qui, sous la conduite du Pré­sident Vladimir Poutine, l'on peut très assurément tenir pour le premier territoire européen ayant retrouvé sa liberté par rapport à l'état de permanente agression intervention­niste de la "conspiration mondialiste", et, à partir de sa liberté nou­vel­le­ment recouverte, qui se trouve prête à assumer les res­pon­sabilités extérieures de sa propre libération, soutenir politi­que­ment le même mouvement là où il se déclarerait.

 

Chavez et la contre-stratégie andine

 

En Amérique Romane enfin, si la "conspiration mondialiste" a réussi à obtenir le passage de l'Argentine et du Chili à la social-démocratie, le régime du Colonel Chavez ne laisse­rait-il pas entrevoir une ligne politique autre en perspective au Venezuela?

 

En même temps, ne faut-il pas se dire que, si une centrale contre-stratégique andine assumait la responsabilité de l'en­clenchement d'un mouvement de libération nationale de di­mensions continentales, il apparaît comme tout à fait cer­tain que l'Amérique Romane, dans son ensemble, ne tarderait pas à basculer dans le camp anti-mondialiste des nôtres, pren­dre des positions révolutionnaires dont les répercus­sions ne manqueraient pas de se faire sentir jusque derrière les lignes de la "Superpuissance Planétaire des Etats-Unis" elle-même? N'est-il pas secrètement inscrit dans son destin que l'Amérique Romane devra intervenir, le jour venu, dans le conflit intérieur décisif des Etats-Unis, prendre part à la guerre de sécession à rebours qui sera appelée à décider de l'ultime identité politico-historique de ceux-ci, au terme de leurs parcours?

 

(5) Pour une nouvelle religion d'Empire

 

En amenant les pays catholiques de l'Europe de l'Ouest  —la France, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique— à prendre très effectivement partie  —dans le cadre fausse­ment justificatif de l'OTAN sous commandement américain—  à l'opération politico-militaire de la "Superpuissance Plané­taire des Etats-Unis" contre la Serbie, en participant à l'in­vestissement militaire du Sud-Est du continent européen par une puissance étrangère, ennemie et antagoniste aux inté­rêts vitaux de l'Europe  —de la Grande Europe—  dans son in­tégrité d'être et de destin, les services politiques de Wa­shington comptaient introduire, pour le présent et sans doute surtout pour l'avenir, une contradiction intérieure apparem­ment irréductible au sein du continent européen, de la "For­teresse Européenne", en faisant s'opposer la moitié catho­lique de l'Europe —Europe de l'Ouest— à la moitié ortho­doxe de celle-ci  —l'Europe de l'Est et la Russie—  le long d'une ligne de confrontation reproduisant plus ou moins à l'identique le tracé de l'ancien "rideau de fer" ayant marqué les frontières politiques de la "guerre froide".

 

Mais il se fait que le dessein subversivement offensif de Wa­shington quant à l'installation d'une profonde contra­diction intérieure d'ordre politico-religieux au sein de l'Europe en but­te à l'agression de la "conspiration mondialiste" a com­plè­tement échoué: le catholicisme aussi bien que l'orthodoxie se sont, au contraire, retrouvés sur les positions communes d'une farouche opposition, aussi active que profonde, face à l'intervention militaire, confiée à l'OTAN, dans le but d'une dissimulation fallacieuse de ses véritables origines et de ses buts propres. L'opération visant la création subversive d'une séparation politico-religieuse de l'Europe ayant finalement produit des effets contraires à ceux qu'es­comptaient ses manipulateurs dans l'ombre, en se re­tour­nant complètement contre eux.

 

Et c'est même à partir de cette mobilisation commune face a l'agression anti-européenne de l'OTAN au service des desseins hégémoniques planétaires des Etats-Unis qu'un nouveau tournant s'est déclaré dans le processus du rapprochement déjà en cours du catholicisme et de l'orthodoxie, un nouveau tournant dont la dynamique propre, encore souterraine, pourra sans doute faire bien­tôt aboutir des choses jusqu'à présent plus ou moins inconcevables. Il suffira désormais que des grou­pes responsables s'en chargent, tant de l'intérieur du catholicisme que de l'intérieur de l'orthodoxie, des grou­pes poursuivant, pour le moment, une double action de rapprochement confidentielle.

 

Car, ainsi que l'avait compris visionnairement, au début du siècle, Arthur Moeller van den Bruck, il n'y a qu'une seule Eglise comme il n'y a qu'un seul Reich, qu'un seul Empire, le futur "Empire Eurasiatique de la Fin" auquel doivent aboutir tous nos efforts d'intégration européenne grand-continentale; il devra lui-même se constituer autour d'une seule religion, et d'une seule Eglise, dont le catholicisme et l'orthodoxie seront les composantes intégrées suivant une structure encore à déterminer. Mais, qui, de toutes les façons, ne saura être que plus ou moins celle d'une "troisième religion", et celle-ci, d'ailleurs, elle-même identique à la première religion impé­riale européenne, celle d'avant la séparation du catholicisme et de l'orthodoxie. Il n'y aura donc pas à proprement par­ler une nouvelle religion à suivre, mais la réapparition de la "religion impériale européenne des origines", de la "première religion impériale" des débuts antérieurs de l'Eu­rope, de l'Europe d'avant la "grande fracture inté­rieure" de ses actuelles origines.

 

Double nécrose des cléricatures

 

Certes, pour le moment des divergences insurmontables sem­blent s'interposer entre les deux religions européennes, entre le catholicisme et l'orthodoxie, des divergences per­sistantes, obstinées, dramatiques, en provenance, quant à l'essentiel, de l'état de la double nécrose de leurs structures ecclésiales respectives  —de leurs cléricatures—  en place, auxquelles il faudra opposer, pour les réduire définitivement, le double appareil confidentiel intérieur des deux religions, qui combat pour leur rapprochement, de leurs foyers intimes de sainteté, des groupements occultes d'action spirituelle et mystique en profondeur, existant et agissant secrètement de l'intérieur tant du catholicisme que de l'orthodoxie, en même temps que la volonté politique impériale d'intégration —ou plutôt de réintégration— des deux religions présentes dans une troisième religion à venir. La volonté politique impériale des nôtres, qui finira par prévaloir, par s'imposer de force, inconditionnellement, aux résistances —quelle que puissent être leur intensité circonstancielle, leur irréductibilité mani­feste— qui s'obstineraient à refuser cette intégration finale des deux religions. C'est la volonté politique révolutionnaire des puissances impériales en action qui devra l'emporter dans l'épreuve de force finale, puisque c'est bien de celles-ci qu'il faudra que vienne s'affirmer, si le besoin se faisait réellement sentir, l'usage de la force, qu'elles n'hésiteront pas à faire intervenir directement pour imposer leur volonté, qui fera loi. Car il reste entendu que la volonté révolution­naire des puissances impériales en action devra briser toute résistance qui s'opposera à leurs démarches constitution­nelles de la nouvelle histoire en marche, l'histoire même de la plus Grande Europe de la Fin.

 

Perspective eschatologique de l'Imperium Ultimum

 

Tout ceci donc dit, il convient également d'invoquer ici un autre aspect du problème des dimensions religieuses de la future fédération impériale grand-continentale eurasiatique l'aspect de l'identité eschatologique finale de celle-ci, qui seul peut livrer les clefs d'une compréhension explicitement effective des véritables engagements qui sont ceux du projet révolutionnaire total de l'Imperium Ultimum.

 

Car la perspective impériale finale de l'actuelle histoire du monde est fondamentalement une perspective eschato­lo­gique, l'Imperium Ultimum constituant précisément ce par quoi devra se faire le passage assomptionnel de l'histoire à un prochain au-delà transhistorique de l'histoire, la trans­mu­tation intérieure de l'histoire dans sa propre continuité supra­historique, transcendantale, "apocalyptique".

 

La somme de nos combats politiques pour la libération im­périale révolutionnaire de l'espace géopolitique et spirituel du "Grand Continent" eurasiatique comporte donc un objectif secrètement supratemporal, "transhistorique", de nature sa­crée, qui impose déjà au devenir final de l'actuelle histoire mondiale une identité eucharistique ardente, une violente cen­trification polaire de nature très précisément christo­lo­gique Ce qui en fait le lieu même du mystère d'un nouvel avè­nement de l'Etre. Aussi doit-on avoir toujours présente en nous la conscience du fait que tous nos combats pos­sèdent une double identité, visible et invisible.

 

Car, me semble-t-il au point où en viennent les choses, il devient fondamental qu'on le comprenne: derrière l'identité visible de ce qui nous oppose révolutionnairement à la "conspiration mondialiste" des Etats-Unis, se tiennent dans l'invisible les appareils offensifs de l'ennemi ontologique de tout ce que nous sommes et avons été, nous autres, ceux des armées invisibles de l'Etre, ceux du mystère abyssal de l'In­cendium Amoris. L'ennemi ontologique caché qui n'est autre que la Puissance des Ténèbres, le "Mystère d'Iniquité" et ses propres agencements stratégiques de présence suractivée, de combat dans les profondeurs ultimes et de domination occulte des agencements stratégiques dont la concentration la plus proche du visible immédiat, d'une cer­taine surface objective de l'histoire en cours, reste encore celle de l'immense pouvoir nocturne, étranger et suprême­ment malfaisant infiltré sur place, aux Etats-Unis, et de son influence permanente, incontournable, qui se dissimule derrière les rouages décisionnels, de la société américaine actuelle elle-même, de ses grandes administrations intérieu­res et des instances suprêmes de la conduite secrète de sa politique extérieure, de sa "grande politique" planétaire. Me suis-je fait bien comprendre?

 

De toutes les façons, la "conspiration mondialiste" des Etats-Unis n'est en réalité pas elle-même, mais ce qui la dédouble abyssalement dans l'invisible, dans le proche dissimulé qui en constitue l'horizon intime et la raison stratégique fonda­mentale de son action dans le visible, à savoir le renverse­ment subversif de tout ordre naturellement établi, de l'ordre même de l'Etre.

