dimanche, 14 octobre 2007
Premier Conseil de la Couronne

Premier Conseil de la Couronne
14 octobre 1936: Léopold III, lors du « Premier Conseil de la Couronne », se prononce pour la neutralité de la Belgique.
Celle-ci se détache dès lors des réseaux d’alliances bellogènes concoctées par la France républicaine et la Grande-Bretagne, qui poursuit sa vieille politique de semer la zizanie sur le continent, afin qu’il ne devienne pas un bloc solide et homogène. Léopold III, dans son discours du 14 octobre, cite l’exemple des neutralités néerlandaise et helvétique, modèles pour la Belgique. Ce discours provoquera, dès le lendemain, un déchaînement de haine délirante dans la presse parisienne.
Ces délires s’inscriront profondément dans la cervelle du ministre Paul Reynaud, une baderne falote de la III° République, qui les ressortira en mai 1940 pour fustiger le Roi avec une verbosité hystérique et une inélégance de sans-culotte, quand l’armée belge sera contrainte de capituler, suite aux débâcles anglaise (Louvain) et française (Gembloux). Notons que le 13 octobre 1937, l’Allemagne avait déclaré se poser comme garante de la neutralité belge, garantie réitérée par Hitler lui-même le 6 octobre 1938.
C’est aussi dans cette hostilité viscérale des agents du Quai d’Orsay à l’œuvre dans la presse qu’il faut retrouver les sources de la question royale, qui a tué toute notion d’autorité structurante en Belgique entre 1945 et 1950, pendant l’exil suisse du Roi et au moment de son abdication.
Depuis lors, ce pays n’a plus ni épine dorsale ni politique originale et se trouve livré aux concussions et à la gabegie des partis politiques et des figures histrioniques qui les animent. Un histrionisme qui va crescendo : de Paul-Henri Spaak à Elio di Rupo et aux femmes politiciennes de la trempe d’une Onkelinx ou d’une Arena, on mesure pleinement la décadence, la chute de notre pays dans l’abjection.
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Th. Mann : un apolitique contre l'esprit occidental

Thomas Mann: un apolitique contre l'esprit occidental
Peter Rosenow
Il y a plus de 75 ans, pendant l'automne de 1918, alors que les soldats allemands commencent à battre en retraite sur le front occidental, les intellectuels allemands lancent une dernière offensive, non militaire mais littéraire. Tandis que les troupes de l'Entente se rapprochent des frontières du Reich et qu'éclate là-bas la ³Grève générale de l'armée vaincue², plus connue sous le nom de ³Révolution de Novembre², un écrivain allemand attaque littéralement au corps à corps la notion occidentale de ³démocratie mondiale² et défend bec et ongles la dignité de l'Obrigkeitsstaat allemand. Son nom? Thomas Mann (1875-1955), le célèbre auteur des Buddenbrooks, un bourgeois cultivé, de tradition libérale et éclairée, pour qui la défense et le maintien de la culture doit être l'objectif du politique.
Ses Considérations d'un apolitique ont été la réaction à un choc culturel, ressenti par d'autres intellectuels allemands, lorsque l'Allemagne en 1914 est non seulement encerclée par des armées ennemies, mais est aussi victime d'une campagne planétaire de diffamation, ³comme s'il lui pleuvait de la m... dessus². Ensuite, ces Considérations étaient le produit d'une querelle philosophique qui l'opposait à son frère Heinrich, un ³littérateur de civilisation² francophile, qui couvrait l'Empire allemand de ses sarcasmes.
Après avoir publié quelques travaux préparatoires, comme Gedanken im Kriege (= Pensées de guerre), Friedrich und die große Koalition (= Frédéric et la Grande Coalition), Briefe an die Zeitung ³Svenska Dagebladet² (= Lettres au journal ³Svenska Dagebladet²), Gedanken zum Kriege (= Pensées sur la guerre), Thomas Mann, ³en guerre au service des idées depuis plus de deux ans², frappe un grand coup pour ³soutenir l'héroïsme des soldats allemands par des arguments intellectuels et des formules efficaces². L'écrivain, qui avait été réformé et en avait gardé mauvaise conscience, estimait que ses écrits étaient des contributions à la mobilisation intellectuelle et constituaient une montée au front symbolique. La virulence de la polémique littéraire avec son frère Heinrich et quelques écrivains des puissances de l'Entente lui a fait deviner l'horreur de la bataille de matériel: "Me voilà au milieu d'une pluie de terre sale, d'une grêle de fer, de la fumée asphyxiante et jaunâtre d'une bombe au gaz". Pourtant, Thomas Mann était tout simplement dans ses papiers, et non dans les ³orages d'acier².
Mais l'³effet² qu'eut cet essai volumineux de plus de 600 pages, paru peu avant la fin de la guerre, sur toute une génération fut tel, qu'Armin Mohler a compté le Thomas Mann des Considérations... comme l'une des figures de proue de la ³Révolution Conservatrice². Pour en comprendre toute la portée, nous devons quelque peu ³oublier² ce ³maître² qu'il est devenu plus tard, ce ³maître² qui se taillait un costume de ³libéral éclairé². Examinons ses premières idées, celles d'un ³apolitique².
Pour Thomas Mann, comme pour la plupart des écrivains allemands de sa génération, c'est-à-dire ceux qui ont commencé leur carrière vers 1900, cette guerre est davantage que la collision entre les égoïsmes concurrents des grandes puissances; elle est bien plutôt une ³nouvelle irruption... de ce très vieux combat allemand contre l'esprit occidental². Cette guerre actualise dès lors une vieille opposition inscrite dans l'histoire: l'opposition vitale entre la Kultur et la Zivilisation, soit l'opposition entre l'Allemagne et le monde occidental, anglo-français.
En s'appuyant sur Dostoïevski, Thomas Mann décrit l'esprit occidental comme un avatar de l'³idée universelle romaine d'unifier l'humanité toute entière². Le catholicisme, dans cette optique, aurait conservé la ³tradition politique impériale [romaine]² et la révolution française n'aurait été qu'un changement de forme, si bien que la ³colonisation de l'écoumène habité² par l'impérialisme de la civilisation n'aurait été que ³la dernière forme de l'idée unificatrice romaine². La lutte contre l'Entente, alliance mondiale, a connu ses prémices dans le combat livré par Arminius contre Rome, dans la longue opposition des Empereurs germaniques à la Papauté, dans les mouvements de libération nationale de 1813 contre Napoléon et dans le processus d'unification de l'Allemagne qui aboutit en 1870, pendant la guerre contre la France.
L'esprit germanique est un esprit de protestation contre les ³idées de l'Ouest, contre les Lumières qui sont une pensée dissolvante et contre la civilisation qui détruit les ressorts naturels des peuples². La lutte engagée par l'Allemagne contre l'Entente est une lutte au corps à corps contre le ³libéralisme mondialiste², est un acte de résistance ³contre la décomposition, par le rationalisme, des cultures nationales² et contre leur nivellement ³en vue de former une civilisation homogène². Si cette ³planète espérantiste et pacifiée² ‹ce que l'on appelle aujourd'hui le ³One World²‹ se réalise un jour, nous sombrerons dans un ennui mortel: "Des autobus volants hurleraient au-dessus d'une humanité vêtue de blanc, adoratrice bigote de la raison, unifiée après la mort de tous les Etats, unilingue, arrivée par la technique au dernier stade de souveraineté, télévisualisant tout par des procédés électriques (!)".
Au conflit politique opposant l'Entente à l'Allemagne, correspond le conflit spirituel entre une civilisation qui entend se globaliser et une pluralité de cultures qui entendent conserver leurs ancrages nationaux, lesquelles se sentent menacés dans leur spécificité par la dynamique égalisante, éradiquante et niveleuse de cette civilisation de flux et de vagabondages. A la base de la dynamique de la civilisation, nous avons un cocktail idéologique mêlant l'eudémonisme social au désir de s'assurer un confort personnel par le biais de toutes sortes d'artifices techniques. Si cette dynamique de civilisation est facilement définissable, en revanche, qu'est-ce qu'une ³culture², aux yeux de Mann?
D'après Nietzsche, la culture est ³avant tout l'unité de style esthétique, plastique et artistique dans toutes les expressions vitales d'un peuple². Thomas Mann reprend cette définition à son compte et explicite la culture comme l'expression d'une ³unité compacte, d'un style, d'une forme, d'une attitude mentale, d'un goût²; ensuite, explique-t-il, la culture ³reflète une certaine organisation du monde par l'esprit². Comme chez Nietzsche, où cette idée était implicite, la culture, pour Thomas Mann, n'est pensable qu'en termes de différAnce, c'est-à-dire qu'elle n'est pensable que sous une multiplicité de modalités sans cesse en devenir. A ce propos il écrit: "L'instance porteuse de l'universel, c'est-à-dire de l'humain en général, n'est pas l'³humanité² en tant qu'addition d'individus, mais la nation; et la valeur de ce produit national, ancrée dans le spirituel, l'esthétique, le religieux, non captable par des méthodes scientifiques mais se déployant sans cesse au départ des profondeurs organiques de la vie nationale, c'est ce que l'on appelle la culture nationale. Dans ces profondeurs résident la valeur intrinsèque, la dignité, l'attrait et la séduction de toutes les cultures nationales. La valeur d'une culture se situe précisément dans ce qui la différencie des autres, car c'est justement cette différence, cette différenciation permanente qui fait que la culture est culture, est originalité, se démarque de ce qui est commun, simplement commun, à toutes les nations et n'est par là même que simple civilisation".
Dans les langues anglaise et française, ³culture² et ³civilisation² sont synonymes. En Allemagne, l'usage différent et différenciant de ces concepts signale un contraste, que l'on repére depuis Kant et que les tenants des diverses formes de conservatisme ont instrumentalisé dans leurs critiques de la société moderne. La tension que ces divers conservatismes perçoivent entre culture et civilisation est différemment appréciée et jugée par les uns et par les autres. Chez Thomas Mann, l'opposition culture/civilisation est un conflit éternel, incontournable et récurrent, tandis qu'Oswald Spengler, dans son Déclin de l'Occident, paru à peu près au même moment que les Considérations..., estime que la civilisation prend logiquement le relais de la culture. Pour Spengler, effectivement, la culture obéit à des réflexes organiques et vivants, alors que la civilisation obéit à des ressorts abstraits, construits, mécaniques et techniques, mais toute culture finit par sombrer dans un stade de civilisation, ce qui la conduit au déclin, voire à la disparition.
Pour Spengler, c'est une fatalité historique qui conduit au déclin de la culture au profit de la civilisation; pour Mann, ce sont des circonstances actuelles qui menacent la culture allemande; le déclin, apporté par la civilisation, menace la ³culture bourgeoise essentiellement apolitique² de l'Allemagne en imposant une politisation croissante de tous les domaines de l'existence ainsi qu'une démocratisation progressive de la vie publique; hyper-politisation et démocratisation sont pour Mann de quasi synonymes car la ³politique est la participation à l'Etat, est zèle et passion du plus grand nombre pour l'Etat². Pour Mann, un tel engagement n'est pas souhaitable car la vocation de l'homme n'est nullement de s'épuiser complètement dans la politique et dans le social. La culture et la Bildung allemandes, justement, mettent plutôt l'accent sur la religion, la philosophie, les arts, la poésie et la science. Thomas Mann adhère à un principe qu'avait énoncé le jeune Nietzsche: "Les Etats où d'autres que les politiciens doivent s'impliquer dans la politique sont mal agencés et méritent de périr de ce trop-plein de politiciens".
Cet hypertrophie du rôle des politiciens est typique des démocraties occidentales, surtout de la France de la Troisième République, si chère à Heinrich Mann, le frère francophile qui suscite la polémique; aux yeux de Thomas Mann, cette Troisième République est victime ³de la concurrence éc¦urante entre les cliques, du déclin de la moralité politique, du grouillement épais de la corruption et des scandales². Dans un tel système, il n'y a pas d'autre principe que ³malheur au vaincu, qu'il paie!² et ceux qui ont du bagoût et savent jouer des coudes tentent leur chance pour aller s'abreuver dans l'auge de la politique. Ces messieurs n'ont nul besoin de trimbaler un bagage culturel ni d'être des héritiers obligés. Au lieu de s'efforcer d'introduire en Allemagne le sordide commerce des parlementaires, des politiciens et des partis, ³qui empesteront toute la vie nationale avec leurs politicailleries², on ferait mieux, pensait Mann, de conserver le maximum de l'Obrigkeitsstaat monarchique, parce que celui-ci garantit au moins un ³gouvernement indépendant², davantage capable de protéger les ³intérêts de tous² et de ³soustraire l'administration au désordre des querelles créées par les partis².
Déjà dans ses Gedanken im Kriege, Thomas Mann avait défendu avec acharnement la monarchie constitutionnelle allemande contre ses critiques de l'intérieur et de l'étranger; il avait défendu le point de vue ³que l'Allemagne avec sa jeune et forte organisation, avec son système d'assurance sociale pour les ouvriers au chômage, avec la modernité de toutes ses institutions sociales, était en fait un Etat bien plus avancé² que la République bourgeoise française, ³malpropre et ploutocratique².
Bien sûr, toute cette polémique contre l'Occident en général et contre la France en particulier n'était par très originale. Mais Thomas Mann ne visait pas l'originalité. Au contraire: il se réfère sans cesse à Schopenhauer, à Wagner, à Nietzsche et à Paul de Lagarde, qu'il cite abondamment, lorsqu'il évoque ³la falsification de la germanité par l'importation d'institutions politiques totalement étrangères et non naturelles². Cette ³avancée brutale de la démocratie², mise en branle par le libéralisme du XIXième siècle, apparaît à Thomas Mann définitivement victorieuse, inéxorable.
Thomas Mann admet cependant la nécessité et la légitimité d'une démocratisation bien dosée des institutions de l'Etat, car il faut tirer les conclusions irréfragables de tous les changements qui sont intervenus en économie et en politique internationale. Il souhaite la réalisation d'un ³Volksstaat² taillé à la mesure du peuple allemand, au lieu de l'importation d'une ³mauvaise et déficiente démocratie² de modèle occidental. La solution optimale aux yeux de Mann, serait de forger une nouvelle mouture de ³l'alliance entre la monarchie et le césarisme², selon le modèle bismarckien. En effet, l'ère bismarckienne a imposé en Allemagne le régime politique qui lui convenait le mieux et a rendu le peuple heureux et prospère. Quant à la démocratie, elle est depuis toujours l'³humus sur lequel croît le césarisme²; puisse-t-elle dès lors, par l'action d'³un grand homme de trempe germanique², recevoir un ³visage acceptable². Parce qu'il n'y a plus un Bismarck et parce qu'on en attend un second, ³il faut faire du Maréchal Hindenburg le Chancelier du Reich², car il est ³une figure de fidélité immense de réalisme et de sobriété². Thomas Mann déclare dans les Considérations... qu'il ne s'opposerait pas à un tel régime fondé sur l'épée.
Pour le Thomas Mann des Considérations..., il s'agit de contrer ³l'invasion intellectuelle et politique de l'Entente², après l'³invasion militaire². Il craint un ³changement structurel dans l'âme allemande, une transformation de fond en comble du caractère national germanique². Depuis ces réflexions, une autre guerre mondiale, menée par l'Occident, a terrassé l'Allemagne; l'occidentalisation politique y a progressé de façon plus fondamentale encore. Mais cette deuxième occidentalisation a reçu le plein aval d'un Thomas Mann, exilé sous le nazisme en Californie. Mais cela c'est une autre histoire...
Dans cet article, j'ai voulu mettre l'accent sur son conservatisme d'inspiration nationaliste, qu'il a résumé lui-même: "Etre ³conservateur², c'est vouloir maintenir la germanité de l'Allemagne".
(article extrait de Junge Freiheit, n°40/1994).
[Synergies Européennes, Junge Freiheit (Berlin) / Vouloir (Bruxelles), Octobre, 1996]
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samedi, 13 octobre 2007
Une biographie de Carl Schmitt

Une biographie de Carl Schmitt
Robert Steuckers
Analyse: Paul NOACK, Carl Schmitt. Eine Biographie, Ullstein/Propyläen, Berlin, 1993, 360 p., ISBN 3-549-05260-X.
Si les exégèses de l'¦uvre de Carl Schmitt sont fort nombreuses à travers le monde depuis quelques années, si les interprétations de sa notion de ³décision² ou de sa ³théologie politique² se succèdent à un rythme ahurissant, personne ne s'était encore attelé à écrire une biographie personnelle du prince des politologues européens. Paul Noack (*1925), germaniste, romaniste et historien, ancien rédacteur des rubriques politiques de la Frankfurter Allgemeine Zeitung et du Münchener Merkur, actuellement professeur d'université à Munich, vient de combler cette lacune, en suivant chronologiquement l'évolution de Schmitt, en révélant sa vie de famille, en évoquant ses souvenirs personnels, consignés dans des journaux, des lettres et des entretiens inédits, et en replaçant l'émergence des principaux concepts politologiques dans le vécu même, dans l'existentialité intime, de l'auteur. Noack sait qu'il est difficile de périodiser une existence, a fortiori quand elle s'étend presque sur tout un siècle, entrecoupé de guerres, de bouleversements, de violences et d'effondrements. Mais dès le départ, toutes les tranches de la première moitié de la longue vie de Schmitt sont marquées par des coupures: l'enfance (1888-1890) par l'arrachement à la patrie de ses ancêtres, l'Eifel mosellan profondément catholique, et l'exil en Sauerland; l'adolescence (1900-1907), elle, est imprégnée d'une éducation humaniste dans une ambiance cléricale édulcorée, qui a abandonné cette ³totalité² mobilisatrice et exigeante, propre du catholicisme intransigeant; la jeunesse (1907-1918) de Schmitt baigne, quant à elle, dans une Grande Prusse dés-hégélianisée, de facture wilhelmienne, où l'engouement philosophique dominant va au néo-kantisme; le premier âge adulte (1919-1932) se déploie dans une germanité dé-prussianisée, où règne la démocratie parlementaire de Weimar contestée par les divers mouvements nationaux et par la gauche musclée.
