Pour les Etasuniens, ce début de millénaire a tourné au cauchemar. Touchés dans leur territoire-sanctuaire le 11 septembre 2001, ils voient depuis s'effondrer chacune de leurs certitudes. Fierté nationale et coûteux pilier de leur superpuissance, l'armée est embourbée en Irak et en Afghanistan. A l'exception de la Colombie, les marines ont été chassés de leur ancienne arrière-cour sud-américaine, illustrant le recul de l'influence US partout dans le Sud. Créations de Washington, le FMI et la Banque mondiale n'ont jamais été autant contestés. Cet affaiblissement du leadership mondial s'est doublé d'une profonde remise en question de son modèle de développement, pourtant vieux d'un demi-siècle. Coup sur coup, la crise écologique et le fameux peak oil ont révélé à la population les limites de la civilisation de la consommation, de la voiture et des exurbs. Puis la crise des subprimes est venue toucher la quintessence même du rêve américain : la maison individuelle pour tous.


Encore groggy, les Etats-Unis commencent à réaliser que le temps de la vie à crédit – auprès de la nature ou des autres nations – est terminé. Qu'un autre paradigme écologique et économique est à inventer d'urgence. Un nouveau contrat social à rédiger. L'effondrement de Wall Street et de son château de cartes spéculatif devrait éclairer les plus utopistes.


Face à cette crise, profonde, brutale, la pire depuis trois générations, la campagne électorale qui vient de s'achever laisse songeur. Ceux qui attendaient le successeur de Franklin Roosevelt ont dû se contenter d'une répétition du débat de 2000 entre George Bush et Al Gore. Une pincée de social et de biodiesel contre une double dose de fuite en avant: quel "changement" ! Comme tous les traumatismes, la crise actuelle exigera du temps pour être assimilée. Mais à voir la docilité des électeurs à suivre les sillons des seuls prétendants autorisés par les médias et les lobbies, il n'est pas sûr que la démocratie nord-américaine ait aujourd'hui les ressources de proposer une autre voie. »



Benito Perez, Le Courrier, 2 novembre 2008