 

(6) "Nous sommes condamnés à la Victoire finale"

 

Outre l'extraordinaire pression déstabilisatrice qu'exerce actuellement le fait de l'ensserrement économico-politique extérieur, ainsi que la mainmise intérieure, permanente et de plus en plus prononcée, envahissante, de la "conspiration mondialiste" contre les présentes tentatives en projet, ou à peine entamées, de la mise en œuvre de l'intégration continentale grand-européenne, l'espace géopolitique grand-européen subit, en même temps, la double action de l'encerclement sur le plan Sud du continent, à travers la suite en effervescence révolutionnaire de la chaîne des répu­bli­ques islamiques de l'ancienne URSS, du Front Fonda­men­taliste Islamique et de ses avant-gardes wahabites, et de l'installation en force des Etats-Unis au Sud-Est de l'Europe, à travers leur tête de pont politico-militaire islamique, en Bos­nie, en Albanie et au Kosovo. La "ceinture verte" de la subversion politico-militaire américano-islamiste est en pla­ce, et poursuit son travail révolutionnaire anti-continental sans relâche.

 

En même temps, un mouvement d'investissement concerté, planifié à grande échelle, est en train d'être exécuté par le Tiers Monde, en direction de l'Europe, dont les infiltrations de plus en plus soutenues, massives, idéologiquement inten­sifiées, servent de masse de manœuvre aux inavouables desseins de la subversion social-démocrate au pouvoir par­tout en Europe, qui vise ainsi, secrètement, la dévastation à terme de l'identité nationale, sociale, culturelle et religieuse de l'ensemble des pays de l'Europe de l'Ouest.

 

Dans ces conditions, comment résister encore, comment ne pas céder à la tentation nocturne, sournoise, fatidique, de la démission à laquelle on nous invite d'une manière si extrê­me­ment pressante?

 

Une mince marge d'élites révolutionnaires européennes

 

C'est qu'une prédestination fondamentalement miraculeuse, providentielle, ne cesse de maintenir en éveil une mince marge d'élites révolutionnaires européennes, héroïquement décidées à ne pas céder, à mener le combat jusqu'au bout et, finalement, de l'emporter envers et contre tout, de gagner sur l'ensemble actuel des conjurations anti-européennes qu'entretient et exacerbe, souterrainement, l'œuvre désinté­gra­trice de ce qu'il est convenu d'appeler la Puissance des Ténèbres, dont on n'ignore plus la présence à l'origine des actuelles conflagrations de religions et de civilisations onto­logi­quement antagonistes. Car notre combat est celui de l'ê­tre contre le non-être, et nous savons d'avance que l'être ne peut pas ne pas l'emporter, que le non-être, à la fin, est voué à la défaite qui constitue, encore et toujours, sa toute pre­mière identité ontologique, et la dernière.

 

Ainsi que le disait, il y a déjà quelques années, un respon­sa­ble révolutionnaire de Europe de l'Est, "nous sommes con­dam­nés à la victoire finale".

 

(7) L'actuel Président de la Russie, Vladimir Poutine  en "homme providentiel"

 

C'est ainsi que dans l'immense désastre politique actuel des positions européenne, grand-continentales, la "Nouvelle

Russie" du Président Vladimir Poutine représente l'assu­rance suprahistorique d'une instance d'affirmation et de re­cours révolutionnaire inespéré, absolument et sans doute irrévocablement décisifs, qui remet abruptement en question l'état présent des choses, qui ouvre des nouvelles perspec­tives salvatrices au combat apparemment sans aucune issue que nous menons nous autres, gardiens prédestinés et clan­destins du seuil de la survie ultime d'une civilisation en péril de disparition, d'anéantissement planifié.

 

Le Président Vladimir Poutine nous apparaît en effet comme  l'"homme providentiel", comme "celui que l'on n'attendait plus", comme l'"homme du plus grand destin", déterminé à faire de la Russie la base révolutionnaire continentale du "nou­veau recommencement", du mouvement de retour de la plus Grande Europe à son identité ontologique originale, su­prahistorique, guidée en avant par sa prédestination es­cha­tologique secrète miraculeusement retrouvée, et qui se si­tue d'emblée au-delà de l'actuelle histoire d'un monde à sa fin.

 

L'orthodoxie impériale antérieure

 

Les retrouvailles de l'orthodoxie profonde, de l'"orthodoxie im­périale antérieure" et des doctrines impériales géopoliti­ques des Forces Armées russes sont déjà prêtes à assumer, à travers la volonté révolutionnaire prédestinée du Président Vladimir Poutine, la prochaine renaissance providentielle de la Russie, l'avènement suprahistorique de la "Nouvelle Rus­sie" qui donnera ses assises propres au "grand dessein" européen grand-continental, sa volonté révolutionnaire d'être et de réaffirmation historique, son nouveau grand destin pla­nétaire.

 

Quand la jointure décisive se sera donc faite entre la "Nou­velle Russie" de Vladimir Poutine et les destinées escha­tologiques occultes de la Russie antérieure, cela apparaîtra en pleine lumière du jour par la ré-émergence des thèses mythologiques figuratives de l'orthodoxie de toujours, avec les funérailles solennelles qu'il s'agit de faire en l'honneur des restes suppliciés des derniers Romanov, cérémonies engageant la totalité actuelle de la nation russe, des peuples russes, et de l'appareil d'état de la "Nouvelle Russie", ainsi que leur élévation à l'autel; par le remplacement, aussi, sur le faîte du Kremlin, de l'Etoile Rouge soviétique par la statue votive de la Vierge Marie, de la "Vierge Immaculée",  confor­mé­ment à la vision prophétique de Saint Maximilien Kolbe; par la ferveur exaltée de la nation profonde se mobilisant pour la reconquête de Constantinople et, surtout, pour la libération finale de la Sainte-Sophie, et son retour au culte marial et sophianique de ses origines.

 

Tant que la basilique de Sainte-Sophie ne sera pas rendue à son identité de culte première, la Russie sera secrètement mutilée d'une part absolument vitale d'elle-même, et cela jus­qu'à la fin des temps, ou jusqu'à ce que cela soit réelle­ment fait. La "Nouvelle Russie" ne sera vraiment elle-même, dans la plénitude propre de son identité dogmatique, trans­cendantale, que le jour où la grande messe impériale sera à nou­veau dite dans les murs sacrés de la Sainte-Sophie libé­rée, comme à la veille des longues années de son ensevelis­sement dans le deuil de la profanation islamique.

 

L'éclat insoutenable de la levée haut dans les cieux de cet ensemble de signes ardents, révélateurs, embrasera alors l'horizon entier de la nouvelle histoire de la Russie et du grand continent eurasiatique, illuminant de l'intérieur la vie de la nouvelle Grande Europe d'une espérance impériale ré­volutionnaire encore in-prépensable.

 

Un immense incendie révolutionnaire eschatologique

 

Mais cette transmutation eschatologique de la "Nouvelle Rus­sie" de Vladimir Poutine ne se fera pas toute seule. Il faudra qu'auparavant l'état d'une immense polarisation révolutionnaire des consciences nationales traditionnelles russes vienne à se faire, que le miracle de ce que Corneliu Codréano appelait, lui, l'"état d'œcuménisme national" se lève à l'horizon intérieur de la Russie en marche, ainsi, vers l'accomplissement de sa plus haute prédestination impériale eschatologique secrète. Or cet immense incendie révolution­naire eschatologique devant prendre feu au sein de l'ortho­do­xie russe  —ce terrible Incendium Amoris final—  seul peut l'amener à son paroxysme révélateur ultime le travail con­spi­ra­tionnel abyssal des élites de l'encadrement souter­rain national-révolutionnaire, à l'heure actuelle déjà en place, clandestinement, déjà agissantes, en Russie comme partout à l'intérieur de l'espace géopolitique propre du "Grand Con­tinent" eurasiatique. Et il est impératif que l'on ajoutât, aussi, que le même feu couve, en Amérique Romane, au-dessous des infrastructures de l'aliénation économico-politique totale imposée sur place par la "conspiration mondialiste" des Etats-Unis, et qu'il suffirait d'une secousse significativement conduite pour que tout l'édifice installé par ceux-ci vienne à s'auto-destituer, à disparaître sous la poussée révolution­naire des forces vives ainsi brusquement amenées à refaire surface, emportant  tout dans leur déchaînement libérateur.

 

L'immense courant d'air mis en branle par ce qui se passe ac­tuellement en Russie parviendra-t-il à réveiller, à mobiliser les puissances de vie de l'ensemble géopolitique continental grand-européen, tout en se répercutant, aussi, dans l'espace intérieur de l'Amérique Romane? Mais n'est-ce pas le travail à nous autres, notre propre travail de jour et de nuit, que de faire se propager, de proche en proche, souterrainement, les feux conspirationnels de la nouvelle vague révolutionnaire an­ti-mondialiste qui monte actuellement à l'assaut de son pro­pre destin en même temps que de la plus "grande his­toire"?

 

(8) L'avènement des guerres dialectiques

 

En réalité, notre travail révolutionnaire —tout travail ré­vo­lu­tionnaire— consiste dans l'effort concerté, intensif et inin­ter­rompu pour la conquête  —pour la libération— des conscien­ces. D'où l'inappréciable importance de ces appareils dia­lec­tiques pour la libération des consciences qui sont constitués par nos "groupes géopolitiques" de combat idéologico-doc­trinal: le changement total de l'histoire et du monde n'en sera que la conséquence de leur action révolutionnaire en pro­fondeur.

 

Nos stratégies révolutionnaires sont autant de stratégies pour l'encadrement et la prise sous contrôle des conscien­ces, nos barricades révolutionnaires sont des barricades de consciences entassées de par leur commune exacerbation même, nos incendies révolutionnaires sont faits des embra­sements à la fois libérés et partisans des consciences mobilisées à la tâche, dont le tourbillon montant emportera l'histoire vers le haut. En dernière analyse, l'action révolu­tion­naire est une action d'ordre intérieur, conduite par un tra­vail lui-même exclusivement d'ordre intérieur, conceptuel. La ré­volution apparaît donc comme la mystique suractivée d'u­ne vaste société secrète, dirigée "occultement" depuis une centrale polaire unique, dissimulée, inconnaissable.