Bref, cette périodisation claire, qu'a choisie Noack, indique que les bouleversements, les abandons, les relâchements se succèdent pour aboutir au chaos des dernières années de la République de Weimar et du grand ³Crash² de 1929. Cette effervescence, de la Belle Epoque au Berlin glauque où s'épanouisent au grand jour toutes les perversités, est peut-être féconde sur le plan des ruptures, des idées, des modes, des variétés, des innovations artistiques, des audaces théâtrales: elle plaît assurément aux Romantiques de tous poils qui aiment les originalités et les transgressions. Mais Schmitt reproche aux Romantiques, ceux de la première vague comme leurs héritiers à son époque, de s'engouer temporairement pour telle ou telle beauté ou telle ou telle originalité: ils sont ³occasionalistes², ³irresponsables², incapables de développer, affirmer et approfondir des constantes politiques ou conceptuelles. Toute pensée fondée sur le goût ou le plaisir lui est étrangère: il lui faut de la clarté et de l'efficacité. Sa conviction est faite, il n'y changera jamais un iota: le ³moi² n'est pas, ne peut pas être, un objet du penser. Celui qui hisse le ³moi² au rang d'objet du penser, participe à la dissolution du monde réel. Ne sont réels et dignes de l'attention du penseur que les hommes qui s'imbriquent dans une histoire, s'en déclarent les héritiers et sont porteurs d'une attitude immuable, éternelle, qui incarnent des constances, sans lesquelles le monde et la cité tombent littéralement en quenouille.
Cette option, constate Noack, est le meilleur antidote contre le nihilisme et le désespoir. Pour y échapper, l'homme Schmitt entend ne pas être autre chose que lui-même et ses circonstances, notamment un Catholique impérial et rhénan, comme l'ont été ses ancêtres. C'est dans ces circonstances-là que Schmitt s'imbrique pour ne pas être emporté par le flot des modes de la Belle Epoque ou du Berlin décadant des années 20. La politique, dès lors, doit être servie par une philosophie du droit fondée sur des concepts durs, impassables, éprouvés par les siècles, comme l'ont été ceux de la théologie jadis. Les concepts politiques qu'il s'agit d'élaborer pour sortir de l'ornière doivent être résolument calqués sur ceux de la théologie, s'ils n'en sont pas des reflets résiduaires, inconscients ou non. Schmitt, au seuil de sa maturité, demeure quelque peu en marge de la ³révolution conservatrice², dont l'objectif majeur, dans le sillage de Moeller van den Bruck et des autres nationalistes de tradition prusso-protestante, était d'approfondir les fondements de l'³idéologie allemande², née dans le sillage du romantisme et de la guerre de libération anti-napoléonienne. Cette ³idéologie allemande² véhicule, aux yeux de Schmitt, trop de linéaments de ce romantisme et de cet occasionalisme qu'il abomine. Ses références seront dès lors romanes et non pas germaniques, plus exactement franco-espagnoles: Donoso Cortès, de Bonald, de Maistre. C'est dans leurs ¦uvres que l'on trouve les matériaux les plus solides pour critiquer et déconstruire la modernité, pour jeter bas les institutions boîteuses et délétères qu'elle a générées, reponsables des bouleversements et des arrachements que Schmitt a toujours ressenti dans son propre vécu, quasiment depuis sa naissance. Ces institutions libérales, insuffisantes selon Schmitt, sont défendues avec brio, à la même époque, par Hans Kelsen et son école positiviste. Schmitt juge ce libéral-positivisme d'une manière aussi pertinente que lapidaire: "Kelsen résout le problème du concept de souveraineté en le niant. La conclusion de ses déductions est la suivante: le concept de souveraineté doit être radicalement refoulé". S'il n'y a plus de souveraineté, il n'y a plus de souverain, c'est-à-dire plus de pouvoir personnalisé par des hommes charnellement imbriqués dans une continuité historique précise. par le truchement de ce positivisme froid, le pouvoir devient abstrait, incontrôlable, incontestable. Son épine dorsale n'est plus une forme héritée du passé, comme la forme catholique pour laquelle opte Schmitt. Sans épine dorsale, le pouvoir chavire dans l'³informalité²: il n'a plus de conteneur, il s'éparpille. Dans ce contexte, quelle est la volonté de Schmitt? Forger un nouveau conteneur, créer de nouvelles formes, restaurer ou re-susciter les formes anciennes qui ont brillé par leur rigueur et leur souplesse, par leur solidité et leur adaptabilité.
Quand paraît le ³concept du politique² en 1927, il est aussitôt lu par un autre maître des formes et des attitudes, Ernst Jünger, tout aussi conscient que Schmitt de la liquéfaction des formes anciennes et de la nécessité d'en restaurer ou, mieux, d'en forger de nouvelles. Enthousiasmé, Ernst Jünger écrit une lettre à Schmitt le 14 octobre 1930, qui sera l'amorce d'une indéfectible amitié personnelle. Pour Jünger, l'homme des ³orages d'acier² de 1914-1918, la démonstration de Schmitt dans le "concept du politique² est une ³évidence immédiate² qui ³rend toute prise de position superflue² et balaie ³tous les bavardages creux qui emplissent l'Europe². "Cher Professeur", ajoute Jünger, "vous avez réussi à découvrir une technique de guerre particulière: la mine qui explose sans bruit". "Pour ce qui me concerne, je me sens vraiment plus fort après avoir ingurgité ce repas substantiel". Les deux hommes étaient pourtant fort différents: d'une part le guerrier décoré de l'Ordre Pour le Mérite; de l'autre, un pur intellectuel qui n'avait jamais livré d'autres batailles que dans les livres. Jünger essaiera avec un indéniable succès d'introduire la clairvoyance de Schmitt dans les cercles néo-nationalistes, notamment les revues Die Tat, de Hans Zehrer et Erich Fried, et Deutsches Volkstum de Wilhelm Stapel. La participation des deux hommes aux activités littéraires, philosophiques et journalistiques de la ³Konservative Revolution² n'efface par leurs différences: Armin Mohler, nous rappelle Paul Noack, écrit très justement qu'ils sont demeurés chacun dans leur propre monde, qu'ils ont continué à chasser chacun dans leur propre forêt. Césure qui s'est bien visibilisée à l'époque du national-socialisme: retrait hautain et aristocratique de l'ancien combattant, engagement sans résultat du jursite.
Mais, souligne Paul Noack, une grande figure de la gauche, en l'occurrence Walter Benjamin, écrivit aussi à Schmitt en 1930, quelques semaines après le ³néo-nationaliste² Jünger, exactement le 9 décembre. Benjamin envoyait ses respects et son nouveau livre au juriste catholique et conservateur, admirateur de Mussolini! Il soulignait dans sa lettre des similitudes dans leur approche commune du phénomène du pouvoir. Cette approche est interdisciplinaire et c'est l'interdisciplinarité qui doit, aux yeux du Benjamin lecteur de Schmitt, transcender certains clivages et rapprocher les hommes de haute culture. Effectivement, l'interdisciplinarité permet seule de pratiquer un véritable ³gramscisme², non un ³gramscisme de droite² ou un ³gramscisme de gauche², mais un gramscisme anti-établissement, anti-installations. Paul Noack écrit: "[Schmitt et Benjamin] sont tous deux adversaires de la pensée en compromis. Benjamin disait que tout compromis est corruption. Tous deux sont aussi adversaires du parlementarisme, du libéralisme politique et du système politique qui en procède. Tous deux pensent que ce n'est que dans l'état d'exception de l'esprit d'une époque se dévoile véritablement; tous deux manifestent une tendance pour l'absolu et la théologie". Et de citer Rumpf: "Benjamin et Schmitt se rencontrent dans leur rejet et leur mépris d'une bourgeoisie qui s'encroûte dans ce culte générateur du Moi". Ce rapport entre Schmitt et l'un des plus éminents représentants de la ³Nouvelle Gauche², voire de l'³Ecole de Francfort², permet d'accréditer la thèse longtemps contestée d'Ellen Kennedy, spécialiste américaine de l'¦uvre de Schmitt, qui a toujours affirmé que ce dernier a bel et bien influencé en profondeur cette fameuse ³Ecole de Francfort² en dépit de ce que veulent bien avouer ses tristes légataires contemporains.
Avec l'avènement du national-socialisme, les positions vont se radicaliser. L'effondrement de la République de Weimar laisse un vide: Schmitt croit pouvoir instrumentaliser le nouveau régime, sans assises intellectuelles, s'en servir comme d'un Cheval de Troie pour introduire ses idées dans les hautes sphères de l'Etat. Ses anciennes accointances avec le Général von Schleicher, liquidé lors de la ³nuit des longs couteaux² en juin 1934, la nationalité serbe de son épouse Duchka Todorovitch (les services secrets se méfiaient de tous les Serbes, accusés de fomenter des guerres depuis l'attentat de Sarajevo) et son catholicisme affiché (son ³papisme² disaient les fonctionnaires du ³Bureau Rosenberg²): autant de ³tares² qui vont freiner son ascension et même précipiter sa chute. Schmitt laisse des textes compromettants, qui le marqueront comme autant de stigmates, mais échoue face à ses adversaires dans les rangs du nouveau parti au pouvoir. Pire, à cause de son zèle intempestif, il traîne parfois aussi une réputation de naïf ou, plus grave encore, d'opportuniste sans scrupule qui souhaite toujours et partout être le ³Kronjurist², le ³juriste principal². Plus tard, en 1972, dans un interview à la radio, Schmitt a avoué avoir agi sous l'impulsion d'un bon vieil adage français: "On s'engage et puis on voit". Paul Noack croit déceler dans cette attitude collaborante une certitude de type hégélien: Schmitt, l'homme des livres, l'homme de culture, était persuadé, est demeuré persuadé, qu'au bout du compte, l'esprit finit toujours par triompher de la médiocrité. Le national-socialisme, pour ce catholique de Prusse, pour ce catholique frotté à une idéologie d'Etat de facture hégélienne, était une de ces médiocrités propre de l'homme pécheur, de l'homme imparfait: elle devait forcément succomber devant la lumière divine de l'esprit. Erreur fatale et contradiction étonnante chez ce pessimiste qui n'a jamais cru en la bonté naturelle de l'homme, commente Noack.
[Synergies Européennes, Vouloir, Mars, 1995]
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Régiment Impératrice Charlotte

Régiment Impératrice Charlotte
13 octobre 1864: Les 600 premiers soldats belges du « Régiment de l’Impératrice Charlotte » s’embarquent à Saint-Nazaire pour le Mexique.
Au total 2111 hommes issus de nos régions combattront au sein de cette unité. L’objectif géopolitique de l’Autriche-Hongrie, de la France et de la Belgique était, à l’époque, d’assurer une relève européenne dans le Nouveau Monde, après l’éviction de l’Espagne lors des deux premières décennies du 19ième siècle, éviction qui s’était évidemment déroulée sous l’impulsion des Etats-Unis. La Doctrine de Monroe, proclamée en 1823, visait effectivement à chasser toutes les puissances européennes de l’hémisphère occidental.
Proclamer un empire du Mexique, avec un Habsbourg pour souverain, était une façon d’installer un système politique, sur le flanc sud des Etats-Unis, qui reposait sur des principes radicalement différents de ceux imposés par le mixte de puritanisme, de déisme et de calvinisme qui sous-tend l’idéologie américaine. Un Mexique fort, appuyé par les grandes puissances européennes, aurait largement permis de contenir la puissance yankee, victorieuse des Confédérés. Avec la chute de Maximilien, battu, condamné et exécuté en 1867 –une exécution qui devra être un jour vengée avec la plus extrême des sévérités- les puissances européennes seront évincées du Nouveau Monde, à commencer par la Russie, encore présente en Alaska.
L’Espagne, affaiblie, sera houspillée définitivement en 1898, après un prétexte de casus belli cousu de fil blanc (l’explosion du navire « Maine »), année où elle perdra sa province de Cuba. Ouvrons ici une parenthèse : Cuba est une terre espagnole. Cuba doit être défendue, quel qu’en soit le régime politique, contre toute prétention de Washington. L’anti-castrisme de la fausse droite américanolâtre est un crime contre l’Europe. Les mouvements catholiques qui militent pour un maintien de Castro au pouvoir (comme hier de Sandino) se situent bel et bien dans la ligne traditionnelle de la diplomatie européenne, en dépit des colorations de gauche qu’ils peuvent parfois prendre. En 1917, les Danois sont contraints d’abandonner les Iles Vierges. Seules la France conserve quelques confetti d’empire dans les Caraïbes et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais ces confettis n’ont guère de valeur stratégique, à rebours de la Guyane.
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vendredi, 12 octobre 2007
Le système éducatif japonais

Une réussite: le système éducatif japonais
Yannick Sauveur
Hiroshima (6 août 1945), Nagasaki (9 août 1945): deux noms, deux dates, deux villes, deux symboles qui, à près de 50 ans d'intervalle, font encore froid dans le dos.
2 septembre 1945: le Japon vaincu, anéanti, brisé, capitule. Il est occupé militairement et physiquement par ses "Libérateurs" US. Il est dépourvu de toute autonomie politique.
Aujourd'hui, ce même nain politique est devenu la seconde puissance économique du globe et il dispose d'un revenu par habitant identique à celui des Américains. Comment cela a-t-il été possible? Nombreux sont les détracteurs de ce pays en Europe: on se souvient encore des propos malheureux d'Edith Cresson. D'autres portent aux nues et louangent de façon déraisonnable un pays, un peuple qu'ils connaissent souvent mal et dont il serait vain de vouloir transposer les modes et la culture. Aussi, avons-nous voulu y voir plus clair en abordant un aspect particulier: celui de l'éducation.
De tous temps, le Japon a mis l'accent sur l'éducation. Ainsi, déjà à l'époque du système féodal, soit avant 1868, le Japon disposait de milliers d'écoles -TERAKOYA-.
- La première réforme de l'éducation intervient en 1872 avec la création d'un enseignement à filières et la mise en place d'un système d'enseignement primaire obligatoire pour tous, sans-considération de sexe, de statut social ou de fortune (huit ans avant les lois scolaires de Jules Ferry).
- La seconde réforme date de 1947 et régit encore largement l'enseignement actuel, à savoir promulgation de la Loi Cadre et de la Loi scolaire; le système 6-3-3-4 est adopté et l'enseignement obligatoire est porté à neuf années.
Système 6-3-3-4
Primaire: 6 ans
Collège: 3 ans
Lycée: 3 ans
Université: 4 ans
La scolarité est obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans (correspondant à Primaire + Collège). Le taux de scolarisation en secondaire-2ème cycle (lycée, correspondant à 2de, lère, terminale en France) est exceptionnellement élevé: 94% d'une classe d'âge (95% pour les filles, 92, 8% pour les garçons). Le taux d'inscrits en Université et en institut universitaire est lui aussi extraordinairement élevé (plus de 36% des élèves issus du 2d cycle du secondaire entrent à l'Université: 35,1% pour les filles, 37,1% pour les garçons).
L'enseignement privé est quasi inexistant (à peine plus de 1%) pour les établissements relevant de la scolarité obligatoire.
Le gouvernement japonais a opté pour un strict système de carte scolaire. En réalité, beaucoup plus strict qu'en France du fait de l'orientation quasi automatique vers l'enseignement public. Par ailleurs, l'enseignement est réellement décentralisé (participation à 50% de l'Etat et à 50% des pouvoirs locaux) et les écarts de salaires des enseignants selon les régions sont infimes en comparaison de ce qu'on peut constater dans d'autres pays à système éducatif décentralisé.
Horaires
Le Ministère de l'Education détermine le nombre d'heures annuelles requises à chaque niveau (classe) avec modulation selon les niveaux : 850 heures en niveau 1 correspondant au CP, 1015 heures pour les niveaux 4 à 6 et 1050 heures pour les niveaux des collèges. Par comparaison, cette souplesse et cette adaptation à l'enfant sont beaucoup plus intelligentes que la pratique française qui fait que l'élève de cours préparatoire a autant d'heures de cours que son alné de CM2. Ainsi, une école primaire typique de Tokyo fixe à cinq heures par jour le nombre de cours dans ses petites classes du lundi au vendredi.
Discipline et activités extra-scolaires
- Selon la tradition, les écoliers nettoient eux-mêmes leur classe chaque jour. A la fin de chaque trimestre, l'ensemble des enfants coopèrent pour nettoyer de fond en comble leur école. Comme on le voit, cette saine pratique n'est plus qu'un vieux souvenir dans nos pays où le "tag" est devenu une "expression culturelle" (dixit un de nos brillants (!) Ministres de l'Education Nationale).
- En dehors des cours, les enfants sont tenus de participer à de multiples activités scolaires telles que les excursions, les journées sportives, les festivals de musique et de théâtre, diverses activités sportives et des camps d'été. Comme on le voit, on est loin de l'éducation, conçue comme simple et exclusif outil d'acquisition du Savoir. Le but est de développer un fort potentiel permettant la plus forte adaptabilité par la suite. A l'école latine typiquement individualiste et égoïste, s'oppose l'école japonaise communautaire construisant des êtres aptes à vivre en société.
Les lycées
L'enseignement obligatoire se caractérise par un côté très égalitaire voulu et recherché, bien propre à la mentalité japonaise. En classe, les professeurs n'apprécient pas tant les capacités innées que les efforts faits par les élèves. Une enquête internationale fait état des résultats suivants: les variations de niveau entre élèves aux tests scientifiques, dans les établissements japonais, sont très faibles par comparaison avec les autres nations (1). En revanche, la situation est très différente dans les lycées. Dans le cas des établissements d'étude générale, la plupart des préfectures délimitent des zones géographiques assez vastes pour que de nombreux établissements se retrouvent dans une même zone. Aussi, les lycées sont-ils plus ou moins côtés et constate-t-on à l'entrée une intense concurrence.
L'enseignement privé y est cette fois plus représenté (environ 28% des étudiants).
Les cours en première année (niveau 10, ce qui correspond à notre seconde) sont généralement identiques mais les programmes des deuxième et troisième années comportent davantage d'options et diffèrent selon les établissements. Les programmes sont très diversifiés d'un établissement à l'autre et, par là même, induisent déjà pour une large part l'orientation future: université courte ou longue, écoles techniques, vie professionnelle.
Certains lycées, en vue, proposent un cursus destiné à promouvoir la compréhension internationale (voir en annexe 1e programme d'un établissement de ce type). Les objectifs sont les suivants:
- promouvoir la compréhension internationale. Elargir la conscience du monde extérieur des étudiants.
