Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 10 avril 2008

Quête spirituelle: au coeur du labyrinthe

1597438109.jpg

 

Christophe Levalois: «Au cœur du labyrinthe». Méditations sur la Quête spirituelle

 

Fort élégant et sobre, dans le sens traditionnel de ces ter­mes, tant par la présentation que par le choix de la typo­gra­phie, c'est un substantiel volume de poèmes que nous offre Christophe Levalois, qui a déjà publié plusieurs remarqua­bles études, traduites en plusieurs langues, sur différents as­pects des doctrines traditionnelles.

 

Retenons principalement: un petit ouvrage d'une rayonnante clarté sur le symbolisme du Pôle (Nord) (l), et l'origine my­thique d'une terre correspondante, dans les expressions du divin d'Orient ou d'Occident. Plusieurs études sur la royauté (2) dans son acception la plus élevée, une participation passionnante à une Enquête sur la Tradition aujourd'hui (3), un ouvrage capital par sa densité et sa concision sur la crise du monde moderne (4) à l'aune des principes des diverses formes du Sacré, et un volume sur les mythes et traditions du loup (5) où la rigueur de l'exposition des données histo­ri­ques ne le cède en rien à celui de la connaissance des cou­tumes, des légendes et des symboles de cet animal noble, so­lidaire et courageux qui, nous dit l'auteur, «servit de modè­le aux redoutables confréries guerrières indo-européennes».

 

Notre époque a bien du mal à apprécier la poésie, sans doute parce qu'elle a autant de difficulté à appréhender de façon orthodoxe l'intériorité des doctrines traditionnelles. Préférant leur substituer soit de laborieux exercices de lan­ga­ge, soit les fadaises du New Age . Rien de cela ici, et nous n'irons pas par quatre chemins pour dire ce que nous a­vons ressenti à la lecture méditative de ces pages magni­fi­ques où se mêle avec bonheur la moelle de l'authenticité du message au miel harmonieux du style et du choix des mots. Cette quête, telle un rayon solaire immanent à la Vérité, re­joint le centre du flamboiement et étincelle par les arabes­ques qu'elle tisse sur l'être et l'univers.

 

Questionnement du Sphinx

 

Précipitez-vous auprès de l'éditeur, car comme bien des re­cueils de poésie le tirage est limité, et nous ne saurions trop insister sur la belle et nue qualité de ces textes, qui vous feront entrer dans le prochain millénaire, un peu plus serein et avec, chevillé au cœur, la sensation d'avoir franchi com­me un pont sur l'invisible. Quatre parties, qui sont comme les balises du travail alchimique, respectivement intitulées, «I, Retournement, II, Mort et rectification, III, Cheminement, et IV, La lumière du cœur », l'ensemble couronné par une ou­verture ou un «portique», —à l'image du célèbre questionne­ment du Sphinx—, et des citations des plus beaux écrits de mystiques, pour entrer en douceur dans la quête spirituelle et au cœur de «ce» labyrinthe.

 

Comme l'avait écrit Frithjof Schuon dans un hommage au Shaykh Ahmad al-Alawî décédé: «Il arrive parfois, à notre é­poque où le doute et l'esprit utilitaire s'étendent en une cou­che uniforme toujours plus envahissante, que nous ayons des contacts avec des mondes dont la vie coule encore, sem­blables aux lourds fleuves d'Asie, selon des rythmes sé­culaires» (6). Le poème «L'Anneau d'or » par exemple, nous mets en relation immédiate avec ces mondes dont Schuon nous parle, tout en secouant l'acédie, le relâchement qui sans cesse nous guette, cf., «Naître une deuxième fois», «Re­composer dans l'harmonie», et appeler à notre vigilance autant qu'à notre sens du discernement entre l'Absolu de Dieu et la relativité de notre humaine condition. Or le rythme «sé­culaire» ou pérenne, est le lieu possible où se déploie la parole, levain de la langue parce que nativité du Réel inté­gral. Il y a ici une alternance des modes qui métamorphose le «métal» du mental dans l'or de la quête où se transfigure l'être profond.

 

Devenir un souffle

 

Pour franchir la porte —entre toute au cœur du labyrinthe— qua­trième et qui clôt (momentanément) le livre, une citation en provenance du Mahâbhârata: «Là nul n'était supérieur aux autres, tous avaient même luminosité (...)». Comment ac­quérir cette luminosité? Dans «Ici et là» l'auteur nous murmure qu'il faut: «Avoir des certitudes qui meurent, Et se renouvellent à chaque instant. Se débarrasser de l'être, Il finit par encombrer. Devenir un souffle».

