mercredi, 26 mars 2008
Nouvelle alternative à la mondialisation
Rodolphe LUSSAC:
Ni Davos, ni Porto Alegre: pour une troisième voie, nouvelle alternative à la mondialisation
D’un côté, Davos, la Mecque du patronat planétaire, le pèlerinage des ultra-riches, le séminaire des évêques de l’ultralibéralisme, nous donne la température de l’univers de l’argent-roi en direct de la capitale éphémère de la World Company. De l’autre côté, Porto Alegre, la grande ferme expérimentale, des hippies high-tec, des anarcho-libertaires recyclés, les gourous d’une humanité juste et paisible, les routards du tiers mondisme et les fidèles répliques du Che, pour nous donner mauvaise conscience et, en passant, laisser quelques larmes sur les favellas brésiliennes, histoire de comprendre quelque chose sur le fossé Nord-Sud. Bref à en croire les apparences, il s’agirait là de deux camps ennemis, hermétiques, bien retranchés, entre le camp des mondialistes et ceux du "non mondialisme". En fait, structurellement, sociologiquement, culturellement et même politiquement, il n’en est rien.
Le camp des mondialistes et celui des prétendus anti-mondialistes sont tous deux affectés par ce que l’on appelle, en sociologie, les vertus de "l’isomorphisme", c’est-à-dire qu’ils possèdent les propriétés structurelles analogues qui permettent une autorégulation et une conservation délétère du système dominant. D’un côté, la légitimité de Davos, de l’autre, la contestation de Porto Alegre, le tout saupoudré à la sauce médiatique et le tout est joué. Tous deux sont de vastes agents de socialisation à l’échelle internationale; ils fonctionnent dans une complémentarité fallacieusement hostile, comme des vases communicants par interposition médiatique. L’un comme l’autre de ces deux camps ont besoin de leurs coups de gueule, d’action spectaculaires pour jouir d’une notoriété médiatique. Il s’agit en fait d’un commerce médiatique. Les deux camps ont l’un comme l’autre besoin de leur façade antagoniste et agressive, pour se médiatiser et se vendre mutuellement, en inculquant systématiquement, d’une façon complémentaire, une culture spécifique et unique à l’échelon planétaire.
Jeunes rebelles sans cause
"Soutenir la croissance et réduire la fracture" le mot d’ordre de Davos. Les deux camps se confortent dans leur rôle de courroie de transmission médiatique réciproque; la participation de soixante-neuf représentants d’organisations non-gouvernementales et de nombreux syndicalistes au côté de représentants de multinationales, n’ont fait que refléter la promotion médiatique d’une version réformiste, humanisée des "globals leaders". Une forme de mondialisation sociale à l’écoute des plus défavorisés. De l’autre côté, à Porto Allegre on est bien loin des cocktails molotov, des affrontements, des gaz lacrymogènes et des voitures incendiés de Seattle et Zurich. Cette fois-ci, on a bien compris le message. A l’ajustement phraséologique de Davos ont répondu les accents institutionnels et réformistes d’une nouvelle forme de mondialisation à visage humain. Le mouvement des sans-terre, l’organisation Via Campesina, le mouvement ATAC, les rescapés de mouvements maoïstes, les crados anarcho-libertaires , les bolchos en tout genre et les étudiants ratés des campus de la nouvelle gauche, ont planché, répartis en cent ateliers, pour affirmer une plus grande participation de la société civile dans le commerce international. Bref les jeunes rebelles sans cause ont bien compris la leçon de leurs paternels. Le forum de Porto Alegre s’est terminé sans déclaration finale. Et pour cause, en l’absence de fondements suffisants pour une réflexion articulée et fructueuse, les participants n’ont fait que leur aveu d’impuissance et de leur incapacité de véhiculer une quelconque vision du monde, un quelconque projet de société, à part le fait de fumer du shit en communauté sous l’oeil bien veillant du Che et de la Passionaria. Le discours révolutionnaire a cédé le pas devant une stratégie réformiste qui rejoint le discours globalisant et rassurant d’une croissance soutenue des pontifes de Davos.
