vendredi, 11 janvier 2008
P. Maugué: questions à la ND
Un texte du regretté Pierre Maugué, décédé prématurément, sur la ND, rédigé dans le feu de la polémique qui avait opposé ses différentes fractions en l'an 2000. Texte toujours instructif, à lire avec le recul qu'impose le temps écoulé...
Pierre MAUGUE :
Questions à la "Nouvelle Droite"
La ND française à la croisée des chemins
La Nouvelle droite française se trouve à la croisée des chemins. Elle n’embraye plus, comme jadis, sur les réalités politiques, économiques, sociales et sociétales de notre époque. Si elle parvient encore à identifier la plupart des problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés[1],elle les analyse de plus en plus du point de vue de Sirius, sans indiquer, sinon des solutions, du moins des voies qui pourraient être sérieusement explorées pour sortir de l’impasse. Elle emploie de plus en plus le langage descriptif et explicatif de l’historien ou du sociologue pour dessiner le monde qui est en train de se construire (ou de se détruire), renonçant à essayer de le changer, et tournant résolument le dos à toute possibilité d’action.
Déconnectant la théorie de la praxis (alors que d’autres déconnectent la praxis de la théorie), elle paraît plus avide d’être reconnue par l’intelligentsia en place que de peser sur le cours de l’histoire, avec tous les risques que cela comporte. Elle oublie que si Marx a eu une influence majeure sur l’histoire politique du dernier siècle, et non pas seulement sur l’histoire des idées, ce n’est pas en raison de son œuvre majeure, Das Kapital, destinée à un cénacle de spécialistes et que pratiquement personne (même parmi les grands leaders et intellectuels marxistes) n’est parvenu à lire en entier, mais par Le Manifeste communiste, fresque grandiose propre à enflammer les imaginations, et traduite dans pratiquement toutes les langues. C’est enfin par la création et l’animation de sections nationales de l’Internationale socialiste que les idées de Marx ont commencé à influer sur l’histoire du monde qui était en train de se faire.
La Nouvelle droite française et ses dirigeants paraissent, quant à eux, affligés du même défaut que la vieille droite d’Action française. En effet, si Charles Maurras fut un penseur qui ne manqua pas de lucidité, il eut une absence quasi totale de stratégie politique, et n’influa jamais réellement sur le cours des évènements.
Cette déconnexion entre théorie et praxis (Nouvelle droite) et entre praxis et théorie (droite populiste), est un écueil majeur, qui se retrouve, à des degré divers, dans toute l’Europe, mais qui semble atteindre son paroxysme en France.
Une série de questions mériteraient d’être débattues. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, nous soumettons la liste suivante :
SUR LA FORME
1 - Peut-on prétendre défendre les traditions indo-européennes de l’Europe dans le cadre d’un mouvement dirigé d’une manière autocratique, contraire au principe de gouvernement des communauté d’hommes libres que l’on retrouve de la Grèce ancienne à la Scandinavie?
2 - Dans une société qui est rien moins que respectable, un souci constant de respectabilité ( qui n’est le plus souvent qu’un alignement sur la politique du politiquement correct) est-il justifié pour la Nouvelle droite ? Reflet d’une mentalité petite-bourgeoise chez ceux-là mêmes qui prêchent une morale aristocratique, est-il compatible avec la conquête de nouveaux territoires idéologiques ?
3 - La polémique ( forme ritualisée du duel) est-elle une arme qui peut être utilisée contre nos adversaires, sans compromettre le sérieux de notre discours ?[3] Faut-il réintroduire l’ironie et l’insolence dans le combat des idées et reprendre, à cet égard, la tradition d’Erasme et de Fischart ?
4 - Peut-on, par crainte d’être accusé de populisme, déconnecter la théorie de la praxis, et prétendre avoir une action sur l’évolution du monde uniquement par l’écrit et la parole ? L’action métapolitique ne comporte-t-elle pas le risque de devenir une justification de l’impuissance ?
SUR LE FOND
5 - Peut-on prétendre défendre la culture millénaire de l’Europe sans défendre prioritairement, avec la plus grande vigueur, toute atteinte portée au socle ethnique de cette culture ?
6 - La question de l’immigration peut-elle être considérée comme transcendant le traditionnel clivage gauche/droite ? Si tel est le cas, doit-on défendre l’idée que le peuple puisse s’exprimer par voie référendaire[4] sur la politique d’immigration et que, si nécessaire, la constitution de l’Etat soit modifiée à cet effet ?
7 - Indépendamment des positions idéologiques de chacun, peut-on, dans une Europe en plein déclin démographique, être en faveur d’une libéralisation excessive de l’avortement, voire même, promouvoir l’avortement ?
8 - La géopolitique est-elle un élément essentiel de toute réflexion politique, et peut-elle être crédible si elle ne s’appuie pas sur les données démographiques propres à l’époque envisagée ?
9 - Même si le fédéralisme ethnique peut apparaître comme le meilleur moyen de protéger la diversité ethno-culturelle de l’Europe, n’y a-t-il pas cependant un risque d’émiettement de souveraineté propre à affaiblir l’Europe, si ce principe est appliqué inconsidérément? Le danger existe-t-il que les Etats-Unis, ou d’autres ennemis de l’Europe, attisent les différences ethniques entre peuples européens pour en faire des facteurs de déstabilisation et les utiliser à leur profit (Diviser pour régner) ?
10- Toutes les religions monothéistes doivent-elles être considérées comme présentant un danger d’égale nature et de même ampleur dans l’optique d’une défense de la composante païenne de l’identité européenne ?
SUR LA STRATÉGIE
11 - Les idées de la Nouvelle droite peuvent-elles être efficacement défendues en Europe par des mouvements qui continuent (même s’ils restent en contact) à marcher en ordre dispersé, alors que l’orientation politique de l’Europe socialo-libérale est de plus en plus déterminée par des institutions communes, à Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg. ? Serait-il opportun de créer une structure de type fédératif pour harmoniser la doctrine et l’action des divers mouvements nationaux ?
12 - Des actions communes, à l’échelle européenne, pourraient-elles être envisagées sur des questions précises ? Par exemple, orchestration d’une campagne demandant que la procédure du référendum d’initiative populaire soit introduite dans tous les pays européens, afin que le peuple lui-même puisse se prononcer sur la politique d’immigration ?
Pierre MAUGUÉ.00:50 Publié dans Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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