- en parallèle, approfondissement de la connaissance de la langue et de 1a culture japonaise partant du principe qu'une industrie et une culture ne peuvent bien rayonner à l'extérieur que si elles sont bien connues de leurs promoteurs. Nos politiciens feraient bien de méditer cet aspect des choses plutôt que d'accepter béatement l'acculturation américaine.
- doter les étudiants d'une large vision de la situation mondiale.
Résultat de l'occupation américaine, l'anglais domine largement soit comme langue étrangère, soit comme lère langue. Souvent il y est enseigné par un professeur de langue natale anglaise. Certains établissements proposent en deuxième langue des cours d'allemand, de français ou de chinois, mais la presque totalité des lycées publics du Japon n'offrent que des cours d'anglais.
Le bachotage
Sous cette expression familière et un peu facile, nous voulons évoquer un trait spécifique du Japon, à savoir les JUKU ou institutions privées d'éducation à but lucratif. Ceci résulte de ce que l'accès aux cycles supérieurs se fait par une sélection très sévère. L'objectif pour un étudiant est d'entrer dans l'une des meilleures universités du pays, et la concurrence est impitoyable. Une enquête réalisée en 1985 faisait apparaître que 44,5% des élèves des collèges assistaient à des cours d'enseignement général dans le cadre des Juku, ce qui a pour effet d'allonger les horaires des enfants et naturellement d'augmenter le temps en dehors de leur foyer. Souvent, ces cours ont lieu le soir après le repas.
Résultats
Le Japon a toujours été, et l'est encore, attaché à l'éducation en général et à la qualité de son enseignement en particulier. Les sacrifices financiers déployés par les familles japonaises en témoignent aisément ainsi que les résultats obtenus lors des comparaisons internationales dans les disciplines scientifiques et mathématiques.
Actuellement, une troisième réforme éducative est en cours, en vue notamment de répondre aux transformations rapides de la Société. Toutefois, les spécificités culturelles japonaises sont telles qu'il y est difficile de vouloir réformer, voire occidentaliser, le système éducatif. Dans la culture japonaise, le groupe tend à jouer un rôle plus important que l'individu. Ce trait va se retrouver plus tard dans l'entreprise. Aussi, ces tendances fortement ancrées dans la culture japonaise exercent-elles obligatoirement une influence sur les pratiques pédagogiques adoptées à l'école.
Aujourd'hui, le Syndicat des Enseignants Japonais (600.000 adhérents) critique le Ministère de l'Education pour son conservatisme, toutefois ce syndicat lui-même n'a pas abandonné cette conception de l'enseignement centré sur le groupe. Ainsi, la culture, surtout si elle est forte, prend aisément le dessus sur l'idéologie. La réforme de l'éducation japonaise se heurte à une autre difficulté venant, paradoxalement, de l'étranger qui ne tarit pas d'éloges sur le système actuel d'éducatlon. Ainsi, de nombreux chercheurs américains ont déclaré que les diplômés produits par le système d'éducation japonais se rangeaient parmi les plus cultivés du monde (2).
Les concours d'entrée organisés par l'université sont plus ou moins difficiles selon le niveau de l'Université. Le nom de l'Université de laquelle on sort compte davantage que la spécialité choisie.
Enseignement et vie active
- Le recrutrement
L'année commence au ler avril, date à laquelle on embauche traditionnellement les jeunes diplômés. Les entreprises les plus renommées choisissent les diplômés issus des meilleures universités, et l'étudiant de son côté "choisit" l'entreprise qu'il intègrera "pour la vie". Les meilleurs éléments préfèrent fréquemment la "sécurité" à l'aventure, considérée comme une instabilité, et souhaitent entrer dans l'administration.
- La formation
Elle est permanente et fait partie de la vie de l'entreprise. On distingue l'autoformation, à partir de formations internes et externes, dont le coût est toujours partagé (50-50) par l'entreprise et le salarié (3) (elle correspond à 1% environ de la masse salariale) et la formation sur le tas, assurée par les responsables dont la première mission est d'être les formateurs de leurs collaborateurs. Ils sont d'ailleurs jugés là dessus.
En France, le budget "formation" des entreprises correspond quasi exclusivement à ce qu'on nomme au Japon l'"autoformation". Donc, de ce point de vue, ces dépenses consacrées à des formations y sont plus fortes (du moins dans les grandes entreprises) mais, outre le fait qu'il s'agit trop souvent de suppléer les carences de l'Education Nationale (4), la formatlon sur le tas, à la différence du Japon, y est très faiblement développée, voire quasiment absente.
- Initiation des jeunes dans l'entreprise
Elle se fait essentiellement par une "formation sur le tas" et via un système de parrainage: un ancien s'occupe du nouveau. Parfois, c'est lui qui établit le programme du nouveau. Le stage peut durer un an, le nouvel embauché peut ainsi passer six mois dans un atelier de production.
La mobilité interne professionnelie permet aussi un apprentissage à toutes les fonctions de l'entreprise, et donne au fil des ans la vision complète des nécessités et liaisons de l'entreprise. Par ailleurs, des objectifs sont fixés à tous les salariés, par exemple faire une centaine de suggestions par an par personne.
- La mobilisation
Avant de commencer à travailler le matin, on se réunit 5 à 10 minutes pour voir ce qu'on fait. Une fois par semaine, la réunion est plus importante, par exemple au niveau de l'atelier. Une fois par mois, ce sera une réunion extraordinaire, par exemple au niveau de l'usine. Ces réunions renvoient à l'aspect "festivités", très prisé des Japonais, en tant que mobilisation des énergies. La réunion est plus importante en soi que par son contenu. L'aspect festif au Japon renvoie aussi à la culture japonaise du groupe par opposition au côté individualiste occidental. Les occasions de fêtes sont le ler avril (début de l'année, accueil des nouveaux) ou une remise de médailles ou encore pour célébrer celui qui a apporté beaucoup de suggestions.
Les Japonais ne sont pas a priori et par nature plus disciplinés que nous, ainsi qu'on le croit communément et à tort en Europe. En revanche, la ponctualité est davantage requise qu'en France; il faut arriver cinq ou dix minutes avant un rendez-vous, de même pour une réunion. Il faut la préparer, faire le maximum de choses avant pour que celle-ci soit courte.
Les Japonais et l'entreprise
Tous ces aspects sont incompréhensibles si on ne les rattache pas à la culture japonaise d'une part, mais également à l'entreprise japonaise, d'autre part. Celle-ci a plusieurs caractéristiques fondamentales et en particulier l'emploi à vie. L'emploi à vie n'est ni légal ni systématique, mais il correspond à un contrat "moral" entre le salarié et l'entreprise. Le premier s'engage à progresser pour faire réussir l'entreprise et celle-ci lui assure un travail à vie. Quand l'entreprise est en difficulté, le premier remède est la solidarité entre tous les salariés, le licenciement n'étant qu'une situation extrême. L'entreprise qui a été amenée à licencier ne trouve plus de personnel sérieux, elle est déconsidérée. Ceci explique notamment que les meilleurs Japonais n'aillent pas dans les entreprises étrangères. Les sociétés américaines, du fait de nombreux licenciements, ont laissé des traces (5). En parallèle, un salarié qui change trop d'entreprise est considéré comme étant instable.
Les jeunes intègrent la structure par la base et "montent" dans la hiérarchie selon l'ancienneté et 1e mérite. L'évolution se fait en spirale au cours de la carrière. A l'inverse, en France, le jeune est directement intégré au niveau auquel il peut prétendre, son évolution est linéaire et tend à une spécialisation de plus en plus poussée. Aussi, n'est-il pas étonnant que les meilleurs défenseurs de l'entreprise japonaise soient les salariés qui considèrent que "l'entreprise est bonne" par définition.
Les grands vaincus de la dernière guerre mondiale (Japon et Allemagne) sont respectivement aujourd'hui deuxième et troisième puissance économique de la planète. Comment s'en étonner dans le cas du Japon quand on songe au formidable capital de ressources humaines dont ils disposent? Mais il y a fort à craindre hélas que le Japon, à l'instar des puissances européennes, mais plus tard, perde lui aussi son âme et se fonde à terme dans un "melting pot" mondialiste. Le succès de Disneyland à Tokyo illustre tristement notre propos. Gageons que les bouleversements internationaux en cours et à venir seront salutaires pour la renaissance du Japon en tant que vraie puissance politique.
Notes:
(1) On ne peut, hélas, en dire autant dans nos pays! Songeons simplement qu'un enfant sur deux entrant en 6ème en France ne sait pas lire ou ne sait pas lire correctement. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde et avoir une éducation de qualité, et ce malgré les discours et prières des Kouchner et autres abbé Pierre.
(2) Mais que vaut la comparaison? Le niveau éducatif et l'enseignement y sont tellement bas aux USA; la vision y est tellement américano-centrée qu'un universitaire moyen ne sait pas situer la France sur une mappemonde.
(3) A comparer là aussi avec la pratique (et surtout avec la mentalité) française où le salarié considère presque toujours que tout est dû par l'entreprise. En fait, l'enrichissement de la formation est co-partagé par l'entreprise et le salarié. Est-il agréable pour une entreprise d'investir lourdement en formation pour constater peu de temps après qu'une entreprise concurrente va en bénéficier en récupérant son (ses) employé(s) débauché(s)?
(4) A titre d'exemple, les cours de mise à niveau, rattrappage, perfectionnement, voire d'apprentissage de la langue anglaise dans les grandes entreprises, pour indispensables qu'ils puissent être, ressortent-ils du Budget "formation" stricto sensu? Est-il normal, dans un tel cas de figure, que l'entreprise supplée les carences flagrantes de l'Education Nationale et les faiblesses des individus?
(5) Là encore, on voit toute la différence avec la pratique française où, au contraire, il est de bon ton d'aller dans les entreprises US (IBM, Coca Cola, General Electric, Procter & Gamble...) et ce, malgré un turn over incomparablement supérieur à ce qu'il est dans les entreprises européennes. Tels sont les "brillants résultats" de l'acculturation et de l'absence de patriotisme européen!
[Synergies Européennes, Vouloir = Juin, 1993]
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The Rediscovery of Ethnic Identity

The Rediscovery of Ethnic Identity
Dario Durando
The monumental events following the fall of the Berlin Wall (November 9, 1989) and the formal dissolution of the Soviet Union (December 25, 1991) brought about a radically new geopolitical order. They meant not only the end of the bipolar world and the partition of Europe as a result of the Yalta and Postdam agreements, but also the exhaustion of a turbulent cycle more than 70 years old, which defined a century of unprecedented violence. The end of this terrible period does not mean the "end of history" or the disappearance of force in relations between states. It does imply, however, a redefinition of those geopolitical relations leading to a more general evolution of thought and custom.
What is developing in social and political relations -- especially at the international level -- is a trans-modern Weltanschauung which approaches problems of state and society very differently from the way they have been dealt with in the 20th century. One of the characteristics of this new Weltanschauung is the rediscovery of values linked to "ethnic" identity (understood primarily in a cultural as opposed to a biological sense).
A New Trans-Modern International System
These new developments have been described as "a civilization of international politics."[l] While this characterization conceals questionable utopian features, it corresponds to actual international developments:
- The growing abrogation of the traditional principle of international law concerning unlimited sovereignty within state borders. Specifically, there is a tendency by the international community to exercise a kind of stewardship to safeguard human rights.
- Efforts to constitute a "new world order" based on the consensus of all the subjects of international relations, all having their own intrinsically "democratic" legitimacy. The US seems to have relatively clear ideas about the configuration of a "new world order." It is unlikely that these ideas, which presuppose the retention and strengthening of American hegemony, will be appreciated by the Europeans and the Japanese. It is clear, however, that the disintegration of the old bipolar order will have to be followed by a new system of international relations.
- The use of collective military force (within the framework of the UN, EC or CSCE) for peace-keeping. The fact that European political elites have proven pathetically unequal to the task in the former Yugoslavia does not rule out the need for military intervention in various situations to prevent violations of human rights and contain violence.
- The displacement of the narrow concept of national security -- the legacy of 18th and 19th century power politics -- infavor of collective defense or, rather, collective security (since it is inconceivable that today any state other than the US could meet its security requirements by itself or within the context of a system of traditional alliances).
- Finally, the gradual shift of sovereignty from national states to supra-national organizations, and an attendant acceptance of limitations of a contractual nature on the exercise of sovereignty.
During the last few years there has been a transformation of the international community from a Hobbesian array of entities permanently on a war-footing to a "society" of states sharing some principles and seeking, even if very gradually, to impose normative behavioral standards. Although the dissolution of a 40-year old order creates more problems than it solves and is a slow and difficult process, it now seems irreversible. This is because it is a process determined not by endogenous causes of the international system but by a more general and pervasive evolution that could be designated as the shift to the trans-modern age.[2]
This trans-modern age does not recognize social and political dogma --great collective objectives based on mythical-symbolic foundations ("the fatherland" or "the proletariat") and focused on limited areas of human experience related to individual behavior: well-being, hedonistic concerns and, more generally, the tree development of the individual personality. It involves things which in various ways are crucial precisely because they are the presuppositions of pressing individual concerns, i.e., ecological awareness, the needs of the weak, the rejection of imperialism and belligerent attitudes, the overbearing desire for "good administration" and more direct political participation. This explains, among other things, the explosive electoral growth of the Northern League in Italy.
The Threat of a Universal Standardization
The other side of this coin is the absolute emptiness of "postmodernity" and the dissolution of monadic states armed against each other. This process goes hand in hand, not only with a growing internationalization of the economy but with the globalization of culture (in turn generated by a growing interpenetration of axiological constellations). The result is the often denounced threat[3] of the global adoption of the prevailing cultural model -- the American model, which is hegemonic to the extent that it emanates from the richest society and the most prosperous economy.[4] This adoption translates into a "cosmopolitan" homogeneity in Spengler's sense: empty, false and superficial.[5] To use an abused but vivid metaphor, it translates into a "global EuroDisney," i.e., the triumph of that abstract ahistorical universalism roofed in the Enlightenment.[6]
The result is a world reduced to an immense market unified by the flow of goods, services and capital. It is culturally standardized because it is permeated by a global informational network that is a product of the hegemonic Anglo-Saxon culture industry, and it transmits with enormous symbolic impact the values of a consumer society. Politically, it is structured hierarchically with the US at the head always ready to brandish Theodore Roosevelt's famous big stick.
Ethnic Differences as Sources of Identity
The shift towards trans-modernity constitutes an irreversible historical process of the same magnitude as industrialization (which it mirrors, to the extent that the main characteristic of trans-modernity on the socio-economic level is the centrality of services based on information). The opposite can be said of the subjugation of the entire planet to a post-modem ideology that sees the economy as the foundation of the human condition, and differences or cultural specifities as minor and bizarre deviations from a global social "normality." These differences and specificities, however, constitute the most powerful obstacle to the diffusion of the universalist and economistic ideology, and to the transformation of the world in its image.
Cultural specificity is ethnic in character and must be approached in the context of an organized opposition to universal standardization. Here the anthropological and biological component of ethnicity is secondary, because it is irrelevant in social interactions. What is important is something else: the sense of ethnic belonging, i.e., an ethnic identification generated by a specific system of cultural production, cemented by a common language among the members of an ethnic group.[7] What is important about the ethnic dimension within the context of the contemporary global society is its ability to provide a "source of identity" -- a mechanism of identification based primarily on cultural and linguistic belonging, and only secondarily on a "blood-community." In other words, ethnic belonging is the ultimate form of generalized interpersonal solidarity and therefore the utmost instance of the "communitarian" and organic type of link described by Ferdinand Tonnies.[8]
The rooting of the individual within a "communitarian" environment characterized by strong linguistic and cultural ties represents the most effective antidote to the atomization and "anomie" typical of societies that Tonnies and Durkheim classified as "mechanistic" and which today could be called post-modern: unified at a global, artificial level because grounded in a sell-producing society, directed from the center of production of culture and information. In this global society the individual is increasingly alone. He is lost in the immensity of the social environment and exposed to an uninterrupted flow of information -- usually the product of other information. He is becoming less and less able to determine his own destiny and remains manipulated by those who hold the supreme power: the circulation of information.
The communitarian bonds peculiar to ethnic belonging are radically opposed to all these aspects of the globalized society. The experience of ethnicity reestablishes the individual at the center of a network of direct and immediate social relations -- immediate as the community of culture, tradition and language. It allows the recovery of contact with reality, beyond the mediating veil of self-perpetuating global information. It minimizes the influence of extraneous decisional powers to the ethnic communion and therefore allows for a more substantial participation by the single individual in processes of collective will formation.
Consequently, the so-called ethnic revival, the reappropriation by various ethnic groups of their own identity, the reevaluation of the "roots" of people and communities (i.e., the distinctive traits of their specific cultures), constitutes the most powerful weapon against global levelling -- the obliteration of differences, the depersonalizing fusion typical of "the melting pot" of global society. It is a powerful weapon against the universalist ideology of post-modernity, mythologized by the followers of so-called "weak thought."
Furthermore, it the rediscovery of the ethnic dimension means bringing the individual back in the center of social relations (as the actor of richer interpersonal relations, the subject interacting with a reality in fieri, and as the "citizen" actively involved in the decision-making process of his own community), how can it be denied that he is in step with the tendency of trans-modernity to center all aspects of reality around individual experience and to minimize, if not suppress, external conditioning? The specific line of development of a trans-modern approach can be seen as constituted precisely by the rediscovery of ethnicity: the "ethnic" -- and therefore federalist and autonomist --revolution as a global alternative to the crisis of the old order and to the threat of a new "post-modern" order that would obliterate all differences.
The Ethnic Revolution and the Shift to Trans-Modernity
Thanks to the resources they distribute, contemporary systems stimulate in individuals and groups the need for self-realization, communication and appropriation of the meaning of action, but they also expose them to fragmentation and conformity.[9] Traditional solidarity, ethnic identification and the particularism of language and culture can satisfy the needs of individuals and groups to assert their own difference in a context characterized by strongly impersonal social relations governed by the logic of organizations. Primary belonging and "birthplace" are brought into play in opposition to mass culture. Ethnic identity offers individuals and groups considerable certainty in an uncertain world. If territory is added to ethnicity, together they constitute the deepest dimensions of human experience. Birthplace not only has the power of tradition on its side, it counts on an even deeper bond in which biology and history combine. This is why the combination of ethnicity and territory has the explosive power to mobilize the innermost energies. While the other criteria of belonging weaken and recede, ethnic solidarity answers a need for a primarily symbolic identity. It provides roofs that have all the consistency of language, culture, and ancient history. The innovative component of national-ethnic identity has a peculiarly cultural character because the ethnic-territorial appeal challenges complex society concerning fundamental questions such as the direction of change as well as the production of identity and meaning.