Macdonaldisation des styles de vie
En fait d’un point de vue culturel, Davos et Porto Allegre ne sont que l’alter ego, les deux faces prétendument opposées d’un seul et unique processus de mondialisation qui se propage à l’échelon planétaire, articulé autour d’une dualité complémentaire, le nivellement uniformisateur d’un côté et la micro-hétérogénéité anarchique de l’autre côté. En effet, la mondialisation propage la macdonaldisation des styles de vie, des normes de comportement, des musiques, des modes de consommation par un processus de nivellement culturel uniformisateur. Cette uniformisation est soutenue par les relais médiatiques et non gouvernementaux de la société civile qui propage subtilement le répertoire des normes et des valeurs des droits de l’homme, de la démocratie, de l’économie de marché, de la protection de l’environnement qui s’imposent aux quatre coins du monde. A cela vient se greffer la cyberspace et la hightech culturelle dernier cri.
En effet, d'un côté, on vend en quantité colossale des ordinateurs de dernier cri à des populations du tiers-monde, des représentants de l’élite locale, des intellectuels, des universitaires, des opérateurs sociaux culturels, qui en font la promotion et la commercialisation auprès de leur propre population en louant les vertus de la démocratie de marché, de l’écologie, du féminisme, etc. De l'autre côté, en réaction à la propagation de la culture consumériste et globalisante, se constitue des pôles culturels pseudo-contestataires, des groupes de pression souvent affiliés à des partis d’obédience socialisante voire communisante, qui prônent et génèrent un modèle micro-hétérogène culturel qui se manifeste dans toutes sortes de métissage, de crispations identitaires régionalistes, d’ethnicité , de prêt-à-porter spiritualiste, lesquels seraient bien sûr les remèdes et l’alternative à l’économie libérale, avec une redistribution plus juste des richesses, une solidarité internationale et une humanité plus juste, bref le tralala pleurnichard des alternatifs de tous bords.
Un échappatoire insuffisant et bricolé
En fait, ce camp contestataire est affecté par la maladie de l'hybridation, et ne constitue en réalité qu’un échappatoire insuffisant et bricolé à la culture Mcdonald de Davos, comme les larmoyants refrains sur le terroir pathétique de José Bové. Ce courant d’idée n’est que le rejeton de la mondialisation culturelle et ne peut être perçu comme un véritable mouvement de contre-modernité, car il procède des mêmes matrices individualistes, égalitaristes et économicistes qui font les piliers de la technocratie internationale. D’un côté, le monde de Davos serait une gigantesque Bourse mondiale avec toboggans entre les diverses places boursières mondiales, un argent facile et une frénétique spéculation où se délecteraient les yuppies débiles sur les start-ups du dernier modèle net, les sites, les portals, providers avec tous les barbarismes qui nous en mettent plein la figure: Yahoo, Wanadoo, Amazon, Vizzavi; dans ce parc d’attraction dernier cri, le décrochage définitif de la religion ultra-libérale par rapport à la ringardise économique et sociale de "l'archaïsme" socialo-humain s’opérerait par la promotion et la banalisation des nouvelles technologies, du monde virtuel et de la cyberconscience planétaire. De l’autre côté, le monde de Porto Allegre deviendrait une gigantesque rave party, avec le cannabis légalisé, où gigoteraient des générations entières de pacifistes décervelés, des gourous de l’humanisme techno, des raspoutines ethnos, au-dessus de laquelle s’élèverait un gigantesque nuage de fumée, du hashish recyclé pour préserver la couche d’ozone. Bref, la symbiose des deux mondes se fait par la vénération de l’hyperhédonisme et de l’ultra-rentabilité de milliards instantanés dans une ivresse collective, voilà l’alchimie du mondialisme réalisée, la pierre philosophale de la Word company enfin trouvée.
A l’ordre technocratique néolibéral des high tech trusts de Davos et l’hétérodésordre anarcho-soviet de Port Allegre, une Troisième voie s’impose, véritable alternative philosophique, métapolitique et économique qui soit une force de proposition, non seulement réactive, mais authentiquement et profondément matricielle. Cette nouvelle matrice se propose de :
Soumettre la modernité à un “Modulor”
- Ne pas rejeter la modernité mais repenser la modernité comme le résultat d’une dialectique entre la nature biologique de l’homme, l’organicité de la vie et les constructions de l’intelligence entre lesquels une équation étroite et asymétrique doit être établie au risque d’un débordement abstrait et incontrôlé du phénomène de la technicité, qui s’égare dans un désert d’artificialité, de dissymétrie et de stérilité. Comme chez Le Corbusier, la modernité serait soumise à un "Modulor", une unité de mesure dont les valeurs proportionnelles sont basées sur le corps humain et sur le corps organique social.
