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jeudi, 25 décembre 2008

"Global Trends 2025" : le rapport des services secrets américains

 

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Günther DESCHNER :

 

« Global Trends 2025 » : le rapport des services secrets américains

Trois ans après la disparition du Rideau de Fer, les présidents américains estimaient encore que le monde était « OK ». George Bush Senior ne doutait pas un instant, à l’époque, qu’avec « l’aide de Dieu », il gagnerait bientôt la Guerre Froide et qu’il récolterait les fruits, à l’échelle globale, de cette épreuve de force qui avait duré quelques décennies. Il disait : « Un monde qui était jadis partagé entre deux camps armés reconnaît désormais une seule grande puissance hégémonique, celle des Etats-Unis d’Amérique. Les peuples du monde sauront apprécier cette situation et ils nous font confiance de toutes leurs forces ».

Depuis ce « Discours à la Nation », seize années se sont écoulées qui ont ébranlé la conscience de soi des Américains jusqu’en ses fondements et, surtout, qui ont changé radicalement le monde. Les plans pour sauver le monde, qu’avait jadis concocté le successeur de Reagan, ont échoué et pas seulement à cause de la démesure de son fils George W. Bush ou à cause des attentats du 11 septembre 2001 ou des guerres en Afghanistan et en Irak. L’effondrement du système financier américain, le déficit toujours constant et croissant du budget de l’Etat américain, les graves problèmes économiques et l’état désastreux de la société américaine elle-même, jettent toujours davantage le doute dans l’esprit des observateurs : ils se demandent si l’Amérique sera en mesure, dans les années à venir, de conserver son rôle d’unique puissance internationale capable de maintenir l’ordre dans le monde.

Des guerres civiles et ensuite l’effondrement du pays ?

Les titres des journaux et les interrogations se succèdent : « Est-ce la fin de l’ère américaine ? » ; « Le monde post-américain » ; « Le modèle américain a fait son temps » ; « Que s’est-il passé avec l’Empire américain ? ». Il n’a pas fallu attendre la crise financière pour que les titres de livres ou d’articles de cet acabit se repèrent largement dans les médias, où l’on prévoit ainsi, de manière récurrente, le déclin de « l’hyper-puissance américaine » et où l’on prophétise des constellations de puissance entièrement nouvelles sur l’échiquier géopolitique. L’étude, qui est allé le plus loin dans ce sens, a été commencée il y a une dizaine d’années et a été achevée et présentée en novembre dernier ; elle émane de la « Faculté des Relations Internationales » de l’Académie Diplomatique du ministère russe des affaires étrangères. Son Doyen, le politologue Igor Panarine, pronostique, dans les conclusions de l’enquête, que les dissensions qui déchirent d’ores et déjà la société américaine déboucheront, dans les prochaines décennies, sur des guerres civiles et sur l’effondrement du pays qui se morcellera en plusieurs parties.

Certes, derrière toutes ces thèses et ces slogans sur le déclin éventuel de la superpuissance américaine, se profilent les habituels vœux pieux des Anti-Américains de tous acabits ou une volonté de broyer du noir ; il n’empêche qu’aux Etats-Unis aussi ce genre de spéculations ont cours désormais. Ainsi, le NIC (« National Intelligence Council »), émanation des services secrets et cellule centrale en charge de formuler les prévisions pour le moyen et le long termes, centralise les informations et les analyses de pas moins de dix-huit services de renseignements américains et considère aujourd’hui que la domination globale qu’exercent les Etats-Unis est sur la voie du déclin. Le NIC analyse la situation de la seule superpuissance encore en lice et prévoit qu’au cours des vingt prochaines années elle perdra très nettement de la puissance sur les plans économique et politique. Les prévisions du NIC n’excluent pas l’émergence de guerres nouvelles.

Dans l’étude publiée par le NIC et intitulée « Global Trends 2025 », on trouve cette phrase significative : « En 2025, on ne reconnaîtra presque plus le système international, qui s’est constitué après la seconde guerre mondiale ». La cause de cette mutation globale provient surtout, d’après le NIC, de la montée en puissance d’autres grands acteurs globaux, de la croissance de pays encore émergents aujourd’hui, de la globalisation de l’économie et du transfert historique du développement et de la puissance économique de l’Ouest vers l’Est. Le texte annonce aussi la possible émergence de conflits internationaux pour les matières premières et les ressources. Dans les deux décennies qui s’annoncent, il y aura plus de troubles et de conflits dans le monde. Les denrées alimentaires et l’eau potable se raréfieront et les armes prolifèreront.

Jamais auparavant, ce rapport du NIC, qui est établi tous les quatre ans et qui se base sur une vaste enquête, menée auprès d’experts dans le monde entier et d’estimations dérivées d’analyses posées par des services secrets, n’avait eu un ton aussi pessimiste quant à la position des Etats-Unis dans le monde. Thomas Fingar, chez qui arrivent tous les rapports des analystes et des experts avant la rédaction finale, considère qu’en 2025 les Etats-Unis resteront certes « la plus grande puissance au monde » mais qu’ils seront « moins hégémoniques » qu’avant. Fingar est l’homme qui fut vice-directeur des autorités officielles en charge de collecter de tels renseignements et analyses. Depuis, il est devenu le chef du NIC. Fingar parle allemand et chinois ; il a d’abord enseigné dans diverses universités et hautes écoles, ensuite, il fut, pendant de nombreuses années, le principal analyste des questions militaires, attaché au quartier général de l’armée américaine à Heidelberg en Allemagne ; à ce titre, il dépendait du département des services secrets et de la recherche du ministère américain des affaires étrangères.