 

Et nos combats pour la libération de l'Europe et la constitu­tion, à terme, de l'"Empire Eurasiatique de la Fin" seront les combats d'une certaine prise de conscience géopolitique et eschatologique, dont le caractère exclusivement conceptuel va néanmoins devoir changer le cours de l'histoire au niveau des faits eux-mêmes, révolutionnairement.

 

Les dernières guerres planétaires seront, ainsi, des guerres dialectiques, des guerres conceptuelles, qui, au-delà de l'histoire, imposeront une réalité suprahistorique finale à ce monde et à son devenir, l'un et l'autre ontologiquement chan­gés de l'intérieur. La guerre continentale grand-euro­péenne de libération de sous l'actuelle domination de la "con­spiration mondialiste" des Etats-Unis est une guerre es­sentiellement conceptuelle, la grande guerre dialectique de notre prochain avenir, et la dernière.

 

Jean PARVULESCO.

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1745: Paix de Dresde

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25 décembre 1745 : Signature de la Paix de Dresde entre la Prusse, l’Autriche et la Saxe. Elle met fin à la deuxième guerre de Silésie, que l’Autriche avait tenté de récupérer par la force des armes. Tant que l’Autriche possédait la Silésie, elle avait accès, via le haut bassin de l’Oder, à la Baltique. Elle pouvait prétendre à terme réaliser le vœu du Roi de la Bohème médiévale, Ottokar II Przmysl, c’est-à-dire former un royaume centre-européen, unissant sous une seule autorité, tous les territoires entre la Baltique et l’Adriatique. La Prusse de Frédéric II s’opposait à une présence autrichienne dans les bassins fluviaux parallèles de la plaine d’Allemagne du Nord et contestait la souveraineté de Vienne en Silésie (bassin de l’Oder) et en Bohème (bassin de l’Elbe).

Lors de l’affrontement de 1745, les victoires successives des armes prussiennes à Soor et à Kesseldorf, et l’occupation consécutive de Dresde, capitale de la Saxe, le 17 décembre 1745, contraignent les Saxons et les Autrichiens à négocier. La Prusse de Frédéric II préfère, elle aussi, une solution négociée, à une poursuite de la guerre, car elle craint une intervention russe en faveur de l’Autriche et de la Saxe. Les Anglais ne pouvaient pas intervenir aux côtés de la Prusse car la révolte de l’Ecosse mobilisait toute l’attention du gouvernement de Londres et toutes les troupes disponibles. L’Autriche préférait quitter le théâtre d’opérations du Nord de l’Europe pour affronter les Français, alliés à l’Espagne des nouveaux Bourbons, en Italie et dans les Pays-Bas. Conclusion : à la suite de la Paix de Dresde, la Prusse conserve la Silésie mais reconnaît l’Empereur Charles, époux de Marie-Thérèse. La Saxe ne s’en sort pas trop bien : elle doit payer un million de thaler de dédommagement à la Prusse.

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lundi, 24 décembre 2007

1979: les troupes soviétiques en Afghanistan

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24 décembre 1979 : Les troupes soviétiques entrent en Afghanistan

Le 27 avril 1978, le « Parti Démocratique Populaire d’Afghanistan » avait pris le pouvoir sous la direction de Muhammad Taraki. Le pays se rapproche de l’URSS afin de parfaire un programme de réformes sociale, surtout dans les domaines de l’éducation et de la réforme agraire. Notons, au passage, que l’Afghanistan avait bien dû se tourner vers l’URSS, les puissances anglo-saxonnes, qui soutenaient alors Khomeiny, voyaient d’un mauvais œil les tentatives iraniennes de venir en aide aux Afghans.

Ce nouveau régime, en observant la situation chaotique dans laquelle se débattait l’Iran, met immédiatement les agitateurs religieux au pas. La CIA décide tout de suite de soutenir une trentaine de groupes de moudjahhidins. La situation devient alors bien vite critique. Dans les troubles qui agitent l’Afghanistan, Taraki est assassiné. En septembre 1979, Hafizullah Amin prend le pouvoir, ce qui déclenche une guerre civile, amenant, le 24 décembre, les troupes soviétiques à intervenir, pour rétablir l’ordre. Amin est exécuté. Babrak Karmal accède alors au pouvoir et demande à Brejnev l’appui permanent de troupes soviétiques. Ce qui lui est accordé. L’Occident capitaliste (l’américanosphère) et l’Islam radical condamnent l’intervention et forgent une alliance qui durera jusqu’aux attentats du 11 septembre (qui n’y mettront fin qu’en apparence).

Le 21 mars 1980, les Afghans hostiles aux Soviétiques forment une « Alliance islamique pour la liberté de l’Afghanistan », qui comprends des fondamentalistes et des monarchistes. Cette alliance, dont le nom contient les vocables « islamistes », pour plaire aux bailleurs de fonds saoudiens, et « liberté », pour plaire aux Américains, comptait sept partis islamistes, dont quatre étaient jugés fondamentalistes et trois, plus ou moins modérés. Ces partis installent leur QG sur le territoire pakistanais voisin. Dans la longue guerre qui s’ensuivra, les services pakistanais, dont surtout l’ISI, recevront et distribueront l’argent et les armes venus des Etats-Unis, d’Arabie Saoudite et d’organisations « privées » arabo-musulmanes.

Zbigniew Brzezinski, artisan de cette stratégie, avouera, dans un entretien accordé au « Monde », que la version officielle d’une aide aux moudjahhidins à partir de 1980 est fausse. D’après le stratège, c’est le 3 juillet 1979 que la décision a été prise d’armer les moudjahhidins, pour attirer l’URSS dans un piège, afin de la déstabiliser par une opération coûteuse et de lui donner une mauvaise image médiatique, tant dans le monde arabo-musulman que dans l’américanosphère.

dimanche, 23 décembre 2007

Curzio Malaparte: quotation

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“Behind the Doric columns of the ‘Pyatlyetki,’ the Five Year Plans, behind the rows of figures of the ‘Gosplan,’ there stretches not Asia, but another Europe: ‘the’ other Europe (in the sense in which America too is another Europe). The steel cupola of Marxism + Leninism + Stalinism (the gigantic dynamo of the U.S.S.R. according to Lenin’s formula: Soviet + electrification = Bolshevism) is not the mausoleum of Genghis Khan but - in the very sense that bourgeois folk find so distasteful - the ‘other’ Parthenon of Europe. ‘The Volga,’ says Pilnyak, ‘flows into the Caspian Sea.’ Yes, but it does not rise in Asia: it rises in Europe. It is a European river. The Thames, the Seine, the Potomac are its tributaries.”

Curzio Malaparte, THE VOLGA RISES IN EUROPE

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1861: Création de la Principauté de Roumanie

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23 décembre 1861 : Création de la Principauté de Roumanie

Les assemblées représentatives de la Valachie et de la Moldavie sont réunies en un seul parlement, dont le siège est fixé à Bucarest dès février 1862. Alexandre-Jean Cuza devient Prince de Roumanie et obtient l’investiture du Sultan ottoman, qui demeure le suzerain en titre des provinces valaques et moldaves. Dans la foulée, l’église orthodoxe roumaine proclame son autocéphalie, malgré la réticence du Patriarche de Constantinople, qui ne l’acceptera qu’en 1885.

Cuza est issu d’une famille de boyards. Il a toujours défendu l’unité des « principautés danubiennes » (Valachie et Moldavie). Quand il devient Prince de Valachie le 5 février 1859, la Roumanie est unifiée de facto. Sur le plan politique, Cuza n’obtiendra pas l’assentiment des masses populaires et paysannes, qui lui reprochaient son idéologie libérale et occidentale. Le 22 février 1866, il est contraint d’abdiquer. Charles de Hohenzollern-Sigmaringen deviendra, immédiatement après cet incident, Roi de Roumanie sous le nom de Carol I (26 mars 1866). A.J. Cuza quittera la Roumanie définitivement et connaîtra l’exil jusqu’à sa mort, survenue à Heidelberg le 15 mai 1893.

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samedi, 22 décembre 2007

La pétro-diplomatie de Chavez

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Cristiano TINAZZI :

Chavez lance la « pétro-diplomatie »

La nouvelle stratégie du Venezuela : aider les pauvres des Etats-Unis

La nouvelle invention de Hugo Chavez est la « pétro-diplomatie ». Le Président vénézuelien, fort des profits importants que lui rapporte l’industrie pétrolière étatisée, espère aujourd’hui embarrasser le gouvernement de Bush. On peut lire dans les colonnes du « Washington Post », quotidien américain, quelle est en substance cette politique. Le Venezuela est un des principaux fournisseurs de pétrole des Etats-Unis et leur fournit environ 1,5 million de barils par jour. Certains sénateurs américains auraient écrit à neuf compagnies pétrolières pour leur demander de céder une partie des énormes profits qu’on leur prédit pour cet hiver au profit des strates les plus indigentes de la population des Etats-Unis. La seule compagnie à avoir répondu à cette missive des sénateurs a été la « CITGO Petroleum », une compagnie contrôlée par le gouvernement de Caracas. Le président de la CITGO a expliqué aux sénateurs que la compagnie « est en train d’étudier un plan de soutien aux programmes d’assistance américains dans le but d’alléger le fardeau de nos prochains qui ont besoin d’une meilleure qualité de vie ». Ainsi, la CITGO, lit-on dans un article du « Washington Post », pense annoncer des ristournes sur le gasoil de chauffage pour les résidents aux revenus les plus bas du Massachussetts. Ensuite, d’après des fonctionnaires vénézueliens, une offre similaire a été faite aux plus pauvres de New York.

Le Président vénézuelien Hugo Chavez lance donc une stratégie du pétrole économique pour les pauvres des Etats-Unis. Quelques députés démocrates ont applaudi à ce projet : « CITGO se comporte comme une bonne entreprise et fait une bonne et charitable donation à ceux du Bronx ». « J’applaudis à leur comportement » a ajouté le démocrate José Serrano. Les habitants du Bronx pourraient recevoir 8 millions de galons à prix réduit pour leur chauffage domestique. La CITGO a également envoyé des lettres en ce sens aux gouverneurs de Rhode Island, du Maine et d’autres Etats pour proposer des programmes semblables au bénéfice de leurs administrés. Chavez est également en train de former une société pétrolifère sud-américaine, la « Petrocaribe », dans laquelle participeront d’autres Etats du Sud du Nouveau Monde, dans le but d’abaisser le prix du brut, en-dessous des prix moyens du marché.