- Dénoncer l’imposture libérale qui, depuis Kant, Adam Smith, en passant par Milton Friedman, Hayek et la théorie de la justice de John Rawls, en vient à générer un véritable darwinisme social sous l’appellation sordide d’égalité des chances, processus dissolvant de toute forme de solidarité sociale où le rôle de l’Etat disparaît pour laisser place à la suprématie techno-financière des grands trusts transnationaux;
-La mondialisation est le fruit de ferments individualistes qui, depuis la révolution française et l’avènement du règne de la bourgeoisie mercantile, désintègre tout lien social et empêche toute forme de société d’évoluer organiquement de manière responsable et disciplinée.
Réintroduire le civisme et le loyalisme
L’absence de contrôle social engendre une irresponsabilité collective et individuelle croissante. Face à cette contagion individualiste, la crispation sécuritaire et la répression s’organise à l’échelon planétaire pour contenir la montée de l’incivisme et de la criminalité pandémique. C’est la nouvelle "guerre civile" localisée dont a parlé Hans Magnus Enzensberger, une forme de "brutalisation de la société" qui est le fruit conjugué de l’anomie généralisée, de l’idéologie sécuritaire et l’individualisme moderne. L’homme est dualité: tourné vers le dedans et membre de la cité, sa tragédie intérieure comme son drame politique découlent de cette double et contradictoire orientation; toute vraie politique, toute religion , tout mythe qui prétend ignorer l’un des deux aspects ou supprimer l’une des appartenances est malfaisant. L’être humain et son milieu réagissent en symbiose; c’est pourquoi il sera prioritaire de réintroduire dans les sociétés contemporaines le civisme et le loyalisme des citoyens, comme premier fondement d’une refonte globale du système.
- Face à la conception économiciste, mercantile et sociétaire de la vie sociale et individuelle, face à la sclérose et le déficit des institutions démocratiques qui se manifestent dans la structure des partis politiques et dans les méthodes de travail parlementaire, il convient de restaurer la suprématie de la sphère politique sur celle de l’économique, une politique au service du bien-être général, qui au-delà des clivages politiciens, de l’impuissance, de la gabegie, des luttes partisanes stériles saura sagement combiner l’autorité et la liberté, la hiérarchie et la justice sociale. Ainsi, le primat du politique en tant qu’incarnation d’une "polis" régénérée, saura écarter le plus insidieux et le plus nocif abus de pouvoir commis en Occident qu’est le "scientisme politique", cette prétention du rationalisme qui veut que la raison réglerait seule toutes les relations de la collectivité. Cette restauration du politique, terrain de communion, agira comme principe d’unité spirituelle, comme symbole unificateur d’une nation et ultime ancrage d’une adhésion à la famille de chaire et de sang que sont les nations.
-Dénoncer l’utopie conservatrice et réactionnaire du progrès. Depuis, Marx, Darwin, Rousseau, puis Fukuyama, le courant progressiste, qui croit en un progrès linéaire et continu de l’humanité, confondu avec les performances de l’informatique et des hautes technologies, nous annonce la fin de l’histoire. Or l’histoire même, les guerres, les génocides apportent un démenti radical à l’idée de progrès et même à l’idée de providence. Le mal pourrait se transformer en bien, or la crise de l’idée de progrès résulte de la crise de la représentation du mal, d’un dérèglement de la dialectique du mal et du bien, corroboré par l’absence de représentation du point de démarcation entre le bien et le mal. Toute la philosophie du progrès est à revoir.
Une vision synecdotique et métonymique de l'univers
- Devant l’anti-historicisme de la pensée contemporaine, il convient de réinstaller au cœur de la vie des peuples le sens de l’histoire. L’histoire conçue comme un phénomène culturel, métapolitique et organique indispensable dans la vie et l’affirmation de l’être collectif que sont les peuples, laquelle est une succession de conflits, de mélanges entre le pouvoir consensuel et le pouvoir absolu, la liberté et la contrainte, l’égalité et la hiérarchie, l’initiative et le contrôle multiple, la fraternité et la terreur. L’histoire s’inscrit dans une vision "synecdotique et métonymique de l’univers" qui, dans un espace-temps donné, est le vecteur d’une mise en forme et le moteur d’un ordre de choses, expression d’un espace symbolique collectif, qui tire ses sources d’une dialectique conflictuelle entre le conscient et l’inconscient collectif des peuples.