 

Il n'est pas assuré, avec le nivellement du mode de vie mo­derne, que tous comprennent la signification d'une pareille sentence, comme nous l'enjoint le Mahâbhârata, et selon l'ex­pression miroitée et métaphorique de Christophe Leva­lois. Peut-être pourrait-on se risquer au commentaire sui­vant: c'est par leur participation originelle à la dimension pro­prement miraculeuse de l'existence que «les créatures, quel­les qu'elles soient, sont rigoureusement égales. L'existence, ou encore, comme dit Frithjof Schuon, la non-inexistance, con­stitue une différentielle radicale d'avec le néant. De ce point de vue, il n'y a pas de plus ou de moins» (7). Néan­moins, il est de la nature de l'homme de transcender l'œuvre au noir dont il est composé, et c'est ce que confirme le poè­me «Du visible à l'invisible », qui nous propose «d'Etre un pont», afin que «Rayonne un anneau d'or, (...) soigneuse­ment déposé, (...) [que] l'on ne regarde pas avec l'œil du premier corps» («L'Anneau d'Or»), [mais] «Par les ailes de l'es­prit, Où il n'y a finalement plus rien» («Du cœur de l'être»), et où l'on peut, «Rassembler le tout, Et le laisser. Pour un presque rien, Qui est plus que tout» («Rassembler ce qui est épars»).

 

Bien des sons et des accents de ces poèmes, gorgé de ma­gie polaire, de la tendresse simple et altière des sous-bois, nous ont rappelé le grand écrivain norvégien Tarjei Vesaas et son Palais de glace (8).

 

Ce petit volume étincelant, s'achève (ou s'ouvre à nouveau?) sur ce splendide extrait d'une des Odes mystiques de cet É­veillé qu'était Djalâl-od-Dîn Rûmî: «Quand tu auras trans­cendé la condition de l'homme, tu deviendras, sans nul dou­te, un ange. Alors, tu en auras fini avec la terre; ta demeure sera le ciel. Dépasse même la condition angélique; pénètre dans cet océan, afin que ta goutte d'eau puisse devenir une mer».

 

Supplément au n°4, de la revue Tradition, ce volume est à com­mander auprès du Cercle «SOL INVICTUS», c/o, M. Arnaud Guyot-Jeannin, 1 rue du Bois-de-Boulogne, F-92.200 Neuilly-sur-Seine, France. Prix: FF 60.- frais d'envoi en plus.

 

© Olivier DARD, Genève, décembre 1999.

 

(1)  Voir La Terre de lumière, le Nord et l'origine, Bordeaux, Éditions PCL, 1985.

(2) Entre autre, Symbolisme de la décapitation du roi, Éditions Guy Trédaniel, Paris, 1992; Principes immémoriaux de la royauté, Éditions Le Léopard d'Or, Paris, 1989.

(3) Publiée sous la direction d'Arnaud Guyot-Jeannin, Enquête sur La Tradition aujourd'hui, Éditions Guy Trédaniel, Paris, 1996.

(4) Les temps de confusion: essai sur la fin du monde moderne, Éditions Guy Trédaniel, Paris, 1991. Par ses citations extraites des meilleu­res sources, ce livre met utilement et avec une bienheureuse effica­cité les «pendules à l'heure», dans la perspective ouverte par Re­né Guénon, Julius Evola ou Ananda K. Coomaraswamy, en ce qui con­cerne toutes sortes de divagations et d'erreurs dans lesquelles sont tombées les sociétés occidentales depuis l'avènement de «l'Age som­bre» encore appelé Kali-Yuga par les Hindous.

(5) Le loup, mythes et traditions, Éditions Le Courrier du Livre, Paris, 1997.

(6) ...Rahimahu Allah («Qu'Allah lui soit miséricordieux!») in: revue Les Cahiers du Sud, août-septembre 1935.

(7) Jean Borella, «Logique du Non-Dualisme», page 20, in: Connais­sance des religions, Vol. III/n°4, mars 1988.

(8) Traduit du norvégien par Élisabeth Eydoux, introduction et chro­no­logie par Régis Boyer, Editions Garnier-Flammarion, n°423, Paris, 1985.  

00:49 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les commentaires sont fermés.