Cristiano TINAZZI.

(source : Rinascita, Rome, 24 nov. 2005).

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Volonté française d'annexer la Sarre

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Drapeau sarrois imposé par les troupes d'occupation française en vue d'une annexion que refusait le peuple

Volonté française d'annexer la Sarre

22 décembre 1946 : La France manifeste clairement son intention d’annexer la Sarre allemande. Elle l’isole, en ce 22 décembre 1946, des autres territoires allemands par un cordon douanier qui se veut hermétique. Cette politique d’agression reçoit l’approbation des Britanniques et des Américains mais non des Soviétiques. Molotov entend se tenir aux décisions prises à Potsdam et refuse l’intégration économique de la Sarre à la France, prélude à son annexion pure et simple. Rappelons que la Sarre a été envahie par les armées révolutionnaires en même temps que les Pays-Bas autrichiens. L’Autriche ne reconnaîtra le fait accompli de l’annexion de la rive gauche du Rhin que lors du Traité de Campo Formio en 1797 et après avoir reçu en compensation la Lombardie et la Vénétie. En 1814 quand l’Ogre est vaincu une première fois et envoyé à l’Ile d’Elbe, la France garde la Sarre, déchue au rang de vulgaire « département », mais la perd en 1815 après Waterloo, en même temps que les forteresses de Philippeville et Mariembourg, qui reviennent ainsi dans le giron des Pays-Bas méridionaux. Au cours du 19ième siècle, l’obsession ne sera pas tant la Sarre que le Luxembourg, qu’il faudra protéger des visées expansionnistes de Napoléon III. Ni 1918 ni 1945 ne permettront d’annexer la Sarre qui restera allemande en dépit de tout.

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Jean Tulard

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22 décembre 1933 : Naissance de Jean Tulard

Historien français, spécialiste de l’ère napoléonienne. Professeur à la Sorbonne et à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, directeur de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, Jean Tulard est surtout connu pour ses études sur l’ère révolutionnaire et bonapartiste en France. A ce titre, il préside l’Institut Napoléon.

Certes, dans notre pays, le bonapartisme est quasi inexistant et Napoléon a toujours fait figure de croquemitaine : c’est celui qui enrôlait nos paysans de force pour les envoyer aux quatre coins de l’Europe combattre des peuples qui nous paraissaient bien sympathiques. Les comptines que fredonnait mon grand-père, en me faisant sauter sur ses genoux, évoquaient l’ « Ogre », bref un personnage fort éloigné des images d’Epinal que l’on ressasse encore et toujours en France. Jean Tulard, pourtant, n’est pas un auteur qui fait continuellement l’apologie de Napoléon. Loin de là !

Dans un ouvrage remarquable de concision et de clarté, intitulé Les révolutions de 1789 à 1851 (Fayard, 1985), Tulard tire le juste bilan de cette époque, qui court de 1789 à 1848 et à l’avènement du futur Napoléon III. La thèse centrale de cet ouvrage est la suivante : « Sur le plan politique, la déstabilisation de 1789 a été si forte que l’équilibre paraît impossible à trouver ». Tulard montre toutes les impasses auxquelles la France a été acculée, et avec elle l’Europe, à la suite de cette révolution. Tulard reste donc un auteur à lire.

Dans le livre que nous mentionnons, les pages sur l’installation d’une censure et sur la mise au pas d’une « culture officielle » sont à méditer (pp. 238-239), sur fond de « correction politique » obligatoire aujourd’hui. Autre chapitre intéressant, celui sur la campagne d’Espagne, commencement de la fin pour Napoléon (pp. 241-244), où celui-ci, comme l’a d’ailleurs reconnu et observé Clausewitz, est battu par le peuple, qui ne veut pas du fatras liberticide de sa révolution qui avance en brandissant frauduleusement le drapeau de la « liberté ». Tulard nous offre donc un regard sceptique sur les révolutions et surtout sur l’idéologie bourgeoise et égalitaire qu’elles ont véhiculée (Robert Steuckers).

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vendredi, 21 décembre 2007

G. Miglio: l'Etat moderne est dépassé!

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L'Etat moderne est dépassé!

Entretien avec le Prof. Gianfranco MIGLIO

Propos recueillis par Carlo STAGNARO

 

«Le pouvoir politique s'est concentré au détriment du décentrement initial».

 

Parler de la Déclaration d'Indépendance américaine, de la pensée de Thomas Jefferson et de l'évolution historique des Etats-Unis revient, inévitablement, à parler de fédéralisme. Mais pour évoquer correctement ces thématiques, il convient de se rappeler de certains faits: dans le débat constitutionnel américain, c'est, en substance, le mouvement “fédéraliste” d'Alexandre Hamilton qui a triomphé (mais ce mouvement réclame, en réalité, une centralisation des pouvoirs). Les “anti-fédéralistes” américains (farouches défenseurs des droits des Etats) ont réussi à obtenir, quelques années a­près, la promulgation d'une “Charte des Droits”: un docu­ment très important, mais insuffisant pour contrebalancer les tendances vers la centralisation (fédérale!), qui, désormais, ont commencé à faire sentir leur propre force. Nous avons parlé de tout cela avec Gianfranco Miglio, l'un des exposants majeurs actuels de l'école néo-fédéraliste. Avec sa voix forte et bien modulée, avec sa lucidité de toujours, Miglio m'a fait forte impression, surtout parce qu'il veut communiquer sans freins tout ce qu'il sait, tout le patrimoine de ses idées, toutes ses convictions. J'espère avoir été à la hauteur…

 

Q.: Professeur Miglio, que représente concrètement la Déclaration d'Indépendance américaine?

 

GM: Il s'agit surtout d'une Déclaration d'Indépendance face à la monarchie anglaise. Les colonies américaines s'affran­chis­sent du dominium de la Couronne. Il faut souligner que cette indépendance se réfère aux Etats pris singulièrement, non à leur ensemble. L'origine de l'indépendance est donc fédérale: chaque colonie avait son propre statut, qui précé­dait l'avènement de la Fédération. Par la suite, la Fédération a pratiquement détruit les Etats singuliers. J'aime rappeler le statut de la Pennsylvanie. 80% de la population en Penn­sylva­nie étaient d'origine allemande. On parlait l'allemand et on s'habillait à la mode allemande du 18ième siècle. Les struc­tures politiques pennsylvaniennes plongeaient leurs racines dans la culture allemande. La majeure partie de ces Etats é­tait essentiellement de tradition européenne, une tradition qui remontait aux 16ième et 17ième siècles européens.

 

Q.: Dans le passé vous avez défendu l'idée que le fé­déralisme américain était un “faux fédéralisme”. Défen­dez-vous toujours ce point de vue?

 

GM: Le fédéralisme américain s'est imposé sur la destruc­tion des Etats singuliers qui, dans un premier temps, s'é­taient mis d'accord pour adopter des structures fédérales. Au­jourd'hui, cependant, les soi-disant “fédéralistes” aux Etats-Unis sont considérés comme les fossoyeurs des au­to­no­mies. Certains fédéralistes, comme Madison, visaient directement la création d'un Etat national.

 

Q.: Quelles sont les caractéristiques du vrai fédéralisme alors?

 

GM: Des institutions authentiquement fédérales doivent naî­tre au départ de l'indépendance réciproques des commu­nautés politiques qui participent à la structure fédérale. De telles entités doivent avoir leurs propres structures et leurs pro­pres statuts, indépendamment des institutions fédérales.

 

Q.: Est-il possible d'identifier dans l'histoire américaine un moment où le fédéralisme des origines a été corrom­pu et s'est transformé en un processus de central­isa­tion?

 

GM: Toute l'histoire des Etats-Unis est l'histoire d'une cen­tra­lisation. Le pouvoir politique s'y est concentré petit à petit et les pouvoirs détenus au départ par les Etats de la fé­déra­tion se sont réduits.

 

Q.: Nous, Européens de l'an 2000, pouvons-nous encore tirer quelque enseignement de la Déclaration d'Indépen­dance des Etats-Unis?

 

GM: Certainement. Nous devons retourner à la grande tra­dition juridique inaugurée jadis par Althusius et les juristes des 16ième et 17ième siècles, qui ont construit des modèles pour assurer la permanence des souverainetés particulières. Je crois que le poids du “droit public européen”, qui a créé l'Etat moderne, est encore (trop) considérable dans l'histoire quotidienne de l'Europe d'aujourd'hui. Le problème actuel est de mettre ce droit de côté, de le remplacer par des struc­tu­res fédérales. L'Etat moderne est entré en déclin pour de­ve­nir un Etat parlementaire. Il nous faut retourner aux tra­ditions fédérales des 16ième et 17ième siècles, que l'on a ou­bliées, et que l'Etat moderne a oblitérées, pour se poser com­me l'unique pouvoir souverain et inégalable.

 

Q.: Si j'ai bien compris, Professeur, l'Etat moderne est non seulement insuffisant, mais aussi immoral…

 

GM: Je dirais même plus: il est dépassé. L'Etat moderne est en plein déclin. Notre tâche est de raviver la tradition au­then­tique de l'Europe des cités, de l'Europe de l'ère hanséa­ti­que… où les cités indépendantes ne faisait appel au Saint-Empire romain que pour arbitrer les conflits entre elles. L'Eu­ro­pe de l'avenir n'est pas une Europe des Etats modernes, car cette Europe-là a déclenché les épouvantables guerres de notre siècle. Il nous faut donc oublier cette Europe né­ga­tive.

 

(entretien paru dans La Padania, 4 juillet 2000, http://www.lapadania.com ).  

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1879: Naissance de Staline

21 décembre 1879 : Naissance de Staline

Naissance en Géorgie de Joseph Vissarionovitch Dougachvili, qui sera connu sous le nom de Staline, l’Homme de fer. Né dans le foyer d’un cordonnier géorgien et d’une Ossète (Ekaterine Geladse), dont les ancêtres étaient serfs, il fut quasiment le seul leader bolchevique à être issu d’un milieu aussi modeste. Après une scolarité brillante, il est admis au séminaire orthodoxe de Tiflis, une école connue pour son opposition au tsarisme. Dans le cadre de cette école, il entre en contact avec des propagandistes marxistes dès l’âge de quinze ans, qui lui communiquent des ouvrages, souvent français, interdits de lecture en Russie (Letourneau, Victor Hugo). A dix-huit ans, le jeune Joseph est actif dans les cercles socialistes géorgiens, ce qui conduit à son exclusion du séminaire en 1899.