- A l’idée illuministe et utopique d’une humanité au singulier, substituer le concept d’une universalité régénérée par les valeurs de pluralité, de noblesse et de dignité, une humanité en tant que jonction solidaire et organique entre l’individu, la communauté et leur intégration harmonieuse dans l’espace-temps.
Attirer l'adhésion volontaire des peuples
- Substituer à la conception gestionnaire libérale de l’Etat, la conception et la fonction anagogique de l’Etat souverain, comme créateur de valeurs et de concepts transcendantaux, capables d’attirer l’adhésion volontaire des peuples.
-Dans la lignée de Hobbes et de Bodin, réhabiliter l’idée schmittienne du "nomos", d’un enracinement territorial de l’Etat moderne, à vocation universelle qui supplanterait les mécanismes artificiels multinationaux et régionaux qui servent l’uniformité mondialiste.
-A la suprématie de "l’international law", en vigueur et d’essence anglo-saxonne, en tant que droit international général, impersonnel, uniformisateur, abstrait et indifférencié, le plus souvent instrumentalisé par les puissances dominantes, il conviendra de procéder à une refonte juridique européenne, qui instituera un droit des peuples et des gens générateur d’un ordre de rapports organiques et différenciés entre les nations européennes, garant du respect de la pluralité, de la gradation fonctionnelle et de l’autonomie relative de chaque sujet et composante nationale. Un droit "éminent, central et de souverainetés partielles " —imperium eminens et jus singulare—, en vertu duquel il sera possible d’appliquer le principe pondéré des nationalités qui se substituerait aux divisions et aux inégalités générées par l’actuel "international law".
Hypertrophie logocentrique et refoulement du mythos
-Nous assistons, depuis l’ère philosophique socratique, à une contagion de l’hypertrophie logocentrique, marqué par le phénomène du "refoulement du mythos par le logos", lequel a précédé ce que Heidegger a appelé "la domination du logos", le règne du concept de la raison discursive et narrative précédant la période du nihilisme occidental. A cette image contemporaine logocentrique en laquelle un Logos construit le centre du monde, pour reprendre une expression de Ludwig Klages, il convient de substituer une nouvelle forme de déconstructivisme philosophique comme paradigme d’un nouveau nihilisme actif. Il ne s’agit pas ici d’opposer le "mythos", le langage en "état stationnaire", au soi-disant "logos" , " le langage en processus", car la démonstration irréfutable a été faite que le logocentrisme depuis les Lumières, et jusqu'à nos jours, a été contaminé par un esprit de vengeance et de ressentiment, ce que Gabriel de Malby, à la veille de la révolution, illustrera par ces termes: "Vengez les droits de l’homme, c’est à quoi se réduit la poétique de l’histoire". De sorte que le logocentrisme de la philosophie contemporaine est devenu l’une des expressions les plus conservatrices et les plus totalitaires dans l’interprétation de la vérité et du monde. Il convient donc de substituer à cette interprétation logocentrique du monde une interprétation "épochale" de la vérité et du monde, permettant un retour à l’essence humaine, conçue non pas comme une hégémonie de la présence, mais comme la perception active d’un perpetuum mobile de la remontée vers l’en-deçà de l’abaissement et de la réduction logocentrique. Cette position déconstructiviste ouvrirait la voie vers une forme de philosophie active, qui pour combattre les théories totalitaires, ne l’affronte pas par un affrontement critique mais par le biais d’une pensée créatrice, qui dépasse, transcende les oppositions, les contraires vers une forme de synthèse totale.