Rooted in a heritage of relations and social symbols, difference addresses the whole of society about one of its radical dilemmas: how to save the meaning of human actions and the richness of diversity in a global context. Traditional language opposes the aseptic functionality of technological language and the newspeak of informatic language and advertisement. It articulates the many facets of human experience, the various nuances that have been sedimented in the deepest layers of human culture. The loss of this wealth is the loss of humanity as such. To this extent, national-ethnic movements speak for everyone --fortunately, still in their own language.
A broad survey of the different approaches to the problem of ethnicity has recently concluded that the classical view, according to which ethnicity is nothing but a "residual phenomenon in the transition from tradition to modernity" and is therefore destined to succumb to the inexorable advance of "secularization," is wrong and should be abandoned. On the contrary, "divisions, political mobilization and broad forms of social organization predicated on ethnic bases are not a residual phenomenon but will continue to have an important role in processes of collective mobilization and in systems of action. Their importance in industrialized society will increase. They must be considered as constitutive elements of these societies."[10] Thus it is necessary to start thinking in terms of ethno-territorial pluralism. It is illogical to go from the state, the nation and the "people" to the individual and to say that the ethnic communities within them do not count. It is unfair to accept or assume status and rights for states, nations and "peoples," and refuse them to historically-grounded ethnic communities.[11]
The goal must be to preserve, redefine and empower concrete and visible reference points -- ethnic formations as sources of symbolic identity and of a strong sense of belonging -- between the individual and the vast "uniform" expanse of global society.
Ethnic Groups and Abstract Jacobinism
The term "ethnic group" is used here to designate certain biological, linguistic, cultural and territorial realities in order to avoid the word "nation" -- a concept vitiated by terminological ambiguities. These ambiguities are a result of the fact that during the 19th and 20th centuries bourgeois ideologies have abusively applied the label of nation (which could be regarded as a synonym for "ethnic group" since the etymology refers simply to birthplace) to something other than the single ethnic group or nation. The nation of the Jacobins, the romanticists and finally the nationalists refers to the majoritarian ethnic group, or the hegemonic one which, through military power, conquers, dominates and often assimilates other ethnic groups. This was not just the case in France, but also in Spain, where for centuries what passed as Spanish (i.e., Castilian) was actually Galician, Catalan or even Basque.
Things are more complex, but it is sufficient to point out that ethnic groups here mean communities founded primarily on cultural, linguistic and territorial ties -- the culture of Bretons and not the one which, emanating over the centuries from the Ile de France, became hegemonic in Bretagne; the language spoken in Barcelona, not the one still imposed by law as recently as 15 years ago; the territory of the island called Ireland, not the two distinct sections in which it is still divided today.
In some cases, of course, an ethnic group may indeed correspond to a nation in the 19th century Jacobin sense (such as, e.g., Portugal and Denmark). One must, however, keep in mind that the relation between an ethnic group and the nation, and therefore the relation between an ethnic group and the unitary nation-state, is not obvious. not only can a state be multiethnic (e.g., Switzerland), but it can be so without admitting it (as in the case of France which, until very recently, did not even recognize the diversity of Corsica[12]), or admit it without drawing any consequences (as in the case of the United Kingdom, which does not deny the existence of a distinct Scottish and Welsh ethnic group, but would never dream of granting them any kind of autonomy).
Federalism, Regionalism and Independence
The rediscovery of a sense of ethnic belonging that reflects the individual's need for identity in today's atomized society is the first and most important step in contraposing the culture of differences and specificities to the universalistic and standardizing ideology of post-modernity (exemplified by the ubiquity of American audiovisual production). But where and how does the rediscovered and revitalized (or simply preserved) ethnic dimension fit in relations between states, nations and peoples? What place should ethnic groups occupy in the context of the new inter-state order that sooner or later will have to be built on the ruins of the old one?
The preservation of ethnic identity does not necessarily mean self-determination. It does not mean the uncontrolled proliferation of state entities predicated on mono-ethnic bases so as to turn the entire planet into an immense patchwork of small states, more or less ethnically "pure" and protected by external barriers and reciprocal defenses. This would not be a world society, global in dimensions and objectives but richly articulated with a flourishing of different experiences and particularities. Rather, it would be a bad replica of the 19th century system of nation-states, suspicious of each other and ready to go to war whenever border disputes arise.
Every ethnic group has to occupy its place in the community of peoples -- the place which history, geography and the dynamics of inter-cultural relations has reserved for it. More concretely, there are (and they are the most numerous) ethnic groups that constitute historically and culturally the hegemonic core (i.e., the nation in the Jacobin sense) of a "national unitary state" whose 19th century model still prevails.
French ethnic groups (Bretons, Flemish, Alsatians, Provencals) and Italian ones (Sardinians, Northerners belonging to the Italo-Gallic dialec, Ligurians, Piedmontese, Lombards, Northerners belonging to the Venetian group with Friulan -- South Tyrollans being something entirely different) clearly can only be located within the state to which they actually belong, whose structure has to be transformed in a federalist direction in order to allow each of them to preserve their cultural and linguistic characteristics (which, among other things, translates into a contribution to the cultural wealth and diversity of "French people," "Italian people" etc.).
Within the context of the existing unitary states, federalism is the most advisable solution for the protection and development of ethnic specificities. It is a matter of a development particularly suitable for Italy, where the aquisition of a common language (obtained probably at the price of a substantial cultural impoverishment) cannot hide the significant differences among the various ethnic components of the "Italian Nation." These are the result of the thousands of years that preceded the hasty centralist unification modeled on the the French experience. However, while an openly federalist proposal is always preferable in the abstract, it is clear that in countries such as France -- with a multi-secular centralizing tradition -- it does not have any chance of being considered for many generations to come. There, the proper model must be different and less ambitious: it will be a matter of regionalism -- a concept much more advanced than the actual division of the "Hexagon" in regions predicated merely on administrative decentralization. It will require an effort to make regions coincide with actual cultural and historical realities. There has recently been a proposal from groups extraneous to Savoyard autonomist groups to reunite the two departments of Savoy as an autonomous region which would reconstitute the territorial unity that lasted until 1860. It would also involve a transfer of power to the regions, no less important than that enjoyed by the Italian regions with special status.
A third and still different situation: ethnic groups that, because of anthropological, cultural and linguistic characteristics profoundly different from those of the hegemonic nation of which they historically have been a part, and because of the strength of their roofs in a given territory, can and must legitimately aim toward some form of self-government within a continuum that ranges from being part of a federal state (renouncing sovereignty only in foreign policy and security) to a confederation of sovereign states, to pure and simple independence. The Scots and the Basques belong in this category (in the same way that Slovenians, Croats and Slovaks have opted for total independence). As in the case of France, a note of caution is in order here. Since independence is highly unlikely, the defense and development of ethnic identity should be entrusted to less extreme means -- a hypothetical federal status for the Basque region, a semi-federal regional autonomy for Scotland (the devolution conservative governments stubbornly oppose).
There is yet another typology: trans-frontier cooperation among ethnic entities within the context of federal or at least regionalized states. It is a matter of relegating to local self-government, based on partial federal sovereignty or regional autonomy, further power to regulate matters through norms generated by "trans-frontier" agreements with federal states or regions belonging to other sovereign subjects.[13] At issue are those matters with trans-frontier relevance, i.e., major infrastructures, particularly in transportation, the environment, the exploitation of water resources, etc. Such an institutional framework is already provided by the "European General Covenant Convention," signed in Madrid May 21, 1980 dealing with trans-frontier or territorial collectivities and authorities promoted by the Council of Europe.[14]
The European Federation as a Common House of European Peoples
For Europeans the only institutional framework within which the recovery of ethnic belonging can take place is a federal one. The present evolution towards such an order undoubtedly will not produce immediate results because of considerable internal opposition. Yet this evolution ultimately will overcome (probably well into the 21 st century) all obstacles because only a broad continental aggregation with enormous economic, financial and cultural resources will be able in the future to compete successfully with other poles of world politics, such as the Pacific Rim and North America.
The future European federation will be founded on the principle of subsidiarity and will have to delegate not only to "nation-states," but also and above all to regional authorities, the necessary power to protect the ethnic identity of the various groups of European citizens. Within this framework a specific representation of single ethnic or regional subdivisions (including cases in which the regions have merely administrative objectives) will find a place next to the parliamentary organ elected by means of representative, direct and universal suffrage of all citizens without distinction (today's European parliament). The Committee of Regions projected by the Maastricht Treaty will lead to a real "Senate of the Regions of Europe" designated by parliaments, assemblies and councils of all the ethno-regional identities existing within EC member states.
* Originally published in Diorama Letterario No. 171 (Sept. 1993), pp.1-8. Translated by Franco Sacchi.
Notes:
- Hanns W. Maull, "Zivilmacht Bundesrepublik Deutchland. Vierzehn Thesen fur eine neue deutsche Aussenpolitik," in Europa-Archiv, No. 10 (1992), p. 269ff.
- Here "trans-modern" refers to the predicament resulting from the collapse of "modernity" (based on Enlightenment bourgeois values, all industrial economy and political and economic liberalism); while "post-modern" designates those social and cultural phenomena that are the end product of "modern civilization" and not part of its overcoming. On "post-modernity" as the mere dissolution of modernity, see Gianfranco Morra, ll Quarto uomo. Postmodernita o Crisi della Modernita (Rome: Armando, 1992), p. 22:
- See Serge Latouche, L'Occidentalizzazione del Mondo. Sagaio sul Significato, la Portata e i Limiti dell'Uniformazione Planetaria (Turin: Bollart Boringhieri, 1992).
- On symptoms of US cultural, economic and social decline, see Roberto Menotti, "I1 Dibattito sul 'Declino Americano'," in Politica Internazionale, Nos. 1-2 (1992) p. 115 ff.
- See Oswald Spengler, ll Tramonto dell'Occidente (Milan: Longanesi, 1981), p. 922.
- See Carlo Gambescia, "Comunitarismo contro Universalismo. Per una Critica del Paradigma Occidentale della Modernizzazione," in Trasgressioni, No. 14 (January-April 1992), p. 22ff.
- Although somewhat dated, Anthony Smith's definition of"ethnic community," originally formulated in 1981, remains useful. See ll Revival Etnico (Bologna: 11 Mulino, 1984) p. 114.: "A social group whose members share a sense of common origins, claim an historical past, and a common and distinctive destiny, possess one or more peculiar attributes, and perceive a sense of collective unity and solidarity." Naturally, one of the "primordial" bonds for the formation of a sense of ethnic community is language. On "ethno-politics," see James Kellas, Nazionalismi ed Ernie (Bologna: I1 Mulino, 1993).
- Recall the distinction between community and society outlined at the beginning of the second chapter of his famous work: "The theory of society moves from the construction of a group of men who, as in the community, live and dwell peacefully one next to other, no longer essentially bound, but separated. They are separated despite all the bonds. In the community they remain bound despite all the separations." See Ferdinand Tonnies, Comunita e Societal (Milan: Comunita, 1963), p. 83.
- Paraphrased from Alberto Melucci and Mario Dani, Nazioni senza Stato. I Movimenti Etnico-Nazionali in Occidente (Milan: Feltrinelli, 1992) p. 184-96. The two authors have grasped with remarkable lucidity the liberating essence of the ethnic revival.
- Daniele Petrosino, Stati Nazioni Elnie. ll Pluralismo Etnico e Nazionale nella Teoria Sociologica Contemporanea (Milan 1991), pp. 19 and 173.
- V. Van Dyke, "The Individual, the State, and the Ethnic Communities in Political Theory," in World Politics, Vol. XXIX (1977), p. 369. Cited in Petrasino, op. cit., p. 203.
- France still officially rejects the concept of"Corsican people within the context of the French people." See the decision of the Conseil Constitutionel n. 91-290 DC of May 9, 1991, that struck down as unconstitutional Article 1 of a bill on Corsican autouomy (now law n. 91-428, May 13, 1991), which used this designation. See Edmond Jouve, Relations lnternationales (Paris 1992) p. 170 ff.
- It is quite normal that confederate states maintain "sovereign" powers even in matters of international relations, as in the case of the Swiss Cantons, according to Article 9 of the federal constitution.
- With regard to the cultural roofs of the political and institutional concept of "trans-frontier cooperation," an obvious case is that of the Western Alps. It is appropriate to quote here an academic with no "separatist" sympathies, who was also a member of the Italian Parliament for the Italian Republican Party: "The long common vicissitudes which brought together Piedmont and Savoy demonstrates that the real Europe, the one of the people, can be created. A Europe beyond treaties and parliaments, which would become a meeting place in mutual dignity and freedom for all the small homelands of the West, which the national states have coerced with considerable violence." See Luigi Firpo, Genre di Piemonte (Milan 1993), p. 8.
[Telos, Fall93, Issue 97]
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jeudi, 11 octobre 2007
A Global Village and the Rights of the Peoples?

A Global Village and the Rights of the Peoples?
Tomislav Sunic
The great conflicts of the future will no longer pit left against right, or East against West, but the forces of nationalism and regionalism against the credo of universal democracy. The lofty ideal of the global village seems to be stumbling over the renewed rise of East European separatism, whose aftershocks may soon spill over into the Western hemisphere. Already the dogma of human rights is coming under fire by the proponents of peoples' rights, and the yearning for historical community is making headway into atomized societies deserted by ideologies.
With the collapse of communist internationalism the clock of history has been turned back, and inevitably the words of the 19th-century conservative Joseph de Maistre come to mind: "I have seen Poles, Russians, Italians, but as to man, I declare never to have seen him." Indeed, this paradigmatic universal man, relieved from economic plight and from the burden of history, this man on whom we pattern the ideology of human rights, is nowhere to be seen. He appears all the more nebulous as in day-to-day life we encounter real peoples with specific cultures. If he resides in Brooklyn, his idea of human rights is likely to be different from somebody who lives in the Balkans; if he is a fundamentalist Moslem his sense of civic duty will be different from somebody who is a Catholic. The rise in nationalist sentiments in Eastern Europe should not be seen as only a backlash against communist economic chaos; rather, it is the will of different peoples to retrieve their national memories long suppressed by communism's shallow universalism.
All of Europe seems to be undergoing a paradoxical and almost ludicrous twist of history. On the one hand Western Europe is becoming more and more an "americano-centric" anational meta-society, while post-communist Eastern Europe threatens to explode into a myriad of mini-states. Conversely, whereas Western Europe is experiencing an unparalleled wave of foreign immigration and the inevitable surge of racism that must follow, the racial homogeneity of East Europeans has made them today more "European" than West Europeans-the East's own multiethnic turmoil notwithstanding.
In view of the disintegrating state system in Eastern Europe, Woodrow Wilson's crusades for the right of national self-determination and global democracy must seem contradictory. Home rule as envisioned by the architects of the Treaty of Versailles in 1919 may have suited the demands of Poles, Czechs, and those European peoples who benefited from the collapse of the Austro-Hungarian monarchy, but it had little appeal for those who were forced to exchange one foreign ruler for another. For the Germans stranded in, a newly emerged and bloated Poland or Romania in 1919, or for the Slovaks in a hybrid Czechoslovak state, the right to home rule meant nothing less than the creation of their own separate nation-states.
Yugoslavia, too, has owed its relative longevity more to Western liberal well-wishers that to the true consensus of its disparate peoples. For the last seventy years the Yugoslav experience has been an exercise in civil wars and constant ethnic strife among four of its major ethnic groups. Naturally, in light of the present salvos being exchanged between the Croats and the Serbs, the question that comes to mind is why does the artificial blending of different peoples always lead to instability and ethnic chaos? The answer seems to be rather obvious: that the rights of peoples are incompatible with universalism. Ethnic particularities cannot coexist in a state that places abstract principles of human rights over the real principles of peoples' rights.
It would be impossible to chronicle with precision who is right or wrong in the present ethnic turmoil that besets Yugoslavia. A litany of grievances can be heard today among Croats, Serbs, Slovenes, and ethnic Albanians, of which each group is tirelessly trying to outdo the others with its own impressive victimology. As Yugoslavia demonstrates, in multiethnic countries the notion of justice depends solely on the constantly shifting inter-ethnic balance of power, as well as the perception that each ethnic group may have of its neighbor. Both Serbs and Croats, the two largest ethnic groups in Yugoslavia, are today utterly disappointed with their country; the former, on the grounds that Yugoslavia is not centralized enough to allow the consolidation of the Yugoslav state; the latter, on the grounds that Yugoslavia is already too centralized. The lesson to draw today from the Yugoslav experience is that in multiethnic states democracy can only function when the national question has been resolved.
Moreover, democracy can take root only within the ethnographic frontiers of various peoples, who will define that word in accordance with their genius loci and their own history. Just as it was foolish some time ago to talk about Yugoslav anticommunist dissidence, so it is foolish now to anticipate the emergence of the all-out "Yugoslav" democracy. What seems good for a Croatian democrat today may be seen as a direct threat by somebody who styles himself a Serbian democrat tomorrow. Even America, because of its erratic immigration policy and the declining birthrate among whites, may soon find itself in a similar situation of having to redefine the concept of democracy. The legacy of the Founding Fathers, in the years to come, may be interpreted differently given the changing racial fabric of America. Voting preferences are likely to hinge on skin color, which could lead to a Balkanization worse than the one presently threatening Yugoslavia.
Democracy in any multiethnic state, at least as the global democrats would like to see it, is semantic nonsense; the liberal principle of "one man, one vote" is inapplicable in a country of diverse ethnic groups. Consequently, the genuine democratization of Yugoslavia, or for that matter the multiethnic Soviet Union, would require the disintegration of the country and the establishment of new nation-states. The German Holy Empire was an example of a rather stable confederal system that lasted for almost one thousand years, although at one point it was divided into three hundred sovereign principalities.