Certes, son activisme avait motivé cette exclusion, mais aussi quelques solides échecs dans des examens importants, ratés parce qu’il avait été trop zélé dans son militantisme. Il finira par être arrêté une première fois en 1902, à la suite d’une manifestation à Batoum. Plusieurs relégations en Sibérie s’ensuivront, assorties d’autant d’évasions successives, qui le conduiront à un premier exil en Autriche-Hongrie en 1912 (Cracovie et Vienne). Entre-temps, il avait rencontré Lénine en 1905 et suivi son option « bolchevique », lors du schisme entre minimalistes et maximalistes au sein du mouvement social-démocrate russe.

L’option maximaliste bolchevique, contrairement à l’option minimaliste « menchevique », visait l’organisation d’une révolution violente, portée par des « révolutionnaires professionnels ». Pour financer cette révolution, Joseph Dougachvili organise des braquages de banques ; le plus célèbre de ces braquages eut lieu à Tiflis en 1907, où les bolcheviques parviennent à dérober la somme de 250.000 roubles. Arrêté à son retour en Russie fin 1912, il vivra en exil forcé, de 1913 à 1917, à Touroukhansk, où il restera cois, sans chercher à s’évader, pour ne pas être incorporé de force dans l’armée russe combattant les Allemands, les Autrichiens et les Turcs. Il revient de cet exil sibérien en 1917, accompagné de Lev Kamenev, son compagnon de détention. Il est nommé membre du « Comité exécutif central » des bolcheviques à la suite du Congrès panrusse des Soviets de juin 1917.

Le 7 novembre 1917, après le triomphe des bolcheviques, il devient Commissaire du Peuple aux Nationalités, alors que les nationalités non russes de l’Empire faisaient sécession et proclamaient leur indépendance. Les Bolcheviques ne contrôlaient plus qu’un espace correspondant peu ou prou à la Moscovie du temps d’Ivan le Terrible. Les seules nationalités qui se joignirent à la révolution furent les Tatars et les Bachkirs. Au départ de la Moscovie et des régions voisines du Tatarstan et du Bachkortostan, les Bolcheviques devront reconquérir les terres de l’ancien Empire russe, aux mains des troupes blanches, des armées ethniques sécessionnistes et de troupes alliées envoyées à la rescousse. En juin 1918, Staline parvient à reconquérir le cours inférieur de la Volga, dont la ville de Tsaritsyn qui deviendra Stalingrad en 1925. Au départ de cette position clef sur la Volga, Staline entreprendra la reconquête du Caucase ; cette reconquête s’effectuera en plusieurs étapes : en février 1920, tous les peuples du Caucase septentrional sont incorporés dans l’Union Soviétique, à la suite d’une révolte générale contre le général blanc Denikine. Les Tchétchènes se révolteront ensuite contre les Soviétiques, ce qui induisit Staline à prononcer ce discours, qu’on relira avec étonnement, sur fond de la crise tchétchène actuelle : « Chaque peuple –les Tchétchènes, les Ingouches, les Ossètes, les Kabardines, les Balkars- doivent avoir leurs propres soviets. S’ils peuvent apporter la preuve que la Charia est nécessaire pour parvenir à cette fin, alors j’autorise la Charia. Si l’on peut m’apporter la preuve que les organes de la Tcheka ne comprennent pas le mode de vie propre et les autres particularités de la population et ne s’y adaptent pas, alors, il est clair que des changements devront intervenir dans cette région » (Discours tenu aux peuples de la région du Terek, 17 novembre 1920). Un mois plus tard, l’ensemble du Caucase, sauf la Géorgie, tombe aux mains des troupes soviétiques de Staline.

En février 1921, avec l’appui de son ami de jeunesse Sergo Ordchonikidse, la Géorgie, à son tour, entre dans le nouvel ordre soviétique. Cette victoire de Staline dans le Terek et le Caucase font de lui un héros respecté de la nouvelle Union Soviétique. Lénine est malade. Le pouvoir est détenu par une sorte de triumvirat, comprenant Staline, Kamenev et Zinoviev, tous trois hostiles à l’autre homme fort du régime, Léon Trotski. Staline se concentrera sur la consolidation de l’appareil bolchevique : ce qui amènera en bout de course à l’élimination de facto de Trotski, qui partira en exil au Turkestan puis à l’étranger en 1927, et au limogeage de Kamenev et Zinoviev dès 1926 (ils seront éliminés lors des purges de 1937). Staline devient alors maître absolu de l’URSS. Il inaugure sa politique de « socialisme dans un seul pays », soit la réorganisation de l’URSS, et rejette l’idée d’une « révolution mondiale » préalable, le credo de Trotski, tout simplement parce qu’une telle révolution exigerait des moyens que ne possède pas la Russie soviétique exsangue et épuisée. Mondialiser la révolution la condamnerait à l’échec rapide devant les forces anti-bolchevistes du monde entier, et notamment de l’Empire britannique.

De 1927 à 1938, le pays connaîtra la collectivisation forcée, avec l’élimination de la classe paysanne des « koulaks », et la persécution inlassable des dissidents, trotskistes et opposants à Staline, avec un instrument policier, le NKVD. Staline semble avoir poursuivi l’objectif de restaurer l’ancien Empire des Tsars sur toute l’étendue territoriale qui fut la sienne avant 1917 : guerre contre la Pologne et Pacte germano-soviétique, conquête de la Bessarabie, guerre contre la Finlande, succès diplomatiques à Yalta, annexion de la Ruthénie subcarpathique. Seule la Finlande a échappé à l’annexion directe. De même que la « Pologne du Congrès ».

Vainqueur avec l’appui américain en 1945, il reçoit une bonne moitié de l’Europe, afin de la maintenir dans le frigo et de l’arracher aux industries ouest-européennes, et surtout à la machine économique allemande, pour empêcher toute ré-émergence d’un concurrent pour les Etats-Unis sur la rive eurasienne de l’Atlantique Nord. Autre objectif de cette générosité de Roosevelt : fermer l’artère danubienne et empêcher toute projection européenne vers la Mer Noire.

Le seul intérêt de l’ère stalinienne après 1945, réside dans la volonté de contrer l’internationalisme américain (appuyé par les dissidences trotskistes, qui deviendront « néo-conservatrices » avec l’avènement de Reagan et de Bush-le-père, tout en contaminant les démocrates américains sous Clinton). Autre coup de théâtre diplomatique intéressant : les notes de 1952, où Staline propose la réunification de l’Allemagne et sa neutralisation. La proposition était intéressante et aurait permis plus tôt un envol de l’Europe occidentale hors de toute immixtion américaine. On imagine aisément l’aubaine qu’aurait été une Allemagne neutre, au moment où De Gaulle se désengageait de l’OTAN, après les troubles d’Algérie. Staline meurt, probablement empoisonné, le 5 mars 1953 à Kuntzevo près de Moscou (Robert STEUCKERS).

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jeudi, 20 décembre 2007

Affaire KOHL: l'Allemagne attaquée de l'intérieur

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Cet article de Jean Parvulesco, qui date déjà d'il y a quelques années, garde une pertinence indubitable, eu égard au lent démantèlement de l'Axe Paris-Berlin-Moscou

 

Jean PARVULESCO :

Affaire Kohl: L'Allemagne attaquée de l'intérieur

 

Qu'une puissante opération politico-stratégique souterraine avait dû re­lier, à l'origine et d'une manière unitaire, l'auto-destitution du com­mu­nisme soviétique, l'effondrement du communisme dans toute l'Europe de l'Est, le démantèlement du Mur de Berlin et la réunifi­ca­tion des deux Allemagnes, ne saurait laisser le moindre dou­te, de même que l'évidence de la part absolument déterminante qu'y avaient tenue les services politiques spéciaux de l'Allemagne Fé­dé­rale, et le rôle tout-à-fait décisif, comme prédestiné, du Chancelier Hel­mut Kohl dans la conception, la mise en place et l'exécution sur le terrain de l'ensemble opérationnel ayant finalement abouti à la li­quidation définitive du communisme dans l'Est de l'Europe et à la fin de son influence dans la partie occidentale de celle-ci, privée, sou­dainement, de l'action suractivante de son épicentre soviétique. Tout ce­la ayant constitué un tout, un bloc opérationnel unitaire agissant d'une manière dissimulée, s'étant utilisé à cacher sa démarche, par­venant à exploiter d'une manière maximale son avantage sur le dou­ble plan du secret total et d'un effet de surprise non moins total, sui­vant la dialectique décisive du fait accompli.

 

Douter du rôle éminent qu'avait été celui du Chancelier Helmut Kohl, tout comme de la mission particulière et du poids politique implicite­ment engagé, dans ce complexe de circonstances actives, par l'Alle­magne Fédérale, c'est reconnaître son ignorance des mécanismes qui décident occultement de la marche visible de l'histoire, de la «gran­de histoire». C'est avouer ne pas être dans le coup, c'est se mettre en dehors du petit nombrer de ceux qui savent, de ceux qui se trouvent habilités à comprendre le jeu profond des forces se­crètes en compétition lors des grands tournants politiques de l'histoire en marche.