L’étude « Global Trends 2025 » cite toute une série de raisons expliquant l’évolution des vicissitudes politiques, telles que les perçoivent les services secrets américains : le processus de globalisation se poursuivra, explique le rapport du NIC, et il apportera, d’une part, un accroissement de l’abondance, et, d’autre part, de plus fortes inégalités. « Le fossé entre riches et pauvres, aux niveaux international, régional et intra-étatique, ne cessera de croître ».

L’hégémonie américaine sera soumise à une forte érosion au sein du système international, sur les plans militaire, politique, économique et culturel ; « et cette érosion ira en s’accélérant, sauf sur le plan militaire ». Même si la dimension militaire des Etats-Unis sera encore longtemps celle d’un géant, c’est sans doute le domaine qui s’avèrera le moins important. « Personne ne nous attaquera avec des forces conventionnelles et massives. Car la dissuasion nucléaire fonctionnera ». Les analystes de Fingar prévoient toutefois une perte d’importance dramatique pour les grandes organisations internationales : elles seront de moins en moins en mesure d’affronter les nouveaux défis d’un monde globalisé. Ce seront surtout l’ONU, l’OMC, le FMI, la Banque Mondiale, et aussi l’OTAN  qui seront frappés par ce désintérêt général et ce déclin. « Nous avons besoin d’autres institutions ou de transformer ou de réanimer celles qui existent, afin qu’elles puissent s’occuper des conséquences de la globalisation ».

Les Etats-Unis sont plus stables sur le plan démographique que l’Europe, la Russie et le Japon

Fingar craint toutefois que le mécontentement dans le monde face à la politique américaine devienne si important que toute idée lancée par l’Amérique, pour qu’elle soit mise à l’ordre du jour, soit d’emblée discréditée, aussi bonne soit elle. Les propositions formulées par la Russie, la Chine, l’Inde ou l’UE seront elles aussi dépourvues de crédibilité chez les puissances tierces et grevées de doutes et de scepticisme. « Personne ne sera en mesure, pendant assez longtemps, de prendre en charge le leadership dans le monde et d’aider à promouvoir les changements nécessaires dans le système international ».

Les modifications climatiques, estime l’étude du NIC, auront des conséquences politiques, bien qu’indirectes, et provoqueront des chutes de gouvernement et des  guerres. Ces modifications climatiques n’auront peut-être pas le poids nécessaire pour faire basculer seules les choses mais elles seront, dans bon nombre de cas, le petit élément de trop, pareil « au brin de paille qui brise l’échine du chameau », c’est-à-dire le complément inattendu, imprévu, qui donnera le coup de grâce à des gouvernements faibles ou à des Etats en voie de décomposition ».

Les migrations augmenteront partout dans le monde et en modifieront les structures politiques : toujours davantage d’hommes voudront quitter leurs pays appauvris et chercher de meilleures conditions de vie dans des Etats prospères et moins frappés par les modifications climatiques.

L’étude laisse une place importante au facteur démographique : l’Europe occidentale, la Russie et le Japon, dans une vingtaine d’années, se retrouveront dans une situation où pour chaque citoyen actif, il faudra compter deux retraités. « C’est là une charge fort lourde pour la croissance économique », conclut le rapport. C’est donc à ce niveau démographique que Fingar estime que les Etats-Unis se trouvent dans une meilleure position : « Parmi les pays hautement développés, nous sommes presque seuls dans ce cas : nous aurons toujours une croissance démographique en hausse ».

L’étude estime ensuite que les questions de sécurité énergétique pèseront d’un poids politique plus considérable que les idéologies : le désir de s’assurer des matières premières énergétiques ne cessera de croître et pas seulement en Occident, surtout chez les puissances émergentes comme la Chine et l’Inde.

Parmi les autres thématiques de ce travail considérable, riche d’idées : les conséquences de la catastrophe financière de 2008, le changement climatique, les technologies du futur, le rôle stratégique de l’Arctique, la raréfaction de l’eau potable, les conflits armés de l’avenir, la fin d’Al Qaeda, le danger des pandémies globales.

Günther DESCHNER.

(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°52/2000 – N°1/2009, traduction française : Robert Steuckers).

L’étude du NIC, intitulée « Global Trends 2025 » se lit sur internet : http://www.dni.gov/nic/PDF_2025/2025_Global_Trends_Final_Report.pdf

 

 

 

 

Commentaires

Bonjour,

je cherche l'adresse e-mail de M. Steuckers, afin de pouvoir l'inviter à une soirée sur l'actualité géopolitique à Louvain, le jeudi 5 mars 2009.

Merci d'avance.

Bien à vous,
R.D. Wiedijk.

Écrit par : Ruben Wiedijk | samedi, 27 décembre 2008

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