Le rôle actif, créateur et novateur du mythe
-Réinstaller dans l’histoire collective des peuples le rôle actif, créateur et novateur du mythe. Non pas le mythe conçu comme l'image archaïque et stationnaire, passéiste, d’une figure fondatrice, mais comme le vecteur de nouvelles potentialités créatrices à l’oeuvre dans l’inconscient collectif et individuel des peuples. Même si, selon la définition de Lévi-Strauss, le mythe a longtemps été considéré comme une onde stationnaire, il est néanmoins certain que cette onde stationnaire est soumise à des ruptures. La rupture dans l’histoire contemporaine consiste dans le clivage entre l’entropie du mythe prométhéen progressiste et utopique des sociétés contemporaines et les leçons qualifiées comme "régressives" de l’histoire, ponctués d’événements tragiques à rebours d’un sens linéaire et progressiste de l’humanité. Tout comme le langage, dont Deleuze et Foucault ont démontré qu’il s’agissait d’un composé de rapport de force, nous assistons, à l’époque contemporaine, à une scission entre le théâtre des énoncés c’est-à-dire, la glose médiatique et conformiste promettant la fin de l’histoire et l’avènement du bien-être de l’humanité entière, et la réalité du champ de visibilité quotidien c’est-à-dire l’actualité cruelle de tous les jours, une scission entre le primat du parler et de la penser unique et de l’irréductibilité du visible. C’est précisément à l’intersection de cette scission, que nous entendons restaurer le rôle créateur du mythe, non plus comme une onde stationnaire, mais considéré comme une onde dynamique et dialectale d’un rapport de forces.
Non pas le mythe fondateur de jadis mais une nouvelle forme de "mythe constitutif" et dynamique, constitutif de "jus terrae", projection archétypale du "jus spiritus", substituant au processus de la sécularisation de l’histoire et à sa réduction à une forme d’engineering realpoliticien et calculateur, la matrice et support d’un nouveau droit, facteur "historicisant", d’une affirmation souveraine, d’une négation radicale, d’une confrontation constante de forces opposés et irrationnelles en perpétuel devenir. Le "logos" mondialiste, qui désagrège les continuités naturelles et historiques, crée des séismes épistémologiques, marqués par le signe de l’inadéquation. Lorsque l’on entre dans le champ de la mondialisation technicienne, nous s’assistons plus aux transmutations mais à l’action des forces mutilantes, et au règne des mutations brutales.
Le logos mondialiste élimine le rôle cognitif de l'imagination
A la relation corps-âme-esprit de l’univers du "mythos" se substitue l’inéluctabilité d’un dualisme foncier qui relègue l’imagination et l’inconscient à la folie. Car l’espace du "mythos" est l’espace de la transmutation qui ne s’épanouit que par l’imagination. Notre nouveau mythe constitutif voyage à travers d’autres cultures qu’il assimile par l’espace de transmutation. C’est-à-dire que la convergence s’opère au plan des symboles. La transmutation du "mythos" possède une faculté transfiguratrice en vertu de laquelle un symbole, un archétype, sort de sa propre constellation, passe à la suivante, s’y installe, en subit l’impact mais retrouve sa propre origine et longueur d’onde, sans dégrader le champ d’allégorie et sans mutilation. Le "logos mondialiste" élimine le rôle cognitif de l’imagination en lui substituant le langage virtuel. Dès lors, à la transmutation des formes symboliques se substituent des mutations de toutes espèces, avec l’explosion de contenus étrangers dans des formes inadéquates à les contenir et le résultat est l’apparition de formes hybrides, des monstres de Frankenstein, un bricolage idéologique produisant des amalgames construits des plus pervers. Seul le "mythos" qui conquiert, digère et intègre par voie de transmutation est en mesure de parvenir et de faire croître le "telos" des grandes cultures universalisantes.
Face aux passéismes oniriques des souverainistes et l’absence de vision d’avenir des technocraties gouvernantes, le seul choix historique est désormais entre l’Europe, en tant que communauté spirituelle de nations unies par la même histoire, la même culture et le même destin, et l’ultralibéralisme américain fondé sur le consumérisme cosmopolite. A la rhétorique médiatique dominante, pleurnicharde et fallacieuse quand elle évoque le fossé Nord Sud, le fossé entre riches et pauvres, il conviendra de dénoncer prioritairement le génocide culturel et identitaire européen. C’est pourquoi, l’européanisation indispensable des nations européennes se fera sous la forme de cercles concentriques qui, de façon centripète, agiront à partir des axes "piémontais" franco-germanique, germano-mitteleuropéen, et germano-russe, fondement de l’unité et de l’idéal symphonique grand européen.
Rodolphe LUSSAC.
00:35 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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