 

La pierre fondationnelle de la future Grande Europe

 

Aussi l'histoire européenne présente et à venir, qui sera, avant tout et fondamentalement, l'histoire de l'intégration impériale grand-conti­nen­tale de l'Europe de la Fin, se trouve-t-elle en dette d'une manière in­déniablement établie à l'égard de l'Allemagne démocrate-chrétienne du Chancelier Helmut Kohl, qui a su prendre sur elle de la libérer une fois pour toutes de la pesanteur ­—en tout état de cause mortelle— du communisme et des conspirations négatives que celui-ci entretenait d'une façon permanente dans l'espace intérieur européen à travers les partis assujettis à son influence subversive. Et ceci, en sachant faire l'économie d'une troisième guerre mondiale, par la mise en mar­che d'un jeu souterrain vertigineux de contre-influences, de provo­ca­tions, de menaces sous-entendues et de pressions occultes de plus en plus exacerbées ayant mené à l'épreuve de force finale. Une é­preu­ve de force en quelque sorte clandestine, et que l'Allemagne a em­portée de haut vol, et définitivement. Pourquoi, alors, les choses étant ce qu'elles sont, ne pas le reconnaître ouvertement? Pourquoi ne pas en faire la pierre fondationnelle de la Future Grande Europe? Pourquoi ne pas y trouver une leçon significative pour les prochaines batailles politiques continentales de notre histoire immédiatement à venir, lors des confrontations qui ne manqueront pas de se déclarer entre la Future Grande Europe et la conspiration mondialiste de la «Superpuissance Planétaire» des Etats-Unis?

 

Et comment peut-on donc ne pas comprendre encore que ce qui se passe actuellement en Allemagne, dans le Sud-Est de l'Europe et dans l'Europe de l'Est, et plus particulièrement en Russie, concerne aussi, d'une manière à la fois totale et décisive, les destinées politiques immédiates de la France? Quel est cet aveuglement aussi tragiquement malfaisant que suspect  —et même de plus en plus suspect—  qui empêche certains milieux politiques français de droite de comprendre que, désormais, la France ne peut absolument plus être considérée en dehors de l'Europe, que dans l'avenir le plus proche déjà les destinées de la France se trouvent inexorablement, non pas seulement liées, mais identiques dans leur devenir à celles de la Grande Europe? Que toute atteinte portée aux intérêts politiques profonds de l'Allemagne, ou de la Russie, est également une atteinte fondamentale aux destinées politiques actuelles de la France? Que face à la conspiration mondialiste exacerbée par la puissance dans l'ombre de la «Superpuissance Planétaire» des Etats-Unis, l'Europe se doit de pouvoir présenter un front uni, ou accepter de se démettre sans retour?

 

Or il se fait que, à l'heure présente, l'Europe se trouve violemment en butte à une action de déstabilisation décisive, menée à travers une vaste opération de dislocation intérieure de l'Allemagne, et dont les retombées prochaines ne manqueront pas de se répercuter d'une façon catastrophique en France aussi, et partout en Europe, jusqu'en Russie même. Et, peut-être, en Russie surtout.

 

Déconsidérer l'œuvre européenne du Chancelier Helmut Kohl

 

Une fort importante centrale subversive apparemment inidentifiable  —mais qui, pour peu que l'on soit au courant des véritables buts politiques et suprapolitiques s'y trouvant engagés, cesse de pouvoir garder son anonymat—  s'utilise à l'heure actuelle à défaire, sous des prétextes fallacieux, diversionnistes, les destinées politiques présen­tes de la Nouvelle Allemagne, en s'attaquant à la personne de l'an­cien Chancelier Helmut Kohl et partant à l'ensemble de son action de libération anti-communiste européenne  —auto-destitution du com­mu­nisme soviétique et de l'ensemble des régimes communistes à l'œuvre dans l'Europe de l'Est, démantèlement du Mur de Berlin, réunification des deux Allemagnes—  dont elle tente de dévaloriser, d'aliéner, voir, si possible, d'en renverser le sens, les acquis, la situation de fait, à travers une stratégie de destitution largement soutenue par les médias et l'ensemble des relais politiques en place du régime social-démocrate de Gerhard Schröder. Régime qui, à mesure qu'il se trouve forcé à dévoiler ses cartes, apparaît de plus en plus asservi à des intérêts contraires à ceux de l'Allemagne et de la Grande Europe, comme un régime, donc, de haute trahison anti-allemande et anti-européenne.

 

La ligne de front de l'actuelle attaque personnelle contre l'ancien Chancelier Helmut Kohl, qui se veut dévastatrice mais qui vise, en réalité, la déconsidération indirecte, sournoise et portant en profondeur de son œuvre politique européenne de salut et de libération anti-communiste, a trouvé son prétexte de façade dans la dénonciation virulente, paroxystique, du fait que celui-ci avait couvert l'existence d'un dispositif de caisses noires de la CDU: l'ensemble de l'opération pue outrageusement le coup monté, et bénéficie, ainsi que nous l'avons déjà relevé, de l'appui médiatique déchaîné sur commande de la totalité de l'appareil d'agitation-propagande de la sociale-démocratie allemande en place, ainsi que, ce qui plus est, européenne, et française plus particulièrement. Car tout se tient pas en-dessous.

 

Des puissantes complicités médiatico-politiques s'en trouveront-elles donc soudainement mobilisées, aussi, en France, à l'appui de l'opé­ration de déstabilisation personnelle engagée contre l'ancien Chan­celier Helmut Kohl. Ainsi a-t-on pu voir le quotidien parisien gauchiste Libération consacrer des pages entières à la “dénonciation” de l'ancien Chancelier Helmut Kohl, et qui se permet de publier des documents confidentiels de très haut niveau diplomatique, à savoir une correspondance secrète  ­—cotée vertraulich - amtlich geheim­gehalten—  du Chancelier Helmut Kohl au Premier Ministre français Edouard Balladur, et ceci pour non seulement essayer de disqulifier le Chancelier Helmut Kohl, mais, surtout, pour déstabiliser la politique européenne franco-allemande, en dévoilant les dessous confidentiels de la plus grande opération économique européenne franco-alle­man­de de l'après-guerre. A savoir le rachat par Elf des stations-service Minol et du complexe de raffineries de Leuna, privatisées en ex-Allemagne de l'Est. Une affaire d'un niveau de quarante milliards de francs, qui devait puissamment asseoir la présence française dans l'ex-Allemagne de l'Est, récemment revenue à l'unité allemande anté­rieure, unité gagnée de haute lutte.

 

Une guerre politique totale

 

Alors que le fait de veiller à l'institution d'un dispositif de caisses noires de la CDU représentait, dans la période cruciale  —et dans l'extrême incertitude politico-sociale environnante—  où celle-ci était en train d'organiser la mise ne faillite du communisme soviétique, une entreprise politique engagée à l'avant-garde de l'action contre-stratégique fondamentale, d'envergure suprahistorique et grande-continentale que poursuivaient à ce moment-là le Chancelier Helmut Kohl et, derrière celui-ci, l'Allemagne chrétienne-démocrate du régime établi par la CDU. Non point “erreur d'appréciation admi­nistrative”, et bien moins encore “malversation délictueuse”, mais une très impérieuse exigence d'une guerre politique totale, une obligation stratégique incontournable de la grande bataille anti-subversive alors en cours, moyen décisif en première ligne d'un combat décisif. Une résolution totalement responsable, située à la pointe d'un combat tout à fait résolu, inconditionnel: telle est la perspective à l'intérieur de laquelle il s'agit de considérer l'“affaire” des caisses noires de la CDU que l'on impute actuellement d'une si suspecte manière à l'ancien Chancelier Helmut Kohl, la juste perspective.

 

Car, redisons-le: en réalité, l'actuelle opération en cours contre l'ancien Chancelier Helmut Kohl vise à remettre en cause l'ensemble de la politique européenne anti-communiste de l'Allemagne démo­crate-chrétienne  —auto-destitution du communisme soviétique, liquidation de l'ensemble des régimes communistes de l'Europe de l'Est, démantèlement du Mur de Berlin, réunification des deux Alle­magnes—  et ce faisant d'ouvrir grand les chemins d'un retour aux positions marxistes radicales, mais dissimulées, d'une certaine so­cial-démocratie de gauche, ombre portée de l'opposition anti-natio­na­le, “internationaliste”, “cosmopolite”, au sein de l'ancien pou­voir so­viétique. Car, dans l'ombre, la bête gigote encore, et avec le soutien subversif de la “Superpuissance Planétaire” des Etats-Unis, elle est même en train de recouvrer son propre souffle, tout son souffle. Si nous autres nous n'y intervenons pas.

 

C'est qu'il s'agit d'une opération qui trouve ses racines très loin en arrière, d'une opération qui gagne actuellement des dimensions con­tinentales, et qui après avoir dévaste, en France, la ligne gaulliste na­tio­nale, est en train de s'attaquer, à présent, de plein front à l'Alle­magne.

 

Réduire l'élan de l'Allemagne, l'asphyxier

 

On l'a compris: il faut que par tous les moyens la puissance politique propre de la Nouvelle Allemagne soit combattue, mise dans l'im­pos­sibilité d'agir, de se développer, de pousser en avant ses nouveaux buts politiques et suprapolitiques dans le cadre de la puissance géopolitique naissante de la plus Grande Europe. Car ce n'est point en tant qu'elle-même que l'Allemagne se trouve ainsi être bridée, for­cée à réduire son élan, asphyxiée, mais en tant que puissance fonda­mentale de la plus Grande Europe. Ce que l'ennemi intérieur ne le sait que trop bien. Mais nous aussi.

 

Car il n'y a pas seulement les actuelles tentatives de diversion né­gationiste et révisionniste concernant la personne de l'ancien Chancelier Helmut Kohl et les grandes lignes de sa politique de libération européenne anti-communiste. D'autres grandes opérations de diversion négative et révisionniste, anti-allemande et partant fondamentalement anti-européenne, sont actuellement en cours, comme celle visant le démantèlement à très prochaine échéance du dispositif d'affirmation, de présence et d'action politique de l'Alle­magne, en Europe et dans le monde, dispositif fonctionnant à travers les structures opératives propres de la radio-télévision allemande dirigée vers l'extérieur, la Deutsche Welle. Le nouveau directeur de la Deutsche Welle, Dieter Weirich, qui fait fonction de commissaire politique socialiste aux ordres du ministre socialiste des médias et de la culture, Michael Neumann, vient en effet de décider la fermeture des émissions en direction du Japon, de l'Amérique latine, de la Slovénie, de la Slovaquie, de la République Tchèque, de la Hongrie, de la Croatie, de la Serbie et de la Roumanie.