Paradoxical as it may seem, the ideology of global democracy seems to parallel closely the failed communist Utopia, with one exception: it is presently more successful in the pursuit of its goals. What we are witnessing in the West is a liberal transposition of the Christian ideal of one world into a post-industrial society-a civitas dei in an age of cable TV and Michael Jackson. Everything presages, however, that this brand of universalism can be as dangerous for the peoples of Eastern Europe as the now moribund communism. From the point of view of a globe-trotting merchant a centralized and unified Yugoslavia, or Soviet Union, organized into giant free markets, would be the best solution insofar as that would facilitate the free movement of capital, and thus better ease the strain of ethnic animosity. Indeed, the prospects of having to deal with an additional twenty states on the Euro-Asian continent is a nightmare to a businessman more interested in the free flow of capital than in the self-determination of ethnic groups. The political liberal will surely endorse a global village that includes different ethnic parades-so long as they do not turn into military marches. Such a line of thinking, that "economics determines politics," clearly points to the Marxian morphology inherent in liberalism, confirming, once again, that communism is nothing else but its pesky brainchild.
But will the free bazaar in the global village dissolve ethnic passions? Although the masses in franchised Eastern Europe are today mimicking every move of the West, nothing indicates that their honeymoon with the global village will last long. Ethnic intolerance will only worsen once the peoples of Eastern Europe realize that the global village promises a lot but delivers little.
What makes a people? A people has a common heritage and a will to a common destiny. A people exists despite superficial cleavages such as parties, interest groups, and passing trends in ideologies. As Georges Dumézil, Mircea Eliade, and Carl G. Jung have demonstrated, a people shares a "mythe fondateur"-a communal myth that gives birth to original cultural endeavors. The culture of a people, recalls Alain de Benoist, is its identity card and its mental respiration, and "it is the passport for a future that takes the shape of destiny."
When a people becomes oblivious of its founding myth it is doomed to perish. Worse, it may turn into an aggregate of happy robots whose new dictum of universal human rights could be just another cloak for mindless hedonism. Western Europe is already experiencing this kind of ethnic and cultural oblivion. Paris in August resembles Oran or Marrakesh, and wide stretches of Berlin, at noon, have the distinct flavor of Anatolia. To many foreigners France is becoming more a synonym for its famous goat cheese and less a symbol of Corneillian heroism, and if one decides to go to Florence it is for a good bottle of Chianti rather than the mystic transcendence experienced through Botticelli's paintings. Yugoslavia, founded on similar principles of multiculturalism, is a product of the Russian 19th-century pan-Slavism combined with the Wilsonian dream. This experiment has not resulted in perpetual peace. In times of great crises host nations no longer look at aliens as purveyors of exotic folklore, but rather as predators snatching bread from their host's mouth. Peoples are not the same; they never have been and never will be. Ethnic groups can be compared to the inmates of large American prisons, who usually begin to respect each only when their turf is staked out and when their cells are separated by massive stone walls. Thrown into one cell they are likely to devour each other in a perpetual conflict over "territorial imperative."
The best way, therefore, to resolve the Yugoslavian multiethnic crisis is not by appealing to the spirit of "brotherhood and unity" but rather by dismantling the country into a loose confederal state. Blood and soil will forever determine the life of nations. "Scratch the skin of any globalist, goes the proverb in Croatia, and you will find beneath a passionate Croat, Serb, German, or Jew."
With the end of communism, the end of history will not follow, as some would wish us to believe. Had the Europeans in the 13th century conjured up the "end of history," the Mongol khananat would have been transferred to the Iberian peninsula. Had the Germans and the Poles preached the liturgy of affirmative action in 1683, Vienna would shine today as the capital of the Turkish sultans. The endless power game among nations and ethnic groups, the constant shifts in demographic trends, teach us that life goes on in all its "creative" hatred-Hitler, Stalin, or Saddam not withstanding.
Today, more than ever before in the history of mankind, it is the specificity of peoples that is threatened by the universalist credo. Whether one travels to Warsaw or Sarajevo, or lands in Bucharest or Berlin, the blaring of rock music and the iconography of junk culture have become the new lingua franca, of the global village. One could spend days in the Budapest Hilton without ever knowing one had left the suspended bridges of the hotel complex of downtown Atlanta. The new universalism, in order to enforce its creed, no longer needs to resort to genocide and depopulations, to the frigid climate of Kolyma or Katyn, to which Stalin, in the name of a paradigmatic global proletarian, carted off Volga Germans, Kalmuks, and Chechens. The new universalism need only turn to a tepid universe of Kentucky Fried Chicken, a society in which everybody equals everybody, and where ethnic identities, therefore, mean nothing.
This "cool Stalinism" strips peoples of their souls by creating a Homo economicus-dollaricus. The end results of both brands of universalism are pretty much the same, except that the veiled violence of liberal universalism can now be more dangerous than the blunt violence of communism. It is an irony of history that naked violence often preserves regionalism and ethnic roots; each persecution has its cathartic virtue, and each sacrifice invariably strengthens a peoples' historical memory. Communist violence has triggered a hitherto unseen ethnic pride from the Balkans to the Baltic lands. In an air-conditioned hell of cool universalism, by contrast, regionalism and the love of one's country do not need to be openly crushed; instead, they can be turned into a commodity, and thereby rendered superfluous, if not outright funny. If ever the ethnic pride disappears from Eastern Europe it will not be as a result of communist repression, but rather as the outcome of a new infatuation with capitalist gadgetry. The global village knows how to enslave Ulysses' lotus eaters without even making them realize the peril that they face.
In a system in which everything has become a commodity, ethnic identity is viewed as an expendable triviality too-a triviality that may at best arouse some culinary interest or a tourist's curiosity. If necessary, universalism will even do good business from the hammer, sickle, and swastika-as long as they sell well. For a globe-trotting merchant, home is where he hangs his hat, and where he makes a big buck. Montesquieu was, after all, not wrong when he wrote that commerce is the vocation of equal people.
Until recently, the concepts of egalitarianism and global democracy were strictly limited to Western peoples. Today, in a spasm of masochism, and because of the so-called "white guilt," the West has extended these principles to the antipodes of Earth. The bon sauvage has been transformed in our postmodern age into the therapeutic role of white man's superego. Not long ago it was the white man who had to teach the nonwhites the manners of the West. Today the roles are reversed; now it is the non-European, with his pristine innocence, who grafts himself onto the ailing consciousness of the Westerner, pointing out to him the right path to the radiant future.
The very concept of "the West" has been stripped of its original geopolitical and geographical significance, becoming instead a metaphor for a meta-system that encompasses Alaska, the Philippines, South Korea, and any nook or cranny where the idea of the mercantile global village thrives.
With the end of its competing ideology the philosophy of the global village has taken hold in many countries, eulogizing those who support it, vilifying those who don't. What the future holds is not difficult to guess. It may well happen that inter-ethnic troubles will eventually subside in Eastern Europe, but this is not likely to happen in the West, where racial turmoil looms large. We may soon see replicas of the Berlin Wall erected in New York and Philadelphia in order to contain the multiethnic violence of the global village. The lesson of artificial Yugoslavia should not be forgotten. Our "promiscuous altruism," as Garrett Hardin writes, may lead us against our will into a war of all against all.
The cult of the global village appears today as a political response to theological and ideological battles that have rocked the West for more than a century. But it remains to be seen how the singular principle of human rights can be implanted in a world that remains eminently plural. "We invoke human rights," continues Hardin, "to justify interfering in another nation's internal affairs. Thereby we risk making enemies of that nation . . . The intentions behind the fiction of "human rights' may be noble, but insisting on such rights poses grave dangers." Global democracy is the last twilight dream of those who are spiritually homeless and physically uprooted. It is a doctrine that eloquently masks the ethnic and racial reality behind the theology of universalism.
Tomislav Sunic is a former professor of European politics at Juniata College in Pennsylvania.
He is the author of Against Democracy and Equality: The European New Right (Peter Lang Publishing, Inc. 1990).
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Symbolisme de la roue

Symbolisme de la roue
Julia O'Laughlin
Aujourd'hui, on trouvera moults dessins dans les manuels de préhistoire, où l'on voit un homme avec la roue qu'il vient d'inventer. Pourtant, la tradition affirme que c'est une femme qui a inventé la première roue. La roue symbolise en effet la Déesse qui gouverne le destin. C'est la roue de la galaxie, de la Voie Lactée, du Zodiaque. Le cercle qu'elle décrit indique les limites de l'univers s'étendant autour du yoni ou omphalos de la déesse (soit son nombril), son moyeu géo-centré. La roue est en même temps feu et eau, soleil et lune. La roue-étoile des Celtes, apanage de la Mère Arianrhod, ancêtre de Aryens, était une grande roue d'argent plongée dans la mer. Les héros chevauchaient cette roue pour se rendre en Emania, la terre des morts sur la lune. En Ethiopie, l'image de la déesse était placée au centre d'une roue de flammes, tout comme dans le culte indien de Kali. Les missionnaires chrétiens avaient reçu l'ordre de détruire ces idoles. C'est ce qui a suscité la légende du martyre de Sainte Catherine. Cette sainte n'a jamais existé. Son martyre sur la roue de feu est un avatar christianisé de la danse de Kali, déesse de la Roue Ardente. Kali effectue le Kathakali, la "danse du temps" sur le moyeu de l'univers.
A Royston dans le Hertshire, les archéologues ont exhumé un temple souterrain utilisé jadis par les Templiers. Les nombreux bas-reliefs des murs indiquent un mélange d'images païennes et chrétiennes. L'un d'eux représente une roue à huit rayons et une femme, que l'on peut considéré soit comme Sainte Catherine soit comme Perséphone, la déesse destructrice. L'hexagramme sacré est basé sur le mandala tantrique en forme de roue et consacré à la triple déesse, à la fois colombe (vierge et créatrice), serpent (mère et préservatrice) et truie (vieille commère et destructrice). La roue de la fortune, autre forme de la roue du temps, était actionnée par Fortuna, la mère du destin. Elle était liée, à Rome, à Juno Februata, dont la fête fut christianisée en la Saint Valentin. Fortuna est sans doute une dérivation de Vortumna, déesse pré-romaine qui "faisait tourner l'année". Vortumna a été par la suite masculinisée et est devenue un dieu saisonnier, Vertumnus, qui apparaît souvent sous les oripeaux d'une vieille femme, révélant de la sorte ses véritables origines.
La déesse de la roue accorde la royauté. Les Césars recevaient leur droit divin à gouverner le monde de la déesse Fortuna Augusti. Les rois de la première phase de l'Age du Bronze mouraient à l'intérieur d'une roue de renaissance. Le roi Ixion fut tué à la fin de son office et roulé à bas d'une colline, attaché à une roue de feu, symbolisant le soleil. Ixion est lié à la déité scandinave Kris Kringle, christianisé en "Christ de la Roue" et personnifiant le soleil mourant et renaissant au solstice d'hiver. Kris Kringle fut ultérieurement associé à la Noël, puis à Saint Nicolas (voire au Père Noël). Le corps humain, lorsque les bras et les jambes sont étendues comme les rayons d'une roue, symbolise lui aussi la roue de la vie. La roulette des joueurs, ou "petite roue", est un avatar désacralisé des roues de prière orientales. C'est en quelque sorte une "Roue de la fortune" guidée par une déesse de la chance (luck), que les anciens scandinaves nommaient Loka, la Sage-femme divine. Le rouge et le noir sur la roulette symbolisent le conscient et l'inconscient. Les nombres font référence à l'année et, ainsi, à nos vies. Le zéro est tout à la fois la naissance, la mort et la renaissance. Une procession médiévale circulaire se déroulait autour des places ou des espaces publics; c'était une sorte de carrousel ou de "Roue de chariots". Les carrousels des fêtes et des carnavals sont des réminiscences des traditions et des rites de la vieille religion de l'Europe. La Ferris Wheel des carnavals médiévaux anglais, ou Fairies' Wheel (Roue des Fées), était au départ la Roue celtique d'Arianrhod. Le carnaval lui-même doit son nom à la déesse Carna, présidant aux réincarnations, soit l'équivalent nord-ouest-européen des cycles de Kali.
[Synergies Europeénnes, Combat Païen, Avril 1990]
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mercredi, 10 octobre 2007
Guerre psychologique contre l'Europe

Doris NEUJAHR:
Guerre psychologique contre l'Europe
Pour asseoir leur puissance dans le monde, les Etats-Unis mènent une guerre psychologique contre l'Europe. Les politiciens européens ne manifestent aucun intérêt à consolider une conscience européenne.
Dans l'hebdomadaire hambourgeois Die Zeit, le journaliste américain David Brooks, rédacteur principal du Weekly Standard, essayiste auprès du New York Times, du Washington Post et du New Yorker, vient de découvrir un nouvel ennemi global de l'Amérique: la "bourgeoisophobie". Cette phobie est constitué d'un rejet pathologique de tout ce qui est "bourgeois"; elle a commencé à sévir vers 1830, quand des intellectuels français comme Flaubert et Stendhal —et pourquoi pas aussi Balzac?— ont donné libre cours à leur haine des méprisables commerçants, négociants et hommes d'affaires, une haine qu'ils justifiaient au nom de l'esthétique et qu'ils dirigeaient sans pitié contre les pionniers de l'esprit capitaliste. Brooks estime que ce sentiment fondamental, né dans cette France du 19ième siècle, où il était partagé officiellement par toute l'intelligentsia française, s'est transposé aujourd'hui à Bagdad, à Ramallah et à Pékin. Ce sentiment est la base d'une conception ultra-réactionnaire, qui revient à la charge actuellement.
La "bourgeoisophobie" est donc une conception du 19ième siècle qui sévit toujours aujourd'hui, qui est quasiment la seule à survivre de son époque et qui a des affinités avec le marxisme, le freudisme et le social-darwinisme. «Aujourd'hui, ce ne sont plus seulement les artistes et les intellectuels qui partagent ce sentiment, car il est plus que probablement partagé aussi par les terroristes et les auteurs d'attentats suicide». Les ennemis actuels de la bourgeoisie, qui sont ces terroristes et ces commandos suicide, sont consumés par "l'ardent désir de réduire en poussière Israël et les Etats-Unis". Brooks utilise ensuite des termes comme "fureur nihiliste", "haine", "envie", "jalousie", etc., pour ensuite faire référence à Spengler et à son appel à l'avènement d'un "homme supérieur socialiste" (sozialistischer Herrenmensch). Tout devient clair pour Brooks: «C'est là le chemin qui mène à Mussolini, à Hitler, à Saddam Hussein et à Ben Laden».
Cependant, là où il y a un danger, émergent également les éléments salvateurs. L'"Axe du Mal", nihiliste sur le plan culturel, qui part de Flaubert pour aboutir à Ben Laden, a été pointé du doigt par le bon Président Bush, qui le considère comme un "défi moral", qu'il faut impérativement relever. Il suffit d'évoquer la date magique du "11 septembre" pour justifier tout et le contraire de tout, pourvu que cela aille dans le sens des intérêts américains. Malheureusement, le monde arabe et l'Europe ne viennent qu'en traînant les pieds pour participer à ce combat final. Il faut donc leur faire la morale, les admonester.
Revenons à Brooks. Ses prémisses théoriques sont déjà ridicules: le marxisme et le freudisme sont des constructions conceptuelles et scientifiques, le social-darwinisme n'en est qu'une caricature; quant à la "bourgeoisophobie", dénoncée avec véhémence, elle est tout au plus un affect. Si Brooks place tout cela sur le même plan, une chose est sûre: il cherche à semer la confusion dans les esprits et non pas à donner des explications claires et distinctes. Derrière l'apparente simplicité de son argumentation, derrière la volonté de donner une explication claire quant aux idées qui ont animé la scène intellectuelle européenne du 19ième à nos jours, se profilent des intentions politiques réelles.
La première intention de David Brooks est d'excuser moralement la politique agressive d'Israël, qui, en un tourne main, est posé comme "victime des bourgeoisophobes". Cette posture est doublement risible car Israël, vu d'Europe, n'apparaît nullement comme une citadelle de la bourgeoisie, mais comme un Etat fortement militarisé, où des ayatollahs se réclamant du sionisme et des colons fondamentalistes sont prêts à tout justifier et entreprendre au nom de textes bibliques vieux de plusieurs millénaires, notamment à rejeter les Palestiniens au-delà du Jourdain; si un homme politique au pouvoir en Serbie, par exemple, proposait de telles mesures, il se retrouverait aussitôt sur la liste noire des criminels de guerre à rechercher pour le Tribunal de La Haye […].
Il s'agit d'un conflit idéologique et politique
Brooks ne définit même pas le concept de "bourgeoisie", de façon à pouvoir l'utiliser à mauvais escient. D'après ses descriptions, l'écœurant magnat du pétrole de la série "Dallas", J. R. Ewing, serait la figure idéaltypique du "bourgeois". Pourtant les choses ne sont pas aussi simples. La victoire de la "bourgeoisie", à la suite de la Révolution française, signifie, pour être concis, une relève de la garde: ce n'est plus désormais la noblesse héréditaire qui domine mais la noblesse du mérite qui gère les sphères politique et économique. Cette relève de la garde s'est accompagnée de tout un pathos sur la démocratie et les droits de l'homme, ce qui a pour corollaire que la bourgeoisie se déclare la représentante et la défenderesse de revendications générales, d'ordre éthique/moral. Ce n'est pas tant contre ce pathos utilisant les notions de progrès et de liberté que se sont insurgés Balzac, Stendhal et Flaubert, plus simplement, ils voyaient que le processus à l'œuvre en Europe, c'est-à-dire une accumulation toujours plus accrue de capital, rendait ce discours toujours plus creux. L'égoïsme et la morale à deux vitesses de la noblesse, la bourgeoisie ne les a ni éliminés ni dépassés, mais, pire, les a vulgarisés; le pathos, au départ destiné à véhiculer vers les masses de véritables idéaux, a été instrumentalisé par des malhonnêtes et trahi. La critique mordante de Flaubert n'était ni un snobisme ni une pure esthétique: elle jaillissait d'un vieux fonds éthique, considéré comme "chrétien".
Ainsi, cette "bourgeoisophobie" trouverait à s'alimenter tout autant en Europe qu'en Amérique aujourd'hui. Pourtant Brooks affirme qu'un front commence clairement à se dessiner à l'horizon de nos jours: les Etats-Unis, puissance "bourgeoise", contre l'Europe, puissance "anti-bourgeoise" (le monde arabe et le reste de la planète restant en dehors de ce clivage). Affirmer pareille dichotomie aujourd'hui est pure déraison. Car le conflit qui oppose les deux entités n'est pas d'ordre moral mais est purement politique et idéologique. Brooks l'admet indirectement quand il explique la distance que prend actuellement l'Europe vis-à-vis des Etats-Unis en disant que les Européens ne savent plus "ce que c'est, de ressentir une assurance impériale, d'avoir des objectifs audacieux voire eschatologiques".