 

Au moment même où l'Allemagne réunifiée regagne sa capitale traditionnelle, et où Berlin se trouve en position de devenir la capitale effective de l'Europe centrale si ce n'est le centre même de l'Europe, au moment donc où l'Allemagne aurait besoin d'être à nouveau présente partout en Europe et dans le monde, la même centrale subversive inidentifiable qui propose et entretient l'équivoque obscène, intolérable, sur l'ancien Chancelier Helmut Kohl, s'attaque aussi à la Deutsche Welle, dans un but de sabotage, d'empêchement et d'une auto-réduction très significativement négationiste de l'expression de la Nouvelle Allemagne à l'extérieur. L'ennemi sans visage n'admet pas que la Nouvelle Allemagne puisse rayonner ré­volu­tionnairement, faire entendre à nouveau la voix de son destin, la voix de sa prédestination. La voix de ce qu'elle a à dire de décisif au sein de la plus Grande Europe.

 

C'est que la centrale subversive inidentifiable  —ou soi-disant telle—  actuellement en action au cœur même du pouvoir politique social-démocrate allemand s'est donné pour objectif prioritaire de saboter, d'empêcher par tous les moyens que l'Allemagne ne puisse en acun cas porter à l'accomplissement ses nouvelles destinées politiques et suprapolitiques grand-européennes suivant les lignes de force qu'a­vaient été établies et mises en action par ses convergences gaul­listes au sein du Pôle Carolingien franco-allemand, entité fon­da­men­tale, polaire, suprahistorique de la fédération impériale grand-conti­nen­tale européenne à venir. Car c'est bien là que le bat blesse, et tout est là. Indiscutablement. Et c'est aussi ce qui doit dicter notre con­duite, l'ensemble de nos initiatives contre-stratégiques, les buts de la totalité de notre propre ligne contre-offensive immédiate ou plus lointaine.

 

Un même processus d'émasculation sournoise

 

Dans un certain sens, il est aussi extrêmement révélateur que, géo­politiquement, la Deutsche Welle, a décidé d'interrompre ses activités en direction, précisément, du Japon, de la France, de l'Europe de l'Est danubienne et de l'Amérique latine, autrement dit dans les quatre directions fondamentales de l'offensive politico-stratégique impériale de la Nouvelle Allemagne agissant, en étroite relation avec la France, à la pointe la plus avancée de l'Europe grand-continentale. Or l'action de freinage en profondeur, de sabotage et d'empêchement que la centrale subversive inidentifiable actuellement présente et a­gissante au cœur du pouvoir social-démocrate en place en Alle­magne s'étend aussi à d'autres secteurs fondamentaux des struc­tu­res politiques intérieures de celles-ci, et notamment à l'ensemble des ser­vices spéciaux et de renseignement politico-militaire, dont un pro­fond travail de démantèlement est actuellement en cours. Sans parler du train accéléré des réformes politico-sociales, de niveau consti­tu­tion­nel, qui visent à complètement renverser les structures de base de la société, de la culture, de la civilisation traditionnelle allemandes, train de réformes visant en premier lieu la nouvelle politique de l'im­mi­gration qui prépare des lendemains de désastre pour la nation alle­man­de et partant pour l'Europe concernée dans son ensemble (situa­tion, d'ailleurs, tout à fait identique à ce qui se passe actuellement en France, en Grande-Bretagne, en Italie, etc.).

 

Or il se fait en même temps que, d'une manière que l'on doit tenir pour fort significative, le même processus d'émasculation sournoise, dissimulée, des services spéciaux de renseignement politico-militaire est en train de découvrir actuellement ses cartes en France aussi, où un mouvement en faveur d'un “contrôle démocratique” de ceux-ci se met séditieusement en place, au moment même où des parle­men­taires socialistes en mission prétendent déjà que ces services se­raient devenus “obsolètes”. La procédure du démantèlement de fait se trouve donc en voie d'installation, et ce qui sera ainsi défait sera très difficile à refaire, voire impossible et, de toutes les façons, trop tard.

 

Défaire l'armature des structures intérieures de la France

 

Cependant, dans un article capital qu'il vient de publier, sous le titre de «Le Parlement et les services secrets», dans Le Monde en date du 29 décembre 1999, l'ancien ministre de la coopération Michel Roussin, qui avait été, aussi, chef de cabinet du Général Alexandre de Marenches à la direction centrale du SDECE, prend formellement le contre-pied de ces initiatives négatives, révisionnistes, à l'égard des services spéciaux de renseignement politico-militaire de la France, en concluant: «La divulgation des actions conduites et de l'identité des acteurs serait le moyen idéal pour neutraliser défi­niti­ve­ment les services secrets». Or c'est bien neutraliser définitivement les services secrets que visent les actuelles manigances de ceux qui s'utilisent à défaire l'armature des structures intérieures de l'intelligence politico-militaires de la France, et cela dans un but de sub­version au service du vaste dessein que l'on sait d'as­sujet­tissement, d'aliénation et de destitution finale de la Grande Europe en voie d'émergence révolutionnaire. Car c'est en bloquant l'Allemagne, en neutralisant la France, que la conspiration mondia­liste compte abattre, empêcher d'accéder à une existence politico-histo­rique pro­pre la Grande Europe qui s'oppose à ses projets de domination pla­nétaire finale.

 

Dans cet état de choses catastrophique, la stratégie de barrage qu'eus­sent pu contre-opposer, en Allemagne, ne fût-ce que pro­visoirement et pour le principe, les forces encore debout de la démocratie chrétienne, se trouve neutralisée par le fait que celles-ci ont été complètement retournées, souterrainement gagnées à une politique d'alignement, voire de surenchère “démocratique” face aux positions fondamentalement subversives de la social-démocratie en place. Ainsi que cela s'est laissé assez inconcevablement surprendre à travers la trahison plénière de l'actuel président de la CDU, Wolfgang Schäuble, et de la secrétaire générale de celle-ci, Angela Merkel, qui, loin de se retrancher derrière les positions de l'ancien chancelier Helmut Kohl, se sont aussitôt rangés du côté de la conspiration abjecte et criminelle montée, par l'ennemi intérieur, contre celui-ci. Conspiration abjecte moralement, et criminelle du point de vue  —qui seul compte pour nous autres—  des intérêts de l'Allemagne et de l'ensemble de l'Europe face à l'encerclement de plus en plus serré auquel nous nous trouvons soumis de la part de la stratégie mondialiste actuellement à son point paroxystique, auquel ne saurait plus succéder que la guerre politique ouverte, à son niveau planétaire final, et la défection de l'un des deux camps en présence.

 

D'ailleurs, partout en Europe, le même phénomène apparaît à la lu­mière du jour: la social-démocratie au pouvoir au niveau européen a réussi à complètement retourner, à forcer à s'aligner sur ses propres positions tous les partis de la droite démocratique. Et cette situation se vérifiant d'une manière particulièrement dramatique en France aussi, où le parti gaulliste  —ou soi-disant tel, le RPR—  n'est plus qu'une sorte de formation d'appoint du régime socialiste en place. L'étau semble s'être définitivement refermé sur nous.

 

L'Europe en est venue à se faire la guerre à elle-même

 

Que la social-démocratie partout au pouvoir en Europe se fût très formellement alignée sur les positions fondamentalement anti-européennes de la conspiration mondialiste en pleine montée, et que cet alignement ait pu aller jusqu'à la situation de limite, suprêmement paradoxale, où l'Europe en fût venue  —ainsi qu'on l'a déjà dit—  à se faire la guerre à elle-même, dans le Sud-Est du continent, lors de l'intervention politico-militaire de la “Superpuissance Planétaire” des Etats-Unis, par l'intermédiaire de l'OTAN, contre la Serbie, cela pourrait éventuellement aller de soi, parce que c'est précisément dans les termes mêmes de ce dessein que les services spéciaux politiques des Etats-Unis se sont utilisés à faire que la social-démocratie en vienne à s'emparer du pouvoir partout en Europe. Mais ce qui, par contre, apparaît comme tout à fait inconcevable, c'est que les formations politiques de la droite nationale européenne aient pu suivre, elles aussi, et sans aucune exception, les exigences de la “Superpuissance Planétaire” des Etats-Unis dans ses actions politico-militaires contre l'Europe. A l'heure présente, un assez hallucinant renversement intérieur de la situation fait que ce sont les puissances européennes en état de guerre politique totale avec la conspiration mondialiste de la “Superpuissance Planétaire” des Etats-Unis qui s'empressent  —qu'elles fussent de gauche ou de droite—  à se ranger du côté de l'attaquant, à assumer inconditionnellement les positions anti-européennes de celui-ci, parfois sous le prétexte aber­rant de l'“ingérence humanitaire”, parfois sous celui du “rétablis­sement de la démocratie”, ce qui est un comble quand on sait que ce “rétablissement” va contre la volonté clairement exprimée par les na­tions impliquées de force dans ces manigances éhontées de la terreur démocratique en action.

 

C'est tout l'ensemble de l'appareil politique démocratique européen qui, consciemment ou inconsciemment, participe actuellement à une entreprise de haute trahison politique continentale, en livrant à la conspiration mondialiste anti-européenne la totalité de ses propres positions politico-stratégiques les plus décisives.

 

Aussi la légitimité du pouvoir politique européen n'appartient-elle plus, désormais, qu'aux seules forces national-révolutionnaires grand-eu­ropéennes en état d'opposition inconditionnelle, totale, face aux régimes de la trahison social-démocrate actuellement au pouvoir à l'intérieur de l'espace politique européen (à l'exception, toutefois, de la Russie et de la Serbie).