C'est exact. Mais d'une façon autre que ne le croit Brooks. La faiblesse d'action des Européens ne vient pas tant de leurs gènes décadents, mais de l'avance qu'ils ont en matière d'expériences historiques. Le besoin de cultiver des objectifs "eschatologiques" est largement et définitivement satisfait et dépassé, ici en Europe, après les expériences du national-socialisme et du communisme. L'Europe se situe aujourd'hui dans une phase plus avancée de la dépression post-coloniale et post-impériale. D'après la loi historique de l'ascension et du déclin des grandes puissances, les Etats-Unis finiront, eux aussi, par connaître cette phase de dépression. Si Brooks s'accordait un tantinet de sérénité philosophique et historique, sa vision dichotomique et simpliste s'effondrerait immédiatement. Il comprendrait tout de suite pourquoi le "11 septembre" a certes été pour le reste du monde un grand choc, mais non pas l'expérience unique d'une sorte de réveil quasi religieux. En Europe, en Afrique et en Asie, à rebours des Etats-Unis, les peuples ont expérimenté bien trop de "11 septembre", au cours de leur histoire mouvementée. L'esprit missionnaire et universaliste des Etats-Unis repose sur une sérieuse dose de naïveté et d'ignorance.
Sur le plan intellectuel, la polémique engagée par Brooks est sans importance aucune. Elle est néanmoins digne d'attention, parce qu'elle nous permet d'entrevoir ce qui se cache dans la chambre secrète, où la puissance américaine puise aujourd'hui ses convictions du moment. Sûr de lui, Brooks écrit : «Sans doute, après le 11 septembre, plus d'Américains s'apercevront qu'il est juste de vivre comme nous vivons, d'être comme nous sommes». Imaginons, après ces paroles, un monde, tous continents confondus, qui prendrait exemple sur la consommation d'énergie américaine… La catastrophe écologique serait pour demain et non pas pour une date ultérieure et hypothétique… Brooks, sans vouloir le reconnaître, parle le langage de la barbarie planétaire.
Le nouveau plaidoyer américain contre les principes de la diplomatie classique
Dans un autre passage de son article, Brooks, soi-disant défenseur de l'esprit bourgeois, se démasque et nous apparaît sous les traits d'un Berserker, d'un énergumène, de l'ère pré-bourgeoise: «La diplomatie convient au tempérament du bourgeoisophobe esthétisant, car la diplomatie est formelle, élitaire, civilisée et surtout complexe». Or les valeurs que Brooks attaque ici, et méprise, sont des valeurs essentiellement bourgeoises. Le monde, que nous suggère Brooks, est en revanche parfaitement unidimensionnel: Saddam Hussein et Arafat doivent disparaître, s'il le faut par la violence, et les Etats arabes doivent se démocratiser de gré ou de force. Simple question à Brooks: pourquoi les Etats-Unis n'ont-ils pas imposé par le biais d'une action musclée ce modèle démocratique à leurs alliés arabes corrompus? Tout simplement parce qu'un régime démocratique en Egypte ou au Koweit n'irait pas dans le sens de leurs intérêts stratégiques. Exiger la démocratie chez les Palestiniens traumatisés ne permet qu'une chose : de faire gagner du temps à Sharon. La "démocratie", la "morale", la "bourgeoisie" sont, pour Bush comme pour Brooks, de purs instruments sémantiques et conceptuels pour promouvoir, via le gigantesque appareil médiatique contrôlé par l'Amérique, une politique qui ne repose que sur la force, qui ne sert qu'à "booster" les intérêts égoïstes des Etats-Unis, excités de surcroît par les fureurs fondamentalistes.
La critique que Brooks adresse aux Européens, qui refusent aujourd'hui d'agir, et son assertion, affirmée sans appel, qui prétend que cette volonté d'inaction s'enracine tout entière dans un ego mutilé et dépressif, recèle toutefois un authentique noyau de rationalité. Car cette faiblesse mentale, militaire et politique prêtée à l'Europe, l'empêche d'affirmer de manière impavide ses différences de vue et ses divergences d'intérêts avec les Etats-Unis. Sortir de ce dilemme, implique, pour l'Europe, de ne jamais abandonner son sens des complexités (ndlr: fruits de la croissance organique et de la longue histoire) et de ne pas abdiquer ses scrupules face aux simplismes apocalyptiques et manichéens des Américains, car un tel abandon et une telle abdication ne feraient qu'amplifier la suprématie américaine, déjà écrasante. Par ailleurs, les Européens ne peuvent plus, comme ce fut le cas jusqu'ici, se laisser totalement dominer par les Etats-Unis et subir un chantage perpétuel, pour les forcer à l'inaction.
L'objectif stratégique est de paralyser l'Europe totalement
Une première chose saute aux yeux, dès qu'on évoque ce dernier point: le déficit de confiance en soi, dont les Européens ne cessent de souffrir depuis plusieurs décennies, peut à tout moment se voir renforcer et consolider par une action stratégique et psychologique bien ciblée, venue des Etats-Unis, quand ceux-ci entendent maintenir l'Europe en état de faiblesse et quand ils ont intérêt à ce que des complexes de culpabilité affectent certains Européens, au point de les paralyser entièrement dans leurs actions. Par exemple: les hommes politiques américains ne cessent d'admonester l'Allemagne, de l'inciter à continuer à rejeter et à diaboliser son passé, font importer des produits "culturels" comme le débat sans fin qui ronronne autour des travaux de Goldhagen, des films comme "La liste de Schindler" ou "Le soldat Ryan", quand ils réclament des dommages et intérêts aux firmes allemandes ou quand ils orchestrent, dans la presse américaine, des campagnes systématiques de dénigrement de notre pays, à propos d'un "néo-nazisme", pourtant très hypothétique, qui relèverait la tête dans toute l'Europe centrale (les faiseurs d'opinion de nos pays prennent allègrement le relais de cette propagande). Toutes ces manœuvres doivent être considérées, puis critiquées et rejetées, car elles sont les éléments moteurs d'une guerre psychologique que mènent sans repos les Etats-Unis contre l'Allemagne et contre l'Europe.
Ensuite, deuxième point: cette guerre psychologique, dans laquelle s'insère parfaitement l'article de Brooks dans Die Zeit, ne vise pas l'Allemagne en tant que telle —notre pays est trop petit dans la perspective des Américains, il n'est que quantité négligeable— mais vise toute concentration naturelle de puissance dans le centre de l'Europe et cherche à enrayer le moteur de l'unification européenne. L'objectif stratégique est de paralyser totalement l'Europe. Aucun des pays européens pris isolément ne pourra jamais s'opposer au colosse américain et constituer un contre-poids sérieux - cependant, une Europe unie pourrait parfaitement résister et faire miroiter une alternative. Dans une telle perspective, les querelles d'intérêts en Europe et les petites jalousies intestines de notre sous-continent sont pures mesquineries et reliquats d'un passé bien révolu. La polémique lancée par David Brooks contre l'Europe doit être perçue comme un signal d'alarme par tous les Européens qui veulent œuvrer dans le sens de l'unité.
Doris NEUJAHR.
(article paru dans Junge Freiheit, n°29/juillet 2002 - http://www.jungefreiheit.de ).
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mardi, 09 octobre 2007
Vision négative de l'Europe chez les neocons

Prof. Dr. Paul GOTTFRIED :
La vision négative de l'Europe chez les néo-conservateurs américains
L'anti-américanisme en Europe se développe, tout comme, par ailleurs, l'anti-européisme aux Etats-Unis. Depuis quelques années déjà, mais surtout depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, la droite américaine orchestre une campagne de moqueries contre l'Europe et les Européens. La visite de George Bush en Allemagne, en France et en Italie n'a rien résolu et ne l'a nullement endiguée, au contraire. Rien que le fait que Bush ait choisi de passer par Berlin pour aller y déclarer qu'il avait abandonné tous les plans conçus pour attaquer immédiatement l'Irak, n'a fait qu'accroître le ressentiment des droites américaines contre les "nabots" européens. Si les faucons n'obtiennent pas leur guerre, alors ils attribueront sûrement une bonne part de la responsabilité au cynisme des Européens, à leur lâcheté et… à leur antisémitisme pathologique…
Nous trouvons certes aux Etats-Unis des conservateurs traditionnels qui cultivent beaucoup de sympathies à l'égard de l'Europe. Cependant, la droite de l'établissement, qui donne aujourd'hui les mots -d'ordre politique et a l'oreille du Président, n'est nullement une droite qualifiable de traditionnelle, mais une droite que je nommerai "néo-conservatrice". Elle diffuse ses messages via des organes très influents comme le Weekly Standard de Rupert Murdoch, la National Review et le Wall Street Journal. L'élément qui unifie ce camp néo-conservateur est une foi en la nécessité morale d'établir un empire américain; cette foi est assortie d'une méfiance profonde à l'endroit des Européens, qui pourraient contrecarrer ce projet.
L'accusation que portent les néo-conservateurs contre l'Europe est sous-tendues par une conviction bien établie : les Européens ne comprennent rien à la démocratie. Pour cette raison, ils ne sont pas en mesure de participer à la lutte globale contre les terroristes, ils ne font pas montre du zèle requis. Nous avons affaire là à une nouvelle version du manichéisme, que l'on entend en écho dans l'avertissement lancé par Bush : celui qui n'est pas en faveur de "sa" guerre contre le terrorisme doit y être opposé et, par conséquent, se place, le cas échéant, dans le collimateur de l'alliance anti-terroriste.
La France, cible favorite des "Europhobes"
C'est la France qui essuie le plus de mépris de la part des Europophobes, en dépit des liens puissants qui ont existé jadis entre les Etats-Unis, jeune puissance venant tout juste d'accéder à l'indépendance, et la France. Effectivement, les Etats-Unis n'auraient jamais accédé à l'indépendance si la puissance militaire française de l'époque ne leur avait apporté son appui et si les Français n'avaient pas été leurs généreux "mécènes". Jonah Goldberg, une des principaux rédacteurs de la National Review, qui est aussi une célébrité étiquetée conservatrice de la télévision, exprime souvent une opinion très dépréciatrice sur les Français, qu'il avait un jour appelé les "cheese-eating surrender monkeys" ("les singes trouillards bouffeurs de fromage"). A la fin du mois d'avril 2002, Goldberg écrivait que "la France était demeurée un pré plein d'ânes de gauche. Les bons résultats de Le Pen n'en ayant qu'augmenter que la variété". Qui plus est, le système politique absurde qui gère la France est un danger pour la démocratie, surtout si les Etats-Unis se permettraient de suivre un modèle aussi grotesque.
Déjà, l'an passé, Goldberg avait constaté, fâché, que les Européens ne suivaient pas inconditionnellement la ligne fixée par la politique extérieure américaine, ce qui prouvait quels types de "jerks" ils étaient (de "benêts"). En utilisant ce concept de slang, explique-t-il, il veut désigner "une coalition d'intellectuels se détestant eux-mêmes et de bureaucrates sans force, qui parce qu'ils ont des problèmes (comme c'est le cas des Allemands), veulent abandonner leurs identités nationales ou utiliser une nouvelle identité européenne en guise de cheval de Troie pour leurs propres ambitions culturelles (ce qui est le cas des Français et des Belges)".
Les Européens, pense Goldberg, ont bien plus de raisons d'avoir honte que les Américains: «L'Amérique n'a vraiment pas un passé colonial comme l'Europe. Certes, nous avons un petit peu rançonné les Latino-Américains, mais cela ne peut à peine se comparer avec une férule administrée à des pays entiers pendant des siècles».
Viktor Davis Hanson, autre plume due la National Review, a exprimé récemment son insatisfaction face à l'inimitié à l'égard des Etats-Unis, que manifestent désormais, à un degré jusqu'ici inégalé, une brochette d'intellectuels européens. D'après Hanson cette inimitié repose sur de l'envie pure; cette envie, et le ressentiment qui l'accompagne, étant l'un des principaux péchés des Européens. Ce ressentiment envieux s'associe à une forme de socialisme, qui se base sur l'idée d'Etat-Providence, et également sur l'incapacité absolue des Européens à comprendre les vertus américaines.
Une rhétorique arrogante, détachée de l'histoire
Les remarques de Hanson trahissent le noyau même de son animosité à l'égard de l'Europe: des millions de soldats américains, écrit-il, sont venus pour mettre un terme à l'épouvantable saignée de la première guerre mondiale; deux décennies plus tard, ils ont été obligés d'intervenir une seconde fois, à cause de l'entêtement des Etats européens. Hanson insiste: "ce n'est que par l'engagement de solides soldats américains, non corrompus, que les pays de l'Europe de l'Ouest ont pu être libérés". Cette façon de présenter les faits est typique de la rhétorique arrogante, détachée de l'histoire, qu'utilise une bonne part de la droite américaine. Implicitement, cette rhétorique injurie les soldats britanniques, français, polonais et autres qui ont combattu à l'époque sur le Front de l'Ouest.
L'hebdomadaire Weekly Standard, qui est très influent, insiste sans discontinuité: il faut subjuguer moralement les Européens, les intimider. Les deux rédacteurs-en-chef, Robert Kagan et William Kristol estiment que la domination américaine en Europe est une nécessité, car les Etats-Unis possèdent une mission morale, celle d'apporter les valeurs démocratiques au reste du monde. Mais en même temps, on caresse une autre démocratie dans le sens du poil: la démocratie israélienne. Le fait que les Européens s'opposent à cette tendance dominatrice des Etats-Unis, est inacceptable selon le Weekly Standard. Fred Barnes tente d'expliquer les divergences entre les Etats-Unis et l'Europe, dans un article récent, intitulé "Pourquoi Bush est vexé de l'attitude européenne". En se plaçant résolument dans le sillage de Kristol, Barnes écrit: «L'Amérique est nationaliste, religieuse et guerrière; face à elle, les Européens sont post-nationalistes, post-chrétiens, et pacifistes. Contrairement à l'Europe pourrie, l'Amérique croit —et surtout le Président Bush— que l'Etat national est l'acteur déterminant sur l'échiquier mondial».
L'accusation, portée à l'encontre de tous les Européens, qui consiste à dire que ceux-ci sont des poltrons, va de paire avec un autre reproche: celui d'être des brutes fascistes. Dans les jours qui ont suivi le premier tour des élections présidentielles françaises, à la fin du mois d'avril 2002, lorsque le "nationaliste d'extrême-droite" Jean-Marie Le Pen avait atteint un score inégalé et s'était retrouvé immédiatement derrière Chirac en battant Jospin, tous les éditorialistes conservateurs américains ont éructé contre ces challengeurs de droite, qui, disaient-ils, incarnaient le passé nationaliste de l'Europe. Dans le Washington Post, George Will et Charles Krauthammer accusaient les nationalistes conservateurs européens de créer une atmosphère telle, que des lieux de culte ou des installations appartenant à la communauté israélite en France et en Belgique ont été dévastés.
Boom d'antisémitisme?
Will attirait l'attention de ses lecteurs américains sur le "boom d'antisémitisme" qui sévissait dans le Vieux Monde; «depuis 1945, l'Europe a produit un phénomène étrange: celui d'un antisémitisme sans juifs». Il précisait: «Le populisme antisémite délayé de Le Pen» devait être endigué, de même que toutes les critiques émises par les grands hommes politiques à l'égard de la politique d'occupation menée dans les territoires palestiniens par Ariel Sharon. En émettant toutes ces considérations, Will entendait avertir ses lecteurs du pire: «Les antisémites européens sont mus par leur haine totalement irrationnelle. Ils s'attaquent à Israël, car, avec autant de Juifs concentrés en un seul lieu, il est désormais possible d'éradiquer la judéité mondiale».
Quelques jours auparavant, Krauthammer avait fait les louanges de l'Amérique, parce qu'elle "plaçait la moralité au-dessus de la Realpolitik" et qu'elle refusait de modifier "son soutien de principe à Israël". La France, en revanche, aime les nuances. Ce qui fait dire à Krauthammer: «Ce que nous voyons à l'œuvre, c'est un antisémitisme contenu, l'expression d'une pulsion millénaire, dont Israël est aujourd'hui le déclencheur». Les dernières cinquante années ont été une "anomalie historique" dans l'histoire européenne, parce que l'antisémitisme n'a pas osé s'exprimer, se mettre à l'avant-plan. «La honte, résultant de l'holocauste, a pu maintenir le démon dans la jarre pendant un demi siècle. Mais maintenant le temps de la repentance est passé. L'esprit est ressorti». C'est avec des phrases mélodramatiques de ce type que Krauthammer apostrophe tous ceux qui osent contredire les Américains, qui se sont auto-proclamés les porte-voix de la morale. Insulter les Européens de la droite établie de "nazis" ou de "pacifistes tremblants" est une façon facile d'en finir avec eux, s'ils osent poser des questions sur le sens de la politique étrangère américaine.
La plupart des néo-conservateurs américains font semblant de déplorer la disparition graduelle des Etats nationaux en Europe. Reste à savoir s'ils prennent vraiment cette posture, qui est officiellement la leur, au sérieux. Car ce qu'ils veulent en dernière instance, ce sont des Européens nationalistes. Dans tous les cas de figure, ce nationalisme serait pourtant incompatible avec les intérêts américains. Car, à l'exception des Etats-Unis et d'Israël (et d'une Grande-Bretagne complaisante), les néo-conservateurs craignent et détestent les Etats nationaux. Ils vont jusqu'à pactiser avec la gauche, pour éloigner du pouvoir les conservateurs européens encore animés d'une conscience nationale, surtout ceux qui entretiennent des liens avec les droites critiques à l'égard des immigrations. Non pas parce que le rêve des néo-conservateurs est celui d'un Etat national américain: ce qu'ils veulent c'est un empire américain prêt à livrer bataille. Voilà leur souhait.
Paul GOTTFRIED.
(article paru dans Junge Freiheit, n°29/juillet 2002 - http://www.jungefreiheit.de - Le prof. Dr. Paul Gottfried enseigne la philologie classique et les sciences politiques au Collège d'Elizabethtown, auprès de l'Université de Pennsylvanie).
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Etat national, globalisation et mondialisme

Etat national, globalisation et mondialisme
par Ricardo Miguel Flores
Devant la nouvelle vague des attaques du globalisme uni et mondialiste, menée par les offensives militaristes de la guérilla colombienne, par les insolentes stratégies de propagande des guérillas de Chiapas, du Pérou, entre autres, par les actions des autonomisti nord- italiens [ Ligue du Nord, « République de Padanie » (1997), « République » de Venise (1998) et autres initiatives similaires], mais surtout, par la nouvelle doctrine stratégique de l’OTAN - qui se traduit par des bombardements dévastateurs contre les Républiques de l’Irak et de la Yougoslavie-, la défense des souverainetés nationales comme l’ordre du jour constitue une importante priorité, aussi bien pour les nationalistes que pour les traditionalistes, sous peine de faire naufrage, dans un bref délai, dans un monde où même la modeste diffusion de nos idées et principes, opposés au scénario officiel homogénéisateur, sera impossible.
Cela n’implique aucunement de renoncer aux principes supérieurs ni aux implications qu’ils contiennent. Mais l'important n’est pas toujours synonyme d’urgent. L’offensive en question s’effectue sur plusieurs champs ; non seulement sur le champ politique et militaire, mais également dans le champ théorique et culturel où l’intensité de la lutte est assez rude.
Les oligarques du mondialisme ont déployé toute une opération destinée à diffuser l’œuvre des intellectuels et idéologues représentant l’opinion qui se veut "politiquement correcte". Le pouvoir dominant et la dictature médiatique parviennent ainsi à ce que les idées, exposées dans certains de leurs principaux textes, deviennent pratiquement des axiomes indiscutés et indiscutables, constituant tout un ensemble de paradigmes dont les fondements ne font plus l'objet d'une critique ou d'une discussion. Paradoxalement, cela arrive, en particulier, dans les institutions où le jugement critique et la capacité de discussion constituent une des raisons les plus importantes de leur existence : les Universités, et en général, les centres d’enseignement supérieur. Il ne s’agit pas non plus, de donner un chèque en blanc à n'importe qui (Milosevic, Saddam Hussein ou un autre récalcitrant), ni de cautionner, encore moins inconditionnellement, la conduite d’un gouvernement ou d’un parti ou d'un mouvement politiques. Il s’agit surtout de défendre un principe valable qui, par rapport aux autres principes supérieurs, n’a qu’un caractère subordonné ou intermédiaire; c'est le cas de la souveraineté de l’Etat National, dont la validité reste menacée; en effet, ce que visent ses opposants permet de dessiner à l’horizon un état de choses tel que tout effort ultérieur destiné à proclamer et à diffuser des valeurs, des propositions et des principes supérieurs sera réduite à néant ou ne sera possible que dans un cadre prescrit à l'avance.
Autrement dit, un Etat unique supranational existe déjà à l'état larvaire : Système des Nations Unies, « police mondiale » (OTAN), OMC, OCDE entre autres, tribunaux de justice internationale (cas Pinochet), etc. Seulement, en dessous de ces instances supérieures, il y aura un « espace », plus réduit et intermédiaire, pour les blocs économiques, les économies régionales, les accords de « libre commerce », les entreprises transnationales, les marchés émergents, etc.
Il est clair qu’il s’agit d’un monde à la mesure d’Adam Smith, David Ricardo, Jeremy Bentham, James Mill, John Stuart Mill, et ses clones du XX e siècle : la société du Mont Pelerin, Ludwig von Mises, Friedrich von Hayek, Milton Friedman, Karl Popper, etc. Rien à voir avec un monde où règnent les valeurs comme l’héroïsme, la loyauté, le don de soi pour des causes supra temporelles, etc. qui ont été systématiquement érodées et agressées par la modernité dès ses débuts, surtout à cause de sa propension au mercantilisme dont les aspects les plus visibles sont le néolibéralisme et le monétarisme actuels .
Cette dernière ligne de pensée a des racines épistémologiques appartenant à une conception mécaniciste de l’univers et de la nature humaine, qui se manifeste clairement en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles, surtout chez les auteurs cités plus haut et leurs alliés continentaux. Au départ de la même nuance libre-échangiste et empiriste a émané le projet de globalisation et de mondialisation, qui, de nos jours, vise à implanter son hégémonie dans le monde entier. Quand nos employons le terme globalisme nous faisons systématiquement allusion, ici, au projet politique et oligarchique, qui, en utilisant tous les moyens possibles (qui sont évidemment nombreux), contribue à saper la structure et les institutions des Etats nationaux; nous ne nous insurgeons pas contre les faits technologiques en soi, car ils constituent dans leur ensemble un atout de type instrumental, permettant l'interconnexion mondiale, les communications et les échanges de toutes sortes dans le monde.
Les thèses de Toffler et de Kaplan sur la mouvance du monde et la mosaïque des structures infra-étatiques
Certains auteurs mobilisés par les forces dominantes (Alvin Toffler, Robert D. Kaplan), parlent ouvertement des nouveaux centres de pouvoir consistant essentiellement en des conglomérats de pouvoir économique de caractère transnational, succédané de l’Etat Nation. Le dernier auteur cité signale dans son best-seller Voyage aux confins de la Terre : « Imaginons une cartographie en trois dimensions (sic), les sédiments superposés de plusieurs identités de groupe, comme celle de la langue et celle de la classe économique, au dessus des distinctions bidimensionnelles en couleur entre les villes-états et les autres nations, celles-ci estompées, dans certains endroits, par les ombres des indicateurs différentiels qui signalent le pouvoir des grandes associations des trafiquants de drogue et des mafias. Au lieu des frontières il y aura des centres de pouvoir mobiles comme au Moyen Age. Ces centres de pouvoir seront nationaux et financiers, reflétant la souveraineté des corporations globales. Plusieurs parmi ces couches seront en mouvement. En remplaçant des lignes fixes et abruptes sur un espace plat, il y aura une règle mouvante d’entités atténuantes... Désormais la carte du monde ne sera jamais statique. Cette future carte, dans un sens la « Dernière Carte », sera une représentation, souvent mutante, du chaos cartographique : doux dans certaines zones, ou même productif, et violent dans les autres. En raison du changement continuel de cette carte, il doit être transmis quotidiennement à travers Internet aux endroits où il y aura une fourniture électrique digne de confiance ou de générateurs privés ». Le programme est-il clair ? D’autres auteurs partisans du globalisme le confirment.
Prenons maintenant l'exemple d'Alvin Toffler. Déjà dans La troisième vague et dans Le changement du pouvoir, il avait prédit un avenir technocratique, où les nouvelles élites du pouvoir, appartenant à l’industrie de la haute technologie, supplanteraient l’élite antérieure, basée sur « l’industrie des cheminées » et liée aux groupes politiques démo-libéraux, puissants à l’époque de l’Etat national. Les nouvelles élites, par contre, se situeraient dans un monde sans frontières : « Certains futurologues conçoivent le monde de demain non pas avec les 150-200 Etats actuels, mais avec des centaines et même des milliers d’Etats minuscules, villes-états, régions et entités politiques non contiguës. Les prochaines décennies verront surgir des possibilités encore plus étranges lorsque les actuelles frontières nationales perdront leur légitimité».
Si nous superposons à ce que nous venons d'évoquer les thèses de Samuel Huntington dans le Choc des civilisations ou celles de Paul Kennedy dans Vers le 21ième siècle, nous découvrons que, par des voies différentes, et en partie contradictoires, elles ne laissent pas davantage d’espace pour l’Etat dans son actuelle configuration.
Plus ils nous parlent d’un monde avec un pouvoir « multi-centré », « décentralisé », « fragmenté », « diversifié », en utilisant ces expressions et d’autres, qui sont aussi démobilisatrices, plus ils nous plongent subrepticement dans un monde avec un pouvoir homogène, unipolaire, concentré et standardisé, avec très peu de marge pour ce qui pourrait être vraiment alternatif à la vision moderne.
Le "Nouvel Ordre Mondial" n'est pas un Reich
Evidemment, comme le signale Marcos Ghio, « il n’y a pas de mal dans l’existence d’un pouvoir mondial unique sur la planète, mais ce qui est évidemment incorrect, et qui sera aussi la raison finale de son échec, c'est que ce pouvoir n'est pas sacré, mais profane, qu’il est basé sur un principe purement humain et non divin. C’est-à-dire qu’il n'est pas un Empire comprenant une réalité de ce monde tout en étant orienté vers l’autre monde, mais n’est qu’un simple concentrateur de forces matérielles, incapable de gouverner réellement, dépourvu d’un charisme que seule une autorité supérieure peut posséder ».
En Amérique latine, la situation tend malheureusement vers cette direction. Ce qu’on appelle « l’amincissement » de l’Etat, la « dérégulation » des économies, la manie des privatisations, les « conseils monétaires », la « dollarisation » (discussion en cours simultanément dans plusieurs pays considérés comme stratégiques), le TLC (NAFTA),etc., ne sont que des maillons d’une chaîne qui contribuent à l’affaiblissement de nos pays et au renforcement progressif des pouvoirs mondialistes et leurs alliés internes.
Les insuffisances des thèses de Huntington
Quant aux thèses de Huntington, il faudrait d’abord signaler la possibilité d’une véritable conformation de blocs de civilisations, ainsi que des alliances entre ces dernières, comme ce qu’il appelle « connexion-islamique » et d’autres similaires ; dans plus d’un cas, à l’intérieur de chaque « bloc » supposé, les « lignes de fracture » (expression très usitée dans ces écoles) entre les différents états et nations, qui, malgré le fait d’avoir partagé sans nul doute certains éléments communs de civilisation, cela n’est pas suffisant pour configurer une unité homogène, qui soit d’une cohésion telle que celle que prétend leur attribuer l’universitaire de Harvard. Il suffit de connaître modestement la réalité mondiale pour se rendre compte que plusieurs conflits du 20ième siècle ont été et sont toujours intra- culturels et non inter- culturels.
L’influant Zbigniew Brzezinski, réserve les « conflits des civilisations » pour les situations à une échelle plus réduite, tel il est le cas de l’ex Yougoslavie, mais il écarte la thèse centrale.
En tout cas, au-delà des différences entre les auteurs, qui théorisent le globalisme, on voit une ligne stratégique tracée à partir des centres du pouvoir dominant, et cette offensive se renforcera sans nul doute dans l’avenir.
La promotion et le financement délibérés des situations conflictuelles (ethniques ou séparatistes) constituent la tendance interne de ce projet. La tenaille se referme au niveau exterieur, au moyen des instruments déjà signalés, en visant spécialement le domaine financier, en exerçant des pressions de tous genres, comme l’augmentation des taux d’intérêt, la dévaluation, les crédits conditionnés et attribués au compte-gouttes ou des attaques spéculatives directes.
Pour terminer ces brèves considérations, il me paraît opportun de citer les paroles suivantes de Julius Evola : « Comme application particulière, on peut mentionner le lieu hiérarchique qui appartient au concept de la nation, si celui-ci a un contenu positif et un sens constructif, au lieu de révolutionnaire. La Nation est un plus par rapport à l’humanité. Donc, affirmer le droit de la nation pour faire valoir un principe élémentaire et naturel de différence concernant un groupe déterminé contre toutes les formes de désagrégation individualiste, internationaliste, de prolétarisation et, surtout, face au monde des masses et de la pure économie, est un point positif et légitime. Ayant établi cette limitation, presque dans le sens d’une enceinte protectrice, il est pourtant nécessaire de réaliser à l’intérieur des degrés ultérieurs de différenciation, ceux déjà mentionnés, qui se concrétisent dans un système des corps, de disciplines et de hiérarchies, en vertu desquels la substance d’une nation s’actualise en un Etat».
Ricardo Miguel FLORES.
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lundi, 08 octobre 2007
Emigration blanche, fascisme, stalinisme

Emigration blanche, fascisme, stalinisme: approches nouvelles après la chute du communisme
La généalogie des droites russes chez Walter Laqueur
par Robert STEUCKERS
L'impact des fascismes ouest-européens et du national-socialisme allemand a été important dans les cercles d'émigrés blancs pendant l'entre-deux-guerres. Le fascisme séduisait parce qu'il promettait des solutions rapides aux problèmes de l'époque, alors que les parlements, qui soumettaient tout à d'interminables discussions, étaient accusés de laisser «pourrir les situations». Ce culte de la «décision rapide», très présent dans les débats allemands de l'époque et dans les discours tonitruants de Mussolini, débordait les cercles restreints des fascistes russes purs et durs et séduisait des conservateurs, dont Struve, et des modérés, dont Timachev.
Pour propager ce double culte de l'autorité et de la vitesse de décision, plusieurs groupes ont vu le jour dans les années 20. Ils étaient surtout constitués de jeunes gens enthousiastes. Le plus petit de ces groupes était le «Mouvement des Jeunes Russes» (Mladorossitsy), dirigé par Alexandre Kassem Bek, issu d'une famille aristocratique d'origine persane, russifiée au cours du XIXième siècle. Emigré à Paris, Kassem Bek prend dès l'âge de 21 ans la tête d'un groupe d'étudiants blancs, réclamant l'avènement d'une monarchie totalitaire de type nouveau. Reprenant à leur compte tous les éléments du decorum fasciste, ainsi que la discipline qui caractérisait cette mouvance, les adeptes de Kassem Bek estimaient, nous explique Laqueur, que l'ancien régime ne pouvait plus être restauré, car il avait été rongé de l'intérieur par la décadence, le «bourgeoisisme» et le «philistinisme». L'effondrement de ce régime sous les coups des Bolcheviks était donc une punition largement méritée. L'apocalypse de 1917 et l'horreur de la guerre civile auraient donc eu des vertus purgatives, selon les partisans de Kassem Bek. Propos qui n'ont guère choqué les conservateurs comme Struve (qui ouvre aux «Jeunes Russes» les colonnes de sa revue) ni Cyrille, le prétendant au trône des Romanovs. Deux grands-princes adhèrent au mouvement.
Au culte de Mussolini et de Hitler, s'ajoute, curieusement, le culte de Staline. Ce dernier, affirmaient Kassem Bek et ses «Jeunes Russes», avait mis un terme à l'anarchie révolutionnaire, avait rétabli l'autorité de l'exécutif (concentrée entre ses mains) et donné congé à l'internationalisme. Kassem Bek plaidait dès lors pour une symbiose entre l'ordre ancien et l'ordre nouveau, pour une monarchie incarnée par le Grand-Prince Cyrille mais reposant sur les nouvelles institutions soviétiques: bref, pour une monarchie bolchévique!
Après une tentative de collaboration avec les nationaux-socialistes allemands, qui téléguidaient le ROND (un parti nazi russe établi à Berlin), le rapprochement tourna court: les Allemands reprochant aux Russes d'être des «nationaux-bolchévistes» et non d'authentiques «nationaux-socialistes». Xénophobes (mais pas officiellement antisémites; en pratique, pourtant, ils l'étaient), les «Jeunes Russes» reprenaient aux Eurasiens l'idée que la mission réelle de la Russie est en Asie, et que Moscou doit constituer un glacis pour la race blanche contre le «péril jaune». Mais Kassem Bek se méfiait des projets concoctés par les Allemands en Europe orientale: en 1939, il demande aux «Jeunes Russes» de soutenir la cause des alliés occidentaux et quitte l'Europe pour les Etats-Unis. En 1956, il revient à Moscou, y devient le secrétaire du Patriarche et meurt en 1977. Il aurait été un agent soviétique tout au long de sa carrière. Laqueur souligne (pp. 111-112) que les Soviétiques ont recruté bon nombre d'agents dans tous les milieux politiques de l'exil russe, y compris chez les Mencheviks, mais que seuls les Blancs fascisants ont été autorisés à rentrer au pays.
Parmi les idéologues autoritaires, monarchistes-bolcheviks, une figure sort du lot: celle d'Ivan Loukianovitch Solonévitch (1891-1953). Il a commencé sa carrière dans la presse radicale de droite avant la Révolution. Il quitte l'URSS en 1934, en franchissant clandestinement la frontière finlandaise, puis publie le récit de cette évasion, qui devient un best-seller international. Solonévitch devient alors journaliste dans la presse émigrée libérale et modérée. Puis, brusquement, il opère un virage à droite, qui le rapproche des cénacles conspiratifs animés par d'anciens lieutenants et capitaines de l'armée du Tsar. Il termine sa vie en Argentine. Son ouvrage politique majeur, Narodnaïa Monarkhiia («La Monarchie Populaire»), a été réédité à Moscou en 1991, et inspire quelques néo-monarchistes.
Les partis fascistes russes ont connu une brève existence en Allemagne, en Mandchourie et aux Etats-Unis dans les années 30. Le groupe le plus significatif était celui de Mandchourie. Il naît dans la faculté de droit de l'université locale, parmi les jeunes Blancs réfugiés là-bas. Le général tsariste Kosmine les soutient. Ils se regroupent d'abord dans l'«Organisation Fasciste Russe» (OFR), puis dans le «Parti Fasciste Russe» (PFR), et éditent deux revues: Nache Poute («Notre Voie») et Natsia («Nation»). De 1931 à 1945, année où l'armée rouge pénètre dans Kharbine, capitale de la Mandchourie, ce fut la figure de Konstantin Rodzayevski qui mèna le parti. Enthousiaste, fougueux mais naïf, il adopte fébrilement les colifichets à croix gammées des nationaux-socialistes allemands, donnant à sa formation des allures quelque peu carnavalesques. De plus, il dépend financièrement du bon vouloir des Japonais. Il espère une victoire de l'Axe Berlin-Tokyo, dont les armées, espère-t-il en dépit de son nationalisme russe, occuperont l'Union Soviétique et placeront à la tête de la nouvelle Russie dé-bolchévisée un «gouvernement national», dirigé évidemment par lui!
Concurrent de Rodzayevski en Mandchourie: l'Ataman Semionov, militaire conservateur, nullement attiré par les imitations du folklore nazi, parie sur la solidarité des Cosaques réfugiés en Extrême-Orient. En 1945, Rodzayevski et Semionov sont tous deux condamnés à mort dans un procès commun, assez expéditif. Et l'activiste du PFR introduit alors une demande pour rentrer au service de Staline, considéré comme «leader fasciste russe», et propose de réactiver ses réseaux pour en faire une «cinquième colonne» au bénéfice de la politique de Moscou. Sa demande n'a pas été retenue.