 

La conspiration mondialiste en est actuellement à son paroxysme

 

Une ligne de rupture intime abyssale parcourt donc, de bout en bout, le Grand Continent eurasiatique, du Portugal au Japon: si la totalité du pouvoir politique européen actuellement en place est en réalité tout à fait le contraire de ce qu'il aurait dû être, irrémédiablement assujetti aux positions opérationnelles de la conspiration mondialiste de la “Superpuissance Planétaire” des Etats-Unis et de ce qui se tient occultement derrière celle-ci, face au renversement suprêmement subversif d'une situation politique d'aliénation intégrale, se tiennent, e l'autre côté de la ligne de rupture décisive, les forces nationales révolutionnaires grand-européennes mobilisées par leur double mis­sion de résistance et de contre-offensive finale. Lesquelles, dans une situation de profonde clandestinité du moment, sont déjà en train de se battre pour gagner les positions de départ de la contre-offensive qui, à terme, devra déloger  —sans doute dans les termes d'une sor­te de guerre civile grand-continentale—  les forces en place de l'alié­nation anti-européenne d'une Europe aveuglément, passagèrement prisonnière de la conspiration mondialiste actuelle­ment à son paro­xysme. Cette ligne de rupture abyssale qui parcourt à présent le Grand Continent, séparant le pouvoir en place de la haute trahison anti-européenne du pouvoir émergeant des puissances du renouveau révolutionnaire grand-européen, c'est aussi la ligne de la grande libé­ration continentale à venir, la ligne de la reprise impériale finale de la plus Grande Europe à venir. La ligne de la prédestination secrète de celle-ci et de la nouvelle histoire du monde dont elle est porteuse révolutionnairement.

 

Ainsi qu'un coup de foudre éclairant la nuit noire fait apparaître ce qui se tient caché dans les ténèbres, l'intervention politico-militaire de la “Superpuissance Planétaire” des Etats-Unis dans le Sud-Est du con­tinent européen, en Serbie, a brusquement dévoilé le secret en action de la conspiration mondialiste anti-européenne, ses buts de guerre cachés et son “grand dessein” de l'asservissement final de l'Europe.

 

Que l'on veuille ou que l'on ne veuille pas le reconnaître, la Grande Europe se trouve aujourd'hui en état de guerre politique totale avec la “Superpuissance Planétaire” des Etats-Unis, dont les instances opé­ratives de terrain essayent par tous les moyens d'affaiblir, de neutraliser, de destituer les puissances européennes fondationnelles, constitutives, de la Grande Europe continentale, impériale, eurasia­tique à venir: c'est dans cette dialectique subversivement opérative que s'inscrit donc l'actuelle tentative de liquidation politique de l'ancien chancelier allemand Helmut Kohl et de son grand œuvre de libération européenne anti-communiste, de remettre en cause ce qui avait déjà été fait. Seulement, ainsi que le déclarait Arnold Vaatz, membre du présidium de la CDU, comment pourrait-on igno­rer, effacer, combien l'ancien Chancelier Helmut Kohl a marqué de façon décisive l'ordre de l'Europe de l'après-guerre?

 

Nous sommes la minorité agissante alternative

 

Bas les masques, donc. Nous savons qui est qui. Aujourd'hui, l'ennemi de tout ce que nous sommes, nous ne savons que trop bien qui il est. Et nous-mêmes, qui sommes-nous? Le concept de puissance nationale révolutionnaire grand-continentale, par lequel nous nous définissons, ne se doit-il pas d'être élucidé? Dans l'état actuel des choses, les puissances nationales révolutionnaires représentent avant tout un certain état de conscience quant à leur propre identité suprahistorique, et c'est précisément cette prise de conscience suprahistorique agissante qui constitue l'acte révolutionnaire fondationnel, l'acte de rupture, de détachement et d'élévation abrupte par lequel celles-ci se posent, en le niant, face à l'état de désastre apparemment irrémédiable d'une histoire mondiale arrivée à sa fin, achevée.

 

Ainsi, c'est dans les souterrains ontologiques d'une clandestinité po­liti­co-historique dangereuse et héroïque, éveillée, secrètement sur­activée par le feu dévorant de cette prise de conscience libératrice, que les groupes d'action spéciale constituant l'actuelle puissance na­tionale révolutionnaire grand-continentale élevent leur barrage d'arrêt, établissent la ligne de front de la résistance impériale européenne anti-mondialiste et préparent la future grande contre-offensive de l'éveil de l'être européen contre les ténèbres rampantes du non-être mondialiste.

 

La conscience nationale révolutionnaire grande européenne, c'est la dernière chance de liberté d'un monde et d'une histoire en train d'être happées par le tourbillon de la puissance des ténèbres, de l'indiffé­ren­ciation et de la régression au chaos antérieur.

 

Nous sommes une communauté de rappel abyssal de notre propre immémoire retrouvée au feu du combat: c'est à l'avant-garde de la plus grande histoire en marche que s'exerce le pouvoir de décision propre des minorités agissantes.

 

En tant que minorité agissante, nous représentons la marge de rup­ture ontologique totale de l'histoire en marche, la garantie d'un nou­veau recommencement révolutionnaire de l'être actuellement en état de déréliction.

 

Jean PARVULESCO.

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1522: Soliman s'empare de Rhodes

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20 décembre 1522 : Soliman le Magnifique s’empare de Rhodes

Soliman le Magnifique s’empare de la place forte de l’Ile de Rhodes en Méditerranée orientale. Elle restera aux mains des Turcs pendant 390 ans. Rhodes avait déjà subi deux occupations musulmanes, par les Sarrasins, de 653 à 658 et de 717 à 718, à l’époque ou Byzance encaissait les premières attaques musulmanes. Les Croisés avaient fait de Rhodes une étape indispensable à leurs expéditions et perçu l’importance de l’île pour le trafic en Méditerranée et pour la logistique maritime. En 1309, les Chevaliers Hospitaliers en font une forteresse imprenable, abritant une flotte impressionnante, tenant en respect Turcs, Arabes et Mamelouks en Méditerranée orientale.

Après la chute de Constantinople, l’île permettra de tenir tête aux Ottomans pendant sept décennies. Mais la pression est trop forte, sur terre comme sur mer, et François I trahit l’Europe. En 1522, la garnison est contrainte de capituler honorablement. Pendant la période turque, l’île, jadis fleuron militaire et culturel, périclitera considérablement : elle sera ravagée par des pestes terribles, sa population grecque émigrera ; elle subira un régime de rigueur et une répression effroyable lors de la guerre d’indépendance de la Grèce entre 1821 et 1829. Rhodes restera donc turque jusqu’en 1912, année où la flotte et l’armée italiennes, bien coordonnées, s’empareront de l’île.

Le régime italien (1912-1943) redonnera du lustre à l’île abandonnée et martyre : les Italiens y construiront des routes, des écoles et organiseront d’importantes fouilles archéologiques (alors que le passé non islamique avait été considéré par les Turcs comme dépourvu d’intérêt). Rome en fait également une base navale et aérienne considérable, permettant aux excellents avions militaires italiens d’avoir un rayon d’action couvrant les côtes de l’Egypte, du Liban et de la Palestine. L’Encyclopedia Britannica reconnaît aujourd’hui l’excellence de la gestion italienne de Rhodes. En 1947, l’île est rattachée à la Grèce.

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mercredi, 19 décembre 2007

Italo Svevo

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19 décembre 1861 : Naissance de l’écrivain italien Italo Svevo

De son vrai nom Ettore Schmitz, il naît à Trieste, ville à l’héritage composite, exactement comme sa propre hérédité familiale était composite : on y était juif, allemand et italien. Le pseudonyme d’Ettore Schmitz, Italo Svevo, signifie tout à la fois «l’Italien » (Italo) et le « Souabe » en langue italienne (Svevo), soit l’adjectif désignant la partie de la population méridionale d’Allemagne, mis à part les Bavarois et les Tyroliens, qui est la plus en prise avec les réalités italiennes. Trieste est effectivement le point de convergence de trois cultures, l’allemande, l’italienne et la croate/slovène, sur le littoral adriatique de l’Empire austro-hongrois, seul dépositaire de la légitimité européenne, le reste du continent ayant sombré dans toutes sortes d’élucubrations politiques.

Né dans une famille de négociants en produits verriers, le jeune Svevo rejette cette existence axée sur le commerce. Il décide d’écrire, de devenir écrivain. Mais ses premières œuvres ne connaissent aucun succès. Il retourne, un peu meurtri, à la vie de commerçant et c’est au cours d’un voyage d’affaires à Londres en 1907 qu’il décide d’apprendre l’anglais sous la houlette d’un précepteur qui deviendra célébrissime dans le monde des lettres : l’Irlandais James Joyce. Celui-ci l’encourage à revenir à son intention première et à écrire. Svevo ne le fera qu’au lendemain de la première guerre mondiale. Ce sera enfin le succès, grâce à Joyce qui mobilisera ses connaissances en France pour promouvoir les livres de Svevo, notamment Benjamin Crémieux et Valéry Larbaud.

Les Italiens sont vexés de ce succès venu de l’étranger et multiplient les écrits, pamphlets et critiques où le style de Svevo est condamné comme médiocre. C’est que Svevo rompt avec l’idéalisme et la fougue des futuristes, de Giovanni Papini et de Gabriele d’Annunzio. Sa position d’ « outsider » fait de lui un homme assis entre plusieurs chaises ; ce négociant qui aime la littérature, ce sujet austro-hongrois amoureux de l’Italie, ce pacifiste en pleine période d’effervescence guerrière, ce juif toujours quelque part détaché des grands « nous » nationaux, préfère l’auto-analyse et l’introspection à l’exaltation romantique ou guerrière. On l’a comparé à Proust. Les analogies sont évidentes mais les deux auteurs ont leur profil et leur personnalité propres. Pour Svevo, l’homme moderne est seul, incapable de vraiment vouloir et agir, donc il s’observe, se pose des questions, interminablement, et se psychanalyse ; il a des rêves érotiques fabuleux mais ne réalise rien de bien exaltant, chavire par conséquent dans la frustration. Svevo décrit donc bien cet « homme sans qualités » dont l’avènement avait été annoncé par Musil, autre auteur austro-hongrois. La réalité que j’affronte est de ce fait pur désenchantement. Le bonheur n’est pas à l’horizon. Seule la déréliction nous guette. Le monde à venir est sans idéaux, sans but. Plus aucune grande idée n’impulsera force et puissance.

A l’avance, Svevo a décrit notre monde, celui que le sociologue et philosophe français contemporain Gilles Lipovetsky a appelé successivement l’ère du vide, le règne de l’éphémère et la société déceptive. Italo Svevo meurt dans un accident d’automobile, le 13 septembre 1928 à Motta di Livenza. Claudio Magris, autre auteur italien du littoral adriatique, reviendra, à la fin du 20ième siècle et au début de notre 21ième, aux thématiques austro-hongroises, notamment par son magnifique livre, intitulé « Danube » (Robert STEUCKERS).

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