Aux Etats-Unis, un certain Anastase Vozniyatski fonde une «Organisation Fasciste Panrusse» (OFPR) en 1933, à Windham County dans le Connecticut, avec l'argent de son épouse, une millionaire américaine du nom de Marion Stephens, née Buckingham Ream dans une famille de négociants en bétail et en céréales. Malgré son argent, Vozniyatski n'a pas réussi en politique. La chronique de son mouvement ne révèle rien d'original ni d'extraordinaire.
Pendant les vingt premières années d'exil des Blancs et des anti-bolchéviques de toutes opinions, le mouvement qui, incontestablement, a connu le plus de succès, fut le NTS (in extenso: «Fédération Nationale du Travail de la Nouvelle Génération»). Ce mouvement d'inspiration solidariste et chrétienne-orthodoxe a tenu son premier congrès en 1930 et élu son président, W. M. Baïdalakov, un Cosaque du Don. Objectif: poursuivre le combat pour l'«idée blanche» sous une autre forme, adaptée aux plus jeunes générations. Le NTS travaillait très sérieusement, contrairement aux «Jeunes Russes» et aux groupuscules fascistes de Mandchourie. A peu près tous les deux ans, l'organisation tenait un congrès où l'on décidait des nouvelles orientations et où l'on fixait un nouveau programme. Son idéologie sociale était le solidarisme, un solidarisme qui se distinguait toutefois du solidarisme préconisé par les écoles politiques catholiques d'Europe occidentale. Ce solidarisme reposait sur une triade: idéalisme, nationalisme, activisme. L'idéalisme soulignait l'importance des idées pures et des valeurs, formes permanentes et indépassables dans le monde effervescent de la politique. Le nationalisme indiquait que ces valeurs s'inscrivaient toujours dans un contexte et que ce contexte était la nation, en l'occurrence la nation russe. L'activisme correspondait à la volonté de réaliser l'adéquation de la théorie et de la pratique, un peu comme dans le marxisme.
Ce solidarisme était bel et bien une idéologie conservatrice, dans le sens où l'harmonie entre les classes qu'il prônait le conduisait à rejeter l'«individualisme libéral excessif» et à imposer des limites à la liberté individuelle; le solidarisme du NTS refusait également la démocratie pluripartite. Les industries-clefs devaient demeurer sous la houlette de l'Etat. Le NTS reprenait à son compte une idée centrale dans l'héritage slavophile, l'idée de Sobornost, telle que l'avait théorisée Khomiakov.
Le NTS ne s'est jamais aligné idéologiquement sur les fascismes européens ou sur le nazisme, car sa dimension religieuse le rapprochait davantage du corporatisme catholique autrichien ou du salazarisme portugais, idéologies éloignées du modernisme industrialiste fasciste-italien ou national-socialiste allemand. Quelques éléments toutefois ont collaboré en Allemagne avec les autorités nationales-socialistes, même si le NTS était interdit et ses adhérants emprisonnés. Cette coopération a eu lieu dans les territoires occupés par l'armée allemande et dans le mouvement du général Vlassov. L'organe de presse de ces militants pro-allemands du NTS était le Novoïé Slovo.
Après la guerre, le NTS adopte une idéologie de «troisième force», cherchant à dépasser le marxisme et le capitalisme. Les puissances occidentales ont passé l'éponge sur la collaboration des quelques éléments du NTS (Redlich, Poremski, Tenserov, Vergoune, et Kazantsev) et les Américains, logique de la guerre froide oblige, ont soutenu le mouvement et financé sa propagande à l'intérieur du territoire soviétique. Cette double collaboration avec les ennemis de la Russie, l'Allemagne d'abord, les Etats-Unis ensuite, n'ont pas donné bonne presse au NTS, en dépit de la pureté de ses idéaux, bien ancrés dans la tradition et le mental du peuple russe. Le citoyen soviétique moyen s'en désintéressait.
Selon Laqueur, le principal idéologue du NTS fut le Professeur Ivan Ilyine (1881-1954), qui enseignait la philosophie à l'Université de Moscou avant la Révolution. Cet excellent connaisseur de la pensée de Hegel est expulsé d'URSS en 1922, en même temps que Berdiaev. Il publiait ses écrits dans la revue Russkii Kolokol, proche du NTS sans en épouser toutes les thèses: en effet, Ilyine était monarchiste tandis que les militants du NTS ne se prononçaient pas sur cette question et envisageaient l'éventualité d'une République russe non soviétique. Ilyine se faisait l'avocat d'une «démocratie organique», qui n'aurait plus été ni formelle ni mécanique à la façon occidentale. Dans son livre Pout'k otchevidnosti (= La Voie vers l'évidence), Ilyine définit la «vraie politique» comme un «service», comme le contraire diamétral de la politique envisagée comme «carrière». La notion de service implique de servir les intérêts du peuple tout entier et non d'une catégorie sociale ou d'un réseau d'intérêts. Cette volonté de servir une entité collective de vastes dimensions fait de la politique un «art de la volonté», d'une volonté qui sait d'instinct choisir et promouvoir, dans le flot ininterrompu des faits et des événements, ce qui est bon pour le peuple dans son ensemble, pour l'avenir de l'entité nationale. Or cette volonté doit pouvoir se lover dans le moule d'un idéal et ne pas oublier les vertus du cœur, qui donnent impulsion et sagesse aux potentialités créatives de l'homme politique (pour une approche des idées d'Ilyine, cf. Helmut Dahm, Grundzüge russischen Denkens. Persönlichkeiten und Zeugnisse des 19. und 20. Jahrhunderts, Johannes Berchmans Verlag, München, 1979).
Laqueur, ensuite, passe à une analyse des sources du néo-nationalisme russe contemporain. Ce «parti russe» est né des œuvres des néo-slavophiles et des «écrivains du terroir». Pionniers à l'ère stalinienne de ce style ruraliste, Vladimir Ovetchkine et Yefim Doroche ont préparé le terrain d'une nouvelle école littéraire populiste et nationaliste. Dans les années 60 et 70, les écrivains de Russie septentrionale et de Sibérie, comme Fiodor Abramov, Vassili Choukchine (Kalina Krasnaïa, Le beau bosquet de boules de neige) et Valentin Raspoutine (Adieu à Matiora). Cette littérature est loin d'être idyllique, souligne Laqueur. Les conditions de vie dans les villages du Nord et de la Sibérie sont terribles et les villageois décrits par Abramov se haïssent mutuellement, ne forment plus une communauté soudée et solidaire. Belov, pour sa part, est moins pessimiste: ses personnages vivent dans un monde beau et pur, à l'ombre des clochers en bulle, bercé par la musique douce et gaie des cloches des églises, où se côtoient des mystiques et des idiots qui atteignent la sainteté. Soloükhine se déclare disciple du Norvégien Knut Hamsun, qui, lui aussi, a décrit des personnages ruraux non pervertis par la civilisation moderne. Astafiev et Raspoutine évoquent les descendants des pionniers, dispersés dans les immensités sibériennes. Dans les petites villes, les habitants n'ont plus de référants moraux: ils pillent un dépôt en flammes, n'ont plus de racines et plus aucun sens du devoir. Ils ne songent qu'à s'enrichir et saccagent l'environnement naturel. Cette dépravation est le fruit du pouvoir communiste, écrivait Soloükhine, sans pour autant encourir les foudres du régime; au contraire: il a été lauréat du Prix Lénine! La tonalité générale de cette littérature ruraliste est un scepticisme à l'égard du progrès mécanique, matériel et économique, à l'égard des productions intellectuelles des grandes villes, à l'égard de la culture de masse contemporaine, importée de l'Ouest.
Dans le grand public, ce sont des revues littéraires conservatrices, mais fidèles en paroles au régime, qui se sont fait le relais de ce ruralisme, de ce culte de l'enracinement et de ce refus du déracinement: Nache Sovremenik et Molodaïa Gvardiya. Novii Mir, pour sa part, défendait les thèses progressistes classiques de l'idéologie marxiste. Cet engouement pour le passé intact de la Russie a conduit à une redécouverte de l'héritage slavophile du 19ième siècle, dès la fin des années 70, où Chalmaïev, Lobanov et Kochinov en arrivent à la conclusion que la Russie est devenue un pays décérébré et américanisé, qui perd sa «dimension intérieure», ses racines, en dépit de sa puissance militaire. La Russie est une «coquille vide».
Ce mélange de ruralisme, de slavophilie rénovée, de culte de l'enracinement et d'anti-américanisme, conduit à une critique plus fondamentale de l'idéologie marxiste dominante. Les nationalistes, en effet, évoquent la thèse du «flux unique» de l'histoire russe, thèse qui est en contradiction totale avec le léninisme. En effet, d'après Lénine et ses disciples, l'histoire russe se subdivise en deux courants, un courant progressiste (Pierre le Grand partiellement, Herzen, Tchernitchevski et Gorki) et un courant obscurantiste composé de réactionnaires, de fanatiques religieux et d'exploiteurs du peuple. A ce dualisme officiel, les ruralistes opposent, sans nier la validité du courant progressiste, une réhabilitation des forces politiques et spirituelles qui ont consolidé la Russie au cours des siècles passés, sans être marquées par la philosophie progressiste, moderniste et occidentaliste. L'histoire russe, dans cette optique slavophile et nationale, draine dans un fleuve unique une masse d'éléments positifs, tantôt frappés du sceau du progressisme, tantôt frappés de celui de l'enracinement ou de la tradition, soit de l'immuable.
Le Parti ne pouvait pas accepter cette vision sans risque. Car cela aurait impliqué une revalorisation du rôle de la monarchie et de l'église dans l'histoire russe. Et cela aurait également signifié que, lors de la guerre civile, les Rouges comme les Blancs avaient eu des raisons, avaient eu les uns et les autres partiellement ou entièrement raison. Si Nicolas II et Lénine avaient eu tous deux raison, la révolution aurait pu être considérée comme inutile et l'idéal aurait sans doute été un régime à mi-chemin entre le bolchevisme et la monarchie, sans doute une monarchie populaire comme l'envisageait Ivan Solonévitch. Mais lentement la thèse du «flux unique» a fait son chemin, s'est imposée et structure métaphysiquement la convergence que l'on observe actuellement entre nationalistes et anciens communistes. Hors du «flux unique» ne se trouvent désormais plus que les libéraux qui restent fidèles aux thèses «progressistes», tout en avalisant l'inflation terrible qui secoue la vie russe depuis la libéralisation des prix de janvier 1992, voulue par Gaïdar et son équipe. Aval qui leur fait perdre toute légitimité populaire.
Déjà pendant les dernières années du règne de Brejnev, la maison d'édition Roman Gazetta, qui publiait des livres de poche bon marché, n'éditait plus que des auteurs populistes, slavophiles ou nationalistes, précise Laqueur (p. 135). Signe de leur victoire: quand Alexander Yakovlev, chef du département idéologique du comité central, prononça en 1972 un discours contre l'«anti-historicisme» des russophiles et critiqua leur culte de la religion orthodoxe, tout en défendant les «démocrates» révolutionnaires du XIXième siècle, il fut promu ambassadeur d'URSS au Canada et y resta de nombreuses années. Eviction déguisée, bien évidemment. Cet incident marqua la victoire des revues Nache Sovremenik et Molodaïa Gvardiya. Novii Mir, dont les collaborateurs «libéraux» et «progressistes» avaient été écartés dès les années 70, tenta de reprendre son combat en faveur du «courant progressiste». Sans succès. Elle fut réduite au silence pendant 20 ans et ne reparut que dans le sillage de la perestroïka.
Au départ de sa carrière d'écrivain persécuté, Alexandre Soljénitsyne se situait plutôt dans le camp libéral. Il en sortira petit à petit pour esquisser les grandes lignes d'un «conservatisme» populiste et slavophile particulier, en marge du conservatisme plus musclé des nationalistes et des paléo-communistes actuels. Au départ, ce sont les libéraux, notamment les rédacteurs de Novii Mir, qui se sont engagés à défendre l'écrivain Soljénitsyne, alors que conservateurs et nationalistes critiquaient ses positions. Mais Soljénitsyne jugeait les libéraux trop mous dans leur défense des dissidents. Son glissement vers un conservatisme populiste et slavophile s'est amorcé dès sa lettre ouverte aux dirigeants soviétiques, où, depuis son exil zurichois, il critiquait cette intelligentsia libérale qui croyait que sa tâche première était de «dépasser la folie nationale et messianique des Russes». Entreprise impossible, selon Soljénitsyne, car elle aurait réduit la russéité à rien. Dans cette lettre, il exhortait les dirigeants soviétiques à abandonner le marxisme-léninisme, une idéologie qui ne cessait de provoquer des conflits avec l'étranger, affaiblissait la Russie de l'intérieur et instaurait un système du «mensonge permanent». Ensuite, il demandait l'abrogation du service militaire obligatoire, ce qui hérissait les nationalistes. Sa pensée, au fond, était une synthèse entre le libéralisme national et populaire et le nationalisme dur: le régime qui conviendrait à la Russie serait à la fois éclairé et autoritaire, et s'appuyerait sur les Soviets, car introduire une démocratie à l'occidentale sans transition en Russie conduirait à la catastrophe.
Cette synthèse, malgré ses relents d'anti-militarisme, ou, au moins, son hostilité à la conscription générale, finit tout de même par plaire davantage aux nationalistes qu'aux libéraux. Sakharov trouvait le nationalisme de Soljénitsyne «exagéré», voire quelque peu «xénophobe» et déplorait que l'auteur de l'Archipel Goulag n'entonnât pas un plaidoyer a-critique en faveur de la démocratie à l'occidentale. Le nouveau clivage séparait désormais ceux qui prétendaient que les idées occidentales (dont le marxisme) pervertissaient l'âme russe et ceux qui affirmaient que c'était les défauts de la mentalité russe qui précipitaient la Russie dans le malheur.
La «Nouvelle Droite» russe, ou plutôt les «nouvelles droites» russes, puisent leurs idées dans des synthèses plus modernes ou chez des auteurs plus actuels et seul Soljénitsyne conserve une influence réelle dans le débat. Son influence est évidement plus nette auprès des nationaux-libéraux et des conservateurs tranquilles qu'auprès des nationaux-bolchéviques plus militants et plus activistes. Les Russes d'aujourd'hui tentent également de découvrir des auteurs occidentaux auxquels ils n'avaient pas accès au temps de la censure. La révolution conservatrice allemande et la ND franco-italienne, de même que les synthèses nationales-révolutionnaires de tous acabits, influencent les conservateurs musclés et les nationaux-bolchéviques, tandis que les travaux de Max Weber, José Ortega y Gasset, etc. intéressent les nationaux-libéraux. L'engouement pour Nietzsche est général et cela va des réceptions caricaturales aux analyses les plus fines. Dans ce bouillonnement, un penseur original: Lev Goumilev, décédé en juin 1992, considéré comme une sorte de «Spengler russe»; il a élaboré une théorie de l'«ethnogénèse» des peuples, en expliquant que ceux-ci font irruption sur la scène de l'histoire, animés par une passionarnost, une «passion», un instinct, une pulsion. Cette passionarnost s'épuise petit à petit, forçant les peuples vidés de leurs pulsions créatives, à quitter l'avant-scène de l'histoire, puis à sombrer dans l'insignifiance. Goumilev était «eurasiste» et essuyait les critiques de ceux qui revendiquaient une russéité européenne.
Les nouvelles synthèses russes se forgeront dans la lutte, dans cette opposition à l'occidentalisation brutale dont ils sont les victimes. Imaginatifs et prenant les idées beaucoup plus au sérieux que les Occidentaux, les concepts mobilisateurs de demain seront à coup sûr originaux. Et provoqueront l'étonnement de ceux qui veulent tout mesurer à l'aune des statistiques et des chiffres, des bilans et des profits. Et aussi l'étonnement de ceux qui croient, sur les rives de la Seine, les neurones assaillis par les gaz d'autos, avoir trouvé la formule politique définitive et indépassable dans cette panade ultra-mixée, suggérée par certains journaux (un peu comme si vous mélangiez des fraises écrasées dans l'huile de vos sardines, avec une cuiller de chocolat chaud et du müesli, le tout arrosé de Curaçao bleu, avec un zeste de pamplemousse, le tout saupoudré d'ail).
Robert STEUCKERS.
Walter LAQUEUR, Der Schoß ist fruchtbar noch. Der militante Nationalismus der russischen Rechten, Kindler, München, 1993, 416 S., DM 42, ISBN 3-463-40212-2.
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Victoire de Louis le Jeune à Andernach

Victoire de Louis le Jeune à Andernach
08 octobre 876: Victoire de Louis le Jeune sur les Franciens occidentaux à Andernach sur les rives du Rhin. Charles le Chauve, roi de Francie occidentale depuis le partage de Verdun en 843, avait été couronné Empereur par un Pape pro-occidental et anti-germanique, Jean VIII.
Ce couronnement s’est fait au détriment de Louis le Jeune, fils de Louis le Germanique, frère de Charles le Chauve. Louis le Germanique avait reçu le bassin germanique du Danube et les bassins des grands fleuves du Nord de l’Allemagne actuelle, du Rhin à l’Oder et à la Vistule. En 876, Charles le Chauve, précurseur de toutes les invasions françaises qui ont ravagé nos régions, envahit la Rhénanie avec des forces nettement supérieures en nombre.
Louis le Jeune, qu’il prend pour un jeune homme inexpérimenté, dispose de troupes réduites, mais, plus rusé et moins présomptueux que son oncle, bat cruellement les Franciens occidentaux à Andernach sur le Rhin, le 8 octobre 876, ruinant tous les espoirs de Charles le Chauve de reconstituer l’Empire de Charlemagne au départ de ses franges occidentales. Après lui, Philippe Auguste, Philippe le Bel, Louis XI, Louis XII, François I, Henri II, Louis XIV, Louis XV, Napoléon, les idéologues de la IIIième République, les maurrassiens, les maçons autour de Poincaré et Clemenceau, etc. tenteront, en vain, de réaliser ce rêve.
Seules nos régions ont résisté. Elles sont le dernier lambeau de l’Empire de Lothaire et souffrent sous un personnel politique incapable de percevoir ce noyau identitaire profond, sans lequel nos régions n’ont aucune personnalité propre.
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